Le Dur Désir de durer (Après-demain, demain sera hier), texte de Guillaume Durieux, conception, mise en scène et scénographie d’Igor et Lily Dromesko
Le Dur Désir de durer (Après-demain, demain sera hier), texte de Guillaume Durieux, conception, mise en scène et scénographie d’Igor et Lily Dromesko
Ce spectacle au merveilleux titre emprunté à Paul Eluard est une «suite en avant » comme le disent ses créateurs, du précédent Jour du grand jour ( 2014). Un dispositif bi-frontal avec deux gradins, installé dans une petite baraque avec toiture bâchée, type parquet de bal un peu bancal, avec quand même 280 places…
De chaque côté de la piste, un rideau de lanières en plastique comme on utilisait dans les campagnes pour empêcher les mouches d’entrer à l’époque bénie où les insecticides n’existaient pas. Avec une entrée et une sortie dont les coulisses se rejoignent. Une scénographie rusée pour une circulation/danse presque incessante des acteurs, des musiciens et de quelques animaux fétiches. Mais toujours dans la même direction, à l’envers des aiguilles d’une montre. Comme pour symboliser un retour vers l’enfance…En filigrane, une certaine mélancolie et un bel humour. La réalisation est parfaitement rodée avec musique en direct: contre-basse et violoncelle (Revaz Matchabeli), accordéon (Igor), chant (Lily) et les mêmes acteurs-danseurs du Dromesko: Zina Gonin-Lavina, Florent Hamon, Revaz Matchabeli, Manuel Perraudin, Violetta Todo-Gonzalez, Jeanne Vallauri.
Ce trésor national vivant qu’est le Théâtre Dromesko, est né avec la célèbre Volière qui a été créée il y a déjà trente et un ans au Théâtre Vidy Lausanne et jouée plus des centaines de fois. C’était la première création d’une série de spectacles conçus pour voyager dans la tradition du théâtre forain avec un espace de jeu particulier, de la musique tsigane hongroise et des pièces surtout fondés sur des images fugitives, donc plus suggérées qu’imposées. Mais toujours aussi sublimes… avec une sorte de fraîcheur et de naïveté au meilleur sens du terme, comme si le temps s’était arrêté. Au programme, un bel exorcisme de la mort, avec de formidables images et quelques phrases d’un beau texte.
Cela commence très fort avec un autel ambulant emmené par seize jambes (pantalon et chaussures noires) à un rythme saccadé où une vierge Marie -dont nous ne voyons que le buste- se tient immobile près de deux crânes, entourée de gros cierges et d’une longue guirlande de Noël. Sur une musique sévillanne…
Difficile et sans doute inutile de raconter tout ce qui se passe. Il y a un homme seul avec un bébé dans les bras qui avoue « être en retard parce qu’il vient d’ailleurs »… Mais aussi des gens qui passent sans cesse comme des réfugiés. Suivra un défilé d’anciens lits en fer d’hôpital munis chacun d’un patient ou d’une patiente, voire à la fin, de deux couples pudiquement recouverts d’un drap. Passent doucement un balayeur en casquette et blouse bleue, un violoncelliste dans une chaise roulante mais aussi trois danseuses en robes légères bariolées dont les corps s’enroulent, un pique-nique avec nappe, assiettes et gobelets en carton balayés par une puissante tornade.
Un toréador dans un habit de lumière défraîchi et un peu minable essaye d’aiguiser une vieille faux rouillée, sur un tube (1962) Tous les garçons et les filles de François Hardy et Roger Gustave Samyn que nous écoutions en boucle. Une des images fantastiques. Et presque à la fin, un bon petit toutou noir et surtout Charles, un marabout aux aussi longues pattes que son cou, la fameuse mascotte du Théâtre Dromesko. Il avance avec dignité comme le vieux monsieur qu’il est -mais il porte beau sa quarantaine- puis monte sur une caisse dont il ne bougera plus, comme tout content d’être la vedette offerte au regard du public.
L’accompagnement sonore est de toute beauté qu’il s’agisse d’une cloche qui sonne le glas, d’un extrait de symphonie ou de chants tziganes, toujours au diapason avec les images qui défilent en une heure trente comme dans un rêve. Et le public a même droit à un verre de rouge ou rosé, servi avec gentillesse sur la scène par les acteurs.
***Attention, la soufflerie est diablement efficace et si vous êtes sensible au courant d’air, vous mettez-vous ailleurs qu’au premier rang… Mais ne ratez surtout pas ce spectacle (garanti sans micro H.F., fumigènes, lumière stroboscopiques mais soigneusement réalisé. C’est un poème théâtral d’une rare qualité surtout visuelle mais aussi textuelle et sonore…
Philippe du Vignal
Jusqu’au 11 juin, Le Monfort Théâtre, 106 rue Brancion, Paris ( XV ème).
Le Jour du grand jour, du 4 au 8 juin et Le dur désir de durer du 13 au 17 juin, Printemps des comédiens, Montpellier (Hérault).