Barbe Bleue par le Tanztheater Wuppertal, chorégraphie de Pina Bausch

Barbe-Bleue par le Tanztheater Wuppertal, chorégraphie de Pina Bausch

 «Nous nous sommes tant aimés.» Quelques représentations de cette pièce, en 1979, à l’initiative de Jean Mercure, marquent le début d’une histoire d’amour entre le Tanztheater Wuppertal allemand et le public du Théâtre de la Ville. Après la disparition de Pina Bausch en 2009, tous ceux qui l’ont connue ont pendant dix ans fait vivre un répertoire exceptionnel, que le monde entier réclame encore. A la direction générale et artistique de ce théâtre, se sont succédé d’anciens danseurs comme Lutz Förster, Dominique Mercy et d’autres. En septembre 2022, arrivera Boris Charmatz.

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Barbe-Bleue qui n’avait jamais été repris, vit dans nos mémoires à travers des livres, photos et extraits vidéos. En 1984, dans le Journal du Théâtre de la Ville, Raphaël de Gubernatis écrivait : «  Vivre une époque sans avoir connu les ouvrages de ses artistes ou penseurs les plus marquants, c’est la méconnaître et se retrancher hors de son temps. Ainsi jamais, ne pourrait-on parler de la nôtre sans évoquer nécessairement Pina Bausch.»,

 Mais depuis, nous avons depuis changé de siècle… Les directrices des répétitions Héléna Pikon et Barbara Kaufmann ont fait effectuer un travail dramaturgique et scénographique remarquable de précision. Les tableaux qui se succèdent sur la musique du Château de Barbe-Bleue, un opéra de Béla Bartók et identiques à ceux de la création en 1977, gardent une puissance visuelle hypnotique. L’interprétation du rôle de Judith par Tsai-ChinYu est exceptionnelle et chaque geste ou mouvement traduit un rapport d’amour destructeur entre Barbe-Bleue et son épouse.
La danseuse, qui n’a pourtant pas connu la chorégraphe, incarne parfaitement le personnage. Mais pour le reste de la distribution, nous sommes plus réservés. Le groupe fonctionne mais les personnalités sont peu marquées et il y a peu d’émotion. Le temps a sans doute passé et ces jeunes danseurs ne nous transmettent plus ces vibrations que nous cherchons à retrouver. Cette œuvre, d’une heure cinquante sans entracte, reste tout de même à découvrir, pour tout amoureux du spectacle.

 Jean Couturier

Le spectacle a été dansé au Théâtre du Châtelet dans le cadre du Théâtre de la Ville hors les murs, du 18 au 26 juin. Mais depuis le 27, toutes les représentations ont été annulées en raison de covid dans la troupe.


Archive pour juin, 2022

Bertolt Brecht, Pensées de et par Jean-Louis Hourdin, Philippe Macasdar et Karine Quintana

Bertolt Brecht, Pensées de et par Jean-Louis Hourdin, Philippe Macasdar et Karine Quintana

 

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En France, il avait secoué le théâtre dès l’apparition à Paris, au Théâtre des Nations, avec sa troupe du Berliner Ensemble. Et Bertolt Brecht s’était imposé les scènes subventionnées durant leurs années politiques avant la chute du mur. 1989 : fin du communisme et il  ne restait plus qu’un seul monde, celui du capitalisme…Pour Bertolt Brecht, l’histoire avait commencé beaucoup plus tôt… et ne finit jamais. Chassé d’Allemagne en 39 par le règne du petit barbouilleur Hitler, peintre raté, il fut un franc-tireur de l’exil, il reviendra dix ans plus tard en République Démocratique Allemande communiste (résultat du partage de l’Allemagn sous la supervision des puissances victorieuses) et fut l’auteur officiel et le directeur du fameux Berliner Ensemble. Petit rappel nécessaire, quand on observe aujourd’hui son  absence dans les programmations des théâtres et que son œuvre n’est plus intégralement disponible aux éditions de l’Arche…

Le poids de l’histoire, la réalité de la lutte des classes, puisqu’il faut l’appeler par son nom, Brecht le poète a eu le génie, avant et après guerre, de lui donner la légèreté et la puissance de la flèche. Poésie sans ornement, droit au but: Jean-Louis Hourdin, Philippe Macasdar et Karine Quintana ont baptisé leur spectacle : Bertolt Brecht, pensées. Tous les textes dits et lus ne viennent pas de poèmes mais on y reconnaît des chansons ou extraits de ses pièces. Mais tous ont la même force poétique.

On y entend la révolte contre l’injustice, la dénonciation du « récit » dominant, le malheur des pauvres et des petits, sans indignation ni attendrissement. L’émotion et le rire naissent de la vérité. Une vérité qui sonne dans l’économie des mots, le rythme bref de la phrase et les silences dynamiques ainsi créés.
Un grand coup de chapeau aux traducteurs qui ont su transmettre cette terrible vitalité. Le public reçoit une rafale de révélations et Brecht nous donne l’étincelle de ce qui devient notre pensée ! Et c’est aujourd’hui! Pas de vision plus claire que la sienne sur ce qui conduit les mal-lotis à voter pour les extrêmes. Sans expliquer, il crée l’évidence.

Une actrice chante, à l’accordéon, instrument populaire s’il en est, les autres disent. Tout le théâtre tient dans une valise,ou une 2CV : un rideau de scène où s’impriment les visages d’un public ravi, celui des photos d’Ito Josué à Saint-Etienne aux commencements bénis de la décentralisation théâtrale. Un petit bureau à astuces révélant la minuscule maquette d’un pupitre d’écolier des années 50 – on est là pour apprendre-. Des images, tout autour, qu’on verra ou non avant et après le spectacle, histoire d’emmener le public encore un peu plus loin. Et c’est tout. Avec ce décor qui est plutôt un outil transportable partout, les trois complices nous font ce cadeau, de la part du poète : la vivacité du présent. Comme toujours avec les grands textes, nous sommes saisi par leur acuité et leur actualité. N’oublions pas: ce qu’on appelle le répertoire, n’a rien d’une lassante répétition. Ce théâtre minuscule qui peut se jouer partout, plus précieux que bien des grandes machines (mais le public a droit aussi à de grandes belles machines, pensées et sensibles). Il apporte un plaisir extra-ordinaire : comprendre, voir et se laisser gagner par la vive intelligence de Brecht.

