Klein, d’après la conférence d’Yves Klein à la Sorbonne, conception d’Olivia Grandville

Klein, d’après la conférence d’Yves Klein à la Sorbonne, conception d’Olivia Grandville

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© La Spirale de Caroline

 Depuis le Cabaret Discrépant (2011), inspiré de textes du poète lettriste Isidore Isou au Théâtre de la Colline et le bouillonnant Combat de carnaval et Carême, d’après le tableau de Pieter Brueghel l’Ancien en 2017 (voir Le Théâtre du Blog), la chorégraphe n’a cessé de diversifier ses créations. Elle en présente trois à la MC 93 de Bobigny, avant de regagner le Centre Chorégraphique National de la Rochelle dont elle a pris la direction. Elle veut faire de cette Maison, rebaptisée Mille Plateaux, un «Théâtre d’Opération chorégraphique transdisciplinaire et transculturel».

Klein est à l’image de ses audaces artistiques. Sur le plateau vide et sous des lumières bleues de plus en plus intenses, Iris Clert (Olivia Grandville), galériste et égérie des avant-gardes de l’époque, présente Yves Klein: «Je dois avouer quand j’ai vu pour la première fois ses tableaux, j’ai été sidérée. J’ai voulu d’abord penser à un énorme canular.» Après une brève biographie, elle laisse la parole à Manuel Vallade, un Yves Klein aérien et volubile. Guidé, comme elle, à l’oreillette, il entend en direct la voix de son modèle, enregistrée lors de sa conférence. Un troisième intervenant participait à cet événement, l’architecte allemand Werner Ruhnau (ici, le compositeur Benoît de Villeneuve). Yves Klein conçut avec lui ses Architectures de l’air, cœur de son allocution L’Evolution de l’art vers l’immatériel. Ils imaginaient de vastes constructions au toit maintenu en lévitation par de l’air pulsé: dans ce paradis, l’homme, libéré des aléas climatiques et de la pesanteur deviendrait un rêveur éveillé…

 Auparavant, le peintre revient sur son travail et ses recherches, comme dans une récente exposition à Anvers où il ne montrait rien. Cela l’amena à imaginer un Centre de la sensibilité, où Jean Tinguely serait professeur de sculpture et Pierre Henry, le compositeur-phare. Il parle aussi longuement de son choix du bleu monochrome, couleur de l’immatériel et explique que des couleurs juxtaposées se contredisent, qu’un pigment ne doit pas être terni par un liant, et que, dans la société, le liant, c’est l’argent… Ce bleu pur et solitaire, celui du ciel et de la mer, c’est l’azur qui le hante et l’aspire.

 Ponctués par des applaudissements et des rires enregistrés (ceux du public d’alors ou d’une boîte à rire ?), les mots du peintre se bousculent et il passe d’un thème à l’autre, comme si, en juin 1959, cet homme pressé de tout dire, pressentait sa disparition trois ans plus tard après une crise cardiaque/ Il avait trente-quatre ans ! Cet exposé gonflé d’un désir enfantin de toute puissance, nous amuse et parfois nous passe un peu au-dessus de la tête, comme ce fut sans doute le cas pour l’aréopage venu assister à cet événement mondain.

 Mais Olivia Grandville a invité deux judokas à rythmer de leurs passes harmonieuses le monologue de l’acteur-conférencier. Rappelons que le peintre fut, entre autres, quatrième dan de judo. L’envol des corps et leur chute sonore amplifiée donnent un certain relief à cette allocution disparate. Nous entendons aussi Symphonie monoton, une singulière composition d’Yves Klein avec un seul accord en continu : un ré majeur répété pendant vingt minutes… Transposée ici par Benoît de Villeneuve qui a conçu l’environnement sonore du spectacle, cette musique planante, conjuguée aux éclairages bleutés intenses, donne au spectacle une dimension sensorielle et nous emporte dans un rêve éveillé. Nous nous évadons dans le bleu…

 Certains resteront à la porte de cette œuvre conceptuelle à l’instar de la peinture d’Yves Klein mais Olivia Grandville apporte une réponse  théâtrale, plastique et musicale, à l’aridité et à l’abstraction des propos de cet artiste. Elle nous restitue aussi l’esprit d’utopie qui animait celui dont on ne connaît plus aujourd’hui que les empreintes de corps et d’objets trempés dans du bleu. Et Volare, une chanson de Domenico Modugno…

 Mireille Davidovici

Spectacle créé dans le cadre du programme New Settings de la fondation Hermès, vu le 13 avril, à la MC 93, 9 boulevard Lénine, Bobigny (Seine-Saint-Denis) T. : 01 41 60 72 72.

La Guerre des pauvres, d’après Eric Vuillard, conception d’Olivia Grandville, du 15 au 17 avril.

 La conférence d’Yves Klein est publiée aux éditions Allia.

 


Archive pour avril, 2022

La Leyenda de Kulkatán, par La Doble Mandoble

La Leyenda de Kulkatán, par La Doble Mandoble

Cette compagnie circassienne a été fondée en 2007 par Luis Javier et Miguel Angel Córdoba. Formés à l’École Supérieure des Arts du Cirque ESAC à Bruxelles, ils ont été les pionniers de la magie nouvelle en Belgique. et cherchent à mêler  cirque, magie, théâtre physique, manipulation d’objets et les arts numériques, pour créer un langage capable de susciter la réflexion de leur public. Leur première création, un numéro de magie clownesque, Les Anneaux Indomptés, a été récompensée par le premier Prix du concours de magie Macamagie en 2008 à Wavre (Belgique), par le premier Prix de magie comique au concours mondial de magie FISM en 2012 à Blackpool (Royaume-Uni) et enfin par le Mandrake d’or en 2014 à Paris.

