Festival d’Avignon: Qui a peur mise en scène d’Aurore Fattier

Festival d’Avignon

 

Qui a peur de Tom Lanoye, mise en scène d’Aurore Fattier

©Prunelle-Rulens

©Prunelle-Rulens

 Une pièce cruelle et réjouissante sur le monde du théâtre et l’envers du décor ne fait pas toujours rêver. La pièce a été créée en version néerlandaise sous le titre Wie is Bang en 2019. Aurore Fattier et Koen De Sutter, un vrai couple aussi dans la vie, l’ont traduite et adaptée sur mesure pour les interprètes d’un couple franco-flamand: Claire Bodson et Koen De Sutter, et deux jeunes gens issus de l’immigration -ou perçus comme tels- joués par Leila Chaarani, d’origine marocaine et Khadim Fall, d’origine sénégalaise.Dans un rapport scène/salle inversé, avec public sur le plateau en position de voyeur.
Cela commence par une scène de ménage, après une représentation, entre Claire Bodson et Koen De Sutter, comédiens vieillissants et sans doute encore amoureux l’un de l’autre. On pense à Liz Taylor et Richard Burton. Et les répliques acerbes fusent: « Sa femme était fertile comme un rat, pardon, c’est irrespectueux, fertile comme une truie … Ton ami flamand est assez nazi pour cela … Il a été décapité comme un pédé de plage en Arabie Saoudite.» Cet humour, parfois proche de celui de Charlie Hebdo, fait mouche sur le public…

Le couple d’acteurs âgés s’apprête à audtionner ces jeunes issus de la diversité pour qu’ils leur donnent éventuellement la réplique dans une nième reprise de leur spectacle : « Il s’agit d’un projet socio-culturel méritoire à moyen terme. » Il attend aussi des aides mais la rencontre entre générations est, bien sûr, explosive. La pièce révèle les hypocrisies d’ordre politique et culturel en Belgique et dénonce la bien-pensance : dérives applicables à la France…
Ces joutes verbales intenses sont aussi très physiques et les interprètes, tous remarquables, s’engagent à fond. Tout ça pour ça ! La passion du théâtre est dévorante pour ceux qui la pratiquent : « Après toutes ces années d’autodestruction, le corps humain est un miracle, on a foutu nos vies en l’air, on a tout donné à l’art ». Une création belge à découvrir…

Jean Couturier.

Jusqu’au 28 juillet à 19 h, Théâtre de Doms, 1 bis rue des escaliers Sainte-Anne, Avignon. T. : 04 90 14 07 99.

 


Archive pour 11 juillet, 2022

L’Ennemi déclaré de Jean Genet, mise en scène de Roger des Prés

L’Ennemi déclaré de Jean Genet, mise en scène de Roger des Prés

Au pied des bâtiments de l’Université, à Nanterre, on pourrait presque passer sans la voir, cette Ferme du Bonheur. Vue de l’avenue, c’est juste un bouquet de verdure derrière une palissade. Mieux vaut venir à pied, de la gare RER Nanterre Université tout proche. Alors, on découvre une petite porte et on entre dans un « jardin mystérieux ». Entre les arbres et buissons, allées pavées sinueuses et enclos pour les bêtes: oies, brebis et autres…, les cabanes éphémères et un parquet de bal dûment remonté,prennent un charme tout particulier.

©x

©x

Le bâtiment le plus ancien, dit la « favela », est fait d’un mur de pierres (restes d’une ruine ? ). La grande cheminée est construite avec anciens poteaux récupérés et tôles de chantier. Les autres murs ont été faits avec des plaques en plastique comme on en  trouve dans le hôpitaux. En hiver, cela coupe le vent et on arrive à y être au chaud. Et en été, il y a un bar dehors, et des tables à tous les vents. Des bancs d’église pour vingt-quatre hommes et vingt-quatre femmes (séparés) font un petit théâtre de plein air, séparé du monde mais ouvert aux bruits du monde. Comme dirait Shakespeare, cité par Peter Brook récemment disparu : honneur et paix à son âme ( voir Le Théâtre du Blog): « Le monde est aussi hors du monde ».