Christine Friedel

 

Spectacle vu en appartement; contact : Jean-Louis Hourdin : T. : 06 83 52 19 35.

 

Un Certain penchant pour la cruauté de Muriel Gaudin, mise en scène de Pierre Notte

Un Certain penchant pour la cruauté de Muriel Gaudin, mise en scène de Pierre Notte

Elsa, une jeune femme a tout ce qu’il faut pour être heureuse : un mari Christophe avec lequel elle s’entend bien mais aussi un amant, une grande fille Ninon et une maison avec jardin. Ils ont pris la décision d’héberger Malik, un jeune Africain, absolument seul et mineur. Toute une aventure à priori dans l’axe pour fonctionner.. Accueillir un migrant peut être riche d’expérience. oui mais aussi d’aventures… sinon il n’y aurait pas de pièce.
Muriel Gaudin met au goût du jour un très ancien thème théâtral. L’étranger, un inconnu qui arrive et
sert de révélateur avec la confrontation entre différents modes de vie, de pensée et culture et perturbe ceux qui l’accueillent comme lui-même. Il y avait déjà Oedipe apprenant qu’il est en fait un double criminel: relation avec sa mère et meurtre de son père…
Et côté comédie, la veine est encore plus riche comme avec le séisme que provoque l’arrivée de 
Tartuffe dans la famille d’Orgon sur lequel il a une influence redoutable et qui (tiens, encore une histoire de sexe !) essaye de séduire son épouse et se marier avec sa fille. Bref, quand les règles de l’hospitalité ne sont plus respectées, c’est tout un équilibre socio-familial qui en prend un coup et les choses se mettent vite à dérailler. Même chose chez Marivaux qui adore ce thème de l’étranger bousculant la vie, jusque là tranquille, de ses personnages comme dans Le Prince Travesti, Le Triomphe de l’amour ou Les Fausses Confidences où sous la fausse identité d’un intendant, un aristocrate va pénétrer chez Araminte pour arriver à la séduire. Et un auteur contemporain comme Guillermo Pisani avec Je suis perdu, voit bien que cela cloche quand il faut faire une place à un étranger, non un soir ou deux mais plusieurs mois. Brutalement, tout est alors remis en question dans une famille ou un milieu professionnel.

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Ici, Muriel Gaudin, avec humour… et une certaine provocation, flingue nos certitudes et nous met face à nos contradictions malgré notre bonne volonté apparente de bien faire. Et si nous étions à leur place de ces étrangers, comment pourrions-nous supporter tant d’humiliations, discriminations pour obtenir l’indispensable permis de séjour, voire même un simple papier administratif…

« Un projet né d’une expérience autobiographique, dit Muriel Gaudin. Mon compagnon, mes deux enfants et moi, avons accueilli pendant deux ans un jeune migrant. Cette situation (une nouvelle personne entrant entre un foyer, :  un adolescent) m’est vite apparue comme une source de questionnements et de surprises.
J’ai alors découvert des fonctionnements étranges, mêlés d’altruisme et de repli sur soi, de générosité et de peur… (…) Peut-on accueillir l’autre, l’accepter, sans contreparties ? Je l’accepte pour qu’il me renvoie une image positive de moi-même ? Le mélange des cultures est-il un troc : je t’accueille sous mon toit, je te nourris, je te donne la marche à suivre pour t’intégrer, je te suis essentiel(le) et toi, en échange, tu me donnes toute ta gratitude et l’assurance du Bien que je fais ?
Le rapport est-il marchand, je te sauve de tout, j’exerce mon pouvoir, mon savoir, et toi, tu me déculpabilises ?
J’ai essayé de montrer comme il est difficile d’accepter l’autre sans contrepartie pour qu’il me renvoie une image positive de moi-même ? Comment résoudre cette équation insoluble ou ce qu’il faut mieux appeler un troc : je t’accueille sous mon toit, je te nourris, je te donne la marche à suivre pour t’intégrer, je te suis essentiel et toi, en échange, tu m’en es reconnaissant. Je te sauve mais je continue à exercer un certain pouvoir occidental. »

Ici, rien de très réaliste et c’est tant mieux: juste trois bancs-coffres à roulettes. Muriel Gaudin campe une Elsa qui n’en est pas à une contradiction près: elle adore la liberté mais est assez autoritaire. Vivre  ensemble n’est pas simple et chacun des autres personnages essaye de s’en sortir au mieux, c’est à dire au moins mal, avec sans doute une certaine culpabilité… Comment accueillir l’autre? La fin est assez grinçante mais nous ne la dévoilerons pas. Elsa restera seule, déchirée face au tsunami qui a emporté sa famille mais qu’elle a ( inconsciemment? ) contribué à faire naître.

Une première pièce, bien écrite avec humour et clairvoyance, jamais bavarde. Jouée avec humour et tendresse par Muriel Gaudin elle-même et quatre complices. Et servie par une mise en scène précise et sensible comme toujours, de Pierre Notte. Avec un musicien qui donne au spectacle une belle résonance et où chaque personnage est habillé d’un seule couleur. Elsa, en rouge. Christophe, en bleu. Pour Ninon en ocre et Julien en gris. Malik est lui en blanc. C’est une sorte de fable avec seulement suggérés: cuisine, bureau, chambre, etc.
Un théâtre qui se joue dans un espace aussi simple qu’intelligent, loin des grandes machines à jouer avec plateaux tournants, fumigènes et micros H.F.
Que demande le peuple? Seul bémol: il y aurait un peu moins de déplacements de  praticables à roulettes et de changements de costume, ce serait aussi bien. Ces réserves mises à part, la pièce devrait faire un tabac en Avignon…

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 24 juin au Théâtre La Flèche, 77 rue de Charonne, Paris (XI ème).

