Festival d’Avignon : Hidden Paradise conception d’Alix Dufresne et Marc Béland

Festival d’Avignon

 Hidden Paradise conception d’Alix Dufresne et Marc Béland

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© Côté

 «Si j’ai commencé, disait le metteur en scène Antoine Vitez ,  à penser qu’on peut “faire théâtre de tout”— de tout ce qu’il y a « dans la vie », et a fortiori de tous les textes — je me dois d’aller jusqu’au bout de mon intuition. » Hidden Paradise, comme bien d’autres spectacles depuis confirme cette « intuiton ».  Un texte au contenu idéologique charpenté est détourné de son sens par deux compères facétieux venus du Québec. Nous ne comprenons pas bien où ils veulent en venir quand, après avoir installé, laborieusement, un tapis de danse, ils plantent un vieux haut-parleur au milieu du plateau, pour nous faire entendre un entretien à la radio nationale canadienne avec le philosophe Alain Denault qui parle de son livre Paradis fiscaux: la filière canadienne (2014).

Un exposé d’une grande clarté de l’éminent Québécois, aujourd’hui directeur de programme au Collège international de philosophie à Paris.: «Lorsque les écoles se détériorent, qu’un hôpital ferme, qu’un viaduc s’effondre, qu’un festival perd une subvention, c’est à cause des paradis fiscaux. Source d’inégalités croissantes et de pertes fiscales colossales, le recours aux paradis fiscaux par les grandes entreprises et les particuliers fortunés explique en grande partie les politiques d’austérité »,

Cette émission fut le point de départ du projet d’Alix Dufresne et Marc Béland qui, dans leur pratique théâtrale, utilisent des paroles médiatiques (verbatims, conférences, entrevues, etc.), pour réagir aux voix des lanceurs d’alerte et répondre à l’apathie ambiante. La démonstration du philosophe est limpide et logique. Mais ici Alix Dufresne et Frédéric Boivin n’entendent pas la commenter, ou l’illustrer. Elle, sera la journaliste Marie-France Bazzo, et lui, le philosophe, et vont détourner cette interview pour en faire un matériau sonore qu’ils réinterprètent à leur gré en trois mouvements. D’abord, en se livrant à une danse acrobatique haletante, farfelue, un peu sexuelle, sur cette bande-son particulière. Puis ils enchaînant le texte comme pour une répétition dite « à l’italienne » quand les acteurs disent leurs répliques assez vite, sans aucune intention de jeu. Puis enfin en play-back avec  voix off…
« En fait, l’idée d’organiser des exercices, dit Alix Dufresne, était surtout d’éviter d’investir politiquement le sujet. Nous engageons nos corps dans l’atteinte d’objectifs que nous nous sommes fixés. Cela devient aussi absurde que notre impuissance face au système économique décrit par Alain Denault.»

 Au delà de cet amusant travail stylistique, admirablement réalisé, nous aurons entendu le philosophe et n’oublierons pas ses propos. Dans ce verbatim devenu spectacle, leurs créateurs  exposent la grande arnaque qu’est l’escroquerie légalisée des paradis fiscaux, et l’impuissance des citoyens quand les gouvernements sont complices des oligarques… Et nous sortons de ce Hidden Paradise, à la fois amusés… et indignés.

 Mireille Davidovici

 Jusqu’au 25 juillet (jours impairs) à 14 h15, Théâtre du Train Bleu, 40 rue Paul Saïn, Avignon.

 


Archive pour juillet, 2022

Fantasia, chorégraphie de Ruth Childs

Festival d’Avignon 2022

 Fantasia, chorégraphie de Ruth Childs

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© Agnès Mellon

Une performance d’une heure de cette danseuse anglo-américaine installée à Genève depuis 2013 sur des musiques classiques du film de Walt Disney, comme L’Allegro mal non troppo de la Symphonie n° 6 in F Majeur de Ludwig van Beethoven, L’Arabian Dance ou la Russian Dance. «Un plongeon, dit-elle, dans les couches intimes de mes souvenirs physiques et émotionnels, déclenchés par la musique classique que j’écoutais enfant. »

Recroquevillée au sol dans un coin du plateau, perruque et maillot couleur parme, elle laisse son corps sortir de la léthargie et s’éveiller lentement au rythme de la musique. Ses bras s’agitent comme les ailes d’un oiseau chétif pour retomber, avant qu’elle se lève enfin, portée par les notes vives de la bande-son de Fantasia. Ces tubes classiques souvent rabâchés -en anglais : fantasia- sont ses partenaires et l’amènent à changer de costume, comme on change de peau ou d’humeur. Chemises et perruques passeront ainsi par le blanc, le rouge, le vert, le noir…

