Tout commence toujours par une histoire d’amour (soliloque autour d’une disparition) texte et mise en scène de Pauline Ribat
Tout commence toujours par une histoire d’amour (soliloque autour d’une disparition), texte et mise en scène de Pauline Ribat
Mademoiselle R. serait l’histoire intime de l’autrice qui l’interprète, avec parfois quelques photos de famille projetées en fond de scène. Il s’agit de la disparition d’un père au regard bleu turquin qui vit dans une maison aux volets rouges. Avec le récit de ce parcours sans doute en partie autobiographique, elle va à la recherche d’elle-même et essaye de se construire. Pauline Ribat est impressionnante de vérité: elle a une belle présence, une excellente diction, un don évident pour nous embarquer avec pudeur dans cette histoire d’amour…
Celle de ses parents qui commence dans un cours de théâtre amateur. « C’est là qu’ils se voient pour la première fois. Peut-être est-ce lui qui – effrontément – engage la conversation. Ou alors elle qui remarque ce beau blond au regard bleu turquin et se débrouille pour s’asseoir à côté de lui, l’air de rien. Ou bien peut-être lui propose-t-il – ou bien elle – la scène entre Marie Tudor et Fabiano Fabiani, celle où tous deux se retrouvent en secret dans la chambre royale – elle majestueusement installée dans son lit de reine. L’autrice – c’est-à-dire moi – dit à l’actrice – c’est-à-dire moi – de jouer LA REINE et Fabiano Fabiani. »
Admirative, elle paraît revivre leur bonheur: «Lui, est étudiant à Centrale Lyon, il a vingt-cinq ans. Elle, a dix-huit ans et vit encore chez ses parents – son visage est celui d’une enfant, elle se rêve danseuse. Lui est blond, le regard bleu turquin – hypnotique, il mesure 1m 83, porte des pattes d’eph et des chemises à fleurs. Elle a les yeux noisettes – pétillant de vie, les cheveux bruns bouclés et désordonnés, un port de reine et une passion pour les boucles d’oreille – en particulier les dormeuses élégantes. Lui est né à Paris dans le XV ème arrondissement à l’hôpital Cognac-Jay,15 rue Eugène Million,le 9 octobre 1951. Elle a grandi au Laos à Vientiane, avec sa soeur et ses deux frères. » Elle a grandi au Laos à Vientiane, avec sa sœur et ses deux frères. Ses parents se sont mariés à Saïgon. Son signe astrologique est le Lion. Lui aime la musique, c’est un collectionneur compulsif de vinyles et a pour modèle John Lennon. Elle aime se rouler dans l’herbe fraîche du matin et les poésies d’Emily Dickinson et de Charles Baudelaire. Ils ont sept ans d’écart. Ils sont jeunes, beaux et magnétiques. »
Mais bon, une fois de plus, la Bible a menti: la vie n’est pas un longue fleuve tranquille. Et, dit-elle, « Le jour où tu as repeint les volets de la maison aux volets rouges, j’ai compris que mon existence avait cessé de compter pour toi, que je n’étais plus ta fille. Qu’à tes yeux, j’avais cessé d’exister.» Et elle fume, se droguera. Je bois je fume. Elle accepte tout, ne dit rien.» Et le sexe d’un homme laboure mon corps d’adolescente. »
Puis elle a comme elle dit : trois fois sept ans, et son père disparaît totalement de sa vie. Et, à quatre fois sept ans, elle sort du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris et court vers la sienne. « Et à cinq fois sept ans- elle se tient devant vous et tente de raconter. »Une fois le divorce prononcé, son père ne la verra plus. Elle le reprochera à sa mère et a l’impression qu’on lui a arraché son papa. Départ pour Paris. Ennuis divers puis avortement. Mais ce texte sonne comme un exorcisme personnel. « Maintenant je sais que le Père-Noël n’existe pas. Puis elle se tait. Maintenant je suis grande. »
Pauline Ribat a un talent indéniable de conteuse. Mais la réalisation ne suit pas toujours (refrain connu: un acteur gagne rarement à se mettre en scène) et la scénographie est un peu brouillonne et inutilement compliquée. Ce soliloque-exorcisme dure une bonne vingtaine de minutes de trop: dommage mais il n’est pas trop tard pour y remédier. A ces réserves près, cela vaut le coup d’aller découvrir une parole et une actrice…
Philippe du Vignal
Théâtre de Belleville, Passage Piver, Paris (XI ème). T. : 01 48 06 72 34 16.
Festival d’Avignon: Le 11, 11 boulevard Raspail, du 7 au 29 juillet.
Et du 11 au 15 octobre, Théâtre de la Renaissance, Oullins (Rhône).