Du 7 au 30 juillet à 13 h 05, La Scala Provence, 3 rue Pourquery Boisserin, Avignon (Vaucluse), relâche lundis 11,18 et 25 juillet. T : 04 65 00 00 90.

Le texte de la pièce sera publié à L’Avant-Scène théâtre en septembre prochain

Le Théâtre de Verdure fait son festival !

Le Théâtre de Verdure fait son festival

Les deux Frères et les Lionsd‘Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre, mise en scène de Vincent Debost et de l’auteur

Un lieu unique à Paris qui n’en manque pourtant pas mais le Théâtre de Verdure du Jardin Shakespeare a quelque chose de particulier. Situé au cœur du Bois de Boulogne, derrière le restaurant du Pré Catelan. Hédi Tillette de Clermont Tonnerre et Lisa Pajon ont repris cette année la direction de ce festival en plein air avec pièces de théâtre, musique, lectures, soirées, rencontres…
Ce théâtre avec une grande scène, des coulisses et quelque quatre cent places sur une pelouse avait présenté depuis soixante ans des classiques, entre autres,  sous la houlette de Carine Montag. Peu connu des Parisiens qui envahissent pourtant le Bois le dimanche comme en semaine, ce théâtre avec en fond de scène, des pins et des chênes centenaires a quelque chose d’enchanteur… Une parenthèse de nature bienvenue dans le paysage très urbanisé de la capitale. Avec de petits jardins thématiques s’inspirant du Songe d’une nuit d’été, La Tempête, Macbeth, Hamlet…

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Sans beaucoup d’aides, ces metteurs en scène ont entrepris avec courage de ressusciter ce festival avec un programmation axée sur le théâtre contemporain. Avec pour commencer Les deux Frères et les lions d’Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre, une pièce qu’ils ont jouée des centaines de fois un peu partout. C’est l’histoire exceptionnelle de David et Frederick Barclay, des jumeaux écossais d’une famille très pauvre de Londres. Leur père meurt quand ils ont douze ans et quelques années après, ils travaillent comme aides-comptables à la General Electric. Ensuite, ils vont trouver des boulots de peinture et, en 1962, transforment d’anciens bureaux en hôtel, font de juteux placements immobiliers puis acquièrent l’Howard Hotel. Vingt ans plus tard, ils rachètent des entreprises, le groupe de transport et de brasserie Ellerman. Et en 92, ils deviennent patrons de presse et rachètent le groupe du Telegraph... dont gamins; ils vendaient des exemplaires dans la rue. En 1995, ils achètent l’hôtel Ritz et seront anoblis par la Reine cinq ans plus tard pour leur soutien aux plus démunis et à la recherche médicale.

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Partis de rien, ces frères jumeaux vont même en 1993, acheter la petite île anglo-normande de Brecqhou dépendant de Sercq, et vont y faire construire un château de style néo-gothique et y feront aussi planter des vignes ! Mais survivance du système féodal hérité de Guillaume le Conquérant qu’il ignoraient, le droit normand toujours en vigueur interdit  la transmission par héritage aux femmes. Et comme ils n’ont chacun qu’une fille… leur immense fortune risque de tomber dans les mains de l’Etat. Ce qu’ils ne veulent à aucun prix.

Sous la pression des Barclay, Sercq veut se mettre en conformité avec la Convention européenne des droits de l’homme. . En 2008, première élection dans l’île des vingt-huit membres du conseil législatif avec vingt-six candidats donc certains soutenus par les frères Barclay veulent supprimer cette mesure féodale mais ils ne remportent que cinq sièges. Première mesure de rétorsion contre la centaine d’habitants qui ont voté contre le changement de la loi pratiquant le droit d’aînesse : seul le premier enfant mâle succède). Comme les frères Barcaly sont propriétaires de la majorité des hôtels et restaurants de l’île, ils vont les fermer et donc mettre les cent quarante habitants au chômage…Et cs hommes d’affaire expérimentés vont mener une lutte acharnée avec des avocats grassement payés pour trouver la faille et réussiront à faire modifier le droit. Et près avoir porté l’affaire devant la cour européenne, ils finiront par gagner…

L’
auteur-acteur Hédi Tillette de Clermont Tonnerre a écrit une pièce sur cette incroyable histoire pour au delà de l’anecdote, dénoncer les méfaits du capitalisme et du libéralisme. Mais un des frères portera plainte pour atteinte au respect de la vie privée et diffamation et essayera de faire interdire cette satire, coproduite avec courage par la Scène Nationale de Cherbourg et écrite avec la participation de Sophie Poirey, maître de conférences en droit normand, à l’université de Caen. Pour leur avocat, Olivier Morice : « La pièce est une fable satirique sur le capitalisme. Rien ne peut justifier les accusations d’atteinte au respect de la vie privée et de diffamation. « On exige l’interdiction de la pièce, la vente du texte, et des dommages et intérêts à hauteur de 100 000 € ! On a voulu nous faire taire, dit l’auteur. Mais la pièce est une œuvre de fiction. Je me suis inspiré de personnages réels, tout est inventé.«  Et la plainte sera heureusement rejetée par le tribunal civil de Caen…C’est en fait toute la liberté d’expression qui était mise en cause et sans qu’aucune attaque n’ait jamais été portée contre les frères Barclay…

En une heure et quelque Hédi Tillette de Clermont Tonnerre et Lisa Pajon racontent cette réussite financière exceptionnelle aux multiples rebondissements, fruit du travail de la ténacité des frères Barclay mais aux zones d’ombre et affaires scandaleuses. C’est une sorte de fable aux allures de théâtre d’agit-prop avec des dialogues souvent étincelants et d’une incomparable drôlerie. Cela se passe donc sur une belle pelouse d’un vert dont nos amis anglais seraient jaloux. Dans un silence total, il y a juste deux fauteuils vaguement Louis XIII, une table basse couverte de marbre et derrière, un écran où seront projetées une fragment de la très fameuse tapisserie La Dame à la licorne qu’on voit par moment ironiquement hocher la tête, quelques photos noir et blanc d’un groupe d’enfants pauvres et de la Londres des années cinquante…
Les frères en survêtement d’un bleu électrique (rien à voir avec les beaux costumes cravate blanche des vrais Barclay!) servent le thé au public avec scones et confiture. Un spectacle simple avec une fable comme on les aime, magistralement interprété et sans aucune prétention et qu’il faut aller savourer dans ce bel écrin de verdure .
Seul bémol: l’endroit n’est pas si facile à trouver mais il y a un bus depuis la porte Maillot, arrêt: pré Catelan, ou sinon vous pouvez passer le long du grand lac du bois de Boulogne depuis la porte de la Muette et utiliser votre GPS. Et il y a tout l’été mais par périodes des spectacles pour adultes et pour enfants, un concert de Bertrand Belin, des rencontres, etc.