 

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Cinq ans plus tard, La Doble Mandoble présentait son premier spectacle de salle, Mi otro yo, une approche à la fois burlesque et absurde de magie mêlée au cirque, au théâtre et à la manipulation d’objets. En 2011, La Belle Escabelle, un spectacle de rue, à la fois physique et burlesque, rend un hommage délirant à l’escabeau pliable de nos maisons. Puis la Doble Mandoble crée en salle Full HD regorgeant d’effets visuels surprenants, où magie et cirque rencontrent les arts numériques. Inspirée par le transhumanisme, la compagnie propose une vision d’un futur pas si lointain, où nos limites biologiques seront «augmentées», grâce aux avancées technologiques. En 2018, le magicien-jongleur-dramaturge italien Andrea Fidelio rejoint la compagnie..

Nouvelle création pour salle il y a deux ans Le Dîner est un spectacle pluridisciplinaire avec cinq comédiens qui peint de manière drôle et métaphorique, une classe dirigeante sans aucune sensibilité et déconnectée de la réalité. Puis la compagnie crée un numéro de magie nouvelle Sweet Home qui reçoit le premier prix de grandes illusions au Championnat européen de magie FISM à Manresa, Espagne. Miguel Angel Córdoba et Andrea Fidelio nous donnent ici un avant-goût du Chapiteau Magique-La Leyenda de Kulkatan, septième création de cette compagnie. La pièce mélange entresort et magie nouvelle,  avec l’histoire de Galvani, un professeur de l’occulte qui voyage avec son attraction, cherchant une réponse à l’origine de la vie et un élu qui puisse le libérer de leur asservissement, lui et son «monstre». Inséparables mais contraints à errer dans le giron des damnés et à y chercher leur salut pour sortir de l’Enfer. Avec le récit de ces anti-héros, c’est aussi ’histoire du spectacle itinérant, des origines à nos jours et d’un mythe, vue par un regard contemporain. Cela commence en dehors du chapiteau, dans une file d’attente, avec  l’idée de créer un lieu inspiré de l’univers des spectacles de foire. Le public, pour accéder au chapiteau, doit voir une exposition de curiosités et prodiges et il est ensuite accueilli par l’énigmatique professeur Galvani qui lui présente le lieu. Il en dévoile le contexte scientifique et alchimiste, les guide dans ce voyage, en narrant une mystérieuse histoire qui a marqué sa vie. La deuxième partie se passe dans le chapiteau avec un petit nombre de spectateurs.

«Nous avons créé, disent ses auteurs, un espace magique contemporain, en prenant racine dans les pièces du théâtre nomade du passé. Pour faire ressentir au public la fascination et la curiosité pour l’insolite et le mystère, en lui proposant une expérience fantastique et en l’intégrant à une histoire magique. Cette forme itinérante de spectacle est née de notre rêve d’avoir un petit chapiteau itinérant accueillant une vingtaine de personnes.
Nous avons déjà pu assister à des pièces de ce format, quand nous étions en tournée dans les festivals de rue. Ces espaces intimes favorisent une proximité maximale avec le public, et nous ont donné envie de créer le nôtre: une yourte de 5,5 m de diamètre et 4 m de haut. Pour suivre notre parcours de magie nouvelle qu’on voit surtout dans des théâtres et : nous souhaitions sortir de ce cadre traditionnel pour aller dans un espace plus convivial. Posséder notre propre chapiteau a aussi l’immense avantage pour nous, magiciens, de concevoir des effets non réalisables, si nous changeons systématiquement de lieu.»

«Le nôtre favorise le jeu avec des objets plus petits, voire minuscules et des effets subtils où les atmosphères lumineuses, sonores et olfactives jouent un rôle important. L’art de créer des illusions et la proximité font de cette expérience, une rencontre privilégiée avec le public. Ce chapiteau permet aussi de nous approprier l’espace  urbain avec un côté foire du XIX ème siècle, à la fois énigmatique et mystérieux. Mais nous aimerions l’agrandir pour en faire un micro-village de magie, en y insérant une caravane pour accueillir aussi des micro-spectacles de quelques minutes pour une seule personne et une petite arène extérieure avec un gradin pour un plus grand nombre de spectateurs. Conception, écriture et mise en scène sont de Miguel Angel Cordoba et Andrea Fidelio. La scénographie et les visuels de María Solà Font et  Laura Jaqueson. La prothèse de la tête a été fabriquée par Jean-Raymond Brassinne, un artiste spécialisé dans le maquillage SFX. Les costumes ont été réalisés par nous-même. La construction de la yourte pliable a été confiée aux menuisiers de la Fabrique de Théâtre. Enfin, la musique a été composée par Basile Richon. »

Mais dans ces conditions assez rares dans le monde de la magie, quel message cette compagnie souhaite-elle faire passer avec ce Professeur Galvani?  « C’est une sorte de fable, disent ses créateurs, à raconter à un public de tout âge, et dont les éléments prennent racine dans une tradition millénaire de récits s’inspirant de mythes de lointaines cultures. Cet archétype du chercheur, en proie à une soif inextinguible de connaissances, veut trouver le sens caché et les réponses aux questions profondes de l’existence. Il représente aussi le rêveur, l’esprit d’initiative de chacun et qui nourrit notre idéal. Poussé par le désir de connaissance, il devient chercheur de mystères, éternel voyageur à la poursuite du Graal. La vie de Galvani est marquée par un voyage qui n’atteint pas son objectif, parce qu’un nouveau défit se représente à chaque étape et le condamne à des recherches sans répit. Bref, le mythe de l’éternel retour, de Sisyphe ou du tonneau des Danaïdes, avec un Galvani obligé de s’orienter vers une destination qui s’approche et s’éloigne à la fois.»

