Le Sicilien ou l’Amour peintre de Molière, musique de Jean-Baptiste Lully, mise en scène de Vincent Tavernier

Le Sicilien ou L’Amour peintre de Molière, musique de Jean-Baptiste Lully, mise en scène de Vincent Tavernier

Cette comédie-ballet en un acte créé en 1667 donc six ans avant sa mort juste après une représentation du Malade imaginaire, mêle chants, danse et comédie avec un équilibre entre intermèdes musicaux, jeu, chants et ensembles vocaux. Ancêtre direct de l’opérette et de la  comédie musicale, elle fut reprise à la Comédie-Française en 1679, avec, cette fois, une musique de Marc-Antoine Charpentier, puis en 1780, avec celle d’Antoine Dauvergne et enfin, pour la recréation en 1892, sur une partition de Camille Saint-Saens. La compagnie Les Arts florissants l’a remontée avec la musique de Lully en 2005… Une lecture de cette œuvre -à laquelle nous n’avons assister-  en a été récemment proposée, au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, sous la direction artistique de Nicolas Lormeau.

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Vincent Tavernier a monté dix comédies et comédies-ballets de Molière. Celle-ci se passe sur une place publique de Messine dans une Sicile fantasque. Adraste, un élégant Français est très amoureux de la belle Isidore, une esclave grecque dont Don Pèdre, un Sicilien est aussi très amoureux qui entend bien se la garder comme Arnolphe dans L’Ecole des Femmes. Et il la surveille de près, quand Adraste, venu faire son portrait, soi-disant à la place d’un ami indisponible, essaye de lui parler. «Oui, jaloux de ces choses-là; mais jaloux comme un tigre, et, si vous voulez, comme un diable. Mon amour vous veut toute à moi.» Adraste, avec son valet turc Hali qui a tout compris : «Mais il est, en amour, plusieurs façons de se parler; et il me semble, à moi, que vos yeux, et les siens, depuis près de deux mois, se sont dit bien des choses. » Adraste lui va se lancer dans une aventure risquée  pour «tirer cette belle Grecque des mains de son jaloux ». Et il l’aime: «plus que tout ce que l’on peut aimer, et je n’ai point d’autre pensée, d’autre but, d’autre passion, que d’être à vous toute ma vie. » Il réussira à séduire la belle jeune fille en s’introduisant chez Don Pèdre et s’enfuira avec elle. L’intrigue de la pièce est bien mince, mince, entre comédie-ballet et farce, avec mascarade avec à la fin, une entrée de Maures que dansaient Louis XIV, Mademoiselle de Lavallière… costumés eux aussi, y dansaient.. C’est ce divertissement en une heure que Vincent Tavernier, qui a monté Le Médecin malgré lui, Le Mariage forcé et Le Malade imaginaire, a mis en scène pour célébrer le quatre centième anniversaire de Molière.

Cette comédie-ballet comme M. de Pourceaugnac créée deux plus tard et dont Lulli avait aussi écrit la musique des chansons et des danses est une forme hybride mais intéressante, ancêtre de notre comédie musicale. Et le metteur en scène la considère un « passage de relais » entre les arts. De fait, la musique inaugure puis passe le relais aux comédiens qui le passent à leur tour aux danseurs qui vont encore le passer, et ainsi de suite. La difficulté ici est celle de l’unité de style car ce n’est pas une juxtaposition mais une progression. La danse, par exemple, va alors amplifier le propos, le théâtre va le récupérer et de façon différente que précédemment… Il s’agit là d’une construction, somme toute très sophistiquée, que je trouve intéressante, c’est l’enjeu même de la forme de la comédie-ballet que seul, Molière a parfaitement maîtrisée selon moi.»

Reste à la mettre en scène aujourd’hui… Cette représentation a eu lieu au Montansier à Versailles, un beau théâtre à l’italienne avec une très bonne acoustique, inauguré en 1.777 par Louis XVI et Marie-Antoinette qui pouvait y accéder par un couloir privé depuis le château situé à quelque cent mètres. Comme seul décor, une petite maison aux murs ocres et à tuile romaines avec deux portes et une fenêtre en haut. Assez conventionnel ou au second degré? Une peu sale en bas mais bon… Rien à dire sur l’impeccable direction musicale d’Hervé Niquet ou de  Nicolas André, les chants et la chorégraphie de Marie-Geneviève Massé. Mais la mise en scène souffre singulièrement de rythme -les petites scènes se succèdent, curieusement sans véritable fil rouge- et nous avons même droit à quelques incursions d’Ali dans la salle, un procédé plus qu’usé! Quant à l’interprétation très médiocre, elle flirte avec un certain amateurisme: comment croire une seconde à ces personnages quand les acteurs, même s’ils ont une bonne diction, semblent être ailleurs et ânonnent parfois leur texte. Et mieux vaut oublier les costumes d’une laideur accablante et sans unité : un mélange, sans doute voulu, entre une époque vaguement Louis XIV pour les chanteurs et musiciens, un exotisme de pacotille pour ceux d’Isidore et d’Ali, et le XXème siècle pour Adraste et Don Pèdre, lui en complet veston et cravate! Sans doute une petite provocation teintée d’un vague brechtisme! Comme, pour faire davantage théâtre contemporain, les deux petits castelets portatifs de marionnettes, une référence au célèbre 1789 d’Ariane Mnouchkine, ? Que sauver de cette médiocrité: seule la musique discrète mais savoureuse de Lully, excellemment interprétée par le Concert spirituel d’Hervé Niquet mais c’est tout… Nous avons vite décroché! Le public versaillais, en majorité aux cheveux blancs ou grisonnants et visiblement peu exigeant, a, lui, beaucoup applaudi. Les places ne sont pas données: de 39 à 26 € ! Tarif réduit pour les moins de vingt six ans à 15 €. Mais vous aurez compris qu’il est inutile de vous déplacer.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 21 avril, spectacle vu le 20 avril au Théâtre Montansier, 13 rue des Réservoirs, Versailles (Yvelines). T. : 01 39 20 16 00.

 

 

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