Philippe du Vignal

Théâtre verdure du jardin Shakespare, Pré Catelan, allée de la Reine Marguerite, Paris (XVI ème). T. : 06 63 03 72 37  letheatredeverdure.com

Métro: Porte Maillot. et Bus 244 : station Bagatelle-pré Catelan. 

 

Vernon Subutex 1, d’après le roman éponyme de Virginie Despentes, mise en scène de Thomas Ostermeier

Vernon Subutex 1, d’après le roman éponyme de Virginie Despentes, mise en scène de Thomas Ostermeier (en allemand, surtitré en français)

L’adaptation ou la réécriture d’œuvres romanesques n’est pas d’hier avec les tragédies grecques greques d’après L’Iliade et L’Odyssée, ou les pièces de Shakespeare à partir d’anciennes légendes. Et plus près de nous des metteurs en scène comme Jacques Copeau, Charles Dullin, Jean-Louis Barrault. Ou récemment  Krystian Lupa ou Tadeusz Kantor ont travaillé sur des romans.  Et l’œuvre maintenant bien connue de Virginie Despentes a fait plusieurs fois l’objet d’adaptations théâtrales comme King Kong Théorie remarquablement mise en scène avec de petits moyens par Emmanuelle Jaquemard (voir Le Théâtre du Blog). L’autrice elle-même avec Coralie Trinh Thi avait adapté Baise-moi (2001) pour le cinéma. Et Vernon Subutex a aussi fait l’objet d’une série sur Canal +.

Reste à porter à la scène le tome I de cette trilogie- le huitième roman de l’autrice : comment prendre en charge les descriptions ou trouver de nouvelles modalités pour exprimer toute la violence d’un récit comme celui-ci, voire l’actualiser pour imposer une écriture scénique complète correspondant à celle de l’œuvre initiale. Et cela d’autant plus que Virginie Despentes ne semble pas y avoir participé… Certains romans semblent mieux s’y prêter comme Balzac, dont récemment Pauline Bayle a réécrit et mis en scène un remarquable IIlusions perdues.

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Ici, Thomas Ostermeyer a essayé de transposer sur une scène la fascination qu’ont ses personnages pour Eros et Thanatos avec à la clé: sida, aventures sexuelles et drogues multiples. Dont Vernon au prénom en référence à un des pseudonymes de Boris Vian, et Subutex à un médicament pour traiter la dépendance à l’héroïne. Il y a aussi en filigrane la peinture d’une grave crise sociale en Europe dans les années 2000, où les pauvres devenaient vite facilement des SDF. Mais cela a aussi perduré…
Sur un grand plateau tournant (un des marques de fabrique du metteur en scène allemand) un praticable construit en fer avec plusieurs passerelles, deux escaliers, un écran pour projections vidéo brouillées de Paris la nuit avec images en boucle de Pigalle, enseignes lumineuses, filles faisant le trottoir et périphériques avec milliers de voitures mais aussi immeubles haussmaniens. Le tout aussi diffusé sur une douzaine de petits téléviseurs cubiques gris entassés sur un des côtés  et retransmettant les mêmes images mais en noir et blanc. Pour dire le Paris de cette époque mais sans trop insister. Et selon les épisodes, un long canapé en cuir, un vieux matelas où dormira quelques nuits Vernon Subutex, qui après trois mois de loyers impayés,  a été expulsé, un bar de boîte nocturne, etc. Les quatre musiciens-chanteurs, comme les images vidéo à chaque tour de plateau tournant, accompagnent systématiquement le texte à la guitare électrique et au synthé, ce qui finit par devenir lassant.

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Au-dessus de la scène, une enseigne en tubes fluo blanc tourne aussi sur elle-même, obsédante celle d’un grand revolver comme le nom que portait la boutique de Vernon Subutex, un disquaire d’une cinquantaine d’années dont l’activité a été mise à mal par l’arrivée du numérique. Et nous allons assister à la dérive puis à la descente aux enfers de ce Vernon Subutex. Il raconte qu’il revient du Canada sans un sou et réussit à se faire héberger par les copains de temps à autre. Et à la fin dans une scène sublime, il dort sur un trottoir. Les autres personnages comme cet ancien scénariste mal dans sa peau, des machos de banlieue, etc. sont, eux, moins bien cernés.

Thomas Ostermeier fait alterner sur ce plateau tournant des airs de musique punk rock jusqu’à saturation, des monologues (parfois longuets!) ou de courts dialogues mais aussi des images mixées de la vie nocturne parisienne. Et il y a bien sûr trois écrans pour les surtitrages. Mais comme tout chez lui est d’une rare virtuosité… et qu’il dispose des moyens de la Schaubühne à Berlin, nous nous laissons prendre. Et il y a ses formidables acteurs dont Joahim Meyerhoff qui EST Vernon Subutex  impeccablement dirigé.

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Mais la mise en scène est ici beaucoup trop sage et appliquée, malgré la saturation de la musique rock. Bref, Thomas Ostermeier se contente le plus souvent de montrer des images mais la relation musique scène-images vidéo ne fonctionne pas bien. D’autant qu’il nous faut aussi lire les surtitrages… Soit un surplus d’informations sur plus de quatre heures ce qui fait beaucoup- et nuit à ce spectacle par ailleurs superbement réalisé.