Il y a un entresort avec un deuxième personnage important: la tête parlante du magicien Kulkatán, suspendue dans le vide au-dessus d’une table. Pas un robot ou une marionnette mais bien une tête humaine détachée du corps et capable de réaliser de vrais prodiges, comme transmettre et lire dans les pensées, faire apparaître et disparaître des objets.Une illusion rendue vraisemblable au point de créer un court-circuit dans les perceptions de celui qui l’observe.  L’histoire de Kulkatán est inspirée de celle des freaks, ces monstres des baraques de foire. Cela débuta au Moyen-Age et connut son âge d’or avec des spectacles à la fin du XIX ème siècle où ils étaient exposés dans les cirques et théâtres, pour satisfaire la soif de curiosité des classes les plus élevées. Ces humains physiquement anormaux nains, géants, siamois, êtres aux ressemblances animales, ou très maigres etc. ont fait l’objet de ségrégation et d’exploitation au cours des siècles.

La Leyenda de Kulkatán veut être aussi une réflexion sur la marginalité et les êtres différents. Autrefois, la société a été dominée par une aristocratie toute puissante à l’origine d’un idéal auquel le peuple devait se soumettre ou périr. Ces aristocrates voulaient sélectionner quelques élus et asseoir leur pouvoir. Mais c’était une négation de la diversité sous toutes ses formes. Les marginaux, les a-normaux, tolérés comme phénomènes de foire pour distraire et rassurer les autres sur leur prétendue normalité, étaient humiliés par une société, dite bien pensante et leur mise à l’écart rassurait aussi les bourgeois dans leur légitimité. Auparavant, les aides n’existaient pas et si, aujourd’hui, la société a évolué, les exclus du système existent toujours et les marginaux restent victimes de voyeurisme. Les valeurs normatives dominent toujours la gestion de la cité et font le lit des populismes. Les êtres différents ou faibles, trop sensibles ou introvertis, qui ne s’adaptent pas à la rentabilité, à l’hyper-connexion ou aux standards de beauté, sont encore mis à l’écart, tournés en dérision, ou utilisés quelques heures sur les réseaux sociaux. Nous sommes partis de là pour créer La Leyenda de Kulkatan où nous voulons témoigner de l’immense richesse des gens différents. Et caresser l’invisible splendeur de l’exclu, pour enfin le mettre en lumière et suggérer au public d’avoir un regard sur les éléments voilés d’histoires souvent moins racontées, en montrant la sensibilité et la profonde humanité cachée dans ces apparents monstres. Nous voulons réveiller la découverte du merveilleux. »

Sébastien Bazou

La Leyenda de Kulkatan sera créée à Louvain (Belgique) le 13 mai.

La Doble Mandoble: https://www.doblemandoble.com/fr/accueil/

 

 

 

 

 

 

 

Dans la mesure de l’impossible, texte et mise en scène de Tiago Rodrigues, traduction de Thomas Resendes

 Dans la Mesure de l’impossible, texte et mise en scène de Tiago Rodrigues, traduction de Thomas Resendes, composition musicale de Gabriel Ferrandini (spectacle multilingue, surtitré en français et en anglais)

L’auteur et metteur en scène portugais maintenant bien connu en France (voir Le Théâtre du Blog), récemment nommé directeur du festival d’Avignon, a écrit cette pièce à partir d’une centaine d’heures d’entretiens à Genève avec des membres de la Croix-Rouge. Et il redit dans une belle langue une fois de plus les horreurs de la guerre un peu partout dans le monde, les familles éparpillées, la détresse et les terribles souffrances, les bombes, les morts et les blessés par milliers:  « Les trois enfants ont besoin de sang immédiatement. celui qui recevra la transfusion, survivra presque à coup coup sûr.  » Cela s’appelle le tri en médecins d’urgence… « Certains prétendent que les cadavres ont une odeur sucrée. Pour d’autres, ils ont une odeur d’amande. Selon moi, les cadavres ont un odeur d’acide. Un peu comme de l’ananas. » Et pourtant la guerre est toujours là, omniprésente et une fois installée quelque part, bien difficile à déloger. Les humanitaires viennent de pays démocratiques et font ce qu’ils peuvent pour aider les populations civiles mais sont très exposés à des risques physiques et/ou éthiques et à commettre des erreurs parfois fatales à leurs équipes et aux populations:  » Tu fais des erreurs et les erreurs ont un impact sur la vie des gens. Un grand impact, ça peut être la différence entre la vie et la mort (..) Si tu apprends de tes erreurs, tu aideras d’autres gens. » Et nous faisons souvent semblant d’oublier que tel ou tel conflit pourtant loin de chez nous, a pour cause la conduite de gouvernements en Europe…

© Magali Dougados

© Magali Dougados

Le spectacle a été créé en février dernier à la Comédie de Genève.Ici, pas de scénario mais le récit de quatre humanitaires- deux femmes, deux hommes joués par Adrien Barazzone, Beatriz Brás, Baptiste Coustenoble, Natacha Koutchoumov, Gabriel Ferrandini qui s’adressent à nous souvent alignés. Mention spéciale à Beatriz Brás dont le fado a fait craquer le public… Accompagnés par Le percussionniste Gabriel Ferrandini qui fait vibrer (sans doute un peu trop!) la scène pour dire les explosions et le fracas de la guerre.
Ces humanitaires témoignent de l’indicible qu’ils ont vécu, confrontés à des situations qu’ils ne pouvaient même pas imaginer.

Comment ne pas continuer à entendre des rafales permanentes de mitraillette, même si elles cessent quelques minutes, quand on arrive à évacuer un civil gravement blessé. Comment oublier ces enfants gravement blessés ou sur le point de mourir, malgré in extremis un don du sang? Comment trouver un peu de sommeil après des journées harassantes quand il faut parfois écarter par la force des gens crevant de faim et écrasant leurs compagnons, pour obtenir un tout petit peu de nourriture?

