Festival d’Avignon: Mnémonique, installation vidéo participative


Festival d’Avignon

Mnémonique, installation vidéo participative

©Ali Zare Ghanatnowi.

©Ali Zare Ghanatnowi

Une opération imaginée par Morgan Lebar, le jeune et nouveau directeur de l’Ecole Supérieure d’Art d’Avignon et la metteuse en scène Judith Depaule/Mabel Octobre, avec l’Atelier des artistes en exil qui a pour mission d’identifier ces artistes de toute origine et toutes disciplines. Puis de les accompagner en fonction de leurs besoins, en leur offrant des espaces de travail et en les mettant en relation avec les réseaux professionnels en France et en Europe.

Mnémonique, cela se passe d’abord sur le deuxième site de l’Ecole à Champfleury où plusieurs cellules ont été aménagées pour enregistrer ces vidéos Le public est accueilli par des artistes en exil qui habitent Paris ou Marseille mais ont pour cette installation vidéo participative. Ils sont peintres, sculpteurs, musiciens, metteurs en scène, acteurs danseurs, réalisateurs de films comme Zina Al Halak (Syrie), Atifa Hesari (Afghanistan), Alexander Katchkaev (Russie), Ko Latt (Birmanie), Evora Lira (Brésil), Ana Maria Forero Cruz (Colombie), Cleve Nitumbi (Ukraine), Samer Salameh (Palestine), Şener Yılmaz Aslan (Turquie),et Ali Zare Ghanatnowi, romancier et cinéaste iranien reconnu, qui a éré chargé du montage et des sur-titrages de ces vidéos. Des élèves et ex-élèves diplômés de l’Ecole accompagnent aussi cette opération.

Le public, de tout âge et de tout pays, est invité pendant le temps qu’il souhaite (en général neuf minutes ou moins) à témoigner devant une caméra d’événements politiques qui l’ont fortement marqué. Et chaque génération en a une malle pleine, que cela se soit produit dans son pays ou à l’étranger: seconde guerre mondiale et occupation allemande, guerre d’indépendance en Algérie, chute du mur de Berlin, explosion des tours jumelles à New York, attentats, entre autres en Norvège et contre une école juive à Toulouse, guerre en Irak, multiples coups d’État… en Asie, en Afrique, attentat du Bataclan à Paris, retour des talibans en Afghanistan et bien entendu, récente invasion de l’Ukraine par l’armée russe commandée par Poutine… Le malheur a partout frappé et et ces événements, même s’ils ne sont pas les mêmes pour tous ont marqué et modelé nos vies. Mais ils ont, aussi et souvent contraint des populations entières à l’exil.

Second épisode. Dans la chapelle des Cordeliers s située tout près du ruisseau qui longe la rue des Teinturiers, règne un beau silence. Et on peut voir sur grand écran le visage de femmes et d’hommes de nationalité différente dont les témoignages forcément inégaux, parfois courts mais précis sur la guerre, et les violences de toute sorte qu’ils ont subis ou connues sont bien montés et, au besoin sous-titrés,par Ali Zare Ghanatnowi. Cet écrivain, cinéaste et réalisateur iranien de quarante-et-un ans a participé à plus de vingt films d’animation, fiction, courts métrages, documentaire.i

Ces vidéos ont une remarquable force d’évocation surtout dans l’espace aux murs nus de cette chapelle désaffectée, appartenant à la ville d’Avignon. Les témoignages de vingt personnes filmées de nationalité différente que nous avons pu voir, sont inégaux. Mais elles ont joué le jeu, n’ont pas  cherché à se mettre en valeur et semblent heureuses d’avoir été les acteurs d’un projet simple mais rigoureux: cadre identique, aucune transition ni musique ni voix-off, ou texte autre que parfois un surtitrage, quand la personne interviewée n’est pas vraiment francophone.