En fait, le metteur en scène a bien du mal à traduire le mal-être, le côté glauque, la sexualité et la violence parcourant le texte de Virginie Despentes qui ne mâche pas ses mots.: « On peut tout se permettre avec les gros. Leur faire la morale à la cantine, les insulter s’ils grignotent dans la rue, leur donner des surnoms atroces, se foutre d’eux s’ils font du vélo, les tenir à l’écart, leur donner des conseils de régime, leur dire de se taire s’ils prennent la parole, éclater de rire s’ils avouent qu’ils aimeraient plaire à quelqu’un, les regarder en faisant la grimace quand ils arrivent quelque part. On peut les bousculer, leur pincer le bide ou leur mettre des coups de pied : personne n’interviendra. » (…) « Son fils est de droite. Elle a d’abord pensé que c’était uniquement pour l’emmerder mais elle a fini par en convenir : les jeunes gens  intelligents ne sont plus systématiquement de gauche. »Et c’était sans doute au départ un mauvais choix.

Tout ici est très soigné y compris dans les accessoires, et les costumes, comme celui de Vernon Subutex de plus en plus délabré. Ou, dans cette scène de bar de nuit avec celui d’une ancienne star du porno en gaine et cuissardes en plastique noir brillant. Mais c’est toujours la même histoire: comment faire passer l’essentiel d’un roman sur un plateau de théâtre.Thomas Ostermeyer, malgré l’invention de belles images, n’a pas vraiment réussi son coup et a bien du mal à faire progresser son récit, malgré encore une fois, un solide travail scénique et de direction d’acteurs. Et les personnages, à part celui de Vernon Subutex, sont plutôt des silhouettes auxquelles il est difficile de s’attacher…Il manque en fait ici presque toute la chair du premier tome de ce roman.

Le public -d’un âge certain- semblait ravi de découvrir le climat sulfureux des textes de Virginie Despentes, mais il y avait très peu de jeunes spectateurs. Comme il se passe toujours quelque chose sur scène, nous regardons avec plaisir cette suite de mini-scènes, au moins dans la première partie de ces quatre heures. Nous avons moins apprécié les vidéos assez conventionnelles et la musique censée soutenir tout le spectacle, tout aussi conventionnelle. Et après l’entracte, la suite, toujours aussi bien réalisée, a le souffle court et nous a paru bien longue… Il manque ici, malgré les apparences, toute la violence et la vie de ce qui fait l’intérêt du premier tome de cette trilogie (les autres sont moins intéressants).
A voir? Oui, pour les professionnels et les jeunes acteurs qui apprécieront le jeu exceptionnel de Joahim Meyerhoff et de ses camarades. Mais le public lui, risque d’être déçu. Thomas Ostermeier a eu du mal à traduire le climax du roman, tout comme celui de Retour à Reims de Didier Eribon ou Histoire de la violence d’ Edouard Louis (voir Le Théâtre du Blog). Il est visiblement plus à l’aise avec de grandes pièces classiques, comme entre autres La Maison de poupée d’Ibsen ou son formidable Richard III de Shakespeare … ou  Les Démons de Lars Noren.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 26 juin, Odéon-Théâtre de l’Europe, place de l’Odéon, Paris (VI ème). Tél. : 01 44 85 40 40. (surtitrage en anglais, le 25 juin).

 La trilogie de Vernon Subutex est éditée chez Grasset.

La Dame à la licorne, visite dansée d’Aurélie Gandit

 La Dame à la licorne, visite dansée d’Aurélie Gandit

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© Michel Petit

 Le musée de Cluny, comme beaucoup d’autres aujourd’hui, invite des artistes à porter un regard neuf sur les œuvres et à donner au public une grille de lecture vivante. La Dame à la licorne, joyau de cet écrin consacré au Moyen-Âge, nous est livré à travers les mots et la gestuelle d’Aurélie Gandit.

Depuis quinze ans, cette chorégraphe fait dans les lieux de patrimoine des conférences dansées qui sont une entrée en dialogue avec l’oeuvre …  » Je me documente, j’écoute ce qu’elle me dit pour écrire et arriver enfin à la danse. » Tel un guide patenté, elle nous dit quelques mots du musée et de son histoire, puis nous fait entrer dans la salle où trônent les fameuses tapisseries de style mille-fleurs. Elle nous demande de faire silence et le vide en nous, avant de nous entraîner dans une découverte sensorielle de ces tentures. «Il y a ici des tapisseries/ Viens passons lentement devant elles/ Comme elles sont tranquilles », écrivait Rainer Maria Rilke dans Les Carnets de Malte Laurids Brigge à propos de la Dame qu’il admira en 1906 au musée de Cluny. Ces tapisseries ont inspiré bien des artistes et récemment : A mon seul désir, une chorégraphie de Gaëlle Bourges (voir Le Théâtre du Blog ).

 Ici, le geste dansé ouvre un espace émotionnel, celui de la sensation: un des thèmes de la Dame à la Licorne dont cinq panneaux représentent les cinq sens et mènent au sixième, A mon seul désir, «le cœur philosophique qui domine tous les sens, le cœur sensible et intuitif qui ouvre à l’amour charnel et infini.» Inspirée à Jean d’Ypres par une légende allemande, cette  élégante du XV ème siècle, ses lapins, son lion, sa licorne et autres bêtes à poils et à plumes ont fait couler beaucoup d’encre… Aurélie Gandit, elle, ne prétend pas délivrer une leçon d’histoire de l’art et ne cherche pas la performance spectaculaire ou le mouvement grandiloquent. Mais avec des mots simples et de petits indices corporels, à susciter notre ressenti devant cette œuvre . Un partage généreux en trente minutes pour regarder sa beauté. Dans quelques jours, avec sa compagnie La Brèche basée à Nancy, Aurélie Gandit va danser devant Le Retable d’Issenheim qui a été restauré cette année.

 Mireille Davidovici

 Visite dansée vue le 23 juin, au musée de Cluny, 28 rue Sommerard, Paris (V ème) T. : 01 53 73 78 16.  Prochaines visites : 25 juin, les 10 et 11 septembre  et le 1er octobre.

