Anais Nin au miroir texte d’Agnès Desarthe, librement inspiré des Nouvelles fantastiques et des Journaux d’Anaïs Nin, mise en scène d’Élise Vigier

Anais Nin au miroir, texte d’Agnès Desarthe, librement inspiré des Nouvelles fantastiques et des Journaux d’Anaïs Nin, mise en scène d’Élise Vigier

Anais Nin au miroir texte d’Agnès Desarthe, librement inspiré des Nouvelles fantastiques et des Journaux d’Anaïs Nin, mise en scène d’Élise Vigier dans actualites

© Christophe Raynaud de Lage

 L’autrice et la metteuse en scène convoquent Anaïs Nin et, bousculant les chronologies, la mettent en dialogue avec les acteurs qui vont interpréter son œuvre et son personnage. Nous naviguons avec fluidité par effet de diffraction dans de multiples points de vue. Une plongée de deux heures dans un labyrinthe spatio-temporel, à condition de s’y laisser glisser.

Sur le plateau encombré d’anciens éléments de décors, des châssis mobiles jouent sur la profondeur de scène. Une jeune femme en blanc, venue d’un autre temps, apparaît et disparaît entre eux et une femme de ménage balaye. Rencontre incongrue entre cette présence fantomatique aux propos énigmatiques et  un personnage d’aujourd’hui plein de bon sens populaire. Un film en noir et blanc de Nicolas Mesdom prolonge leur échange et elles voguent toutes les deux sur les eaux paisibles d’un large fleuve… Les images du cinéaste ponctueront la pièce, nous emportant vers l’enfance de l’écrivaine.

Bientôt des comédiens investissent les lieux, pour préparer une pièce où Anaïs Nin est mise en scène. Entre les séquences de répétition, s’intercalent des bribes de conversations où ils évoquent l’état du monde ou leurs préoccupations personnelles. «Nous avons cherché à tisser différents niveaux de paroles et de récits, dit Elise Vigier. » Agnès Desarthe a puisé dans les nouvelles : La Chanson dans le Jardin, Le Sentiment tzigane, Le russe qui ne croyait pas au miracle et pourquoi, Les Roses rouges, Un sol glissant … Et elle a aussi écrit les dialogues à partir d’improvisations des acteurs qui ont été libres de choisir des extraits de l’œuvre composite de l’autrice anglophone franco-cubaine.

Sur scène règne un joyeux capharnaüm : portants avec costumes, livres, accessoires de théâtre ou de magie. On  se cherche dans les coulisses, répète des morceaux de textes, en fonction de qui on a sous la main pour donner la réplique. Ici, Anaïs Nin est incarnée indifféremment par trois hommes et trois femmes d’âge- et d’origine divers. « L important pour moi, est de valoriser la diversité des corps sur le plateau, dit Elise Vigier. Ainsi les écrits de l’autrice se partagent entre Dea Liane, en fantôme élégant et des avatars plus charnels. Parmi eux, on reconnaît Ludmilla Dabo, qu’on entendra au final dans un blues tiré de Vénus erotica un livre né de sa rencontre avec Henri Miller. Une beau moment mis en musique par Manusound et le guitariste Marc Sens qui accompagne le spectacle. Mais Elise Vigier ne s’attarde pas sur la dimension sulfureuse d’Anaïs, même si la sensualité à fleur de peau infuse son écriture. Il est surtout question de faire résonner le regard qu’elle portait sur le monde, à travers la sensibilité de ses multiples interprètes.

Ceux qui cherchent ici une biographie d’Anaïs Nin seront déçus. Agnès Desarthe et Elise Vigier en proposent un portrait éclaté aux multiples facettes.  Et la metteuse en scène ne boude pas les effets spéciaux, comme ces tours de magie de Philippe Beau (Anaïs Nin, enfant, fut coupée en deux sur scène par un illusionniste). Ou un numéro de danse du ventre par Louise Hakim, qui fait aussi une démonstration de flamenco, si prisé par Anaïs Nin. Le charme de cette élégante mise en scène opère, même si on se perd quelquefois dans une recherche formelle un peu brouillonne.

