Festival Paris l’Été: À l’abri des forêts, exposition de Johnny Lebigot

Festival Paris l’Été

À l’abri des forêts, exposition de Johnny Lebigot

 Il cherche, regarde, recueille, collectionne, glane, ramasse, classe, choisi et, il voit dans tous ces petits restes de vie une autre vie, justement, et nous la donne à voir. C’est le travail de l’artiste. Avec une précision de quincaillier, Johnny Lebigot range ses trouvailles par catégories, dans de petits tiroirs. Tout ce que pour la plupart nous ne regardons pas, dont on se détourne même avec un léger dégoût, ou que l’on jette sans y penser : gracieuses arrêtes de poissons, petits os, plumes, feuilles mortes, bouts de squelettes et d’élytres, branches tombées, simples mouches… Il les rassemble avec amour et les combine dans ses créations.

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Il faut avoir un regard d’enfant, et nous l’avons tous, même si nous ne le cultivons pas, pour voir dans l’écorce tourmentée d’un pin tombé, le fossile végétal d’un dinosaure oublié. Les arbres se revêtent de plumes, les branches battent des ailes, sous le contrepoids d’un caillou troué simplement pendu à une ficelle. Et tout ce bric-à-brac mort, venu du vivant, devient autre chose qu’un jouet poétique. Il nous parle de la continuité de la vie, dont la mort fait partie, et d’une nature dont les limites ne sont plus si fermes, ni fermées.

Il y a là de la sorcellerie, avec ce qu’elle peut avoir de très beau, comme ces coiffes et couronnes rayonnantes d’épis et de plumes que l’artiste peut poser sur votre tête. Il y a là le rêve de mondes lointains, de cultes « primitifs » qui font un peu peur et fascinent, et le sentiment confus d’une puissance cachée.  Johnny Lebigot la veut protectrice, puisqu’il a placé son travail sous le titre A l’abri des forêts.
Cette exposition continue Les Habitants du bois, des chroniques fantasques d’une e une création originale entre arts plastiques, théâtre, danse, musique, élaborée en résidence au Théâtre de l’Aquarium, au cœur du bois de Vincennes, par la Revue Éclair avec Corinne Miret, Stéphane Olry et Jean-Christophe Marti.

Un seul regret: l’exposition, avec sa sauvagerie, est cantonnée à une salle au rez-de-chaussée du lycée Jacques Decour ne déborde pas sur sa cour d’honneur, et ne vient pas taquiner ou heurter la végétation décorative. Il est vrai que la forêt est fragile, et a besoin de protéger ses secrets…

Le lycée en vacances est devenu le centre, le point fixe de Paris l’Été, avec tout un éventail de propositions artistiques originales, chant: Nuit portugaise, danse : Joseph Nadj, Fouad Boussou…, théâtre: Julien Gosselin, Pierre Guillois, Léna Paugam , marionnettes : Johany Bert, radio : Cécile Lena… Laurence de Magalhaes et Stéphane Ricordel, les directeurs artistiques du festival, reçoivent aussi des spectacles chez eux, au Monfort, 106 rue Brancion, Paris (XV ème), à la Villette et au Théâtre de l’Atelier, Paris (XVIII ème).
Mais ils ont aussi étendu leur territoire à toute l’Île de France, après avoir commencé en fanfare, si l‘on ose parler ainsi de Maurice Ravel et de son Boléro, avec le chorégraphe Angelin Preljocaj au Louvre ! À suivre, donc, dans dix-neuf lieux nous rappelant que Paris c’est  le parvis de Notre-Dame, point initial des routes nationales en France, mais aussi sa banlieue et sa campagne, Port-Royal-des-champs, Montfermeil où l’on montrait naguère la fontaine où Cosette tirait d’énorme seaux d’eau pour les Thénardier, Bercy, Pantin, la tour Montparnasse…

Christine Friedel

À l’Abri des forêts : à partir de 16 h 30, les 20, 21 et 22 juillet et à partir de 19 h, le 27  et de 18h les 28, 29 et 30, au lycée Jacques Decour, 12 avenue Trudaine, Paris (IX ème).

Paris l’Été continue jusqu’au 31 juillet. T. : 01 44 94 98 00.

