Festival d’Avignon: Fin de partie de Samuel Beckett, mise en scène de Jacques Osinski

Fin de partie de Samuel Beckett, mise en scène de Jacques Osinski

Avec déjà Denis Lavant, le metteur en scène avait déjà présenté dans ce même théâtre, La Dernière Bande et Cap au Pire. C’est la deuxième pièce du célèbre auteur qui l’avait abord écrite en français. Elle  a été créée au Royal Court à Londres par Roger Blin qui avait aussi été le premier à mettre en scène En attendant Godot. Samuel Beckett l’a traduira ensuite en anglais.
Ham, aveugle et paralysé est en fauteuil roulant mais reste le maître exigeant autoritaire et insupportable. pourtant Clov, son valet et souffre-douleur lui obéit à la seconde. Cela se passe dans une sinistre maison avec deux petites fenêtres en hauteur dispensant une faible lumière… Comme les deux abats-jours en tôle rouillée. Dans le fond deux poubelles aussi rouillées où survivent les vieux Nagg et sa femme Nell qui ressassent leur jeunesse….Bref, la maison du bonheur…Et Samuel Beckett annonce tout de suite la couleur:
  »Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir. Les grains s’ajoutent aux grains, un à un, et un jour, soudain, c’est un tas, un petit tas, l’impossible tas. La fin est dans le commencement et cependant on continue. Rien n’est plus drôle que le malheur, je te l’accorde. »

 

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Un univers plus que sinistre mais fascinant oùil  n’arrive rien ou presque:! Seule exception, entre temps, Nell meurt puis Nagg. Mais personne ne s’occupera de leur corps… Clov répète qu’il veut quitter Hamm mais ne le fait pas. Sauf à la eut quitter Hamm mais ne le fait jamais. A la fin, où on le voit malheureux,  avec une petite valise en carton et un imperméable sur le bras, il semble enfin prêt à partir. Pas vraiment d’action au sens classique du terme mais un dialogue entre Hamm et Clov, quelques répliques de Hamm et de ses parents et de nombreux monologues de Hamm. C’est tout. Et Samuel Beckett avait bien indiqué toutes les didascalies à observer scrupuleusement. Ici, pas non plus de logique ni de communication: les personnages parlent beaucoup mais toujours du passé comme s’ils avaient bien conscience de vivre dans un présent très fragile et de n’avoir surtout aucun avenir. Phrases répétées, nombreux silences signalés par des séries de didascalies. Hamm raconte sa vie à Clov et insiste plusieurs fois de façon obsessionnelle sur le moment où il faudrait qu’il prenne son calmant. Mais Clov l’avertira: le flacon est vide….

Samuel Beckett, avec une rare maîtrise de la langue française, dit des choses courantes dans tous les pays: le vieillissement du corps, la fatigue de vivre et de supporter les autres, l’amertume de ne plus être jeune et en bonne santé. Et la pièce soixante-cinq ans après avoir été récrite, conserve une force exceptionnelle, même si elle nous parait aujourd’hui un peu longue. Et les dialogues  renferment de nombreuses pépites du genre sur la vie, la mort, la à difficulté à supporteer les autres. Ainsi Hamm : «Quelle heure est-il ? Clov : La même que d’habitude »Hamm : «Tu me quittes quand même.. Clov : j’essaie. » Hamm (outré), je ne t’ai pas trop fait souffrir ?Clov : »Si.  » Hamm (soulagé) : « Ah ! Quand même !(Un temps froidement) Pardon. J’ai dit, Pardon. Clov: « Je t’entends. Tu as saigné? » Et ces mots très étonnants de Clov: « Si je ne tue pas ce rat, il va mourir. »
La direction d’acteurs de Jacques Osinski est tout à fait remarquable. Frédéric Leidgens (Hamm) ne bouge pas mais a une formidable présence. Denis Lavant joue lui, ce pauvre pantin de Clov, assez stupide et très handicapé. Il marche difficilement en claudicant mais réussit à monter marche par marche comme les enfants, son escabeau de bois pour regarder plusieurs fois par les petites fenêtres. Puis et à en redescendre, toujours marche par marche. Il regarde Clov avec peur, alors que Clov derrière ses lunettes noires d’aveugle ne le voit même pas. Du grand art, entre le clown et l’acteur.

Comme toujours juste et attendrissant dans sa naïveté de paumé et sa résignation mais aussi sa révolte. Mais il y faut la grande intelligence scénique et la sensibilité exceptionnelle de Denis Lavant… et un long travail pour arriver à créer un tel personnage. Chapeau. Comme l’avait bien vu notre amie Christine Friedel (voir Le Théâtre du blog) il a, du clown, l’indispensable virtuosité qui fait de chaque geste une création et il devient sa propre marionnette, (…) le geste insolite, d’une précision, d’une exactitude hallucinante. (…) La perfection d’un art énigmatique. »
Et les vieillards dans leurs poubelles. Peter Bonke et Claudine Delvaux sont aussi très bien. Seule réserve importante: le rythme est lent: pourquoi avoir ainsi rallongé inutilement la durée de la pièce? Dommage et Samuel Beckett n’aurait sans aucun doute pas fait ce choix et il faudrait rectifier d’urgence cette malformation…  Sinon cette horreur de l’humanité a quelque chose de tout à fait réjouissant. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de ce théâtre qui peut être formidable mais aussi difficile à mettre en scène.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 28 juillet, Théâtre des Halles, rue du roi René, Avignon.T. : 04 32 76 24 61.

Du 19 janvier au 26 février, Théâtre de l’Atelier, Paris (XVIII ème).

Les 12 et 13 avril, Théâtre Liberté, Toulon ( Var).

Le texte est publié aux éditions de Minuit.

 

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