people united de Joanne Leighton, composition sonore de Peter Crosbie

people united de Joanne Leighton, composition sonore de Peter Crosbie

Ce dernier volet d’une trilogie commencée avec 9.000 Pas, puis Songlinesrelève de la danse contemporaine et du sous-genre écran de fumée qui a contaminé depuis belle lurette nombre de créations théâtrales (voir Le Théâtre du Blog). L’usage non guerrier de la machine à vapeur permet de simuler nuages, brumes et brouillard, de cristalliser les photons, d’«ambiancer» stades de foot, concerts rock, salles de bal, etc. mais est devenu un poncif…
Miss Leighton se situe dans le naturalisme et comme il n’y a pas de fumée sans feu!, avec ce people united, elle fait référence aux émeutes en général, au conflit russo-ukrainien en cours (une bannière azur et or entraperçue au milieu de l’agitation), aux guérillas urbaines d’autrefois et aux manifs estudiantines de mai 68: si notre mémoire ne nous a pas trahi, une bande-son électro-acoustique bruitiste diffuse même une harangue de Daniel Cohn-Bendit à la Sorbonne…

 

© Nicolas Villodre

© Nicolas Villodre

People united peut être rattaché, au moins par le thème, à Cela nous concerne tous de Miguel Gutierrez que créa en 2017, le Ballet de Lorraine à l’Opéra de Nancy, pour fêter gaiement le cinquantenaire des événements de mai 68. Nombre de chorégraphes ont aussi exploré ou exploité le filon comme, entre autres, Jocelyn Cottencin, Olivia Grandville, Tatiana Julien. Avant de faire feu de tout bois, la pièce est d’un calme olympien: huit interprètes en tenue de ville marchent tranquillement, gèlent leur mouvement et prennent la pose comme pour une photo, en obéissant au signal d’une meneuse de troupe qui doit in petto compter les pas. Ils vont ainsi et viennent puis reprennent leur déambulation. Ils varient postures, expressions du visage et leur allure. La bande-son délivre une comptine Maggie (2015) de Dave Dodds, chantée a cappella par le chœur féminin britannique The Unthanks. Mots et gestes font penser au jeu Un, deux, trois, soleil ou à celui, aussi britannique de Simon says,l’équivalent de notre Jacques a dit. Des gamineries grimaçantes, Joanne Leighton passe enfin aux choses sérieuses: de l’enfance à la post-adolescence, du calme à la tempête et aux sirènes des véhicules de la police face au soulèvement de la jeunesse.

 Ce ballet de groupe est interprété, en alternance par Lauren Bolze, Marion Carriau, Alexandre da Silva, Marie Fonte, Yannick Hugron, Philippe Lebhar, Maureen Nass, Thalia Provost et Bi-Jia Yang. Tous,techniquement de haut niveau, n’ont pas droit à leur «démo» personnelle mais nous avons été plus sensible à certaines qualités de mouvement, qu’à d’autres. Et plusieurs, pas leur fluidité corporelle et leur aisance, nous ont plus touché. Ce n’est pas une question de physique ou d’âge du capitaine, et pour une œuvre collective, cela paraît subjectif et arbitraire mais c’est ainsi…
people united, aussi déchaîné se veut-il, est plus apollinien, que dionysiaque et n’a rien d’un Sacre du Printemps ou d’une Messe pour le temps présent. Ici, rien non plus de survolté ni d’endiablé. Plus efficace que ce feu d’artifice, la belle musique de Peter Crosbie…

Nicolas Villodre

Spectacle vu le 1er avril, présenté dans le cadre du festival Le Grand Bain du Label Danse de Sylvain Groud et du Ballet du Nord, à la Condition publique, Roubaix (Nord).


Archive pour avril, 2022

Les projets jeunesse et diversité au Centre Dramatique National de Besançon

Les projets Jeunesse et diversité au Centre Dramatique National de Besançon

©x Le C.D.N. de Besançon

©x Le C.D.N. de Besançon

Dernier mandat pour  Célie Pauthe qui aura été la directrice pendant neuf ans du Centre Dramatique de Besançon qu’elle quittera en 2022. « Nous poursuivons, dit-elle, notre partenariat avec le dispositif: Lycéens et apprentis au spectacle vivant» à l’initiative de la Région Bourgogne–Franche-Comté. Avec le soutien de la D.R.A.C. et du Rectorat, le Centre Dramatique National est partenaire des enseignements théâtre du lycée Victor Considérant à Salins-les-Bains, des lycées Louis Pasteur et Saint-Paul de Besançon, Les Haberges et Édouard Belin à Vesoul.
Les tarifs sont préférentiels. Ecoles élémentaires: 6 €, collèges et lycées : 9 €, et abonnement à partir de trois spectacles proposés aux élèves accompagnés de leur enseignant. Il s’agit d’un engagement fort et d’un chemin d’accès aux formations théâtrales. Même si ce n’est pas la mission prioritaire d’un C.D.N.
J’estime avec mon équipe que le paysage change encore beaucoup trop lentement, il y a un D.E.U.S.T. (Diplôme de Technicien des Métiers du Spectacle  à Besançon. »

« A été ainsi mis en place sur quatre semestres pour vingt étudiants sélectionnés,  un stage long sur la création théâtrale qui a lieu au C.D.N. Cette formation à la fois théorique et pratique doit rendre plus accessibles les débouchés vers les différentes professions théâtrales (jeu, mise en scène, scénographie, écriture, critique, administration, relations publiques… Nous avons fait un gros investissement dit Célie Pauthe, avec la mise en place d’un programme qui commencera en septembre prochain, pour trois ans avec les élèves de quatrième et troisième du collège Voltaire situé dans le quartier Planoise. »