Les humanitaires ont souvent comme cadre de travail, une ville en ruines jonchée de cadavres. Tiago Rodrigues ne juge pas et ne reproche rien au système humanitaire mais se pose la question philosophique lancinante du pourquoi cet «amour pervers du désastre» qui chaque année sur la planète Terre, envahit tel ou tel pays. Et cette fois, vraiment pas très loin de nous… Bref, on en revient toujours à cet impossible envie de changer le monde, malgré la bonne volonté souvent tardives des instances internationales. Souvenons-nous du début de cette Guerre de Troie n’aura pas lieu  de Jean Giraudoux: «Vous êtes jeune, Hector !… À la veille de toute guerre, il est courant que deux chefs des peuples en conflit se rencontrent seuls dans quelque innocent village, sur la terrasse au bord d’un lac, dans l’angle d’un jardin. Et ils conviennent que la guerre est le pire fléau du monde, et tous deux, à suivre du regard ces reflets et ces rides sur les eaux, à recevoir sur l’épaule ces pétales de magnolias, ils sont pacifiques, modestes, loyaux. Et ils s’étudient. Ils se regardent. (…) Ils se quittent en se serrant les mains, en se sentant des frères. Et ils se retournent de leur calèche pour se sourire… Et le lendemain pourtant éclate la guerre… »

Sur le plateau, une très grande tente (scénographie de Laurent Junod, Wendy Tukuoka, Laura Fleury) sous les subtils éclairages de Rui Monteiro qui couvre tout le plateau, les quatre humanitaires sont là souvent face public, pour apporter leur témoignage et dire toutes les souffrances mais aussi  la complexité quand il s’agit de résoudre un conflit ou d’installer des corridors pour évacuer les civils. Mais, quelque soit l’intérêt de ces témoignages tous poignants, Tiago Rodriguez aurait pu construire une dramaturgie plus efficace et cet empilement sur deux heures nuit beaucoup au spectacle. Même, si comme d’habitude, il reste toujours un bon directeur d’acteurs.

Philippe du  Vignal

Spectacle vu au Centre Dramatique National de Besançon-France-Comté, avenue Edouard Droz, Esplanade Jean-Luc Lagarce, Besançon (Doubs).

Du 12 au 14 avril à La Coursive, Scène nationale La Rochelle.

Le 29 avril au Théâtre des Salins, Scène nationale de Martigues

Du 4 au 6 mai au Maillon – Théâtre de Strasbourg, Scène européenne.
Du 11 au 14 mai au Théâtre du Nord, CDN Lille-Tourcoing. Les 18 et 19 mai aux Scènes du Golfe, Vannes. Du 25 au 27 mai au Piccolo Teatro di Milano- Teatro d’Europa.

Du 16 septembre au 14 octobre à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris

 


 

En corps, un film de Cédric Klapisch

En corps, un film de Cédric Klapisch

 Ici la danse est captée par la caméra du réalisateur qui filme avec sensibilité le mouvement, des coulisses au plateau… Une histoire simple: Elise, une ballerine de l’Opéra qui s’est blessée, se convertit à la danse contemporaine, sous la houlette du chorégraphe Hofesh Shechter qui joue ici son propre rôle et cosigne la musique avec Thomas Bangalter du duo Daft Punk.

 Première scène avec des séquences de La Bayadère, le célèbre ballet de Marius Petipa,musique de Léon Minkus. Nous le suivons en répétitions et au cours des représentations, restituées grâce à un montage serré, avec vues aériennes ou au ras du plateau du Théâtre du Châtelet.

Elise, dans le rôle de  Nikiya, s’écroule : une blessure d’amour et de cheville la jette hors du métier. Comment se reconvertir à vingt-six ans, quand, depuis l’enfance, on s’est consacré à la danse? Retour en arrière sur ses années d’apprentissage… Après quelques péripéties et une petite dépression, Elise est embauchée comme serveuse chez une femme (Muriel Robin) qui, dans sa maison de Bretagne, reçoit des artistes en résidence. Hofesh Shechter y répète son prochain spectacle et l’invite à les rejoindre. Elise s’adapte facilement à la grammaire de la danse contemporaine, plus terrienne que la classique visant, elle, à la légèreté et la perfection… La voici de nouveau en piste et nous la quitterons dans Political Mother d’Hofesh Shechter…

Cédric Klapish, en complicité avec l’artiste israélien, maîtrise remarquablement son sujet et brosse un portrait du métier de danseur. Une direction d’acteurs précise, des interprètes exceptionnels et la beauté des chorégraphies emmènent le film au-delà d’un scénario un peu convenu, avec actions secondaires. Pour le premier rôle féminin, le réalisateur voulait une danseuse qui apprendrait le jeu d’actrice, plutôt que l’inverse. Marion Barbeau, Première Danseuse à l’Opéra de Paris sera Elise. Rôle qui lui va comme un gant. 

En prenant le parti de la comédie à l’inverse de films comme le thriller américain  Black Swan, de Darren Aronofsky avec Natalie Portman, Vincent Cassel… le réalisateur nous fait vivre ici l’énergie des interprètes. Et il nous entraîne généreusement au plus près de chorégraphies aussi contrastées que celle de Marius Petipa revisitée par Rudolf Noureev et celle d’Hofesh Shechter. La présence du chorégraphe et de danseurs comme A Germain LouvetAlexia GiordanoDamien ChapelleMehdi Baki et Léo Walk, filmés à la scène comme au quotidien, donne au sixième art un rôle central, du classique au hip-hop. Et le succès du film emmènera peut-être de nouveaux publics vers des chorégraphies contemporaines.

 Mireille Davidovici

Rencontre des Jonglages : quinzième édition/ Fabrik par la compagnie Kor

Rencontre des Jonglages : quinzième édition

Fabrik

© Cécile Prunet


La rencontre des Jonglages revient ce printemps, après un décalage en automne pour la précédente édition, au Centre culturel Jean Houdremont, le quartier général de la Maison des jonglages dirigée par Vincent Berhault, qui, toute l’année, accueille des artistes en résidence et développe une action culturelle vers les écoles et les habitants du secteur pour populariser le jonglage.

