L’Etang, d’après l’œuvre originale Der Tech de Robert Walser, mise en scène de Gisèle Vienne

L’Etang, d’après l’œuvre originale Der Tech de Robert Walser, adaptation d’Adèle Haenel, Julie Sanahan, Henriette Wallberg, en collaboration avec Gisèle Vienne, mise en scène de Gisèle Vienne

Ni pendrillons ni rideaux ni scène nue mais un remarquable et grand cube blanc d’une dizaine de mètres d’ouverture sur cinq de profondeur imaginée par Gisèle Vienne. Et rien d’autre qu’un étroit lit d’adolescent; au sol, quelques vêtements, des cailloux lumineux et un petit poste de radio noir. Et dans la pénombre, une bande de jeunes gens assis par terre ou allongés sur le lit. Une fois la lumière revenue, un accessoiriste viendra emporter délicatement dans ses bras et un par un à un… ces mannequins très réussis, conçus par la metteuse en scène qui fut élève à l’Ecole de la Marionnette à Charleville-Mézières

© J.L. Fernandez

© J.L. Fernandez

Dans cet espace immaculé, le lit est toujours là avec ses draps chiffonnés révélant une présence humaine récente. Et très lentement, à pas comptés et dans une véritable chorégraphie, entrent alors sur une musique électronique souvent envahissante, Adèle Haenel en pantalon, T-shirt et tennis blancs, et Ruth Vega Fernandez, elle, en jeans et pull-over, chaussée de bottines. Il s’agit selon Gisèle Vienne d’une «expérience», laquelle doit beaucoup aux arts plastiques. Ici, pas de véritable dialogue oral entre les actrices munies de micros H.F. qui -ce n’est pas très réussi- leur font un bosse dans le dos! Mais un travail approfondi sur une gestuelle imaginée par Gisèle Vienne sur les éclairages d’Yves Godin aux tons pastel qui changent très souvent, et la musique Stephen O’Malley et François Bonnet avec voix très amplifiées et/ou dissociées, grondements, sifflements… parsemée de longs silences.
Ce texte de jeunesse est moins intéressant que Les Enfants Tanner, L’Institut Benjamenta  ou les Poèmes de Robert Walser. Et à cause des micros et d’une diction parfois approximative d’Adèle Haenel qui boule souvent son texte, on ne l’entend souvent pas très bien. Ici, Robert Walser raconte le suicide simulé de Fritz, un adolescent qui ne se sent aimé de personne et voudrait reconquérir l’amour de sa mère. Mais cet Etang, dont le texte original a été largement remanié, devient ici une sorte de tremplin pour une recherche plastique. Adèle Haenel, plus à l’aise au cinéma qu’au théâtre, représente, plus qu’elle ne joue, ce jeune Fritz, mais aussi semble-t-il, ses frères et sœurs (Robert Walser en eut sept!). Ruth Vega Fernandez, « est » -comme dire cela autrement?- la mère, mais aussi le père.

Une pièce qui rappelle Atlas, un long opéra de Meredith Monk qu’elle avait aussi mis en scène où une adolescente recherche son identité au cours d’un voyage. Mais ici Gisèle Vienne a conçu une pièce finalement peu figurative en une heure et demi qui tient plus de la performance où l’on se perd -mais c’est sans doute intentionnel- et d’une épure assez sèche qui flirte vite avec l’ennui, passé l’émerveillement du début… Tout se passe en fait comme si cette artiste avait eu du mal à concilier le texte d’un auteur qu’elle admire et la direction d’acteurs, avec ses propres recherches «en se faisant côtoyer différents langages formels, c’est à dire différentes hypothèses de lecture du monde.» Bref, un travail honnête et d’une grande précision mais qui ne nous a pas convaincu.
Le public semblait divisé -il y avait beaucoup de jeunes gens sans doute venus voir l’actrice de cinéma bien connue qui a reçu plusieurs Césars et très mobilisée sur les questions de féminisme et violences sexuelles, et très anticapitaliste. Il a applaudi le spectacle parfois très fort… mais pas longtemps.