©x

©x

Cette « ville nouvelle » Z.U.P. construite dans l’urgence à partir de 1968 a été conçue par l’architecte Maurice Novarina, (le papa de l’écrivain Valère Novarina, et son équipe). Mais sans grande imagination urbanistique : ici comme ailleurs, des barres H.L.M. devenue Z.A.C  avec des immeubles de plus petite taille, et enfin des commerces et services comme ailleurs. Loin du centre historique de Besançon et du C.D.N. mais maintenant bien desservi par le tramway et des lignes de bus, ce quartier a été  labellisé Cités éducatives. Mais Planoise paradoxalement compte plus de 20.000 habitants, dont nombreux issus de la «diversité », alors que le centre ville de Besançon n’en compte que 10.000…. Et Vanoise compte plus de 8.000 logements dont trois quarts sociaux et la moitié des ressources familiales est surtout constituée d’aides sociales.
Il y a  deux collèges Voltaire et Diderot et deux lycées Victor Hugo et Tristan Bernard ( soit quelque 3.500 élèves). Et des équipements sportifs et culturels, notamment la Maison de quartier-médiathèque Nelson Mandela dotée d’une salle de spectacles. Il y a aussi un palais des congrès et le Théâtre de l’Espace qui existe depuis les années quatre-vingt-dix. Et où -on le sait peu- Jean Luc Lagarce, encore inconnu, créa plusieurs de ses pièces  

L’opération va se faire en partenariat avec le Conservatoire à rayonnement régional. Cornaquée aussi par Maryse Adam Mailler, inspectrice de lettres chargée du théâtre, qui insiste sur la nécessité de ne pas tricher et de faire pour de vrai. « Mais cela n’a pas été simple à mettre en place, dit Célie Pauthe, puisque ces jeunes élèves ne connaissent pas vraiment le théâtre et ne sont pas toujours motivés » Axe essentiel de cette opération: les C.H.A.T. :  Classes à Horaires Aménagés Théâtre. Soit au collège Voltaire, deux heures d’apprentissage basique du jeu et une heure de culture théâtrale. Les élèves concernés iront voir plusieurs spectacles par an au C.D.N. et rencontreront aussi des artistes et techniciens. Guillaume Fulconis, comédien et metteur en scène et Anne-Marie Tournier seront aux manettes dans une salle du collège mais aussi au C.D.N.

©x

©x

Belle idée de Célie Pauthe: faire que douze élèves puissent prendre possession d’un grand plateau comme celui du C.D.N. Ce qui est assez exceptionnel, et que nous avons connu à l’École de Chaillot quand la grande scène Jean Vilar était libre, c’est à dire rarement à cause de nettoyage du plateau et de la salle, montages techniques, répétitions, raccords en cours d’exploitation. Mais quel bonheur pour les élèves d’une école ou d’une formation… Un signe aussi pour dire que cette scène de niveau national appartient à tous les âges et à toutes les classes sociales de chaque quartier de Besançon. Mais ce qui représente un long travail en amont

Va être aussi créée une option facultative: théâtre au lycée technique et professionnel Pierre-André-Pâris à Besançon, spécialisé dans les métiers du bâtiment, la construction et les travaux publics en trois ans, avec une unité pédagogique pour élèves allophones arrivant en lycée. Ce qui semble exceptionnel en France dans l’enseignement dit professionnel, longtemps considéré comme un parent pauvre. Le jumelage avec le C.D.N. est financé par la D.R.A.C. à hauteur de 2.400 € depuis 2020 avec l’appui du rectorat, entre ce lycée et le CDN avec des ateliers et stages pratiques. «Avec l’idée de faire bouger les cases, disent Marie Adam-Mallet Inspectrice Régionale et Gilles Quignard, le Proviseur, et l’idée de pérenniser, structurer, donner ses lettres de noblesse à un enseignement artistique. Ces jeunes visiblement fragiles se livrent deux heures à différents exercices de théâtre proposés par Théo Pierrat, comédien. Un travail d’ouverture d’esprit, plus que vraiment technique, a toute son importance dans cette formation professionnelle du bâtiment. Avec, au moins et sûrement un appétit d’acquérir une  certaine culture…

Nous avons aussi pu assister à un travail de la sixième édition d’une Saison en partage qui rassemble pendant  la saison une trentaine de jeunes de quartiers prioritaires. Idée essentielle du projet : Le théâtre est un fort vecteur de lien social et d’ouverture sur le monde, le CDN Besançon Franche-Comté a mis en place depuis quatre ans Une Saison en partage, un projet innovant et ambitieux d’immersion culturelle pour les jeunes gens des quartiers prioritaires de Besançon, qui permet à ces jeunes de vivre ensemble une aventure artistique, humaine et citoyenne, de mettre leurs interrogations et leurs désirs au cœur du débat. Ils sont accompagnés tout au long de l’année par les comédiennes et pédagogues Judith Morisseau et Marie Fortuit. Les stagiaires  sont invités à assister gratuitement à tous les spectacles de la saison et avant chaque représentation, ils participent à un atelier de deux heures de pratique théâtrale et de sensibilisation à l’univers du spectacle. Ils animent certaines rencontres entre  artistes et public   Et ils  font  aussi l’expérience de la scène en y montant à leur tour lors d’un stage de quatre jours avec une présentation dans de conditions professionnelles
Ils doivent voir tous les spectacles et s’initient au jeu et à la mise en scène, encadrés par l’actrice Marie Fortuit, aussi metteuse en scène. Cela se passe dans une cave voûtée du théâtre tout à fait propice
à ce genre d’exercice, avec une plateau très profond. Ils s’appellent Nina, Kevyn, Sofia, Mahmoud… mais ne se connaissent pas. Ils ont tous le goût et l’envie d’en découdre en travaillant sur la fameuse tirade de Cyrano. »