Musée Interlinden, Colmar (Haut-Rhin) : Une visite dansée pour le Retable d’Issenheim :le 2 juillet de 18 h 30 à 19 h et de 20 h à 20 h 30 et le 3 juillet de 11 h 30 à 12 h. T. : 03 89 20 15 50.

 

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Romance de Catherine Benhamou, mise en scène de Laurent Maindon

Romance de Catherine Benhamou, mise en scène de Laurent Maindon

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© Ernest S Mandap

 L’histoire commence avec un questionnaire «débile » proposé aux collégiens sur le suicide des adolescents, deuxième cause de mortalité chez les jeunes… Chahut en règle dans la classe… Jasmine répond, par provocation que, selon elle, le meilleur moyen de se suicider, c’est « se faire exploser en plein vol ». Imène, sa meilleure amie, raconte, dans un monologue adressé -on le comprendra bientôt – à la mère de Jasmine.

A quoi rêvent les jeunes filles dans une cité pourrie de banlieue ? Jasmine veut que quelque chose bouge et l’emporte ailleurs. Pourquoi pas : faire « pencher la Tour Eiffel» ? Nous verrons, au fil du récit comment son «grand projet » la mènera à sa perte, par un inéluctable enchaînement de circonstances : «C’est sur un site gothique qu’ils se sont rencontrés, Jasmine et lui… Le grand amour sans prendre de risque.» dit Imène, qui a tout de suite su que « c’était une mauvaise pioche ». Elle nous rapporte les confidences de son amie qui troque bientôt sa tenue gothique stylée pour disparaître sous une informe robe noire… Nous devinons la suite mais Catherine Benhamou maintient le suspense jusqu’au bout et la pièce ne finit pas comme on l’aurait cru.

L’autrice connaît les adolescents, pour avoir mené de nombreux ateliers d’écriture avec eux et elle part de leur point de vue : leur logique n’est pas la nôtre. Sans forcer le trait ni adopter un « langage jeune » stéréotypé, elle donne à sa narratrice la distance et juste assez d’humour pour raconter sans pathos cette romance sordide. Ici pas de moralisme malvenu. Catherine Benhamou ne cherche pas à culpabiliser la mère qui n’a rien vu venir : « « Et tout ça s’est passé sous vos yeux ! ». Elle prête à Imène les mots et la lucidité que, Jasmine, grande gueule et insolente,  n’a pas, pour arriver à sortir d’une violence larvée imposée aux filles de son milieu.

La qualité de la pièce, la simplicité de la mise en scène et du jeu sont telles que les quelque éléments de décor nous ont paru superflus. Laurent Maindon, passionné des écritures contemporaines, fait confiance au texte et il y a dans ce monologue charnu, la clarté de l’adresse au public et les nécessaires moments de respiration. Lumineuse, Marion Solange-Malenfant entre sans affèterie dans la peau d’Imène. Elle a une diction parfaite et joue aussi bien qu’elle bouge dans les intermèdes musicaux. Cette romance d’aujourd’hui ne mène nulle part, comme dans la chanson de Michel Fugain mais la mièvrerie en moins. Un spectacle à découvrir à Paris ou en Avignon.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 2 juillet, Les Déchargeurs 3, rue des Déchargeurs, Paris (I er) T. : 01 42 36 00 50.

Du 7 au 26 juillet, Le Nouveau Grenier, 9 rue Notre-Dame des Sept douleurs, Avignon (Vaucluse) à 14 h 30.

La pièce, lauréate du Grand Prix de littérature dramatique 2020, est publiée aux Editions Koïné.

 

Dialaw Project, Vol.1 conception de Germaine Acony et l’équipe du Fluide Ensemble, mise en scène de Mikaël Serre

Dialaw Project, Vol.1 conception de Germaine Acony et l’équipe du Fluide Ensemble, mise en scène de Mikaël Serre

DialawProject (2)

©Joseph Banderet

Première phase d’un ambitieux projet collectif, porté par le Fluide Ensemble: il s’agit d’une protestation contre l’extension d’un port à Ndayane (Sénégal.) Germaine Acony, la « mère de la danse contemporaine africaine », a établi depuis plusieurs années son Ecole des sables à Toubab Dialaw, un petit village de pêcheurs au Sud de Dakar. Elle qui a dansé avec les plus grands chorégraphes et formé des générations d’artistes, voit l’esprit des lieux détruit par l’extension pharaonique de ce port juste en face de son Ecole. Cet aménagement en eau profonde, conclu en 2020 par le gouvernement sénégalais avec une société des Emirats, la Dubaï Port World, va bouleverser l’écosystème du village, changer la vie de milliers de gens et effacer une mémoire : celle des Lébous qui occupent la côte sud depuis plusieurs siècles.

Toubab Dialaw est une terre marquée par la tragédie de l’esclavage et, aujourd’hui, par le départ de nombreux migrants clandestins. Emue par cette perspective, Germaine Acogny en a parlé à Mikaël Serre, metteur en scène franco-allemand, son complice pour À un endroit du début. Il est temps de réagir face à cette nouvelle menace qui pèse sur le continent africain, celle d’un capitalisme triomphant. Et Dialaw Project est ainsi né. « Je souhaite collaborer, dit le metteur en scène, avec des artistes venus des pays touchés par les questions de colonisation, diaspora ou exil: France, Sénégal et Allemagne ». Il a  réuni sur le plateau autour de Germaine Acogny, une équipe de comédiens, auteurs, danseurs, performeurs sénégalais et français, tous liés par une histoire intime de perte, exil, racines, retour ou frontières… Et ils sont allés interroger les habitants, tout en cherchant dans leurs propres récits les aliments de la pièce.Au-delà de la construction de ce port -que beaucoup sur place appellent déjà « le monstre »- cette création va faire résonner, individuellement et collectivement, le bouleversement économique et social que cela représente.  « 

Le spectacle, encore en chantier, débute par une vidéo de Germaine Acony, projetée sur grand écran en fond de scène sur lequel on verra par la suite interviews d’habitants,  images des lieux, et gros plans sur les acteurs filmés en live. «Quand nous sommes arrivés ici, il n’y avait rien, la mer, du sable et des rochers », dit la danseuse, racontant la fondation de sa bien nommée, Ecole des sables.

