L’Oeil présent : exposition de Christophe Raynaud de Lage
L’Oeil présent : exposition de Christophe Raynaud de Lage
Formé à l’École nationale Louis Lumière et photographe depuis plus de trente ans, Christophe Raynaud de Lage a d’abord travaillé en studio mais a aussi réalisé de nombreux reportages sur l’architecture intérieure. Et il a découvert les arts de la rue en 1989 avec le festival d’Aurillac dont il deviendra le photographe officiel. Il a aussi publié une vingtaine de livres consacrés notamment au cirque, aux arts de la rue et réalisé pluiseurs expositions.
Des coulisses aux représentations, il a pris des milliers de clichés de spectacles. Rien ou presque ne lui est étranger en théâtre, danse, performances, arts de la rue, cirque… Notamment mais pas que, dans les lieux officiels comme la Comédie-Française, le Centre National des Arts du Cirque, le Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique et depuis dix-set ans, il est le photographe officiel du festival d’Avignon…
Il est la mémoire du théâtre et continue à capter avec passion les moments de tous les lieux bien connus d’Avignon: la prestigieuse Cour d’Honneur, avec ses spectacles mais aussi l’impressionnant indispensable montage technique, les fameux Cloîtres des Célestins et des Carmes, la carrière Boulbon, la Cour du lycée Saint-Joseph, mais aussi la Chapelle des Pénitents blancs, le Théâtre Benoît XII, le Gymnase des lycées Aubanel et Saint-Joseph, l’Opéra Grand Avignon, La FabricA…. Il a capté des mises en scène le plus souvent face public et dans leur ensemble, mais aussi des scènes intimes ou le visage d’ interprètes dans un rayon lumineux et dans les ombres savamment dessinées. Nous avons vu beaucoup de ces spectacles et on peut dire que les photos sont d’une remarquable fidélité.
Dès la fin de la première représentation, on peut les voir photos sur le site du festival, puis dans la presse quotidienne (et elles ont illustré nombre d’articles du Théâtre du Blog) voire ensuite dans les livres et revues consacrés au spectacle.
Cette riche et très belle exposition qui occupe tout le premier étage de la Maison Jean Vilar est une sorte d’immersion dans la mémoire récente du Festival proposée p ar Laurent Gachet, créateur scénique et Pierre-André Weitz, le scénographe d’Olivier Py. Le parcours commence avec une belle phrase de Claude Bricage, autre grand de la photo de théâtre, mort prématurément du sida et le premier sans doute à mettre l’accent sur la scénographie complète d’un spectacle donc à avoir un regard plus professionnel sur une création théâtrale. « La photo de théâtre ose mettre en scène le théâtre lui-même. » Et juste à côté cette autre phrase d’Antoine Vitez dont il a photographié de nombreux spectacles et qui fait écho à la précédente : «Pour représenter le monde dans sa grandeur, il faut la petitesse du théâtre. »
Difficile de faire un choix, les images choisies sont toutes exemplaires, et donnent une bonne idée de ce que pouvaient être des spectacles à jamais disparus mais que nous avons vus pour la plupart et dont la mémoire continue à nourrir la création théâtrale. Et les vidéos? Sans doute aussi mais à l’expérience pour de futurs acteurs, metteurs en scène ou scénographes, la photo fournit un écho incomparable et souvent chargé d’émotion. Même si c’est dix, trente, voire soixante ans plus tard, le passé continue à éclairer le présent…
C’est un grand bonheur de se laisser ici porter par les photos des spectacles. Juste quelques exemples parmi la centaine exposée: Blanche-Neige de Michel Raskine, les exemplaires Casas et Libertad de la grande Angelica Liddell, mais aussi Puppo di zucchero d’Emma Dante, Les Damnés d’Ivo van Hove, Le Prince de Hombourg de Giorgio Barberio Corsetti… Et il y a une œuvre fabuleuse qui a pour titre Les Saluts. Une série d’une trentaine de saluts à la fin d’un spectacle… D’une rare beauté et particulièrement émouvante.
«Je ne veux pas me revendiquer comme artiste, dit Christophe Raynaud de Lage. Les artistes sont ceux que que je photographie. Je me qualifie comme auteur, pour affiner le rapport à l’écriture.» On veut bien mais, si réaliser de telles photos et en concevoir une exposition de cette dimension n’est pas aussi le fait d’un véritable artiste, alors nous n’avons rien compris… C’est l’occasion d’un plongée comme on en voit rarement dans le théâtre contemporain. Ne la ratez surtout pas maintenant, ou après, mais le temps passe vite…
Philippe du Vignal
Jusqu’au 31 mars, de 11 h à 20 h ( dernière entrée à 19 h 30) ,Maison Jean Vilar, 8 rue de Mons, Avignon.
Le catalogue de l’exposition L’Oeil présent est édité par Théâtre(s).