©Philippe du Vignal

©Philippe du Vignal

« Et, dit Célie Pauthe, nous avons mis en place des stages d’observation et immersion avec la découverte des métiers du théâtre au C. D.N. pour des classes de troisième des quartiers dits populaires, équivalent du classique stage d’une semaine de cette même classe. Classes expérimentales, théâtre au collège, stages d’observation/immersion, option légère au lycée, etc. » Ce qui a été ici mis en place par Célie Pauthe et son équipe peut faire figure de modèle. On ne dira jamais assez combien ce travail difficile est largement bénéfique à la sphère sociale, d’abord comme support éducatif, que ce soit dans les collèges, lycées, facs et dans toutes les formations professionnelles, y compris techniques, longtemps méprisées. Avec l’apprentissage du langage d’un texte mais aussi du corps et du vivre ensemble pour atteindre un but commun. Comme le font au quotidien, la direction d’un lieu, le metteur en scène, les acteurs et techniciens d’un spectacle après des mois de travail intense et partagé. Bien entendu tous les élèves du secondaire ne sont pas tentés par un emploi dans le monde du spectacle mais pour eux, c’est une occasion unique de pénétrer dans un tout autre univers…    

Oui, le théâtre parfois jugé ringard par certains ministres et personnages politiques, a encore beaucoup à apporter aux jeunes, surtout dans les temps difficiles que nous vivons actuellement.  Que serait le théâtre contemporain français si, il y a déjà un siècle, Jacques Copeau n’avait monté une école dans son petit théâtre du Vieux-Colombier à Paris? Ou plus près de nous quand Antoine Vitez animait des ateliers à Ivry en banlieue parisienne.
Et l’immense Tadeusz Kantor nous a raconté comment, pendant le seconde guerre mondiale, tout jeune encore et peu expérimenté théâtralement, il avait réussi avec une petite équipe passionnée d’acteurs  aussi jeune que lui, à monter sur le tas des spectacles à Varsovie. En cachette bien entendu et à la barbe des Allemands -ce qui était risqué- dans des appartements vides, avec quelques accessoires et costumes, mais sans argent. Et sans aucune lumière électrique, sans chauffage, sans décor et, bien entendu sans aucune annonce ou affiche. Bref, rien ou presque pour arriver malgré tout à créer. Et pourtant devant un public enthousiaste. Et si des spectacles créés ou présentés au C.D.N. de Besançon  peuvent aussi inspirer à quelques-uns ces jeunes gens un théâtre de résistance, ce genre de combat n’aura pas été inutile. La Cour des Comptes en 2019 avait déjà préconisé un changement de modèle des réseaux d’éducation prioritaire et avait mis en garde : « La situation serait plus critique sans ce déploiement de moyens et les élèves concernés auraient des résultats encore moins bons. » Traduction: il y encore du boulot et trois ans après, où en est-on? !
Les C.D.N. ,actuellement souvent en perte de vitesse ou de repères, ont absolument besoin de ce genre d’expériences lancées par Célie Pauthe et son équipe, en partenariat avec l’Éducation Nationale. Il faudra continuer à s’y intéresser.

 Philippe du Vignal

Uprising et In your rooms, chorégraphies d’Hofesh Shechter par le corps de ballet de l’Opéra national de Paris

Uprising et In your rooms, chorégraphies d’Hofesh Shechter, par le corps de ballet de l’Opéra national de Paris

© J. Benhamou

© J. Benhamou

 La cohésion du groupe, un élément fondamental chez cet artiste. Sans doute pour cela n’y a-t-il pas ici de danseur-étoile Marion Barbeau, seule première danseuse, est entourée de membres, sujets, coryphée ou quadrille. Hofesh Shechter et ses assistants ont réussi à leur transmettre l’âme de sa compagnie : ils font corps et esprit avec elle.

 Uprising, une pièce de vingt-cinq minutes créée en 2006 par la Hofesh Shechter Company, est reprise ici avec sept danseurs. Sur une musique enregistrée, libres au milieu des flashs de lumière découpant le plateau, ils se cherchent, se provoquent, dans une danse pleine de rage avant de constituer une pyramide humaine surmontée d’un petit drapeau rouge. Ils sont, dit Frédéric Despierre, assistant du chorégraphe, « une meute de chiens errants qui se retrouvent. »

 In your rooms marque le public par la présence, au milieu d’une vingtaine de danseuses et danseurs survoltés, d’une exceptionnelle formation musicale. Créée en 2007, cette pièce ressemble à une fête sauvage et décline tous les standards du chorégraphe: chute au sol, danse bras levés au ciel, rupture brutale de rythme, etc. Ici encore, le corps de ballet de l’Opéra semblent sortir d’un casting londonien et leur engagement physique surprend. Ces artistes aiment être dirigés par un chorégraphe contemporain, loin des codes classiques.  

L’orchestre(alto,violoncelle,contrebasse et percussions) joue en direct la musique du chorégraphe. Placé en hauteur, à cour, ce partenaire semble donner la réplique aux danseurs. La voix off d’Hofesh Shechter complète l’ambiance sonore. Le baiser final d’un couple de danseurs clôt cette pièce pleine de fureur contenue.

Jean Couturier

Ce spectacle a été joué à l’Opéra de Paris,Palais Garnier. Place de l’Opéra, Paris ( IX ème), du 14 mars au 3 avril.

Autres programmes Hofesh Shechter :

au Théâtre de la Ville-Abbesses, Comtemporary Dance 2.0 jusqu’au 10 avril.

Grande Halle de la Villette avec Sharon Eyal Göteborgs Operans Danskompani, du 4 au 6 mai.