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 16 juillet, salle Benoit XII, rue des Teinturiers, Avignon.

Du 11 au 14 octobre, Comédie de Caen-Hérouville-Saint-Clair (Calvados); du 19 au 22 octobre,Théâtre Dijon-Bourgogne-Centre Dramatique National (Côte-d’0r) .

Du 10 novembre au 11 décembre, Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes.

Et les 7 et 8 mars, La Passerelle, Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor).

 


Archive pour 18 juillet, 2022

Grand Ecart ,chorégraphie et interprétation de Kiyan Khoshoie

Festival d’Avignon 2022

Grand Ecart , chorégraphie et interprétation de Kiyan Khoshoie

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© Agnès Mellan

Les artistes venus de Suisse en Avignon ont l’humour en partage. Après Fantasia de Ruth Childs (voir Le Théâtre du blog), voici un autre solo décalé entre danse et théâtre.

Le chorégraphe suisse-iranien interpelle le public sur une question vitale pour lui: doit-il jouer avec le rideau noir en fond de scène, ouvert ou fermé? Comment qualifier ce « spectacle » dont il réfute le terme, trop enfermant- ? Une performance, un solo? «Un gros chantier, dit-il, je suis en construction.»
Les spectateurs seront ses partenaires et feront  « une équipe » comme il dit, en désignant parmi eux, un chef ! Et il ne les lâchera plus, jusqu’à établir une connivence avec une spectatrice et à l’aune de sa personnalité,  la « danser »…

Etonnant comédien, Kiyan Khoshoie est aussi excellent interprète quand il se lance dans une série de numéros où il parodie tous les styles, du classique au contemporain… Il nous fait aussi pénétrer dans le petit monde de la danse: chamailleries en répétition, maître de ballet cabot et sexiste au port caricatural…Autant de moments inspirés par son expérience dans plusieurs compagnies dont It Dansa Barcelone, Dansgroep Amsterdam, Scapino Ballet Rotterdam, Maas Theater and Dans… Avec une fausse désinvolture, il met le doigt là où ça fait mal : conditions de travail, blessures, fatigue et douleur. Les étoiles ne brillent qu’un temps et les corps sont fragiles…Mais rien de nostalgique dans ce Grand Ecart…

Kiyan Khoshoie avec son corps puissant et une élégance naturelle, attire une sympathie rigolarde dans ce face-à-face bien réglé, mis en scène par Charlotte Dumartheray dans la tradition du stand-up. On attend leur prochaine création, Kick Ball Change, en octobre, au Grütli à Genève puis en Suisse romande.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 25 juillet, 16 h15 (jours impairs), Théâtre du Train Bleu, 40 rue Paul Saïn, dans le cadre du programme suisse en Avignon.

Entretien avec William Arribart, magicien

Entretien avec William Arribart, magicien

- Quel a été votre parcours?

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Enfant, mon rêve était de pouvoir voler dans les airs et les seules personnes qui en avaient la compétence pour moi étaient les super-héros et les magiciens. Comme je n’étais pas friand de costumes rouges et masques effrayants, je me suis tourné vers l’illusionnisme.À six ans, toujours avec l’objectif d’apprendre à voler dans les airs, je me suis inscrit à une école de magie à Lyon.
Je n’ai pas appris tout de suite la lévitation mais plutôt des tours de cartes et la manipulation de pièces ou balles en mousse…
Souvent, on me demande si je suis issu d’une famille d’artistes ou si mes parents sont magiciens. Mais non, mes parents étaient assez réticents, en tout cas au début et j’ai dû apprendre à me débrouiller tout seul et cela m’a beaucoup aidé! J’ai commencé assez tôt à créer mes spectacles, et je me suis petit à petit entouré d’une équipe professionnelle.

-Et maintenant?

-Aujourd’hui, je travaille avec une vingtaine de personnes dans une équipe artistique et de production. Nous avons de vastes locaux à Lyon, avec bureaux, ateliers pour fabriquer nos décors, et un espace pour répéter dans les mêmes conditions que sur scène. Nous créons des spectacles de magie, mais aussi des comédies musicale avec magie. Il ya sept ans déjà, j’ai ouvert mon école à Lyon avec propose cours à l’année adultes mais aussi des stages de magie pour enfants et ados ; et des « samedis magiques ». L’école accueille chaque année de nombreux nouveaux élèves. Nous travaillons le close-up, la scène et même la grande illusion, comme le théâtre et la mise en scène. Je fais quelques fois intervenir les équipes de mes spectacles sur certains ateliers.

