Les Préalables d’Alba 2022
Les Préalables d’Alba 2022
Ces rencontres circassiennes, en prélude au festival d’Alba-la-Romaine (voir Le Théâtre du blog), ont lieu de village en village dans la communauté de communes Ardèche-Rhône-Coiron, autour de son chef-lieu, Le Teil. Elles s’inscrivent dans le maillage territorial entrepris par La Cascade-Pôle national des Arts du Cirque depuis son installation en 2009 à Bourg-Saint-Andéol (Ardèche).
Ces préalables printaniers ont commencé modestement avec quelques spectacles et concernent aujourd’hui quatorze communes comme Le Teil (9.000 h), Cruas (3.000 h), ou des hameaux de cinquante foyers
Pour cette manifestation qui se veut festive comme celle de l’été, de nombreux habitants mettent la main à la pâte pour accueillir artistes et spectateurs. Une association organise une buvette en marge de la représentation, les enfants d’Aubignas concoctent une paella géante devant leur école… L’heure est aux pique-niques champêtres, aux conversations avec le public après le spectacle, quand l’orage ne menace pas.
Au programme, créations et avant-premières de jeunes compagnies que La Cascade accompagne toute l’année, sous la houlette de son directeur, Alain Reynaud, co-fondateur des Nouveaux Nez. L’ouverture prochaine d’un espace d’entraînement dans une chapelle désaffectée à Bourg Saint-Andéol, permettra à cette compagnie de clowns historique d’accueillir plus confortablement des circassiens sortant des écoles.
« Une vingtaine d’entre eux, dit Alain Raynaud. se sont déjà installés autour du Pôle. C’est une sorte de coopérative et iIls s’interrogent sur comment faire ce métier, produire, vendre, mutualiser leurs compétences. » Cette recherche s’inscrit aussi dans des préoccupations d’éthique écologique. Certains envisagent des tournées en vélo ou des diffusions locales comme celles de La Cascade. « Arrêtons de battre les chemins, dit aussi Alain Reynaud. Développons la proximité et des tournées sur place, à l’intérieur de la cité. Dans notre propre bourg, il y a des frontières. On va se dépayser en faisant cinq cents mètres.»
À deux mètres, création de Jesse Huygh et Rocio Garrote
Jesse Huygh mesure son taux d’oxygène au bout du doigt, après être grimpé sur un mât chinois sur la place de Rochemaure et être redescendu en vrille. « 92″, dit-il. On comprend qu’il doit contrôler son souffle quand sa partenaire le rejoint avec une bouteille d’oxygène. Et le combat de cet artiste avec son manque d’air devient la colonne vertébrale d’un spectacle sur l’étouffement, dans la vie, la pratique artistique et dans le couple. Les deux acrobates réalisent des figures harmonieuses et compliquées, en solos ou corps enchevêtrés, entrecoupées de pauses ou chamailleries comiques. « La saturation d’oxygène normale est 90% », dit une voix off et Jesse Huygh nous parle de «la mucovisidose, une maladie qui me freine et je trouve l’énergie dans le faire-ensemble» avant de grimper, triomphant en haut de sa colonne.
Malgré cette maladie diagnostiquée quand il avait douze ans, il n’a pas renoncé au sport ni plus tard à une carrière à la sortie de l’Ecole Supérieure des Arts du Cirque. Il a travaillé au cirque Eloize, et plus récemment avec le collectif Sous le Manteau. Mais il a dû renoncer aux spectacles grand format. Aujourd’hui, avec 40% de capacité pulmonaire, il promène ce duo conçu avec l’acrobate mâtiste argentine Rocio Garrote sur la plate-forme d’un camion qui leur sert de scène. Une belle performance et une leçon de courage.
Stek par le collectif Intrepidus
Les clowns sont souvent tristes mais eux n’ont pas de vague à l’âme. Clochards célestes, tout droit surgis d’une grande poubelle, beaux diables multicolores ils n’ont pas peur de se cogner à la vie, et quand ils tombent, se relèvent illico pour mieux s’étaler au sol ou se prendre dans la figure le couvercle de cette poubelle qu’ils trimballent partout comme une malle aux trésors. Pantalons trop courts, vestes en haillons et manteaux trop longs ne les empêchent pas de se bagarrer ou de partager leur complicité. Analia Vincent, la fille du clan n’a pas froid aux yeux face aux jongleurs Ottavio Stazio et Mario de Jesus Barragan Martinez, et au clown Léo Morala.