 

Savannah Bay de Marguerite Duras, mise en scène de Gérard Elbaz

Savannah Bay de Marguerite Duras, mise en scène de Gérard Elbaz

savannah bay

© Patricia Quentin

 La célèbre autrice écrit cette pièce en 1983 pour Madeleine Renaud et elle la mettra en scène la même année, au Théâtre du Rond-Point à Paris, dans un décor de Roberto Plate et les costumes d’Yves Saint Laurent. Ce dialogue mettait en présence Madeleine (Madeleine Renaud,) face à une Jeune Femme (Bulle Ogier). «J’entendais la musique de Savannah Bay dit Gérard Elbaz en  mettant en scène Le Square en 2019.»  Dans le Square, deux inconnus se rencontrent, le temps d’une conversion dans un jardin public. Une jeune femme dont en apprendra qu’elle est en fait domestique chez des bourgeois et un homme plus âgé, qu’elle, un voyageur de commerce, très seul et sans autre attache que sa petite valise. Deux faces d’une même pauvreté. (voir le Le Théâtre du Blog).

 Pour Savannah BayGérard Elbaz a réuni les mêmes excellents interprètes mais dans une scénographie différente. Les personnages s’effacent pour laisser la place à une parole en acte. Campés sur un carré blanc au milieu du plateau fortement éclairé, ils n’en bougeront plus ou presque. Une chanson résonne: «C’est fou ce que j’peux t’aimer… ». Tout le monde aura reconnu l’air et les paroles – qui étaient le titre initial de la pièce- et la voix d’Edith Piaf. Mais pas Madeleine  (jouée ici par Stéphane Valensi). La vieille femme a la mémoire qui flanche. La Jeune femme (Martine Thinières), sa petite fille peut-être, apprendra-t-on au fil du dialogue, dit venir chaque jour et lui demande de lui raconter une histoire, toujours la même : une histoire d’amour et de mort dont chez elle les souvenirs s’effilochent. Cela s’est passé dans un pays jamais nommé – juste évoqué par le titre de la pièce – pendant l’été, au bord de la mer et il y a une grande pierre blanche léchée par les vagues et le vent. Une jeune fille y va chaque jour en nageant. Un homme l’aperçoit et l’appelle. L’amour entre eux est immédiat, total.

 La Jeune Femme arrache petit à petit des détails à Madeleine. La vieille actrice confond cette histoire avec celles qu’elle a pu jouer en d’autres temps. Les personnages, bientôt, ne parleront plus qu’au conditionnel… Il est question d’un jour gris, d’une mort… Madeleine se souvient, par bribes, de la naissance d’une petite fille, puis une nuit, d’un suicide dans les marécages… Trop d’amour pour continuer à vivre. Mais dans sa tête, tout se mélange: la réalité, la fiction, les années, les gens…

Au théâtre, pour Marguerite Duras, «le jeu enlève au texte (…) ». «On subit la gesticulation théâtrale, on ne ressent jamais l’écriture, d’où elle vient.» Elle voulait : «un autre théâtre, le théâtre de la voix. » Et Gérard Elbaz a conçu sa mise en scène dans cet esprit, en demandant à ses interprètes d’éliminer tous les parasites gestuels et de plonger dans le texte, sans rien d’autre. En confiant le rôle de Madeleine à un homme, il désincarne le personnage qui devient ainsi une présence vocale évanescente dans un visage neutre et figé tel un masque. Tout ici est parlé sans être joué, comme le souhaitait l’autrice: «On en passe totalement par le langage. »

Pour cette mise en scène radicale, un décor non figuratif et pertinent d’Emma Depoid et une direction d’acteurs précise. Dans cet espace non réaliste, les personnages traversent plusieurs lieux de la mémoire comme le flux et reflux d’une mer épaisse, écrasée de chaleur, brûlante d’un amour fou, devenu mortel par excès. On ressent les moindres mouvements d’une écriture durassienne, portée à son haut degré de ressassement par des personnages en quête de mémoire. Une belle fidélité à l’esprit de cette langue palimpseste et musicale. Un peu moins à sa sensualité, qu’on pouvait attendre dans la touffeur tropicale du paysage maritime. Et certains spectateurs, d’esprit moins littéraires, auront peut-être du mal à se laisser entrainer dans ces flots de mots désincarnés et resteront à la porte de la pièce, malgré la justesse des comédiens et la rigueur du travail et l’émotion qu’ils transmettent. 

Joués à la suite l’un de l‘autre, Le Square, premier texte dialogué de l’autrice (1956) et Savannah Bay, sa dernière pièce, retracent l’archéologie de son écriture. Au fil de son œuvre, elle creuse, jusqu’à l’obsession, les points de douleur liés à l’enfance, à l’amour et à la mort : «Tu m’as dit : La douleur se propose comme une solution à la douleur, comme un deuxième amour », dit la Jeune Femme. A propos de sa mise en scène de Savannah Bay, Marguerite Duras confia au critique Gilles Costaz: «Je pense que c’est une pièce sans personnage. Je donne certaines propositions. (…) Mon rôle est ici de rendre compte de ce qu’est un amour.»

Mireille Davidovici

 Jusqu’au 17 avril, Lavoir Moderne Parisien, 35 rue Léon, Paris ( XVIII ème). T. : 01 46 06 08 05.

 

Les Précieuses ridicules de Molière, mise en scène de Stéphane Varupenne et Sébastien Pouderoux

Les Précieuses ridicules de Molière, mise en scène de Stéphane Varupenne et Sébastien Pouderoux

 

©x

©x

En 1659, Molière, comédien directeur de troupe mais aussi auteur, a trente-sept ans. Cette farce en un acte est sa troisième pièce et connaîtra immédiatement le succès. Ce sera sa première pièce à être éditée et très vite, ce qui n’était pas courant à l’époque. Molière s’inspire ici de L’Héritier ridicule de Scarron qu’il avait jouée. Elle a été jouée plus de 1.500 fois à la Comédie-Français  et sera choisie pour la première retransmission cinématographique d’une représentation mise en scène par Léonce Perret en 1934.