Jardin, enclos, bâtiments: Roger des Prés n’a rien demandé à personne, sinon aux besoins et à la nécessité au jour le jour et n’a sollicité aucun permis de construire : la Ferme du Bonheur est un manifeste du vivant . Elle se prolonge un peu plus loin, sous les piliers de l’autoroute par un terrain vague, envahi par les déchets et la pollution. Il a été peu à peu nettoyé, planté et revitalisé. Bénévoles et professionnels engagés y travaillent, urbanistes et agronomes  viennent observer très sérieusement le « champ de la garde du P.R.É. ( Parc Régional Expérimental). Rapide regard en arrière: cela fait trente ans que la Ferme du Bonheur réalise ce qui est aujourd’hui urgent : revégétaliser la ville, inventer des courts-circuits, produire local, redonner ses chances à la Nature (qui les saisit très vite) et aux citoyens qui le demandent, les joies d’un geste ayant du sens.

Et Jean Genet, là-dedans ? Il anime, il « énergise» toujours, Roger des Prés. Le spectacle, la performance, le moment -on l’appellera comme on voudra- commence par un très beau film en noir et blanc, projeté au-dessus de la cheminée où cuit un méchoui que nous mangerons à l’entracte, ou après le spectacle… Entre rêve et réalité, sous le regard d’un homme qu’on imagine forcément être Genet, de vraies-fausses images d’archives quittent peu à peu le fil chronologique et nous amènent dans le monde d’aujourd’hui: celui de l’immense quartier bétonné de la Défense: signe d’une société qui résiste à sa propre ouverture et à son propre bonheur. Rarement le passage du temps aura été représenté avec cette force.

Suit la lecture en plein air d’extraits de L’Ennemi déclaré. Les paons, au crépuscule, se déchaînent contre les voix humaines, mises en demeure de lutter… Un moment de jeu avec deux comédiens (qui, de la mère ou du fils, portera la valise des cadeaux de noce, qui aura cet honneur ? Mais est aussi projeté un autre film (dans un pays du Maghreb, qui aura la « chance» d’être sélectionné pour venir travailler à bas prix en métropole ?). La soirée se construit au fil des déambulations, et s’étire si on en a envie. Le 8 juillet, a eu lieu une re-reprise de L’Homme qui plantait des arbres de Jean Giono, mise en scène de Roger des Prés, avec les moutons Thônes et Marthod, la chienne Lolotte, Jaki-berger et Roger. Il y en aura d’autres…

Les fêtes électro sont interdites cet été à la Ferme, par un principe de sécurité poussé à l’extrême, avec fonction punitive contre ces « irréductibles gaulois », l’art de vivre et l’art tout court trouveront quand même à se faire une place ici. Mais problème : Roger des Prés et la Ferme du Bonheur sont devenus l’ennemi déclaré de la municipalité, au nom du rationnel, c’est-à-dire du calcul. Sur les terrains disponibles de la région parisienne, il faut construire. Des logements, sans doute ; des bureaux (à l’heure du télé-travail ?).  Ne serait-il pas raisonnable de laisser en paix les modestes surfaces de la Ferme et de mettre en valeur ses travaux d’ «agro-poésie », son modèle écologique et préserver,  développer dans un univers bétonné, des espaces de verdure sauvage, en toute liberté créative ? De l’oxygène ! De l’oxygène ! C’est une Parisienne qui le demande.

Christine Friedel

La Ferme du Bonheur, 220 avenue de la République, Nanterre (Hauts-de-Seine). T. : 01 47 24 51 21 – contac@lafermedubonheur.fr

 

Le Songe d’Ulysse, exposition à la Villa Carmignac, île de Porquerolles

Le Songe d’Ulysse à la Villa Carmignac

 Nous sommes déjà dans la beauté : la mer, les criques, les îles, dont la sauvage Port -Cros, la douce campagne du parc naturel de l’île de Porquerolles. L’œuvre qui englobe la Villa, son jardin et son environnement se précise ensuite. Oublions que ce fut une ferme. Vous déposerez vos sacs à une consigne au milieu des bois, sous la protection de charmants gardiens, puis une allée triomphale vous conduira à la première approche de la Villa.