 Sur la place, des installations permettent aux enfants de grimper sans danger sur de petits mâts. Ce festival annuel donne une visibilité à ce lieu unique en son genre et permet de découvrir la création jonglée dans tous ses états et ouverte sur d’autres disciplines circassiennes, la danse et le théâtre. Avec, sur un mois, dans les salles et espaces publics: cinquante spectacles, une trentaine d’artistes et compagnies en Île-de-France: Evry,  Garges-lès-Gonesse, Tremblay-en-France, Bagneux, Aubervilliers, Saint-Denis, Paris, La Courneuve… Pour célébrer ses quinze ans, le festival nous invite au voyage avec des artistes venus du Japon, Polynésie, États-Unis, Royaume-Uni, Espagne, Belgique, Autriche, Allemagne.Jouer avec des objets, manipuler de la matière: leur énergie a quelque chose d’enfantin et le jeune public est convié, nombreux, à cette manifestation. Comme en cette matinée scolaire avec Fabrik.

Fabrikécriture et interprétation de Jean-Baptiste Diot et Bastien Dauss.

En mêlant jonglage et acrobatie, la compagnie Kor propose ici une belle rencontre entre des êtres bien différents. Assis devant une longue table blanche, un homme manipule de petites balles blanches, au rythme d’une musique légère, qui deviendra solennelle pour le numéro suivant, plus posé. Il est appliqué, concentré sur sa tâche. De temps en temps, une balle lui échappe et tombe, pour ressurgir comme par enchantement. On suppose un compère, caché quelque part, la lui renvoyant.

 Coup de théâtre: un corps inerte surgit d’une trappe aménagée dans la table. Il faudra toute la patience de Jean-Baptiste Diot pour faire enfin tenir debout son partenaire, Bastien Dausse, mou comme un pantin de son. Mais il devient entre les mains de son initiateur, un habile et facétieux jongleur. Ces artistes, l’un grand et costaud et l’autre menu et souple, forment un couple comique pour une suite de numéros inattendus, parmi lesquels quelques morceaux de bravoure vigoureusement applaudis…

Fabrik, un récit initiatique d’un homme qui va apprendre à se mouvoir, à jouer et à ressentir, mais qui va surtout exercer son libre arbitre. Une métaphore de la créature qui échappe à son créateur.

Ces personnages vont se découvrir et, au-delà de leur différence physique et technique, vont former un duo complémentaire, apprendre l’un de l’autre, chambouler les codes de leur discipline, en brouillant les pistes entre leurs savoirs respectifs. Explorer ensemble de nouvelles formes. 

Créée en 2019 en Île-de-France par Jean-Baptiste Diot, la compagnie Kor propose des spectacles atypiques, mêlant plusieurs disciplines et elle nous offre ici un numéro drôle et poétique pour tout âge. 

A suivre…

 Mireille Davidovici 

Spectacle vu le 6 avril, Maison des Jonglages, Centre culturel Houdremont, 11, avenue du Général Leclerc, La Courneuve (Seine-Saint-Denis). T. :01 49 92 61 74.
La Rencontre des Jonglages se poursuit jusqu’au 25 avril.

Les 24 et 26 avril, Chapiteau Sham, Le Bourget (Seine-Saint-Denis).

Du 18 au 20 mai, Espace Philippe Noiret, Les Clayes-Sous-Bois (Yvelines)

 

 

 

 

Nina et les Managers de Catherine Benhamou, mise en scène de Ghislaine Beaudout

Nina et les managers de Catherine Benhamou, mise en scène de Ghislaine Beaudout

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© Joseph Banderet

 Cela se passe dans un lieu parisien tenu par une coopérative d’associations. Un petit théâtre jouxte une galerie d’art et à l’étage, des ateliers et espaces de résidences pour peintres, sculpteurs, graphistes… Nina dont le prénom fait référence au personnage d’Anton Tchekhov, est une Mouette du XXI ème siècle qui, dans l’espoir d’un rôle au théâtre, va se prendre les ailes dans les rets du «management» moderne. Embauchée pour entraîner un groupe à trouver des méthodes de travail plus performantes face à la crise, elle va, d’improvisations en jeux de rôles, pousser ces salariés-modèles à des solutions extrêmes, voire absurdes. Qui manipule qui, de l’actrice, de la direction, des sous-fifres ou des actionnaires ?

La scénographie de Clara Georges Sartorio évoque le monde complexe de l’entreprise: Nina s’enfonce dans un labyrinthe de châssis coulissants délimitant un espace à géométrie variable, avec ballet de meubles de bureau à usages multiples. En arrière-plan, un écran où seront projetées les séances du programme Top manager orchestré par Grégoire, le directeur (Renaud Danner), Léa, son assistante (Violaine Fumeau) et Nina (Adèle Jayle). Xavier, un manager adjoint (Adrien Michaud) servira la soupe à l’entreprise et sera le cocu de la farce qui, de fil en aiguille, vire au cauchemar.
Au départ, la vie presque stéréotypée d’une entreprise, en forme de comédie légère avec des personnages réduits à leur fonction. Puis, au fur et à mesure, face à la crise économique, l’équipe de direction se lance dans un combat forcené : ce sera à la guerre comme à la guerre, il faudra résister à la tempête, survivre au tsunami, et tant pis, si les plus faibles restent sur le carreau… Les relations entre protagonistes font apparaître des tensions internes: le couple de directeurs Léa-Grégoire se fissure, Xavier, employé- modèle et mouton docile du troupeau qui se prend pour un loup, finira par craquer…

Catherine Benhamou n’épargne personne et ses mots cognent juste: elle parle d’un monde qu’elle connaît pour y avoir pénétré. Une expérience qu’elle a vécue : « Nous étions quatre comédiens-formateurs et nous devions faire improviser les managers de l’entreprise sur le thème: Manager dans l’incertitude ou Gouverner dans la tempête. Un programme avec vaste plan de licenciement planant sur les salariés. Dans une inquiétude palpable, même si chacun se prêtait docilement au jeu .» Et ici derrière ce programme Top manager, se cache un «plan social» massif!