 Un technocrate africain en costard (Hamidou Anne) répète devant son coach (Assane Timbo) avec un « power-point » une conférence pour présenter dans son jargon d’école de commerce, un magnifique symbole, celui d’un « Sénégal Emergent » que sera ce port. Mais il fait fi de la vie des pêcheurs expulsés : «Ils seront indemnisés ». Quant aux morts du cimetière qui sera détruit : « Les morts sont morts. »« Mais les morts ne sont pas morts, ils vivent dans le vent .», lui réplique un jeune noir (Pascal Beugré-Tellier), adopté par des Français et venu se recueillir sur la tombe de son père biologique… Une Française (Anne-Elodie Sorlin) a fait, elle aussi, ce long voyage pour honorer la mémoire de l’Africain qu’elle considère comme son deuxième père. Un dialogue s’instaure entre les quatre comédiens, à partir de leur vécu et leur ressenti,  entrecoupé par les témoignages filmés des habitants de Toubab.

 Et tandis que Pascale Beugré-Tellier danse, la scénographie de John Carroll se déploie révélant le musicien (Ibaaku en alternance avec Antonin Leymarie) et offrant plus d’espaces aux chassés-croisés entre les interprètes. Les témoignages collectifs et intimes s’enchâssent dans l’histoire de la construction du port. Mais au-delà, ce sont les questions de la colonisation, du développement inéluctable et ici tragique, qui sont posées à l’échelle mondiale…

 Les convictions des uns sont ébranlées par le trouble des autres et le vent de la révolte souffle. Germaine Acony ne se fait plus d’illusions : le monstre a déjà gagné, mais son combat à elle est de sauver « Deux cents hectares de terrain avec des arbres, et des terres que les femmes cultivent… Il faut des arbres, des arbres… » Le spectacle, encore en gestation, propose déjà un environnement sonore et visuel conséquent, avec des images vidéo soignées  mais il y a encore besoin d’ajustements, entre autres, dans le texte, composé collectivement, issu des paroles de chacun, écrites ou recueillies lors d’improvisations. Dialaw Project devrait trouver son rythme quand Germaine Acony rejoindra la troupe dès le prochain chantier. A suivre…

 Mireille Davidovici

Du 21 au 25 juin, à l’occasion de la résidence de création au Montfort, 106 rue Brancion Paris (XV ème) T. : 01 58 08 33 88.

Du 15 au 31 août, nouvelle et ultime  résidence de création au Montfort

Tournée 2023 :

19-20 mai, Théâtres de la Ville du Luxembourg (Luxembourg) ; 23 mai, Théâtre et Cinéma de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne); fin mai, Scène national de Forbach (Moselle) dans le cadre du Festival Perspective de Saarbrück (Allemagne) ;

En Juin, Africologne Colgne (Allemagne) ; En septembre, Kunstfest Weimar (Allemagne)

En novembre, Festival Euroscene, Leipzig (Allemagne) ; Théâtre des Treize Vents Montpellier (Hérault).

 

 

 

Danse macabre, un spectacle de Vlad Troitskyi avec les Dakh Daughters

Danse macabre, un spectacle de Vlad Troitskyi avec les Dakh Daughters

 Cette soirée aux Ateliers Berthier a été un cri de douleur, alors que se poursuit après déjà quatre mois,  la guerre contre l’Ukraine menée par Vladimir Poutine, dictateur de la pire espèce. Et devant lequel la plupart des dirigeants se sont longtemps couché pour des raisons économiques. Les troupes russes piétinent ce pays souverain, comme Hitler l’avait fait en d’autres temps en Pologne et ailleurs.

©Oleksandr-Kosmach

©Oleksandr-Kosmach

Dakh Daughters (les Filles du Dakh) est un groupe théâtral et musical formé en 2012 avec contrebasse, violoncelle, piano, maracas, guitares, maracas, batterie, xylophone… Ces musiciennes chanteuses et actrices appartiennent au théâtre Dakh à Kiev, d’où leur nom et disent des textes d’auteurs comme Taras Tchouvensko, Charles Bukowski ou… William Shakespeare avec un de ses sonnets dans une chanson : Rozy / Donbass. À travers leurs témoignages et ceux d’autres Ukrainiennes, elles racontent la douleur intime de vivre le conflit au quotidien et comment il a transformé leur rapport à la vie et à leur famille.
Avec de nouvelles compositions musicales, elles disent aujourd’hui toute l’horreur et la violence du conflit qui détruit leur pays.
Depuis quelque dix ans, Natacha Charpe, Natalia Halanevych, Ruslana Khazipova, Solomia Melnyk, Anna Nikitina et Tetiana Troitska ont beaucoup joué en Ukraine à Kiev, Odessa, etc. En Pologne, Russie et en France aux Vieilles Charrues, ou aux Bouffes du Nord en 2014, puis au Monfort à Paris (Voir Le Théâtre du blog). Elles ont aussi participé à l’Antigone d’après Sophocle et Brecht, un spectacle créé en dans leur pays en 2015 dans le cadre du printemps français à Kiev, mise en scène de Lucie Berelowitsch, maintenant directrice du C.D.N. de Vire. Il a ensuite été joué chez nous, notamment à Hérouville ( Calvados). (voir Le Théâtre du Blog).  Bien entendu, elles continuent partout où elles sont accueillies, à soutenir leur pays envahi par l’armée russe et Ruslana Khazipova a lancé un appel à la mobilisation internationale…

 Le 18 juin 1940, Charles de Gaulle disait à la Radio de Londres « Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l’ennemi. Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd’hui. Mais le dernier mot est-il dit? L’espérance doit-elle disparaître? La défaite est-elle définitive? Non ! Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n’est perdu pour la France. »

© J. Couturier

© J. Couturier

L’histoire peut-elle se répéter? Des artistes, comédiennes et chanteuses comme les Dakh Daughters résistent à leur manière avec ce spectacle en citant les paroles des victimes ukrainiennes, en décrivant les viols et massacres aujourd’hui en  Europe.
Sur le plateau, instruments de musique et valises à roulettes  deviennent successivement des maisons en feu, chars, barricades ou des tombes. Et elles vivent au plus profond de leur chair ce qu’elles nous disent.
Parmi les récits, retentit une sirène. Les artistes chutent, se relèvent et repartent, comme chaque Ukrainien aujourd’hui. «Je suis en sécurité»: ces mots,  sincères et douloureux, résonneront encore longtemps dans nos mémoires. Réfugiée au Centre Dramatique National de Vire depuis mars, toute l’équipe artistique a conçu Danse Macabre comme un acte de résistance absolu.