Le vieux Gorgibus venu de province s’est installé à Paris avec Cathos sa fille et Magdelon, sa nièce. De jeunes petits marquis, La Grange et Du Croisy sont amoureux d’elles. Mais, assez prétentieuses et voulant faire partie du tout Paris mondain artistique et littéraire, elles les accueillent avec un certain mépris. Humiliés, ils vont se venger cruellement et travestissent leurs valets, Mascarille et Jodelet en aristocrates pour les séduire. Un vieux procédé hérité de la comédie espagnole où le valet prend un temps la place du maître… Cathos et Magdelon tombent aussitôt dans le piège, fascinées par ces jeunes gens qui se vantent d’avoir des relations à la Cour et qui leur montrent de soi-disant blessures de guerre. Mascarille, lui, se lance dans un piteux monologue pseudo-poétique… mais qui les éblouit! La Grange et Du Croisy mettront fin à cette farce qui vire au grotesque absolu et dévoilent la supercherie. Gorgibus est furieux, les valets reçoivent des coups de bâton et ces jeunes filles s’aperçoivent mais un peu tard qu’il vaut mieux ne pas trop se risquer à être aussi prétentieuses. Molière réussit là avec une superbe ironie une caricature farcesque de la préciosité du langage et des manières d’être.

Mais plus de quatre siècles après, comment monter cette courte pièce ? En 2009, Dan Jemmet avait sur ce même plateau assez bien réussi son coup avec sur un plateau presque nu,  une distribution exceptionnelle : d’un côté Catherine Ferran et Catherine Hiegel et de l’autre, Andrzej Seweryn et Laurent Stocker. Et en Gorgibus, l’excellent Pierre Vial…
Ici, les metteurs en scène ont adopté un autre point de vue très contemporain: un plateau bi-frontale avec une scénographie très chargée. Sur un sol couvert de tapis, quelques fauteuils et un canapé, des piles de grands livres, un frigo vitré comme dans les salles de petit déjeuner d’hôtel. Et côté cour, un panier de volley-ball en billes de verre sur une carte du Tendre accroché sur un mur revêtu de tissu molletonné d’un bleu grec qui, à la fin, tombera en déchirant le tissu. Un probable clin d’œil aux créations de Macha Makeieff et Jérôme Deschamps où il y avait toujours des morceaux de plâtre qui se détachaient ou  un nez de TGV qui défonçait un mur de cantine.

Côté cour, une batterie pour la bassiste Lola Frichet, un synthé et des guitares électriques pour un musique de Lully revue pop rock que joueront les deux metteurs en scène, et une cheminée au-dessus de laquelle est accrochée une peinture non figurative sur fond blanc avec quelques lacérations, sans doute une parodie des célèbres toiles monochromes de l’artiste italien Lucio Fontana dans les années soixante. Sur laquelle on donnera un coup de bombe noir. Bon…
Gorgibus est réduit à une voix off ; Séphora Pondi et Claire de La Rue du Can sont les naïves Précieuses de service, en costumes délirant.  Très souvent drôles elles font dans le farcesque absolu, avec une impeccable diction. Jérémy Lopez, doté d’une petite moustache, lui, joue Mascarille, un rôle en or où dans un long monologue, il essaye de séduire ces nigaudes en en faisant des tonnes et en se mettant à chanter micro à la main. Noam Morgenstern, plus discret, est aussi très juste en Jodelet.

Les interprètes de cette farce donnent le meilleur d’eux-même mais cette adaptation avec, de temps à autr,e des phrases de langage contemporain et la mise en scène ne sont pas tout à fait convaincantes. Stéphane Varupenne et Sébastien Pouderoux ont pris des libertés avec le texte original. Pourquoi pas ? Mais à condition que cela fonctionne. Et ce n’est pas toujours le cas. Il y a d’abord un manque d’adéquation ente le jeu et cette scénographie bi-frontale dont on ne voit pas du tout la nécessité!Sinon celle de faire contemporain? Séphora Pondi et Claire de La Rue du Can ont une belle présence mais ne sont pas toujours bien dirigées et boulent parfois leur texte ; quant au monologue de Mascarille, il paraît bien long. Et pourquoi avoir escamoté le rôle même secondaire de Gorgibus? Tout se passe comme si les metteurs en scène avaient voulu avant tout se faire plaisir avec un texte qui semble leur avoir servi un peu de joujou. Le public semblait ce soir-là partagé. Les enfants et adolescents riaient de bon cœur à cette farce et c’est tant mieux. Leurs parents, souvent moins, voire pas du tout. A vous de choisir! Ce spectacle nous a paru souvent facile et décevant mais heureusement sauvé par des acteurs impeccables.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 8 mai, Comédie-Française, Théâtre du Vieux-Colombier, 21 rue du Vieux-Colombier, Paris ( VI ème). T. : 01 44 58 15 15.