Intrepidus : un nom qui va comme un gant à cette fine équipe de cascadeurs, sortis de l’école du Lido à Toulouse. Après ce galop d’essai de quarante minutes, elle nous promet un beau spectacle à découvrir l’année prochaine. Rire garanti.
Dans le vide par la compagnie Crazy R
Sept voltigeurs s’élancent dans le ciel de la Violette, un quartier populaire du Teil devant cinq cents spectateurs emportés par la virtuosité de cette compagnie bordelaise. Ces acrobates mettent en scène l’envol et la chute, avec la même énergie. Et leur agrès aux allures précaires supporte un trapèze, une balançoire russe et des plates-formes…
Antoine Linsale, Cécile Cinelli, Cyril Toulemonde, Dianys Montavy, Karine Noel, Fragran Gehlker, Sylvain Rizzello, Ryan Lavie, Garance Hubert-Samson,réalisent de grands sauts dans le vide et un festival incessant de bonds, rebonds, saltos périlleux qui réjouissent le public.
Ils savent aussi se faufiler tels des animaux, entre les montants ou glisser lentement le long des câbles qui soutiennent le dispositif. Ils nous montrent que là où il y a du risque, il y a du plaisir, et que si on tombe, on peut aussi se relever et recommencer…Le deuxième représentation de ce spectacle aérien électrisant en cours de création, devrait trouver son rythme de croisière.
Mellow Yellow par le compagnie T.B.T.F. (Too Busy To Funk)
Ricardo S. Mendès, Ottavio Stazio, Juri Bisegna ont créé et interprètent une fantaisie acrobatique dansée et jonglée. De gag en gag, ils ratent ou réussissent leurs numéros : Juri s’acharne à manipuler des chapeaux et s’active au clavier, Ricardo, flegmatique et élégant, lance de nombreuses balles jaunes. Ert Ottavio, le rebelle du groupe, se livre à des clowneries et contorsions extravagantes. Puis refusant de jongler, se réfugie dans le public.
Sollicitent étroitement les spectateurs qui participent volontiers, entre jeu et hors-jeu, quotidien et performance, le trio flirte avec l’absurde et le surréalisme jusque dans ses accoutrements et postures. Il ne rechigne pas à tomber en panne pour repartir. Un joyeux désordre règne sur le petit plateau et au-delà.
Tout frais sorti de sa gangue, le spectacle se veut «en immersion, le but étant d’amener la public à redécouvrir sa commune ». Le village médiéval d’Aubignas, au pied du Coiron, où l’on exploita jusqu’en 2005 une mine de basalte, accueille cette performance de quarante-cinq minutes dans un pré, avec vue sur la vallée.
Mireille Davidovici
Les Préalables d’Alba-la-Romaine ont eu lieu du 31 mai au 5 juin et le Festival aura lieu du 12 au 17 juillet.
La Cascade, 9 avenue Marc Pradelle, Bourg-Saint-Andéol (Ardèche). T. : 04 75 54 40 46.
À deux mètres :
Le 9 juin Cirkuliacija Festival, Kaunas (Lituanie) .
Le 20 août festival StraPatZen Sint-Pieters-Leeuw (Belgique) ; 25 août De Donderdagen – Ninove (Belgique) ;28 août Internationaal Straattheaterfestivel, Beveren (Belgique) .
Le10 septembre, Ettelbrooklyn Street Fest, Ettelbruck (Luxembourg) et le 24 septembre Sierk Masjiek – Ronse (Belgique)
Dans le vide
25 juin, La Palène (Charente-Maritime) ;du 5 au 7 juillet CREAC Bègles (Gironde) ; le 17 Juillet CRABB, Biscarosse (Landes), 26 juillet, La Mouche Festival du Parc Beauregard (Rhône).
Mellow Yellow
Les 11 et 12 juin Théâtre du Vellein, Villefontaine (Isère).
Le 19 juillet, Les Météores -Centre culturel de La Mouche,Saint-Genis-Laval (Isère ) et le 29 juillet, L’Eté culturel, Fleury-Mérogis (Essonne).