 Comme l’autrice, Nina porte une regard critique sur les pratiques managériales tout en participant elle-même au piège. Mais la fiction dépasse la réalité et Catherine Benhamou nous emporte dans un univers absurde. Sa mise en scène précise s’accompagne d’une création sonore discrète et pertinente : Vincent Guiot a su créer une musique électro-acoustique grinçante qui nous entraîne dans un monde inquiétant, peuplé de victimes consentantes: «Une logique de destruction est à l’œuvre, coproduite par ceux-là même qui en seront les première victimes», écrit le sociologue Vincent de Gaulejac dans Travail, les raisons d’être de la colère. A sa façon, avec humour et élégance, cette comédie joue les lanceurs d’alerte.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 25 avril, 100 Ecs Établissement Culturel Solidaire, 100 rue de Charenton, Paris (XI ème). T. : 01 46 28 80 94.

 

Beyrouth Hôtel de Rémi De Vos, mise en scène d’Olivier Douau

Beyrouth Hôtel de Rémi De Vos, mise en scène d’Olivier Douau

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Nous sommes à Beyrouth dans un hall d’hôtel assez minable avec un comptoir d’accueil haut perché, un canapé défraîchi, un fauteuil au siège en plastique rouge, une table basse et un vieux juke-box (ou du moins un machin pas très réussi qui lui ressemble) rythmant l’action à coups de standards des années soixante-dix. Et il y a aussi une chambre, ici non représentée. Se rencontrent là une jeune réceptionniste assez curieuse mais qui passe son temps à lire des magazines sans intérêt et qui rêve à des jours meilleurs dans un autre pays que le sien  dévasté par la guerre civile. Elle s’ennuie mais va en boîte: »Je suis jeune, je veux surtout m’amuser. Vous devriez sortir le soir au lieu de rester à l’hôtel. Il y a des boîtes fantastiques ici, vous savez. Je suis sûre que vous n’en avez jamais vu de pareilles. Même les parkings font rêver, ils sont remplis de Mercedes ! »

Et en attendant, elle propose à ce nouveau client une rencontre tarifée; cet écrivain de théâtre français au bout du rouleau vient d’arriver et lui aussi, rêve mais à une collaboration avec un producteur libanais… dont on se demande s’il existe bien et il se pose des questions existentielles. Bref, deux pays et deux approches du monde différentes. Très seul, il passe des coups de téléphone en France à un ami: « Qu’est-ce qu’il fout, ce con ? Il m’avait dit qu’il serait à l’aéroport, ça fait deux jours que je l’attends à l’hôtel… Impossible de dormir… Il y a une boîte au rez-de-chaussée. Je suis descendu: la boîte était pleine de putes ! Et les types sortaient tout droit d’un film de Scorsese ! De vraies têtes de tueurs ! »
Et il appelle aussi son ex-femme en se la jouant: « Je suis invité dans un club en bord de mer… Je compte y aller demain… Peut-être faire un peu de bateau, pourquoi pas ?… Cette ville me fait un bien énorme… J’avais besoin de ça, je crois… Ce voyage… Mais tu me manques… Je voudrais vivre ces moments avec toi… » Et plus tard, il en rajoute encore  une louche:
« Bon… Ce voyage me fait vraiment du bien… je sors en boîte de nuit, je rencontre des gens merveilleux… Je me rends compte que l’écriture m’a trop absorbé ces derniers temps…

Peu ou pas de véritable intrigue mais un dialogue ciselé comme l’auteur sait si bien en écrire. Ces vies  parallèles finiront-elles par se croiser? Nous ne vous dévoilerons pas la fin… Beyrouth Hôtel n’est sûrement pas un Rémi De Vos grand cru mais cette piécette fonctionne, comme une machine bien huilée, parfois proche du théâtre de boulevard mais dans une bonne mise en scène et grâce à l’humour des personnages qui sont: «une façon de ne pas être dupe de l’absurdité de la vie». Joués par Olivier Douau et Nathalie Comtat, très crédibles et au jeu précis et rigoureux. Si vous n’êtes pas trop exigeant, allez découvrir ce nouvel opus de Rémi De Vos…

Philippe du Vignal

Spectacle vu au Théâtre du Gymnase, 38 boulevard de Bonne Nouvelle, Paris (X ème).

Et au festival off, Avignon, à partir du 6 juillet.

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Lettres non écrites, conception et écriture de David Geselson

Lettres non écrites, conception et écriture de David Geselson

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L’acteur au Théâtre de la Bastille dans le cadre d’Occupation Bastille, avec, en compagnie de sept autres artistes présenté en 2016 son projet de «lettres non-écrites» que des dizaines de spectateurs avaient suivi. Puis avait aussi créé dans ce même théâtre plusieurs autres spectacles (voir Le Théâtre du  Blog).
David Geselson a eu une idée simple mais efficace, comme le faisaient et le font encore dans certaines mairies, des écrivains publics: écrire une lettre à la place d’un autre. Comme Jean Digne qui, il y a une quarantaine d’années, avait installé une petite caravane pour un écrivain public, au cœur d’Aix-en-Provence, ville ouverte aux saltimbanques, une opération exceptionnelle qu’il avait imaginée et qui fut à l’origine de tout  théâtre, dit de rue…