 Jean Couturier.

Spectacle vu le 16 juin à l’Odéon-Théâtre de l’Europe,Ateliers Berthier, rue André Suarès, Paris (XVII ème). La recette de cette soirée a été reversée à l’association France‑Ukraine.

Le 25 juin, Espace Malraux, Chambéry (Savoie)  et le 29 juin, Théâtre de l’Octogone avec le Théâtre Vidy-Lausanne (Suisse).

Le 4 juillet, Théâtre National de Strasbourg (Bas-Rhin)  et le 5 juillet, Théâtres de la Ville de Luxembourg (Luxembourg) ; le 21 juillet, aux Soirées Nomades de la Fondation Cartier, Paris (XlV ème)


Les 26 et 27 septembre, festival International de Théâtre, Tbilissi (Géorgie).

Et le 6 octobre, Le Préau,Centre Dramatique National de Vire ( Calvados).

 

June Events 2022 Corps exquis, chorégraphie de Joanne Leighton

June Events 2022`

CORPS EXQUIS (Joanne Leighton 2019)

© Patrick Berger

 Corps exquis, chorégraphie de Joanne Leighton

 Ce « solo à trois corps » insolite offre un panorama contrasté de la danse contemporaine. La pièce a vu le jour en 2019 mais la pandémie a mis à mal une tournée prometteuse. L’artiste belge d’origine australienne, installée désormais en Île-de-France a initié ce « cadavre exquis par cinquante-huit chorégraphes» et pour trois interprètes, à partir d’une séquence dansée d’une minute. Elle a proposé à cinquante-sept autres créateurs, confirmés ou émergents, de lui emboîter le pas et d’enchaîner, les uns après les autres, une minute de danse. Un défi collectif, inspiré des jeux surréalistes, pour une pièce de cinquante-huit minutes d’une grande diversité de style. Marion Carriau, Yannick Hugron et Lauren Bolze se lancent les uns après les autres dans ce puzzle vivant et puisent, selon les morceaux qu’ils interprètent, dans un tas d’oripeaux multicolores, amoncelés sur le plateau et devenus, par divers assemblages, masques, couvre- chefs, tuniques ou juste-au-corps. Un patchwork qui a aussi une traduction sonore : ces petites pièces qui se suivent l’une après l’autre après un bref signal, sont dansées sur une mosaïque musicale.

 Le temps d’une chanson, d’un air d’opéra, d’un extrait de concerto ou en silence, les trois danseurs se succèdent de numéro en numéro, solistes, duettistes ou triplettes de cette revue vitaminée. Le spectateur averti reconnaîtra la signature de tel ou tel chorégraphe, mais nul besoin de se livrer au jeu des devinettes pour se laisser porter par l’énergie des interprètes aussi à l’aise avec le néo-classique qu’avec le hip hop, le krump ou le pur contemporain. Toutes tendances confondues, ce melting-pot reflète la vitalité et l’inventivité de plusieurs générations de chorégraphes réunis ici telle une grande famille. « Dans la diversité de ce meta-geste chorégraphique, dit Joanne Leighton, la pièce nous dit que la danse est aussi un fourmillement dépassant les catégories esthétiques. »

 Pour ce cadavre exquis, les créateurs ont transmis leurs courts modules via différents supports : vidéos, photos, textes, ou ont répété comme Radhouane El Meddeb, directement en studio avec les danseurs. Ces divers moyens constituent d’intéressantes archives, exposées en parallèle de la représentation. Les trois interprètes et le compositeur Peter Crosbie ont participé à la création de ce matériau hétéroclite et Corine Petitpierre a réalisé d’étranges masques bigarrés.  Reste de ce chantier vivant, un carnet de notes : Traces exquises mode d’emploi de Corps exquis, où est posée la passionnante question de la transmission de la danse, depuis la notation Laban jusqu’aux images filmées. Marianne Gourfink, par exemple, a inventé un nouveau lexique de signes, Hermann Diephius a envoyé soixante photos de tableaux d’index pointés, et Daniel Larrieu, une vidéo assortie d’explications cabalistiques en hommage à Vaslav Nijinski et son célèbre ballet L’Après-midi d’un faune.   Stefan Dreher et Michëal Phellipeau, eux, mixent images fixes et notation Laban…

Joanne Leighton aime les défis, comme cette marche performative WALK #1 entre Belfort et Freiburg, une balade dansée de cent-vingt-sept kilomètres le long des cours d’eau, qu’elle a ensuite poursuivie un peu partout… Ici, elle fait montre une fois de plus de son originalité et d’une volonté pédagogique. « Mon gout, dit-elle n’est pas de rajouter de la matière à la matière qui déjà abonde, mais de m’engager dans la séquence spatio-temporelle de traitement de matières données …Cette plasticité laisse transparaître continuités et cassures ainsi que glissements entre unités simples et structures complexes. »

 Mireille Davidovici

 Spectacle vu le 14 juin, au Carreau du Temple, 4 rue Eugène Spuller, Paris (III ème).

June Events a eu lieu du 30 mai au 18 juin à l’Atelier de Paris-Carolyn Carlson, 2 route du Champ de Manœuvre, Cartoucherie de Vincennes. T. : 01 47 74 17 07.

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