 

 

 

 


Archive pour 19 juillet, 2022

Le Verfügbar aux Enfers, Une opérette à Ravensbrück de Germaine Tillion, mise en scène de Claudine Van Beneden

Le Verfügbar aux Enfers, Une opérette à Ravensbrück de Germaine Tillion, mise en scène de Claudine Van Beneden

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Cette membre  de la Résistance au musée de l’Homme, avait fait de sa maison de Saint-Maur, un lieu de rendez-vous clandestin. Mais elle fut dénoncée avec sa mère Émilie par Robert Alesch, vicaire de la paroisse de La Varenne devenu agent double, très bien rémunéré par les nazis. Arrêtée le 16 août 42 puis déportée à Ravensbrück en octobre 43, elle y écrit une œuvre où elle  parle ssous une forme légère de sa vie au camp, mêlant dialogues, chansons et danse pour s’octroyer une minuscule parcelle de liberté.
« J’ai écrit une opérette, une chose comique, parce que je pense que le rire, même dans les situations les plus tragiques, est un élément revivifiant. »L’art contre la barbarie prend tout son sens ici. A Terezin, il était aussi présent et les artistes qui y avaient été déportés, ont créé des pièces de toute sorte. La propagande nazie a utilisé cette créativité au moment de la visite de la Croix-Rouge, notamment en présentant un orchestre, (voir Terezin de Jacques Livchine, Le Théâtre du blog). Plus tard, Germaine Tillion assistera aux procès de Philippe Pétain et des chefs S S de Ravensbrück.

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 Le manuscrit de la pièce fut publié en 2005 et pour la célébration de son centenaire (elle vit à ce moment-là dans une maison de retraite), le théâtre du Châtelet en 2007 monte cette opérette. Et un film produit deux ans plus tard par Arte associe extraits de la pièce et documents d’archives.
Cette œuvre a, comme personnage principal, un naturaliste qui décrit dans une conférence une espèce, presque animale, de femme déportée nommée  Verfügbar qui refuse de faire les travaux du camp. Les détenues chantent et dansent pour résister.

 Claudine Van Beneden veut, dit-elle, «s’attacher à l’esprit initial de cette opérette-revue, au caractère grotesque et tragique à la fois.» Les sept artistes, dont elle-même et un musicien, sont tous très engagés pour faire revivre ce moment hors-cadre et les chansons sonnent juste. Malgré un travail est un peu trop esthétisant mais qu’importe. Il faut saluer l’initiative de monter cette pièce rarement jouée, surtout à notre époque où les extrémismes de droite se masquent derrière de fausses intentions démocratiques. A voir pour s’informer et rendre hommage aux anciens de moins en moins nombreux qui ont combattu pour que nous restions libres.

Jean Couturier

Jusqu’au 30 juillet, spectacle vu le 17 juillet, jour de commémoration de la rafle du Vél d’Hiv, au Théâtre du Chien qui fume, 72 rue des Teinturiers, Avignon..T. : 04 84 51 07 48.

 

Festival d’Avignon: Vive le sujet ! Série 1

Festival d’Avignon

 Vive le sujet ! Série 1

 

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©Ch. Raynaud de Lage

Le festival d’Avignon et la S.A.C.D. proposent depuis longtemps à des écrivains de s’associer à des partenaires pour un moment de jeu matinal créatif. Comme Ludmilla Dabo, à Blade Ali Mbaye et Ashtar Muallem. Prix de la meilleure comédienne en 2020 du Syndicat de la critique.
L’autrice, metteuse en scène et chanteuse, nous parle de sa propre instabilité. Ses paroles font penser à la belle chanson d’Anne Sylvestre : «J’aime les gens qui doutent, les gens qui trop écoutent leur cœur se balancer /J’aime les gens qui disent et qui se contredisent et sans se dénoncer /J’aime les gens qui tremblent, que parfois ils ne semblent capables de juger/J’aime les gens qui passent moitié dans leurs godasses et moitié à côté ».
Ashtar Muallem, d’origine palestinienne, exprime son amour de la solitude et sa fragilité à travers de belles figures réalisées avec un tissu aérien bleu. Blade Ali Mbaye, rappeur, chanteur et comédien, qui avait été remarqué dans Retour à Reims, mise en scène de Thomas Ostermeier (voir Le Théâtre du blog ) parle lui aussi de sa quête d’équilibre et rappelle que « rien ne nous oblige à être dans des matrices bien calculées ». Et le sous-titre de ce moment de partage est : Ce n’est qu’une histoire de balances

Nyst est un autre instant de grâce intime, avec la musique en direct de Patrick De Oliveira associé aux paroles de Julie Compans. Ce qui permet à la danseuse Mellina Boubetra une improvisation pleine de fluidité. Sa précision gestuelle accompagne l’audio-description du texte de Julie Compans, pour les personnes malvoyantes et aveugles. Et la description du Jardin de la Vierge prend alors une rare dimension poétique, comme un instant décalé hors du temps.

