Festival Les Contemporaines à Lyon
Festival Les Contemporaines à Lyon
Ces rencontres d’écritures contemporaines francophones réunissent, dans le sillage du festival EN ACTE(S), les Journées des Auteurs de Théâtre de Lyon (J.L.A.T.), et les Lundis en Coulisses, consacrées à la découverte des autrices et auteurs. «Une aventure collective, entre des auteurs et des artistes avec qui nous souhaitons partager un temps de travail, et d’expérimentation au plateau du temps d’échanges », dit le jeune acteur et metteur en scène Maxime Mansion qui porte en EN ACTE(S) à bout de bras depuis 2014 (voir Le Théâtre du Blog); en Actes a pour but de faire jouer (et non simplement lire) des textes contemporains et organise des rencontres entre auteurs et metteurs en scène qui ne se connaissent pas. Chaque création répond à des contraintes précises : pas plus d’une heure, cinq comédiens maximum et sujet en écho à l’actualité. Un vrai travail de plateau, sans régie son ni lumière. Les compagnies sélectionnées ont douze jours de répétitions pour deux représentations. EN ACTE(S) a aussi édité les œuvres sélectionnées mais ce travail était très chronophage. C’est là qu’intervient l’idée lumineuse du rapprochement avec les J.L.A.T.. Créé en 1989, le comité de lecture de ces Journées choisit chaque année cinq textes qui seront lus en public et édités. »
En 2018, le T.N.P. À Villeurbanne accueillait déjà EN ACTE(S) dans ses murs et ouvre cette année sa librairie aux éditeurs venus nombreux exposer leurs publications. Dans cette ambiance littéraire et théâtrale, un programme avec deux semaines de découvertes qui met notamment à l’honneur des autrices venues de loin.
Un Ventre bleu de Haïla Hessou, mise en scène de Laurent Cogez
Des tréteaux installés dans la salle Jean-Bouise font un radeau idéal pour cette histoire en forme de conte. Une narratrice nous emmène dans le ventre d’une baleine où le capitaine Achab, Pinocchio et Jonas se disputent l’attention d’une petite fille. Elle n’a que faire des mensonges du pantin, des colères du marin et des lamentations du prophète naufragé. Les injonctions contradictoires de ces personnages de légende la déboussolent. Quand ils se bagarrent sans fin, elle demande à la narratrice de la sortir de là, et, malgré les dangers du dehors, elle veut venir au monde. David Antoniotti, Xavier Besson et Victor Calcine n’auront pas le dessus : la petite (Lou Martin-Fernet) a une volonté acharnée.. Naître ou ne pas naître ? Une question en forme de métaphore de la maternité et un clin d’œil ironique à De l’inconvénient d’être né du pessimiste Emil Cioran.
Haïla Hessou, issue de la première promotion d’auteurs dramatiques de l’Ecole du Nord à Lille, a déjà à son actif deux pièces éditées chez Lansman mais c’est sa première à être mise en scène. Souhaitons lui que cette troupe éphémère poursuive son projet.
Aimer en stéréo de Gaëlle Bien-Aimé, mise en scène de Marion Levêque
A Haïti, nous dit l’autrice, les radios locales sont essentielles à la communication et dans les villages les plus reculés, parviennent des nouvelles des uns et des autres. Souvent mauvaises dans ce pays en proie à des gangs meurtriers… Clermesine a dû quitter en urgence son île pour laquelle elle s’est battue. Sa radio, constamment allumée, lui rappelle les voix des siens et fait surgir en elle les mots pour dire sa nostalgie et sa colère. Azani V. Ebengou et Florianne Vilpont se partagent ce monologue d’exil et entrent de plain-pied dans une parole poétique et abrupte, nécessaire à l’autrice pour se reconstruire ailleurs. Comédienne et performeuse, Gaëlle Bien-Aimé écrit un théâtre puissant, très oral, à proférer.
Maintenant ou jamais de Cédric Mabudu, mise en scène d’Eric Delphin Kwégoué
Cet auteur béninois nous entraîne dans un monde magique et mystérieux où les morts reviennent défendre les vivants. Nous sommes dans le Terme Sud, un quartier confisqué par l’Etat: la forêt va être détruite et les habitants chassés de chez eux vivent sous couvre-feu. Reste un ultime recours: appeler à la rescousse un soldat tombé à la guerre. Sa veuve, pour lui rafraîchir la mémoire, le projette dans un lointain passé. Cette fable poétique et amusante révèle un auteur qui raconte avec l’humour du désespoir un combat de dernière chance contre un pouvoir prédateur.
Dans un manifeste pour les écritures dramatiques d’aujourd’hui, professé par Les Contemporaines et le festival Regard Croisés* de Grenoble, est indiqué à l’article 6: « Nous déclarons savoir qu’il y a des langues inédites, sauvages, rétives, obscures, faussement plates et quotidiennes, trouées, baroques, imaginaires composées. » Un bon résumé de cette journée dense où le public, jeune et nombreux, a pu apprécier la diversité de ces écritures.
Mireille Davidovici
Spectacles vus le 6 mai au Théâtre National Populaire, 8 place Lazare Goujon, Villeurbanne (Rhône) . T. : 04 78 03 30 00.
Les Contemporaines, du 2 au 14 mai : enactes.org/lescontemporaines/auteursdetheatre.org
*Festival Regards Croisés du 18 au 23 mai www.troisiemebureau.com