Je ne suis pas d’ici, je suis ici, une performance de Véronique Kanor
Je ne suis pas d’ici, je suis ici, une performance de Véronique Kanor
La Chapelle du Verbe Incarné qui accueille la 25ème édition du TOMA, est celle qui nous fait parvenir l’écriture et les mises en scène si précieuses de l’archipel France. Celui qui s’étend disent sa directrice Marie-Pierre Bousquet et son directeur Greg Germain, sur toutes les mers du monde avec toujours à l’esprit ces paroles qui portent notre lieu. «Pas de culture qui puisse se dire métropole des autres. Ici, nous affirmons que le théâtre est le lieu où la vie se donne à voir. Toutes les vies, celles que nous rêvons comme celles que nous vivons… Nous affirmons de même que la rencontre des mondes et des imaginaires, n’a jamais conduit à l’effacement ou au grand remplacement d’un peuple. Nous n’avons pas peur ! Nous aimons les incertitudes et les territoires d’ouverture. Nous fréquentons volontiers l’inattendu et le singulier. Cette année encore, les troupes du TOMA sont prêtes à vous emmener visiter les obscurs de tant d’histoires. Pot’la wouvè, kontan vwè zot! (La porte est ouverte, soyez les bienvenus). »
Véronique Kanor d’origine martiniquaise, dramaturge et poétesse éditée à Présence africaine, performeuse et réalisatrice de films documentaires a grandi à Orléans, vit à Fort-de-France mais aussi en Guyane et à Bordeaux. Elle a été animatrice sur des radios libres et journaliste à la télévision, avant de se consacrer à la réalisation de films sur les sociétés afro-descendante. Alain Timar, directeur du Théâtre des Halles à Avignon en 2014 a mis en scène sa pièce sur le footballeur Liliam Thuram. Oui, dit-elle, je suis une femme, oui, je suis noire mais je suis française. Alors, pourquoi me contrôle-t-on souvent mes papiers? « Bref : je suis de gauche, comme tous ceux qui ne sont pas de droite,ni de quelque part de très précis.Je suis banale. Née dans une ville du Centre où toutes les balles sont au Centre. absolument, incroyablement banale…. Je suis : Française. Femme. Noire. Comme tout le monde. Non ?On a tout fait pour interdire le crépu de ma bouche extirper le créole de mon cheveu,bannir de ma tête, de mes ancêtres, la gloire. J’ai ri aux blagues de Michel Leeb. Comme tout le monde.Alors : pourquoi moi ? Pourquoi est-ce à moi que la gardienne de la Citoyenneté demande de présenter mon identité de papier ? Ça se voit tant, tant que ça … Que je porte l’abîme ? Ça se voit tant que ça que je suis un modèle de Française à-particules-non-élémentaires? «
En effet, combien de temps faudra-t-il encore pour que nous soyons débarrassés de ce très ancien et très nocif contrôle au faciès. Que jurent tous les Ministres de L’Intérieur successifs, sera bientôt éliminé. Ce que dit ici Véronique Kanor avec une virulence qui fait du bien mais aussi avec une remarquable maîtrise du verbe poétique: « Je viendrai avec vous avec une armée de pauvres, des désastres programmés, avec les valets, les sous-fifres, les ombres en tablier, les fils de pas-de-papa et les filles de pas-le-bol, avec les déshérités, les spoliés, les déplacés les possédés, dépossédés, les assignés à résistance. »
Oui, être poète, c’est un métier qui suppose de bien connaître la langue et surtout de s’en servir au mieux et en rythme pour dire ce qu’on a sur le cœur. Et à ce grand jeu du langage, Véronique Kanor a gagné le loto. Et en un petite heure, elle sait aussi associer texte, musique et photos projetées de visages de toute couleur et de tout pays. Avec une diction et une gestuelle de tout premier ordre.
Allez la voir, vous ne serez pas déçus mais attention, il ne reste que trois jours.
Philippe du Vignal
Jusqu’au 12 juillet, à 12h 10, Chapelle du Verbe Incarné 21 G rue des Lices, Avignon. T . : 04 90 14 07 49.