 Philippe du Vignal

Jusqu’au 15 mai, Théâtre Nanterre-Amandiers-Centre Dramatique National, 7 avenue Pablo-Picasso, Nanterre ( Hauts-de-Seine) . T. : 01 46 14 70 00.

Un large public vient au Centre Georges Pompidou applaudir Adèle Haenel et Julie Shanahan. On ne parlera pas  de la musique indispensable, quoique faisant à l’excès trembler le sol de ses basses, de Stephen F. O’Malley. Ni des poupées adolescentes inquiétantes de réalisme avec leurs visages de porcelaine créées par  Gisèle Vienne. Seulement des actrices qui ne jouent pas la comédie mais agissent, autour de ce texte qui s’efface un peu dans le travail de Gisèle Vienne.
Incorporant non pas une danse mais une gestuelle mesurée, jamais relâchée et une diction tout aussi contrainte. Et selon un paradoxe connu,cela leur donne une très profonde liberté, celle, en tout cas de surprendre le spectateur et d’évoquer des émotions fortes. La partition d’Adèle Haenel lui permet de monter et descendre le clavier de la révolte enfantine, à la mélancolie adolescente avec une rare intensité. Partout, elle y est, entièrement, dépassant l’artifice revendiqué, créant l’évidence : violence des guerres enfantines, larmes et revanches, forces perdues et reconquises, le corps plié, redressé, contracté, serré ou dégagé brusquement.
Julie Shanahan se révèle elle autrement mais dans les même contraintes, parfois en anglais, dans l’émotion plus figurée d’une mère sur la défensive. Et Robert Walser, là-dedans ? Dessous et source inépuisable.

Christine Friedel

Festival d’automne, jusqu’au 18 décembre, Centre Georges Pompidou, Paris (Ier).

www.centrepompidou.fr/spectacles

 


Archive pour 11 mai, 2022

L’Etang, d’après l’œuvre originale Der Tech de Robert Walser, mise en scène de Gisèle Vienne

L’Etang, d’après l’œuvre originale Der Tech de Robert Walser, adaptation d’Adèle Haenel, Julie Sanahan, Henriette Wallberg, en collaboration avec Gisèle Vienne, mise en scène de Gisèle Vienne

Ni pendrillons ni rideaux ni scène nue mais un remarquable et grand cube blanc d’une dizaine de mètres d’ouverture sur cinq de profondeur imaginée par Gisèle Vienne. Et rien d’autre qu’un étroit lit d’adolescent; au sol, quelques vêtements, des cailloux lumineux et un petit poste de radio noir. Et dans la pénombre, une bande de jeunes gens assis par terre ou allongés sur le lit. Une fois la lumière revenue, un accessoiriste viendra emporter délicatement dans ses bras et un par un à un… ces mannequins très réussis, conçus par la metteuse en scène qui fut élève à l’Ecole de la Marionnette à Charleville-Mézières