Pourquoi faire écrire une lettre ? Non parce que nous ne savons pas mais parce que nous n’avons pas eu la force ni l’envie de commencer ou de reprendre un message adressé à quelqu’un que nous connaissions bien, parfois il y a de longues années. Trop longues, trop difficiles surtout à écrire. Mais dont le besoin, le désir est un jour une urgence absolue. Ici sont convoqués douleur de la séparation, souffrance enfouie mais bien réelle, « regrets sur quoi l’Enfer se fonde » comme disait Guillaume Apollinaire…

En général, un message envoyé pour soldes de tout compte à un amour disparu ou jamais avoué, à un enfant qu’une femme n’a pas ou n’aura sans doute jamais, comme Raquel qui lit maintenant une lettre très émouvante en 2036, écrite à son enfant à venir il y a vingt ans : «Ne cesse jamais d’apprendre. Mets-y toute ton âme. Parce qu’il n’y a rien au dessus ; sois en vie mon enfant. Et sois heureux, même quand il y aura l’obscurité. » Et il y aussi des missives à un père ou une mère qu’on recherche désespérément, ou pas revus depuis longtemps, etc.

Un protocole simple: David Geselson a un entretien de trente-cinq minutes avec l’auteur de cette lettre non vraiment écrite et ensuite il passe trois quarts d’heure à la mettre en forme pour le soir-même où il la lira accompagné par un ou une complice de son équipe dont des acteurs reconnus, anciens élèves de l’Ecole du Théâtre National de Chaillot comme lui : Sharif Andoura, Servane Ducorps mais aussi Charlotte Corman, Samuel Achache… «  Il agit d’une forme de création volontairement courte, dit David Geselson, rapide, incomplète, construite en quelques heures, en essayant d’utiliser au maximum les récits du jour avec ceux d’habitants d’autres villes comme Orléans, Marseille, Saintes, Lorient, Toulouse, voire New York. (…) Une forme de communauté de mots invisibles se construit au fil des lieux. »

Pour David Geselson, il s’agit d’une à la fois d’une expérience d’écriture mais aussi de plateau, puisque les auteurs sont aussi parfois dans la salle. Ce qui donne une belle vérité aux textes de ces auteurs éphémères, et dont les textes sont lus mais bien entendu, de façon anonyme. Cela se passe dans une salle toute en longueur pour une cinquantaine de spectateurs avec au bout, une table avec un ordinateur où sont enregistrées ces lettres envoyées à chaque fois vers une imprimante à l’autre bout de la table que David Geselson ou son actrice liront ici à tour de rôle. Ainsi la petite machine noire rectangulaire débite en silence ainsi chaque feuille de ces lettres qui, posées au sol, après avoir été lues, formeront un archipel d’une quinzaine de feuilles…
Il s’agit à la fois d’une simple lecture qui tient aussi d’un spectacle ou une performance, puisque elle est accompagnée par un violoncelliste… Bien entendu les lettres sont de qualité inégale mais comme elle sont toujours justes et d’une rare sensibilité, nous les écoutons avec délice.

D’autant plus que les acteurs ont une excellente diction, que cela dure une petite heure et qu’il n’y a pas ici de fumigènes, comme très souvent actuellement sur les scènes -grande ou petites… Mais, même s’il s’agit d’une lecture, nous aurions aimé que les interprètes soient correctement habillés, et non en jeans délavés, avec un bout de chemise qui dépasse. Allez encore un effort, David Geselson, au théâtre tous les détails comptent…

 Philippe du Vignal

 Spectacle vu au au Social MAIF Club, 37 rue de Turenne, Paris (III ème). T. : 01 44 92 50 90.

 

 

 

Sizwe Banzi is dead d’Athol Fugard, John Kani et Winston Ntshona, traduction et mise en scène de Jean-Michel Vier

 

Sizwe Banzi is dead d’Athol Fugard, John Kani et Winston Ntshona, traduction et mise en scène de Jean-Michel Vier

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© Daniel Manoury

 Écrite en 1972, en plein apartheid, la pièce, d’abord interdite en Afrique du Sud, a ensuite fait le tour du monde. Son auteur a élaboré cette tragi-comédie sur la condition des Noirs dans son pays, en collaboration avec ses acteurs : John Kani et Winston Ntshona : «J’en suis aussi fier, dit-il, que de tout ce que j’ai déjà pu faire. Dans les moments-clés, c’est une célébration de la vie très joyeuse et merveilleuse. » Connue en France par la mise en scène de Peter Brook il y a quinze ans, la pièce a été peu jouée dans l’hexagone. Jean-Michel Vier, acteur et fondateur de la compagnie Liba Théâtre avec Marie-Hélène Jamet, reprend le flambeau et c’est sa douzième création.

 La pièce n’a pas pris une ride, au contraire. La vitalité de l’écriture nous saisit d’entrée: à New Brighton, township de Port Elisabeth (Province du Cap), un certain Styles nous raconte comment il est devenu photographe. Refusant de vendre sa force de travail aux Blancs pour un salaire de misère et d’être un « foutu singe dans un cirque», il a construit son studio à la force du poignet. Sur la pellicule, il veut «fixer les rêves et les espoirs des gens». Ce monologue, riche en images et en clins d’œil, est un numéro de comédien accrocheur qui a séduit le public populaire de l’époque. Ce que fait très bien Jean-Louis Garçon quand Sizwe Banzi (Cyril Gueï) entre chez le photographe, costumé de neuf et qui va poser pour un instantané…