 

 

Le Feu, la fumée, le soufre de Bruno Geslin, d’après Édouard II de Christopher Marlowe

Le Feu, la fumée, le soufre de Bruno Geslin, d’après Édouard II de Christopher Marlowe

©x

©x

Les Edward, les Richard, tous ces héros tragiques de Marlowe et Shakespeare, même déposés et jetés dans un cul de basse fosse qui mérite chacun de ses vocables, sont rois et le restent. C’est le destin d’Edouard II, incapable de penser qu’être  Roi, n’est pas seulement un pouvoir conféré par l’onction reçue, mais aussi une charge. A-t-il choisi son bon plaisir ? Il est seulement enchaîné par sa passion pour son compagnon Gaveston et tout son corps en est innervé. Prêt à tout, même à le sacrifier, à feindre de renoncer à son amour, en croyant fermement au miracle, si cela lui permet de revoir l’être aimé.
En face, ses ennemis : les barons, la Reine offensée, fille de France, Mortimer l’ambitieux qui se veut «lord protecteur »  du futur Edouard III – une protection qui fait peur quand on songe au Richard III de Shakespeare et à ses neveux. Et avant tout l’Eglise, encore catholique en ce XIV ème siècle et relevant du Pape. Mais Edouard II et son mignon n’ont pas hésité à infliger une déculottée -pas du tout métaphorique- à son éminent représentant.

Marlowe, adapté par Bruno Geslin et Jean-Michel Rabeux, explore, avec les partis en présence, deux sensualités. D’un côté, les amoureux du pouvoir et du bon droit qui se regroupent et se réchauffent auprès des ambitieux. Leurs sbires et hommes de main soupirent comme des bêtes, caquètent, aboient… Sensualité grossière et fripée, de second rang, dont le chef feint d’être détaché. Mortimer met la reine de son côté et dans son lit… qui paraît bien froid. Et il remettra la couronne à sa juste place, par le droit chemin. Au prix de sa vie, par décret d’Edward III, l’héritier légitime qu’il a mis sur le trône, en destituant son père. Mais ceci est autre histoire…
Le roi Edward II, roi toujours et encore, est soumis à sa seule passion: vitale et mortelle. Et Gaveston, au moins celui (celle) que nous voyons ici, n’est soumis, lui, qu’à sa liberté, à son corps provocant et dansant. Ici, les rôles du roi et de son favori sont joués par deux actrices: Claude Degliame et Alysée Soudet, au physique androgyne. Elles insufflent à ces hommes, une jeunesse, une énergie et une sensualité d’une force extraordinaire.

Bruno Geslin dit avoir trouvé dans cette pièce qui semble se dérober sans cesse, «un procédé photographique, un objet littéraire ayant comme seule fin de révéler les difformités de celui qui le contemple». Il attribue la sympathie du public pour ce mauvais roi et cet escroc, à un jeu de miroirs et y voit «une sorte de fraternité face au désastre… une révélation par le feu». On penche toujours du côté du persécuté qui est surtout proche de la jouissance.

Le spectacle commence par un rêve: en silence, un homme à demi-nu court sur une route dans une forêt enneigée. Puis l’on passe du blanc, au noir et les charpentes à demi-brûlées de ce qui aurait pu être un théâtre, évoquent une autre forêt, peuplée d’ombres. Le feu qui est passé par là et la menace ne s’éteignent pas mais prennent les couleurs et les rythmes électroniques d’une boîte gay où, dans une excitation incessante, le nu côtoie les fastes d’une robe d’archevêque, les peaux s’éclairent, les poses acrobatiques se font et se défont…

Ce spectacle total nous tient haletant, en suspens comme un grand film, même si nous connaissons la fin, et si la déchéance de ce roi en loques mais à la couronne visée sur la tête, est montrée dès le début. Sans doute Bruno Geslin a-t-il raison et jouissons-nous de notre propre monstruosité, par délégation… Il s’agit bien de la «purgation des passions», de la catharsis selon Aristote ? Ou tout simplement du plaisir, de la saveur forte des passions que nous ne nous autorisons pas ?

Christine Friedel

Nouveau Théâtre de Montreuil, (Seine-Saint-Denis) jusqu’au 9 avril. T. : 01 48 70 48 90.

 

Encore la vie, écriture et mise en scène de Nicolas Mathis, direction musicale de Paul Changarnier

Encore la vie, écriture et mise en scène de Nicolas Mathis, direction musicale de Paul Changarnier

5-Encore la vie0300

®V Berlanda

Les jongleurs du collectif Petit Travers et les musiciens de l’ensemble TaCTuS mêlent leur discipline pour une heure de mouvement perpétuel, ordonné à la fois par les figures des circassiens et les battements des percussions.  Deux batteries ambulantes, un tambour géant, de petits triangles se mettent au diapason des balles blanches qui volent, roulent, passent de main en main ou disparaissent pour ressortir mystérieusement de l’ombre qui les avale… Jongleurs et musiciens jouent à cache-cache avec de grands châssis mobiles; comme les corps, ils obéissent à une chorégraphie complexe et à une dramaturgie de l’escamotage. Les lumières d’Alix Veillon habillent et modèlent l’espace en incessante transformation.

 Parfois, le ballet s’interrompt pour un solo…Neta Oren, Bogdan Illouz, Bastien Dugas et Taïchi Kotsuji imposent, chacun dans son style, des numéros réglés au millimètre. Certains font montre d’une virtuosité sans faille, d’autres teintent leurs figures de poésie ou d’humour… toujours en dialogue avec la musique. Mais nous ne savons qui, de la partition ou de la jonglerie, mène la danse. La musique se fait autoritaire et d’une mécanique forcenée pour souligner des actions répétitives. Ou elle se contente d’un timide tintement, pour accompagner le vol léger des balles.

Les musiciens de TaCTuS : Ying-Yu Chang, Paul Changarnier, Quentin Dubois, Pierre Olympieff, Raphaël Aggery ou Théo His-Mahier (en alternance), quand ils ne se produisent pas en concert, explorent le lien entre le son, le corps et l’espace, avec des danseurs comme Yuval Pick et Maud Le Pladec. Ils réussissent ici à se fondre avec grâce dans le collectif Petit Travers. Il faut aller voir ce spectacle élégant et stylé.