-Vos influences ?

-J’admire beaucoup David Coperfield que j‘ai eu la chance de découvrir à Lyon en 2005 et que je suis allé le voir à Las Vegas. Dans ses numéros d’une grande qualité, chaque détail est soigneusement travaillé. Je suis attiré par la grande illusion, même si je touche au close-up, à la scène et un peu au mentalisme: je me suis même formé à l’hypnose. Lors d’une tournée à Londres, j’ai découvert les comédies musicales anglaises et suis tombé sous leur charme. Depuis, je travaille essentiellement sur des spectacles à la fois musicaxu et magiques, et je m’inspire de ceux qui sont créés à Londres et Broadway.

-Comment se former à la magie ?

-Il y a des livres ; des DVD et des exercices sur Internet. Le mieux reste les écoles, car un œil extérieur et les retours d’un professionnel sont essentiels pour progresser. Comme tout, cet art évolue, on le retrouve dans des spectacles de théâtre et il sert de prétexte à raconter des histoires. Et nombreux parmi nous ont ceux qui font de la magie numérique sur des écrans…. Tout cela apporte beaucoup de richesse et c’est aussi un moyen pour fabriquer des spectacles qui vont parler du monde actuel.
J’allie magie et comédie musicale (chant, théâtre et danse) pour créer des spectacles complets pour parler à un public familial. Par exemple, William Arribart, naufragé de l’Île des Rêves pour enfants et adultes, aborde différents thèmes de société…

Sébastien Bazou

Interview réalisée le 29 juin.

L’école de magie de William Arribart: https://www.coursdemagielyon.fr/

 

 

Festival d’Avignon : Hidden Paradise conception d’Alix Dufresne et Marc Béland

Festival d’Avignon

 Hidden Paradise conception d’Alix Dufresne et Marc Béland

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© Côté

 «Si j’ai commencé, disait le metteur en scène Antoine Vitez ,  à penser qu’on peut “faire théâtre de tout”— de tout ce qu’il y a « dans la vie », et a fortiori de tous les textes — je me dois d’aller jusqu’au bout de mon intuition. » Hidden Paradise, comme bien d’autres spectacles depuis confirme cette « intuiton ».  Un texte au contenu idéologique charpenté est détourné de son sens par deux compères facétieux venus du Québec. Nous ne comprenons pas bien où ils veulent en venir quand, après avoir installé, laborieusement, un tapis de danse, ils plantent un vieux haut-parleur au milieu du plateau, pour nous faire entendre un entretien à la radio nationale canadienne avec le philosophe Alain Denault qui parle de son livre Paradis fiscaux: la filière canadienne (2014).

Un exposé d’une grande clarté de l’éminent Québécois, aujourd’hui directeur de programme au Collège international de philosophie à Paris.: «Lorsque les écoles se détériorent, qu’un hôpital ferme, qu’un viaduc s’effondre, qu’un festival perd une subvention, c’est à cause des paradis fiscaux. Source d’inégalités croissantes et de pertes fiscales colossales, le recours aux paradis fiscaux par les grandes entreprises et les particuliers fortunés explique en grande partie les politiques d’austérité »,

