Romance de Catherine Benhamou, mise en scène de Laurent Maindon
Romance de Catherine Benhamou, mise en scène de Laurent Maindon
L’histoire commence avec un questionnaire «débile » proposé aux collégiens sur le suicide des adolescents, deuxième cause de mortalité chez les jeunes… Chahut en règle dans la classe… Jasmine répond, par provocation que, selon elle, le meilleur moyen de se suicider, c’est « se faire exploser en plein vol ». Imène, sa meilleure amie, raconte, dans un monologue adressé -on le comprendra bientôt – à la mère de Jasmine.
A quoi rêvent les jeunes filles dans une cité pourrie de banlieue ? Jasmine veut que quelque chose bouge et l’emporte ailleurs. Pourquoi pas : faire « pencher la Tour Eiffel» ? Nous verrons, au fil du récit comment son «grand projet » la mènera à sa perte, par un inéluctable enchaînement de circonstances : «C’est sur un site gothique qu’ils se sont rencontrés, Jasmine et lui… Le grand amour sans prendre de risque.» dit Imène, qui a tout de suite su que « c’était une mauvaise pioche ». Elle nous rapporte les confidences de son amie qui troque bientôt sa tenue gothique stylée pour disparaître sous une informe robe noire… Nous devinons la suite mais Catherine Benhamou maintient le suspense jusqu’au bout et la pièce ne finit pas comme on l’aurait cru.
L’autrice connaît les adolescents, pour avoir mené de nombreux ateliers d’écriture avec eux et elle part de leur point de vue : leur logique n’est pas la nôtre. Sans forcer le trait ni adopter un « langage jeune » stéréotypé, elle donne à sa narratrice la distance et juste assez d’humour pour raconter sans pathos cette romance sordide. Ici pas de moralisme malvenu. Catherine Benhamou ne cherche pas à culpabiliser la mère qui n’a rien vu venir : « « Et tout ça s’est passé sous vos yeux ! ». Elle prête à Imène les mots et la lucidité que, Jasmine, grande gueule et insolente, n’a pas, pour arriver à sortir d’une violence larvée imposée aux filles de son milieu.
La qualité de la pièce, la simplicité de la mise en scène et du jeu sont telles que les quelque éléments de décor nous ont paru superflus. Laurent Maindon, passionné des écritures contemporaines, fait confiance au texte et il y a dans ce monologue charnu, la clarté de l’adresse au public et les nécessaires moments de respiration. Lumineuse, Marion Solange-Malenfant entre sans affèterie dans la peau d’Imène. Elle a une diction parfaite et joue aussi bien qu’elle bouge dans les intermèdes musicaux. Cette romance d’aujourd’hui ne mène nulle part, comme dans la chanson de Michel Fugain mais la mièvrerie en moins. Un spectacle à découvrir à Paris ou en Avignon.
Mireille Davidovici
Jusqu’au 2 juillet, Les Déchargeurs 3, rue des Déchargeurs, Paris (I er) T. : 01 42 36 00 50.
Du 7 au 26 juillet, Le Nouveau Grenier, 9 rue Notre-Dame des Sept douleurs, Avignon (Vaucluse) à 14 h 30.
La pièce, lauréate du Grand Prix de littérature dramatique 2020, est publiée aux Editions Koïné.