Des femmes respectables, mise en scène et chorégraphie d’Alexandre Blondel

Des femmes respectables, mise en scène et chorégraphie d’Alexandre Blondel

Crédit photo 3

©Etienne Laurent

Cette création fait pendant au ballet De la puissance virile où trois danseurs s’expriment en mouvements et en mots sur le machisme ordinaire subi par chacun, selon son origine (voir Le Théâtre du blog). Nous retrouvons ici le style du chorégraphe entre théâtre, acro-danse et hip hop. Cet artiste pluridisciplinaire, sociologue de surcroit, installé dans les Deux-Sèvres avec sa compagnie Carna, nourrit ses pièces de recherches sur le terrain.

Pour le versant féminin de son diptyque, Alexandre Blondel s’est inspiré de l’ouvrage Des femmes respectables de la sociologue féministe britannique Beverly Skeggs. Il a composé cette pièce à partir d’entretiens qu’il a menés lui-même dans sa région auprès de femmes âgées de soixante-dix à quatre-vingt cinq ans, issues du monde rural: agricultrices, ouvrières et autres. Quatre danseuses s’emparent des paroles de ces «invisibles» qui pourraient être leurs grands-mères et les mêlent aux leurs. D’une génération à l’autre, les problématiques féminines se répondent avec écarts et similitudes. Le metteur en scène et chorégraphe a construit cette pièce suivant  des thématiques : le don de soi, la maternité, le mariage, les violences conjugales, la sexualité mais aussi le divorce et la précarité

Emilie Camacho, Camille Chevalier, Jade Fehlmann et Léna Pinon-Lang investissent le plateau tandis qu’une voix off, délicieusement rétro, raconte une jeunesse rurale: «Le dimanche, au bal, on dansait comme tous les ados avec ceux qui nous plaisaient. On dansait souvent entre filles d’ailleurs, parce que flirter c’était mal vu et mes frères étaient toujours là. Eux, je les aime, ils sont pas responsables de ça…ils étaient pas responsables de tout ça… c’est pas eux, c’était pas eux… » Derrière les mots, on entend l’aliénation mais aussi les stratégies pour la déjouer: une forme de contestation pointe, reprise avec gourmandise par les danseuses pour souligner la résistance de ces femmes.

Dans ce théâtre à la fois de paroles et de gestes, les moments forts sont ceux où la danse prédomine et où la chorégraphie souligne minutieusement par des états du corps, les différentes formes d’aliénation. L’assemblage est surtout réussi quand texte et danse opèrent en symbiose comme dans cette avancée chorale à petits pas mécaniques rythmant des phrases syncopées: «Je travaillais, je faisais des petites choses, je faisais de la couture, des finitions de couture.. Je travaillais souvent le soir pour cinq francs de l’après-midi, alors là, trente-six métiers, trente-six misères… J’ai vendu des encyclopédies, y’avait un monsieur, il m’emmenait avec lui, un homme charmant, vraiment, il vendait ça comme des petits pains. Et quand je me suis retrouvée toute seule, j’ai jamais rien vendu… Puis à l’époque, les femmes n’étaient pas considérées… Après, j’ai vendu des assurances pour les Mutuelles du Mans…. » Il y a aussi les souvenirs des luttes de cette syndicaliste d’une usine textile, qu’elle a menées et qui l’ont décillée …

De petites et grandes résistances au quotidien que les jeunes interprètes nous donnent à entendre et à voir, en y mêlant leur ressenti de femmes et danseuses d’aujourd’hui. #Metoo et #Balancetonporc qui agitent, entre autres, le monde du spectacle, sont évoqués ici avec humour : la légèreté reste de mise parfois avec des gestuelles allusives sans être grossières. L’écriture chorégraphique va à l’encontre d’un corps normé et idéalisé. Entre puissance et fragilité, Alexandre Blondel déjoue les codes de la féminité avec des torsions, bascules arrière, cambrés exagérément provocants mais aussi des lâcher-prise et déséquilibres. Les mots débordent parfois sur la danse mais il faut saluer ce travail original, bien construit et très physique où les artistes s’engagent avec talent et drôlerie pour mettre en valeur les espaces de résistance et d’émancipation dans la fabrique sociale du féminin d’hier et d’aujourd’hui

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 4 mai, Les Trois T-Scène Conventionnée de Châtellerault, 21 rue Chanoine de Villeneuve, Châtellerault (Vienne). T. : 05 49 85 46 54.

Du 7 au 29 juillet à 18 h 15, Théâtre de la Danse Golovine, 1 bis rue Sainte-Catherine, Avignon (Vaucluse). T. : 04 90 86 01 27


 

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