Jean Couturier

Spectacle présenté du 8 au 14 juillet, au Jardin de la Vierge, lycée Saint-Joseph, 52 rue des Lices, Avignon.

Festival d’Avignon : Ma Jeunesse exaltée texte et mise en scène d’Olivier Py

 

Festival d’Avignon 2022

 Ma Jeunesse exaltée, texte et mise en scène d’Olivier Py

 L’épopée d’Arlequin, un ambitieux feuilleton de dix heures et quatre parties, consacre les adieux de l’artiste à la direction du festival et sonne comme un bilan de sa carrière. Ce gymnase, il y a vingt-sept ans, accueillait La Servante, pièce fleuve en vingt-quatre heures. Le titre renvoie à cette jeunesse, figurée par le personnage d’Arlequin, symbole du théâtre populaire, convoqué par Alcandre, un poète vieillissant. Avide de transmettre sa flamme d’antan au jeune homme dont il fait son porte-flambeau; comme Pygmalion, il en tombe amoureux. C’est celui qu’il attendait, comme l’annonce la phrase messianique écrite en lettres de lumière fluo sur le fronton de la scène (le manteau d’Arlequin): «Quelque chose vient. »

Les deux compères vont, d’un épisode à l’autre, imaginer des canulars pour piéger des Pantalons, ces vieillards grincheux et libidineux de la commedia dell’arte… Ici le président d’une multinationale (ou de la République), un ministre de la Culture, un prélat (bientôt cardinal). Ces suppôts du capitalisme se liguent contre Arlequin et son maître pour déjouer leurs ruses et avoir leur peau mais, de farce en farce, le héros de cette tétralogie épique retombera sur ses pieds.

 Dans la première partie, un jeune livreur de pizza se métamorphose en héros de théâtre. Il va, avec une troupe de jeunes comédiens, et grâce à la ruse d’Alcandre (le Magicien dans L’Illusion comique de Pierre Corneille), inventer un inédit d’Arthur Rimbaud que les requins de la Finance, de l’Eglise et de la Culture se disputeront aux enchères. «Ils veulent tous le poème mais pas pour le poème.  » Ils en désirent la valeur marchande, à l’instar des collectionneurs d’art qui construisent des musées pour défiscaliser leurs profits. Cela donne lieu à des scènes comiques savoureuses où ces rapaces sont prêt à s’humilier pour arriver à leurs fins : le P.D.G., (Damien Bigourdan) défèque en public, Olivier Balazuc, en évêque libidineux, se livre à un numéro de cabaret trans en bas résille et string rouges. Plus digne, le Ministre de la culture (Flannan Obe) accepte d’être fessé. Emilien Diard-Detoeuf, (un conseiller ministériel ahuri) n’est pas de reste parmi ces comédiens de la vieille garde. Et Céline Chéenne, transfuge de La Servante,  incarne une tragédienne ringarde et une bonne sœur féministe mais revêche. Au piano, Antoni Sykopoulos, qui joue aussi un pharmacien cynique, accompagne le spectacle avec Julien Jolly aux percussions.

Dans cette longue traversée, on retrouve la scénographie mobile de La Servante, signée Pierre-Andre Weitz avec des praticables sur roulettes et déplacés à vue, formant de petites alcôves à jouer. Echelles et escaliers permettent de se déployer en hauteur et se prêtent à des changements de cadrage rapide. Sous les lumières de  Bertrand Killy, ce dispositif rythme l’espace et permet aux interprètes de dépenser toute leur énergie.

D’arlequinade en pantalonnade, cela commence fort et le texte est bien enlevé, quoiqu’un peu ampoulé mais l’auteur le revendique sans complexe et cible allègrement les grands de ce monde, face à un Bertrand de Roffignac survitaminé, à qui le costume à losanges multicolores d’Arlequin va comme un gant. Il caracole en tête de théâtreux allumés (Geert Van Herwijnen, Pauline Dessous, Eva Rami).