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 2 avril à Bonlieu-Scène nationale, 1 rue Jean Jaurès, Annecy (Haute-Savoie). T. : 04 50 51 45 40

Les 7 et 8 mai, au festival Saperlipopette, Domaine d’O, Montpellier (Hérault).;

 

L’Avare, de Molière, mise en scène de Lilo Baur

L’Avare de Molière, mise en scène de Lilo Baur

 

©x

©x

Étrange et durable succès pour ce parfait égoïste, un avare qui marchande des prêts à 25% ! Harpagon dont le nom vient d’harpagế: en grec ancien: avidité, rapacité. De Plaute, le modèle latin de Molière, à l’Oncle Picsou qui prend des bains d’or et fait virevolter les dollars dans ses yeux, mystère : le personnage plaît. toujours. Pour son enviable vitalité? Ou pour se venger des riches? Mais la pièce finit bien pour ce personnage qui retrouve sa chère cassette et qui, grâce à un chantage, n’a pas déboursé un sou !

Nous avons connu de belles interprétations historiques dont les metteurs en scène plaçaient la pièce avec Le Bourgeois gentilhomme, L’École des femmes ou Tartuffe, parmi les satires de la bourgeoisie. Molière offrant à Louis XIV et à sa Cour un beau divertissement aux dépens d’une classe montante (l’auteur lui-même en venait), peut-être dangereusement tentée par le Jansénisme et pourquoi pas par la Réforme…
Lilo Baur a une autre vision de la pièce et la situe dans la Suisse des année cinquante. Décor et costumes suggèrent une vie saine et sportive de grands bourgeois aisés devant des montagnes enneigées. Ils ont une piscine -un luxe après la seconde Guerre Mondiale – et aussi un golf. Les jeunes filles sont en petite robe légère et les hommes, en costume au chic décontracté. Les serviteurs ont de vieux vêtements de travail récupérés mais de qualité «d’avant-guerre ». Le metteuse en scène d’origine helvétique qui a travaillé en Europe et au Japon, pointe du doigt sans insistance ni indulgence son pays,, enrichi grâce à sa neutralité, devenu le coffre-fort du monde,

Un fois cette ligne dramaturgique tracée  grâce aux costumes et à la scénographie, Molière peut se mettre à l’aise, et le rire s’épanouir. Pas de lecture sombre et grave de ce personnage, qu’un tic de langage d’aujourd’hui qualifierait de glaçant. Mais tout simplement comique dans la naïveté de sa passion. Laurent Stocker, vieilli pour le rôle, joue avec brio les pères dénaturés. Capable, à la rigueur, de supporter ses grands enfants, pourvu qu’ils ne lui coûtent pas un sou et si possible même, lui rapportent !

Mais quand il prétend épouser la jeune Marianne (il ne va pas rester veuf toute sa vie!), sa maladresse est immense et son désir, bien faible à côté de sa passion pour l’argent, si possible, sonnant et trébuchant. Il a l’esprit vif et une calculette dans la tête et quand l’intrigante Frosine lui vend la sobriété de Marianne comme une rente, il n’est pas question de se laisser prendre à ce leurre. Mais il ne peut dire : donner sans bégayer et son corps le lâche, s’il doit perdre, ou ne pas gagner d’argent : pour lui, c’est aussi grave.

Françoise Gillard, vive et pétillante, interprète la dite Frosine avec la toute petite dose d’amertume nécessaire. Elle encaisse la domination masculine et le mépris de classe d’Harpagon avec le très mince espoir d’avoir un pourcentage… Les jeunes premières ne sont pas idéalisées : Élise Lhomeau (Élise) et Anna Cervinka (Marianne), sont soumises et rebelles à la fois. Et les garçons non plus :Valère (Clément Bresson) est arrogant (seule expression possible de sa noble naissance cachée) et le fils à papa un peu pataud (Jean Chevalier), a les désirs de sa classe mais est un peu pataud! Son père lui a donné ni les moyens financiers, ni l’éducation…
Nicolas Lormeau, lui, s’amuse  à jouer Maître Simon, un courtier en prêts qui met sur les bras de Cléante la fameuse « peau d’un lézard, de trois pieds et demi, remplie de foin; curiosité agréable, pour pendre au plancher d’une chambre ». Pui une Dame Claude façon Mrs Doubtfire, et enfin un commissaire de police à la P’tit Quinquin. Jérôme Pouly (La Flèche) et Serge Bagdassarian (Maître Jacques) mettent leur expérience et leur puissance physique au service de ces valets désabusés, à qui on ne la fait pas. Adrien Simion et Jérémy Berthoud sont les laquais La Merluche et Brindavoine, clowns mal blanchis -la lessive coûte- qui font bien leur boulot. Et à la toute fin, Anselme (Alain Lenglet) résout avec sang-froid toutes les histoires de parenté, naufrages et dot et il clôt avec une sobre élégance cette pièce qui n’a aucune raison de finir, ou alors mal pour les personnages auxquels on s’attache, comme dans Tartuffe.
Roger Planchon, autrefois avait traité la scène avec plus d’attention, considérant qu’avec cet Anselme, « deus ex machina » nous entrions dans un autre théâtre, différent de la comédie bourgeoise et avait fait basculer ce moment plutôt sombre, dans un « grand spectacle » aux couleurs vives. Lilo Baur, elle, s’en est tenue raisonnablement au texte, avec à peine quelques ajustements sur les dépenses vestimentaires de Cléante et une conversion en euros). Et aux personnages joués par cette troupe aussi variée que talentueuse. Nous rions là où Molière a décidé de nous faire rire : «Montre-moi tes mains, les autres… », et nous ne nous en plaindrons pas.