© J.L. Fernandez

© J.L. Fernandez

Dans cet espace immaculé, le lit est toujours là avec ses draps chiffonnés révélant une présence humaine récente. Et très lentement, à pas comptés et dans une véritable chorégraphie, entrent alors sur une musique électronique souvent envahissante, Adèle Haenel en pantalon, T-shirt et tennis blancs, et Ruth Vega Fernandez, elle, en jeans et pull-over, chaussée de bottines. Il s’agit selon Gisèle Vienne d’une «expérience», laquelle doit beaucoup aux arts plastiques. Ici, pas de véritable dialogue oral entre les actrices munies de micros H.F. qui -ce n’est pas très réussi- leur font un bosse dans le dos! Mais un travail approfondi sur une gestuelle imaginée par Gisèle Vienne sur les éclairages d’Yves Godin aux tons pastel qui changent très souvent, et la musique Stephen O’Malley et François Bonnet avec voix très amplifiées et/ou dissociées, grondements, sifflements… parsemée de longs silences.
Ce texte de jeunesse est moins intéressant que Les Enfants Tanner, L’Institut Benjamenta  ou les Poèmes de Robert Walser. Et à cause des micros et d’une diction parfois approximative d’Adèle Haenel qui boule souvent son texte, on ne l’entend souvent pas très bien. Ici, Robert Walser raconte le suicide simulé de Fritz, un adolescent qui ne se sent aimé de personne et voudrait reconquérir l’amour de sa mère. Mais cet Etang, dont le texte original a été largement remanié, devient ici une sorte de tremplin pour une recherche plastique. Adèle Haenel, plus à l’aise au cinéma qu’au théâtre, représente, plus qu’elle ne joue, ce jeune Fritz, mais aussi semble-t-il, ses frères et sœurs (Robert Walser en eut sept!). Ruth Vega Fernandez, « est » -comme dire cela autrement?- la mère, mais aussi le père.

Une pièce qui rappelle Atlas, un long opéra de Meredith Monk qu’elle avait aussi mis en scène où une adolescente recherche son identité au cours d’un voyage. Mais ici Gisèle Vienne a conçu une pièce finalement peu figurative en une heure et demi qui tient plus de la performance où l’on se perd -mais c’est sans doute intentionnel- et d’une épure assez sèche qui flirte vite avec l’ennui, passé l’émerveillement du début… Tout se passe en fait comme si cette artiste avait eu du mal à concilier le texte d’un auteur qu’elle admire et la direction d’acteurs, avec ses propres recherches «en se faisant côtoyer différents langages formels, c’est à dire différentes hypothèses de lecture du monde.» Bref, un travail honnête et d’une grande précision mais qui ne nous a pas convaincu.
Le public semblait divisé -il y avait beaucoup de jeunes gens sans doute venus voir l’actrice de cinéma bien connue qui a reçu plusieurs Césars et très mobilisée sur les questions de féminisme et violences sexuelles, et très anticapitaliste. Il a applaudi le spectacle parfois très fort… mais pas longtemps.

 Philippe du Vignal

Jusqu’au 15 mai, Théâtre Nanterre-Amandiers-Centre Dramatique National, 7 avenue Pablo-Picasso, Nanterre ( Hauts-de-Seine) . T. : 01 46 14 70 00.

Un large public vient au Centre Georges Pompidou applaudir Adèle Haenel et Julie Shanahan. On ne parlera pas  de la musique indispensable, quoique faisant à l’excès trembler le sol de ses basses, de Stephen F. O’Malley. Ni des poupées adolescentes inquiétantes de réalisme avec leurs visages de porcelaine créées par  Gisèle Vienne. Seulement des actrices qui ne jouent pas la comédie mais agissent, autour de ce texte qui s’efface un peu dans le travail de Gisèle Vienne.
Incorporant non pas une danse mais une gestuelle mesurée, jamais relâchée et une diction tout aussi contrainte. Et selon un paradoxe connu,cela leur donne une très profonde liberté, celle, en tout cas de surprendre le spectateur et d’évoquer des émotions fortes. La partition d’Adèle Haenel lui permet de monter et descendre le clavier de la révolte enfantine, à la mélancolie adolescente avec une rare intensité. Partout, elle y est, entièrement, dépassant l’artifice revendiqué, créant l’évidence : violence des guerres enfantines, larmes et revanches, forces perdues et reconquises, le corps plié, redressé, contracté, serré ou dégagé brusquement.
Julie Shanahan se révèle elle autrement mais dans les même contraintes, parfois en anglais, dans l’émotion plus figurée d’une mère sur la défensive. Et Robert Walser, là-dedans ? Dessous et source inépuisable.

Christine Friedel

Festival d’automne, jusqu’au 18 décembre, Centre Georges Pompidou, Paris (Ier).

www.centrepompidou.fr/spectacles

 

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