©x

©x

Il faut se représenter une oliveraie entretenue à la pince à épiler, stylisée -on se croirait déjà dans un tableau de Camoin- et une cour en U présidée par le monstre Alycastre sculpté pour l’occasion par Miquel Barcelo. Vous visiterez cette Villa pieds nus, pour « multiplier et affiner vos perceptions sensorielles», vous goûterez d’un calcaire à peine grenu, comme le sable d’une plage, puis d’un autre, avec plus de relief : on vous le dit, vous marcherez comme un milliardaire en sa Villa. Et c’est le cas.
Un villa parfaite, au demeurant, avec des fenêtres horizontales découpant le paysage lui-même travaillé en sublimes tableaux, piscine ou plutôt miroir d’eau, à peine effleurée par le bec d’un oiseau. Vous circulez entre les pages glacées d’un magazine de luxe.

Puis vous entrez dans un labyrinthe d’angles droits et de blancheur qui devrait évoquer les errances d’Ulysse. Le commissaire invité par la fondation Carmignac, Francesco Stocchi et la scénographe Margherita Palli ont imaginé ce cheminement unique. De chef-d‘œuvre en chef-d’œuvre, entre Martial Raysse et son «faire et défaire Pénélope », Keith Haring et une peinture sur bâche qui pourrait être une tapisserie, Yves Klein avec une empreinte de corps, la «femme-couteau» de Louise Bourgeois, un monstre d’Odilon Redon, une photo très contemporaine de Man Ray, vous ne vous égarerez pas forcément. Mais un peu: vous reviendrez sur vos pas, vous vous étonnerez des miroirs et des escaliers en trompe-l’œil (le myope ordinaire est assez facile à tromper! )… Parmi cinquante œuvres évoquant Ulysse dont ce détail, pur prétexte : dans ses errances, il aurait pris pied à Porquerolles. Telle est la force de réalité que les lieux donnent à la légende.

Donc, réunis ici, dans une scénographie parfaite, les tableaux et quelques sculptures répondant à tel ou tel moment de L’Odyssée (même le skieur de  Jean-Michel Basquiat?). En fait, vu leur qualité, cela n’a guère d’importance et l’on s’attarde devant chacune. Vous pourrez vous installer sur des coussins devant l’immense et inépuisable panorama sous-marin proposé par Miquel Barcelo mais sa disposition invite plutôt à admirer la coupole de ce qui a pu être autrefois une grandiose salle à manger.

©x

©x

Vous rencontrerez un fouillis de voiles naufragées et la vibration de la lumière met le ciel sur la terre, et l’eau dans l’air, et des passages étroits avec des œuvres « qui peuvent heurter les esprits sensibles ». Beaucoup de pop-art, mais du meilleur et pas toujours le plus connu d’un artist : ainsi une réjouissante et inquiétante Vénus de Milo taguée au fusil par Nicki de Saint Phalle.

Une exposition parfaite. Et les jeunes gardiens ou médiateurs culturels, tous passionnés par les œuvres sur lesquelles ils veillent, répondent à vos questions, vous en apprennent beaucoup sans forcer la main.
Ajoutez le jardin, une œuvre lui aussi, avec des sculptures qui y trouvent leur juste place. Et Nuage, une installation de Leandro Erlich au Fort Sainte-Agathe (à quelque pas de la Villa). Mais la seule visite de la Villa prenant elle-même deux bonnes heures., il nous faudra revenir.

Et nous persuader que, pour deux heures ou une journée la Villa est à nous, avec tout le respect et l’admiration qu’elle inspire. Le touriste de passage comme le citoyen, peuvent aussi être mécènes: il y a de solides avantages fiscaux. Nous sommes donc ici chez nous, le temps de la visite, à la rencontre de ces œuvres si bien exposées. La beauté de cette maison et l’intérêt de l’exposition rendent acceptable le prix d’entrée : 15 € et il y a des tarifs réduits.

Christine Friedel

Le Songe d’Ulysse, Villa Carmignac, île de Porquerolles (Var) jusqu’au 16 octobre, de 10h à 18 h. Nocturnes les jeudis jusqu’à 21 h. Ateliers pour enfants et autres activités.
Réservations et informations : villacarmignac.com

Liaisons maritimes : WWW.hyeres-tourisme.com

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...