La vidéo participative suppose aussi un décloisonnement des groupes ici impliqués dans cette opération: d’abord les artistes en exil généreusement accueillis à l’Ecole Supérieure d’Art d’Avignon, la direction, les enseignants, les élèves, une stagiaire à l’accueil de l’expo, étudiante à Sciences Po-Paris. Tous à un titre ou un autre ont travaillé dans la production, la conception, la réalisation et la diffusion de cette série de vidéos.
Le «qui élabore et réalise quoi» semble ici avoir bien fonctionné. Il y a eu quelque 1.350 visiteurs au total, soit en moyenne 150 par jour. Comparaison n’est pas raison, disaient nos grands-mères mais bien des spectacles du off n’atteignent pas ce chiffre… Une expérience à la fois pédagogique et artistique réussie dans le cadre du festival In et on peut souhaiter qu’une œuvre réunisse les plus remarquables de ces témoignages… 

Philippe du Vignal

L’exposition a eu du 7 au 15 juillet (entrée libre), Chapelle des Cordeliers, 3 rue des Teinturiers, Avignon.  
Ecole Supérieure d’Art d’Avignon 500 chemin de Baigne-Pieds,  B.P. 20917 84090 Avignon. T.: 04 90 27 04 23.

Le 22 juillet: 

A Paris de 20h à minuit

L’Atelier des artistes en exil fait sa première Partie en simultané dans la cour de ses locaux à Paris et au MUCEM, à Marseille où, après la capitale, il s’est aussi implanté.
Atelier des artistes en exil, 6 rue d’Aboukir, Paris (II ème). Entrée sur donation libre, sans réservation. Bar et restauration avec des concerts d’Aïka (Iran) : chants du Sistan ; Dighya Moh Salem band (Sahara occidental) : blues du désert musique sahraouie et DJ Aban (Syrie)  :musique électro-orientale.
contact@aa-e.org T. : +33 1 53 41 65 96.

A Marseille, de 20 h 30 à minuit trente

Entrée gratuite dès 20 h 15 sans réservation, bar et restauration, MUCEM, Fort Saint Jean, place d’Armes (accès par la passerelle Saint- Laurent), Marseille. Avec Rooney Noor (Syrie) : solo oud musique orientale,Mpévé Band (les deux Congos) : rumba & ndombolo ; dj set d’Ann Mysochka (Ukraine ) tribal housedj set de Mystique (France) dacehall  DJ set d’Aïda Salander (Tunisie) : eclectic, techno, rap, rave. 
contact.marseille@aa-e.org 202 rue villas Paradis, 13006 Marseille.


Archive pour 20 juillet, 2022

Festival d’Avignon Le Sacrifice, chorégraphie de Dada Masilo

Festival d’Avignon

Le Sacrifice, chorégraphie de Dada Masilo

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©Ch. Raynaud de Lage

Avec cette pièce en une heure pour dix interprètes, la chorégraphe sud-africaine explore le minimalisme de la danse tswana, en regard du Sacre du printemps d’Igor Stravinski. Rythme et fluidité accompagnés par une chanteuse et trois musiciens. Un joli moment … Passée par la danse classique et ensuite par Performing Arts Research and Training Studios d’Anne Teresa De Keersmaeker, Dada Masilo revisite des ballets classiques (Le Lac des Cygnes, Carmen…) à l’aune des danses contemporaines européennes et africaines «Mêler les danses de différentes cultures, dit-elle, permet de composer avec d’autres dynamiques  et m’aide surtout  à éviter l’écueil de la signature chorégraphique.»`Pourtant, nous reconnaissons sa danse serpentine, quand elle apparaît, svelte, sur un grand carré de lumière blanc. Ondulations du buste et des bras, coups de reins et frappes du pied. Torse nu, elle se désigne d’entrée comme la future sacrifiée. Puis, à la tête de sa tribu bien policée, elle va la mener avec autorité.
Les costumes de l’ensemble nous surprennent et la gestuelle douce et ample rappelle, comme la musique, le ballet interprété par Vaslav Nijinski. Tlale Makhene aux percussions, dose ses effets, Leroy Mapholo fait vibrer son violon en mêlant accents africains et mélodies du compositeur russe. Et Nathi Shongwe fait sonner le piano électrique pour accompagner la voix puissante d’Ann Masina.