Le plateau est censé reprendre la pente de la salle mais, au parterre, nous avons eu du mal à voir ce qui se passait au ras du sol. Mais nous avions envie de ne rien manquer des bagarres et culbutes de la pièce. Cela mis à part, cet avare nous donne, même si cela lui fait saigner le cœur, une bonne soirée ,qui a été très applaudie. Encore une réussite pour Molière chez lui.

Christine Friedel

Comédie-Française, salle Richelieu, place Colette Paris ( Ier) en alternance, jusqu’au 24 juillet. T. 01 44 58 15 15 www.comedie-francaise.fr

Au cinéma, en direct le 12 avril et rediffusion à partir du 2 mai, en partenariat avec Pathé Live. Réservations : patheliv.com/avare

Les Fables d’après Jean de La Fontaine, mise en scène de Philippe Car

Les Fables d’après Jean de La Fontaine, mise en scène de Philippe Car 

Les Fables_P8-9_l

La Fête de la Cigale ©Elian Bachini

L’Agence de voyages imaginaires, une compagnie marseillaise installée dans le quartier de l’Estaque, a su créer avec succès depuis des années, sous la houlette de Philippe Car, des adaptations populaires de textes classiques et les jouer aussi en tournée dans la région. Ici, un cabaret festif, impertinent et imagé, avec pour chaque tableau, un décor, souvent kitch, installé à vue, au rythme du petit orchestre que forment cinq acteurs et musiciens aussi habiles à interpréter les animaux qu’à joue d’un instrument. Sous les lumières de Julio Etiévant, les compostions de Jean-Luc Tourné et Yann Norry accompagnent aimablement ces courtes séquences, conçues comme des sketches.

Un rideau de scène chatoyant tendu ss s’ouvre parfois sur un écran où sont projetés des paysages bucoliques. Au fronton de ce petit théâtre, une inscription : «Aimez, aimez tout le reste n’est rien», clin d’œil aux Amours de Psyché et de Cupidon. Sur tout le plateau, ou à l’avant-scène, cette joyeuse compagnie commente, plus qu’elle n’illustre, vingt fables, plus ou moins connues. Elle reste fidèle à leur esprit, tout en faisant fi des morales de l’auteur qu’elle juge dépassées.

Ainsi la Cigale, en costume de majorette, entraîne la fourmi dans la danse, et la voisine peu prêteuse, au lieu de la tancer, la suit volontiers au son des tambours. L’Agneau, sous la menace d’un revolver brandi par le loup, se rebelle contre son rôle d’animal sacrificiel, égratignant au passage, la religion chrétienne. Le Corbeau, lui, est ravi de se débarrasser d’un gros fromage en polystyrène… Parfois, les comédiens se conforment à leur modèle, avec ironie : le temps d’une courte chanson, le Bûcheron repousse la Mort et passe son chemin. Les deux Pigeons devient une parodie. Nous avons apprécié le concert des grenouilles quand la plus vaniteuse se gonfle pour se faire aussi grosse que le bœuf, interprété, lui, par un guitariste coiffé d’énormes cornes…

 Ces morceaux choisis s’articulent selon un fil conducteur : Gaïa (la Terre) ,dans une splendide robe rouge à crinoline, préside et nous sert une fable écologique de son cru, prédisant la fin de la Planète souillée par les hommes. Et joignant le geste à ses prophéties, elle répand un gaz mortel sur le plateau… Mais était-il nécessaire d’alourdir cette comédie humaine par un discours moralisateur pas très bien écrit, quand ce spectacle détourne déjà le moralisme de La Fontaine? Malgré cette réserve, le spectacle, bien enlevé, ravit petits et grands… Dans le hall du théâtre, l’Agence de voyages imaginaires offre un bonus: une exposition sur toutes les Fables ! Deux cent quarante-six créateurs ont illustré ces histoires, chacun à partir d’une fable tirée au sort. Soit une panoplie de textes, chansons, vidéos, dessins, installations à voir, avant ou après la représentation…

 Mireille Davidovici

 Spectacle vu le 1er avril, à Bonlieu-Scène nationale, 1 rue Jean Jaurès, Annecy (Savoie). T. : 04 50 51 45 40.

Les 12 et 13 mai, Théâtre du Parc, Adrezieux- Bouthéon (Loire).

Le 1er juin, CIRCA Pôle national du Cirque, Auch (Gers)

Le monde de la danse se mobilise à Chaillot-Théâtre national de la Danse en partenariat avec la Croix Rouge

Le monde de la danse se mobilise à Chaillot-Théâtre national de la Danse en partenariat avec la Croix-Rouge

©x

©x

Ensemble pour la paix, une soirée réunissant de nombreuses pièces de plusieurs chorégraphes est organisée à Chaillot le jeudi 14 avril pour récolter des fonds et apporter son aide aux populations d’Ukraine.

La soirée, animée par Sonia Devillers, offre un programme unique.  Avec des pièces ou extraits de pièces du Ballet de l’Opéra national de Lyon, Angelin Preljocaj,  Carolyn Carlson, Thierry Malandain, Mathilde Monnier, Mourad Merzouki, Le Kiev City Ballet,

©x Le ballet national de Kiev

©x Le Ballet National de Kiev

  Oona Doherty, le Collectif Petit Travers, Héla Fatoumi, Raphaëlle Delaunay, etc.

Avec la participation de l’Association des Centres Chorégraphiques Nationaux, l’Association des Centres de Développement Chorégraphique Nationaux, le Centre National de la Danse, le Ballet de l’Opéra national de Lyon, la Maison de la Danse de Lyon et Montpellier-Danse.

Tarif unique: 20 €  entièrement reversés à la Croix-Rouge.Réservation possible dès maintenant sur le site de Chaillot. Représentation diffusée en même temps sur Tiktok. 

 

12345

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...