Cette émission fut le point de départ du projet d’Alix Dufresne et Marc Béland qui, dans leur pratique théâtrale, utilisent des paroles médiatiques (verbatims, conférences, entrevues, etc.), pour réagir aux voix des lanceurs d’alerte et répondre à l’apathie ambiante. La démonstration du philosophe est limpide et logique. Mais ici Alix Dufresne et Frédéric Boivin n’entendent pas la commenter, ou l’illustrer. Elle, sera la journaliste Marie-France Bazzo, et lui, le philosophe, et vont détourner cette interview pour en faire un matériau sonore qu’ils réinterprètent à leur gré en trois mouvements. D’abord, en se livrant à une danse acrobatique haletante, farfelue, un peu sexuelle, sur cette bande-son particulière. Puis ils enchaînant le texte comme pour une répétition dite « à l’italienne » quand les acteurs disent leurs répliques assez vite, sans aucune intention de jeu. Puis enfin en play-back avec  voix off…
« En fait, l’idée d’organiser des exercices, dit Alix Dufresne, était surtout d’éviter d’investir politiquement le sujet. Nous engageons nos corps dans l’atteinte d’objectifs que nous nous sommes fixés. Cela devient aussi absurde que notre impuissance face au système économique décrit par Alain Denault.»

 Au delà de cet amusant travail stylistique, admirablement réalisé, nous aurons entendu le philosophe et n’oublierons pas ses propos. Dans ce verbatim devenu spectacle, leurs créateurs  exposent la grande arnaque qu’est l’escroquerie légalisée des paradis fiscaux, et l’impuissance des citoyens quand les gouvernements sont complices des oligarques… Et nous sortons de ce Hidden Paradise, à la fois amusés… et indignés.

 Mireille Davidovici

 Jusqu’au 25 juillet (jours impairs) à 14 h15, Théâtre du Train Bleu, 40 rue Paul Saïn, Avignon.

 

Fantasia, chorégraphie de Ruth Childs

Festival d’Avignon 2022

 Fantasia, chorégraphie de Ruth Childs

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© Agnès Mellon

Une performance d’une heure de cette danseuse anglo-américaine installée à Genève depuis 2013 sur des musiques classiques du film de Walt Disney, comme L’Allegro mal non troppo de la Symphonie n° 6 in F Majeur de Ludwig van Beethoven, L’Arabian Dance ou la Russian Dance. «Un plongeon, dit-elle, dans les couches intimes de mes souvenirs physiques et émotionnels, déclenchés par la musique classique que j’écoutais enfant. »

Recroquevillée au sol dans un coin du plateau, perruque et maillot couleur parme, elle laisse son corps sortir de la léthargie et s’éveiller lentement au rythme de la musique. Ses bras s’agitent comme les ailes d’un oiseau chétif pour retomber, avant qu’elle se lève enfin, portée par les notes vives de la bande-son de Fantasia. Ces tubes classiques souvent rabâchés -en anglais : fantasia- sont ses partenaires et l’amènent à changer de costume, comme on change de peau ou d’humeur. Chemises et perruques passeront ainsi par le blanc, le rouge, le vert, le noir…

Ces transformations spectaculaires s’accompagnent d’une danse minimale où Ruth Childs s’abandonne au seul plaisir de se mouvoir et d’osciller sur ces airs enjoués. Sans piocher dans la gestuelle du répertoire classique ou contemporain dont elle a été abreuvée. Une petite fille qui s’amuse à se déguiser et à bouger… tout simplement. Mais parfois, dans cette harmonie vibratoire entre corps, musique et couleur, la chorégraphe introduit des dérapages sonores, comme si quelques chose dans son corps rechignait à se laisser emporter, à lâcher prise. Des parasites sonores mettent ses mouvements à l’arrêt grâce à un micro branché sur son corps qui peut activer ou arrêter la musique…

 Puis, endiablée, elle ne s’arrêtera plus de danser sur le Molto Vivace, de la Symphonie n°9 de Ludwig van Beethoven: comme la petite fille des Chaussons rouges  un conte de Hans Christian Andersen. Mais elle arpente le plateau avec bonheur, d’un pas léger, affranchie des règles chorégraphiques qu’elle a reçues en héritage de sa tante Lucinda Childs dont elle a recréé les premières pièces. Une belle et joyeuse énergie émane du premier solo de cette artiste associée à l’Arsenic-Centre d’art scénique contemporain de Lausanne.

 Mireille Davidovici

Spectacle vu le 16 juillet, dans le cadre de la Sélection suisse en Avignon du 8 au 25 juillet, aux Hivernales-Centre de Développement Chorégraphique National, 18 rue Guillaume Puy, Avignon T. : 04 90 82 33 12.

 

 

 

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