Dans une deuxième partie qui s’avère être une sorte de flash-back, le ton change et Sizwe Banzi est dans une situation dramatique, face à Buntu aussi incarné par Jean-Louis Garçon. Grâce à un concours de circonstances, ce personnage malin et débrouillard, va conseiller à Sizwe d’endosser l’identité d’un homme mort: il devra renoncer à son nom pour vivre décemment. Il lui faudra savoir ruser, accepter de devenir le fantôme d’un autre. Et être un numéro sur le passe que tout Noir doit tenir à jour, un permis de circulation et de séjour. Reste à expliquer à sa femme et à ses quatre enfants pourquoi Sizwe Banzi est mort. Buntu ou Styles, incarnés par Jean-Louis Garçon, ont des stratégies de survie face au pouvoir blanc : résistance passive, voire marronnage à la manière de ses ancêtres esclaves. Sizwe Banzi, lui, s’interroge naïvement sur son humanité confisquée et ne se laissera convaincre qu’à contrecœur. « Le problème, dit-il, c’est d’être un homme dans ce monde. »

 Athol Fugard allie l’art africain du conteur et la tradition du théâtre occidental. «C’est un texte créé avec les acteurs et l’acteur y est au centre », dit le metteur en scène qui dirige ses comédiens selon les registres de la pièce: intime, comique ou tragique. Il use souvent (parfois trop) de l’adresse au public, dans l’esprit militant d’une œuvre écrite pour éveiller les consciences. Après une première partie dans le style bateleur, les comédiens prennent la fable et ses personnages à bras-le-corps. Nous partageons l’aspiration de ces hommes à la dignité et les suivons dans la «chambre forte des rêves», comme Styles nomme son studio-photo. Ces damnés de la Terre transmettent une note d’espoir. «Vous pouvez me mettre en prison, disait Nelson Mandela, vous ne ferez pas de moi un prisonnier ».

Mireille Davidovici

Jusqu’au 26 avril,Théâtre de Belleville, Passage Piver, (Paris XI ème). T. : 01 48 06 72 34 16.

Le 14 mai, La Courée, Collégien (Seine-et-Marne).

Le 11 octobre, Théâtre de Villeneuve Saint-Georges (Val-de-Marne).

Du 7 au 12 novembre, Théâtre Dunois, Paris (XIII ème).

 

 

Erica Van Lee : un parcours féminin dans la magie

Erica Van Lee: un parcours féminin dans la magie

 

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Après avoir vécu à Bayou Chicot (2.000 habitants) en Louisiane, elle a découvert  l’art de la magie quand elle a commencé des études de théâtre à l’université de Las Vegas. Elle y a rencontré Apollo Robbins, un spécialiste de manipulations puis est devenue son assistante. Et il l’a présentée à ses collègues. «Avec mon expérience théâtrale et musicale, dit-elle, la magie me semblait être tout à fait dans l’axe.» Mais après des années à aider de grands artistes, elle a voulu faire passer sa carrière au niveau supérieur et devenir elle aussi manipulatrice. Après avoir assisté à The World’s Greatest Magic Showau Sahara Hotel et Casino, elle a découvert Luna Shimada dont elle a beaucoup aimé le style et la présence sur scène et des années plus tard, a commencé à s’entraîner de façon très intensive avec celle qui est devenue son mentor : «Elle m’a aidé à créer mon style Cléopâtre magique des temps modernes. Pour la mise en scène et le mouvement, je me suis entraînée avec Kristi Toguchi, un coach en magie et acrobatie. J’ai aussi joué dans Masters of Illusion, The Pendragon’s, Criss Angel’s The Supernaturalists, Criss Angel’s Mindfreak Live et j’ai eu une longue tournée à Las Vegas avec Comedy Central’s-The Amazing Johnathan Show et j’ai aussi joué dans Opium de Spiegelworld au Cosmopolitan. Jouer dans ces spectacles m’a aidé à trouver ma propre voie et j’ai eu beaucoup de chance d’avoir les conseils et le soutien de la communauté des magiciens de Las Vegas. Actuellement, je viens de terminer cette année ma première mondiale à l’Adelaide Fringe Festival cette année. Mon premier spectacle en solo durait soixante minutes et ce fut un énorme accomplissement pour moi. »

« Chaque contrat est différent. J’aime m’assurer que tout le monde est sur la même longueur d’onde. Mes compétences? La manipulation, le « storytelling », les tours d’adresse et la magie comique. J’ai été influencée par The Amazing Johnathan, Luna Shimada, Sophie Evans, Juliana Chen et David Copperfield. Tous ont leur style et ont marqué l’histoire de notre art. J’aime aussi Erte (Romain de Tirtoff), le pop art, la mode, le Cirque du Soleil, Lady Gaga, The Killers, un groupe rock. Bruno Mars ou Lady Gaga dégagent une énergie incroyable quand  qu’ils jouent et je vois cela comme une source d’inspiration pour le public qui pourra alors créer et réaliser leurs propres rêves. Peu importe ce que c’est!»

Erica Van Lee aime depuis qu’elle a commencé la magie de scène, disparaître, se transformer en quelque chose de différent, réaliser manipulations et illusions, et la narration combinée à la magie. «Les gens me demandent souvent quels conseils je donnerais à un débutant. Quand vous êtes passionné par quelque chose, posez toujours des questions, faites des recherches et observez. N’ayez jamais peur d’apprendre. Mais rappelez-vous que cela prend du temps et vous commencerez alors à grandir comme artiste. Regardez ceux qui vous inspirent dans tous les domaines pour nourrir votre art : cela vous rendra unique! »

Elle aime les innovations des nombreuses plateformes en ligne mais reste une amoureuse de la magie classique: « Je pense donc que mélanger le contemporain et le classique est spectaculaire et que les artistes doivent vraiment puiser dans l’actualité et la culture pour créer leurs spectacles. Nous pouvons partager notre voix et nos opinions sur ce qui se passe dans le monde. A part cela, j’aime bien cuisiner pour des amis, aller à des concerts et dans les galeries, voyager à travers le monde, puisque je vis entre Las Vegas et Sydney. »

 Sébastien Bazou

 Entretien réalisé le 4 avril.
(https://www.ericavanlee.com/)

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