 La deuxième pièce où Alcandre et Arlequin  inventent le canular d’une fausse sainte, s’enlise dans un débat théologique compliqué. Et l’on perd la fraîcheur du début, malgré les cabrioles verbales et physiques du remarquable Bertrand de Roffignac qui tiendra le rythme pendant dix heures… La troisième pièce, un repas cannibale avec gags assez graveleux, métaphore de la société marchande toujours plus avide de dévorer l’humain, ne nous a pas davantage convaincus.

 Il nous faudra attendre le dernier épisode pour trouver un état de grâce, notamment avec le magnifique monologue d’Alcandre où Xavier Gallais, déplorant la mort de son Arlequin, met tout son talent à servir le lyrisme inspiré d’Olivier Py. Mais bien sûr, son jeune alter ego va renaître, car pour l’auteur, il est porteur de l’espérance, «une libération mystique» qui nous manque aujourd’hui. «Vous êtes manipulés par le deuil, laissez-vous manipuler par l’espérance»,  dit Alcandre qui, à travers la jeunesse exaltée de sa créature, veut rendre « Rimbaud à Rimbaud, Dieu à Dieu » et… le théâtre au théâtre: «Quelque chose viendra toujours, tant qu’il y aura du théâtre. »

 Malgré de nombreuses longueurs et excès verbaux, mais pour les fréquents morceaux de bravoure et la beauté de la langue, nous n’avons pas regretté d’être resté jusqu’au bout de cette ode baroque au Théâtre. Suivie avec passion par ceux qui, malgré l’heure tardive et la fatigue, ont applaudi à n’en plus finir.

 Mireille Davidovici

Spectacle vu le 15 juillet au Gymnase du lycée Aubanel, 14, rue Palapharnerie, Avignon (Vaucluse).

Du 11 au 19 novembre,  Théâtre Nanterre-Amandiers (Hauts-de-Seine) et les 25 et 26 novembre, T.N.P. de Villeurbanne (Rhône).

Le texte est publié aux éditions Actes Sud-Papiers.

 

Le Petit Chaperon rouge de Jacob et Wilhelm Grimm, mise en scène de Céleste (à partir de quatre ans)

Festival d’Avignon


Le Petit Chaperon rouge
de Jacob et Wilhelm Grimm, mise en scène de Céleste (à partir de quatre ans)

 Un ruisseau rafraîchissant pour cette soixante-septième édition en décalage avec deux spectacles-fleuves (voir Le Théâtre du Blog). La scénographie fait corps avec la Chapelle des Pénitents blancs. Avec un dispositif de miroirs inclinés réfléchissant les toiles peintes qui défilent au sol, et une glace sans tain permettant des illusions d’optique avec une grande profondeur de champ.
Antoine Oppenheim et Maëlys Ricordeau, porte-voix des personnages, côtoient sur le plateau des figurines grandeur nature : le Loup et le Petit Chaperon rouge. Le public découvre les acteurs derrière les miroirs, avec une dimension magique. «Chez les frères Grimm, dit la metteuse en scène, le Petit Chaperon rouge et la Grand-Mère sont sauvées par un chasseur, qui est une figure positive. Dans cette version, l’histoire ne s’arrête pas là et se répète: le Petit Chaperon rouge est de nouveau envoyé chez sa grand-mère et rencontre encore un loup. Mais l’expérience lui permet de fomenter un plan contre le loup et de le mettre en place.» Dommage ! Pour une fois, dans un récit la nature réussissait à dominer l’humain. 

Le collectif d’artistes Das Plateau créé en 2008 mêle théâtre, littérature, musique et arts visuels et travaille avec le scénographe James Brandily autour de la représentation des fantômes et des choses de l’esprit. La dimension magique de ce travail, d’une rigueur et précision remarquable, marquera la mémoire du jeune public et lui donnera le goût du théâtre.


Jean Couturier


Le spectacle a été joué du 15 au18 juillet, à la Chapelle des Pénitents blancs, Avignon.

 Du 28 au 30 septembre, théâtre de Châtillon( Hauts-de-Seine)

Du 4 au 15 octobre théâtre Nouvelle Génération, Lyon (Rhône).

Du 24 au 26 novembre La Villette Paris (XIX ème); du 30 novembre au 2 décembre, Théâtre des Halles, Sierre (Suisse).

Du 7 au 9 décembre, Théâtre de La Roche-sur-Yon, (Vendée)  et du 13 au 17 décembre, T.N.B. Rennes (Ile-et-Vilaine).

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