L’Ennemi déclaré de Jean Genet, mise en scène de Roger des Prés

L’Ennemi déclaré de Jean Genet, mise en scène de Roger des Prés

Au pied des bâtiments de l’Université, à Nanterre, on pourrait presque passer sans la voir, cette Ferme du Bonheur. Vue de l’avenue, c’est juste un bouquet de verdure derrière une palissade. Mieux vaut venir à pied, de la gare RER Nanterre Université tout proche. Alors, on découvre une petite porte et on entre dans un « jardin mystérieux ». Entre les arbres et buissons, allées pavées sinueuses et enclos pour les bêtes: oies, brebis et autres…, les cabanes éphémères et un parquet de bal dûment remonté,prennent un charme tout particulier.

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Le bâtiment le plus ancien, dit la « favela », est fait d’un mur de pierres (restes d’une ruine ? ). La grande cheminée est construite avec anciens poteaux récupérés et tôles de chantier. Les autres murs ont été faits avec des plaques en plastique comme on en  trouve dans le hôpitaux. En hiver, cela coupe le vent et on arrive à y être au chaud. Et en été, il y a un bar dehors, et des tables à tous les vents. Des bancs d’église pour vingt-quatre hommes et vingt-quatre femmes (séparés) font un petit théâtre de plein air, séparé du monde mais ouvert aux bruits du monde. Comme dirait Shakespeare, cité par Peter Brook récemment disparu : honneur et paix à son âme ( voir Le Théâtre du Blog): « Le monde est aussi hors du monde ».

Jardin, enclos, bâtiments: Roger des Prés n’a rien demandé à personne, sinon aux besoins et à la nécessité au jour le jour et n’a sollicité aucun permis de construire : la Ferme du Bonheur est un manifeste du vivant . Elle se prolonge un peu plus loin, sous les piliers de l’autoroute par un terrain vague, envahi par les déchets et la pollution. Il a été peu à peu nettoyé, planté et revitalisé. Bénévoles et professionnels engagés y travaillent, urbanistes et agronomes  viennent observer très sérieusement le « champ de la garde du P.R.É. ( Parc Régional Expérimental). Rapide regard en arrière: cela fait trente ans que la Ferme du Bonheur réalise ce qui est aujourd’hui urgent : revégétaliser la ville, inventer des courts-circuits, produire local, redonner ses chances à la Nature (qui les saisit très vite) et aux citoyens qui le demandent, les joies d’un geste ayant du sens.

Et Jean Genet, là-dedans ? Il anime, il « énergise» toujours, Roger des Prés. Le spectacle, la performance, le moment -on l’appellera comme on voudra- commence par un très beau film en noir et blanc, projeté au-dessus de la cheminée où cuit un méchoui que nous mangerons à l’entracte, ou après le spectacle… Entre rêve et réalité, sous le regard d’un homme qu’on imagine forcément être Genet, de vraies-fausses images d’archives quittent peu à peu le fil chronologique et nous amènent dans le monde d’aujourd’hui: celui de l’immense quartier bétonné de la Défense: signe d’une société qui résiste à sa propre ouverture et à son propre bonheur. Rarement le passage du temps aura été représenté avec cette force.

Suit la lecture en plein air d’extraits de L’Ennemi déclaré. Les paons, au crépuscule, se déchaînent contre les voix humaines, mises en demeure de lutter… Un moment de jeu avec deux comédiens (qui, de la mère ou du fils, portera la valise des cadeaux de noce, qui aura cet honneur ? Mais est aussi projeté un autre film (dans un pays du Maghreb, qui aura la « chance» d’être sélectionné pour venir travailler à bas prix en métropole ?). La soirée se construit au fil des déambulations, et s’étire si on en a envie. Le 8 juillet, a eu lieu une re-reprise de L’Homme qui plantait des arbres de Jean Giono, mise en scène de Roger des Prés, avec les moutons Thônes et Marthod, la chienne Lolotte, Jaki-berger et Roger. Il y en aura d’autres…

Les fêtes électro sont interdites cet été à la Ferme, par un principe de sécurité poussé à l’extrême, avec fonction punitive contre ces « irréductibles gaulois », l’art de vivre et l’art tout court trouveront quand même à se faire une place ici. Mais problème : Roger des Prés et la Ferme du Bonheur sont devenus l’ennemi déclaré de la municipalité, au nom du rationnel, c’est-à-dire du calcul. Sur les terrains disponibles de la région parisienne, il faut construire. Des logements, sans doute ; des bureaux (à l’heure du télé-travail ?).  Ne serait-il pas raisonnable de laisser en paix les modestes surfaces de la Ferme et de mettre en valeur ses travaux d’ «agro-poésie », son modèle écologique et préserver,  développer dans un univers bétonné, des espaces de verdure sauvage, en toute liberté créative ? De l’oxygène ! De l’oxygène ! C’est une Parisienne qui le demande.

Christine Friedel

La Ferme du Bonheur, 220 avenue de la République, Nanterre (Hauts-de-Seine). T. : 01 47 24 51 21 – contac@lafermedubonheur.fr

 

 

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