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©Ch. Raynau de Lage

La compagnie a travaillé avec un professeur de danse tswana fondée sur une rythmique au contre-tempo contenu et à la gestuelle féline avec des élans soudains de prédateurs qui rappellent les échappées des ballets russes. Dada Masilo établit un parallèle entre le rite du passage du printemps et le tswana, rituel de son ethnie. L’Afrique du Sud accueille nombre de Botswanais et cette danse est très populaire à Johannesburg… Dans ce cérémonial, on invoque ensemble les ancêtres avec des offrandes. Ici,  les danseurs vont brandir des fleurs de lys après quelques prières et incantations collectives.

Puis dans une dernière séquence, le sacrifice s’accomplit et Dada Masilo portée en offrande, restera au sol. L’imposante cantatrice entonne alors devant son corps inerte et frêle, une mélopée venue du fond des âges. Le moment d’émotion qu’on attendait pendant tout ce ballet impeccablement exécuté, fluide et gracieux, mais un peu trop lisse et attendu pour nous surprendre .

 

 Mireille Davidovici

 Jusqu’au 25 juillet, cour du lycée Saint-Joseph, rue des Lices, Avignon.

 Du 29 septembre au 2 octobre, Kampnagel Hambourg ; le 5 octobre, Théâtre des Salins, Martigues (Bouches-du-Rhône).

Du 15 au 17 novembre, Bonlieu-Annecy (Haute-Savoie) et le 9 novembre, L’Ombre, Velizy (Yvelines).

Du 7 au 10 décembre, La Villette, Paris, (XIX ème); le 13 décembre, Théâtre Jean Vilar, Suresnes (Hauts de Seine) ; les 15 et 16 décembre, Théâtre Saint-Quentin-enYvelines (Yvelines) .
Le 16 janvier, Théâtre Equilibre, Villars-sur-Glâne (Suisse), et du 25 au 28 janvier, Théâtre de Caen (Calvados).

Festival d’Avignon: Soudain, Chutes et envols, de Marie Dilasser, mise en scène de Laurent Vacher

Festival d’Avignon

Soudain, Chutes et envols de Marie Dilasser, mise en scène de Laurent Vacher

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 Arrivés au théâtre de La Manufacture, les spectateurs sont invités à prendre un car à destination du Château de Saint-Chamand, proche d’Avignon. Brise et ciel bleu d’azur, à l’ombre des grands arbres… Le public sur des bancs face à un espace scénique bi-frontal. Un havre de paix! Soudain, des voix et des cris joyeux.. Un jeu de cache cache?
Trois adolescentes se poursuivent et rejoignent le public. L’une d’elles se met à siffloter. Comme pour répondre discrètement au chant des oiseaux ou lancer un appel complice à ses camarades. Signe sonore qui nous invite à la représentation d’un récit théâtral et poétique sur l’état amoureux.

Sur un rythme vif ou délicat, Cookie, Guido, Joey, magnifiquement interprétées  par Inès Don Nascimento, Ambre Dubrulle et Constance Guiouillier, formées à l’Ecole Supérieure de Comédiens par l’Alternance au Studio-Théâtre d’Asnières, se lancent corps et âme à la découverte de l’univers capricieux, violent ou merveilleux de l’amour qu’elles vont nous faire partager: «L’amoureux, écrivait Roland Barthes, s’arrache à son propre point de vue pour porter sur lui-même et le monde le regard d’autrui, subit l’épreuve du doute après l’enthousiasme et nourrit sa réflexion d’incertitudes. Il ne sait plus ce qu’il sait, cherche ses mots, ne sait comment définir l’être aimé et craint d’être sot. Cette hésitation essentielle l’affranchit de la présomption et de l’idiotie. L’idiot, en effet, ne connaît pas l’amour et ses dérèglements : il est partout chez lui, jamais troublé ni dérangé par personne. »

Le sexe, la recherche d’identité, la présence du corps au monde, la solitude, l’attente idéalisé de l’autre, les carcans moraux de la société, les parents et l’éducation : la Mère de Guido  « Trixie (qui n’est autre que Guido) s’est échappée par la fenêtre pour exister. ». Le Père de Guido: «Trixie s’est enfuie par la fenêtre pour devenir… » Guido: « Un étranger. Un vagabond. Un animal sauvage. Un transfuge. » La Mère de Guido: « Guido, personne ne nous avait préparé à ça, nous ne savons plus comment t’aimer, aide-nous, apprend-nous. » Guido : « Un étranger. Un vagabond. Un animal sauvage. Un transfuge. »

