Trézène Mélodies, L’Histoire de Pèdre en chansons, d’après Jean Racine et Yannis Ritsos, mise en scène et musique de Cécile Garcia Fogel
Trézène Mélodies, L’Histoire de Phèdre en chansons, d’après Jean Racine et Yannis Ritsos, mise en scène et musique de Cécile Garcia Fogel
Avec cette pièce en forme d’oratorio, la metteuse en scène tisse fragments de la célèbre tragédie classique, extraits du Mur dans le miroir et Phèdre du poète grec. L’action se passe à Trézène, dans le Péloponnèse: Phèdre se meurt d’amour pour son beau-fils Hippolyte. Quand on lui annonce la mort de son mari Thésée, parti combattre dans les Enfers, elle ose, sur les conseils de sa nourrice, la perfide Oenone, avouer sa flamme au jeune homme. Amoureux de la princesse captive Aricie, Hippolyte horrifié, la repousse. Thésée qui revient, trouvera son épouse pendue et accusant son fils de viol. Le Roi déchaîne alors le courroux des Dieux sur l’innocent garçon…
Ce court spectacle nous fait revivre les moments-clefs de la tragédie dans l’intimité des personnages. Nous retrouvons avec plaisir la langue musicale de Racine jusqu’au magnifique récit de la mort d’Hippolyte par Théramène qui clôt la pièce: «À peine, nous sortions des portes de Trézène, /Il était sur son char; ses gardes affligés/ Imitaient son silence, autour de lui rangés / Il suivait tout pensif le chemin de Mycènes… » Les textes de Yannis Ritsos font planer, entre les épisodes, un climat délétère. Avec une tonalité contemporaine il plonge dans le quotidien tourmenté de l’héroïne enfermée chez elle: «Cette maison est remplie de ton ombre. La maison est un corps – je le touche, il me touche, se colle à ̀ moi, la nuit surtout. Les flammes des lampes me lèchent les cuisses, les flancs, leur lave me brûle, me rafraîchit, me désigne. »
La pièce est entièrement chantée. La musique, assez monocorde et répétitive, laisse entendre la fluidité des alexandrins, les lamentations et les plaintes des héros et se durcit pour faire sonner la prosodie heurtée et sensuelle de Yannis Ritsos. Elle se teinte d’accents empruntant aux âpres mélodies méditerranéennes et au rebetiko des anarchistes grecs. A la guitare sèche ou électrique, Ivan Quintero, qui signe les arrangements, impulse un rythme au chant de Cécile Garcia Fogel (Phèdre et Théramène) et Mélanie Menu (Aricie, Oenone, Aricie, Hyppolite). Elles monologuent, dialoguent ou entrelacent leurs voix avec simplicité, sans chercher la performance.
Même simplicité dans la scénographie de Caroline Mexme : poteries, amphores, sable noir répandu pour circonscrire des aires de jeu. Un amas de chaises, sièges des personnages absents… Un dispositif léger et facile à implanter en tout lieu. Un beau concentré de Phèdre, qui, en à peine une heure, nous emporte avec émotion aux portes de Trézène…
Mireille Davidovici
Jusqu’au 30 avril, Théâtre 14, 20 avenue Marc Sangnier, Paris (XIV ème) T. : 01 45 45 49 77
Le Mur dans le miroir anthologie de poèmes de Yannis Ritsos, traduction de Dominique Grandmont, Gallimard, collection Poésie.
Phèdre, traduction d’Anne Personnaz, Erosonyx éditions.