Tous ces thèmes traversent avec grâce cette pièce pleine d’esprit. L’autrice dresse un tableau pérenne du sentiment amoureux et de l’état physique et psychologique qu’il provoque à l’âge tendre.  Cookie :« Tu veux être encore avec moi ? Joey : «Nous avons lié nos corps, nous sommes sur la même fréquence. Mais elle peut se couper à tout moment.» Cookie : «Sans prévenir?» Joey: «Nous ne pourrons pas toujours être sur la même fréquence. Ça peut couper par moment et ça n’empêche pas qu’on puisse se retrouver.» Cookie : «Tu crois qu’on peut naviguer en dehors de ce parc ? Joey : «C’est le même principe, sauf qu’on a les pieds au sol. »

Les dialogues écrits dans une langue poétique subtile, métaphorique ou directe, avec les mots et les attitudes de la jeunesse actuelle, s’entrelacent avec les mouvements très expressifs. La force du langage par le corps! Le vocabulaire semble parfois insuffisant pour exprimer l’indicible, le doute, la joie et le trouble. Le public suit avec bonheur et émotion ces situations successives à la fois cocasses, tendres et tragiques. Et exprimées avec originalité, les trouvailles jubilatoires et effets magiques. Sur des musiques séduisantes, en parfait accord avec l’état amoureux : humour, sensualité et tristesse sont au rendez-vous ! …    

L’espace du parc renforce la légèreté profonde des liens entre les personnages, leur traversée au pays de l’amour et rend encore plus dense, cet univers habité de fantasmes, idéal, beauté et liberté recherchée. Pour ces jeunes filles, le parc, à la différence de la ville, est l’espace de tous les possibles et de leur imaginaire. Marie Dilasser n’a pas écrit seule, et en amont du spectacle, ce texte pour trois actrices,  qui lui a été commandé par Laurent Vacher. Le metteur en scène a fait appel à des comédiens et en complicité avec l’autrice,  a eu lieu un travail de  plateau à partir du célèbre Kontakthof de Pina Bausch : «Il nous a semblé que pour aborder un tel tème : l’état amoureux, il fallait passer par le corps. »
Marie Dilasser et Laurent Vacher se sont surtout inspirés de Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes, mais aussi du  Banquet  de Platon, de La Logique de la sensation  de Gilles Deleuze à propos de Francis Bacon et des œuvres du peintre, mais aussi des photos de Nan Goldin. Et  un travail conséquent de terrain a eu lieu : interviews, errances, observation de couples, surtout dans l’espace public. Cette démarche met en lumière, la question du processus de création et au cours de l’élaboration du spectacle,  toute l’équipe s’est consacrée aux actions sur le vif, improvisations, pulsions éphémères, sensations ou émotions traversant le corps et l’esprit de l’artiste, du poète et des comédiennes. Pour, ensuite passer à la mise en forme et accompagner l’écriture de Marie Dilasser.

Un spectacle en plusieurs tableaux au titre, réaliste ou métaphorique : La Robe, Quoi, La Rencontre, L’Enlèvement, Les Plurivers, La Transformation, La Peau… Et ce parc, espace à la fois naturel et scénographique,  devient peu à peu un chemin entre les diverses situations théâtrales. Laurent Vacher et Marie Dilasser ont réussi à constituer une unité dramaturgique, reliant ces fragments de vie. Et ils ont su trouver une forme esthétique en résonance avec l’énigmatique -et pourtant universel- «état amoureux».
La pièce évoque les premiers  émois sentimentaux mais s’adresse aussi aux adultes de toute classe sociale, à tous ceux qui ont su garder leur âme d’enfant. Angoisses, désir d’absolu, jalousie, idéalisation de l’être aimé… tout cela persiste, quelque soit l’âge. Nous sommes à la fois surpris et charmés. Un réel moment de plaisir et de réflexion sur ce qui éblouit ou assombrit la chose la plus précieuse dans la vie…A ne pas manquer…

Elisabeth Naud 

 Jusqu’au 26 juillet, La Manufacture, 2 bis rue des Ecoles, Avignon. T.: 04 90 85 12 71. Navette à 10 h 40 précises. Relâche le 20 juillet.

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