Ces transformations spectaculaires s’accompagnent d’une danse minimale où Ruth Childs s’abandonne au seul plaisir de se mouvoir et d’osciller sur ces airs enjoués. Sans piocher dans la gestuelle du répertoire classique ou contemporain dont elle a été abreuvée. Une petite fille qui s’amuse à se déguiser et à bouger… tout simplement. Mais parfois, dans cette harmonie vibratoire entre corps, musique et couleur, la chorégraphe introduit des dérapages sonores, comme si quelques chose dans son corps rechignait à se laisser emporter, à lâcher prise. Des parasites sonores mettent ses mouvements à l’arrêt grâce à un micro branché sur son corps qui peut activer ou arrêter la musique…

 Puis, endiablée, elle ne s’arrêtera plus de danser sur le Molto Vivace, de la Symphonie n°9 de Ludwig van Beethoven: comme la petite fille des Chaussons rouges  un conte de Hans Christian Andersen. Mais elle arpente le plateau avec bonheur, d’un pas léger, affranchie des règles chorégraphiques qu’elle a reçues en héritage de sa tante Lucinda Childs dont elle a recréé les premières pièces. Une belle et joyeuse énergie émane du premier solo de cette artiste associée à l’Arsenic-Centre d’art scénique contemporain de Lausanne.

 Mireille Davidovici

Spectacle vu le 16 juillet, dans le cadre de la Sélection suisse en Avignon du 8 au 25 juillet, aux Hivernales-Centre de Développement Chorégraphique National, 18 rue Guillaume Puy, Avignon T. : 04 90 82 33 12.

 

 

 

TOD Théâtre décomposé ou L’Homme Poubelle de Matei Visniec mise en scène de Max Legoubé

Avignon 2022

TOD Théâtre décomposé ou L’Homme Poubelle de Matei Visniec mise en scène de Max Legoubé

 Avec La Fabrique, théâtre d’objets sensoriel et suggestif, nous avions découvert la compagnie Sans Soucis implantée à Caen. Un coup de cœur. Max Legoubé brode cette fois-ci à partir d’historiettes, un univers poussiéreux où trône un personnage sans âge, à l’image des textes de Matei Visniec.

Ce Théâtre Décomposé -un solo interprété par Stéphane Fauvel- met en scène un «homme poubelle» qui, tel un juke-box, nous offre à entendre des contes de notre choix: « J’ai des musiques à faire sonner et des histoires à raconter», dit-il, emmitouflé dans une manteau gris informe et sortant d’une apathie boudeuse. Mais pas plus de soixante minutes. » Le sort seul décidera des textes que nous entendrons aujourd’hui, puisés au fur et à mesure par les spectateurs, parmi une collection de vieux trente-trois tours. TOD est une pièce à géométrie variable: sur treize histoires du corpus du spectacle, nous en entendrons six.

Le Cercle évoque un enfermement métaphorique, illustré par un long fil déroulé dans l’espace qui transforme le refuge espéré en isolement carcéral. Le Cafard, raconte comment ce petit insecte familier plutôt repoussant devient un compagnon de choix pour un pauvre bougre solitaire… Le narrateur s’empare de tous ces contes en manipulant un bric-à-brac de fortune : une valise en carton, un tourne-disque vétuste et autres objets de récupération. Un moment de grâce quand sa main se transforme en une petite marionnette, emportée dans une course sans fin : « Je suis une douleur qui court ».

L’univers absurde, métaphorique et décalé de l’auteur roumain fournit au metteur en scène matière à développer un théâtre d’acteur et d’objets. Malgré la belle connivence du comédien avec le public, il ne réussit pas à lui offrir un véritable onirisme et nous sommes restés sur notre faim….

 Mireille Davidovici

 Jusqu’au 26 juillet à 17 h, Présence Pasteur 13, rue du Pont-Trouca, Avignon. T. : 04 32 74 18 54.

 

L’Oeil présent : exposition de Christophe Raynaud de Lage

L’Oeil présent : exposition de Christophe Raynaud de Lage

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Formé à l’École nationale Louis Lumière et photographe depuis plus de trente ans,  Christophe Raynaud de Lage a d’abord travaillé en studio mais a aussi réalisé de nombreux reportages sur l’architecture intérieure. Et il a découvert les arts de la rue en 1989 avec le festival d’Aurillac dont il deviendra le photographe officiel. Il a aussi publié une vingtaine de livres consacrés notamment au cirque, aux arts de la rue et réalisé pluiseurs expositions.

 Des coulisses aux représentations, il a  pris des milliers de clichés de spectacles. Rien ou presque ne lui est étranger en théâtre, danse, performances,  arts de la rue, cirque… Notamment mais pas que, dans les lieux officiels comme la Comédie-Française, le Centre National des Arts du Cirque, le Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique et depuis dix-set ans, il est le photographe officiel du festival d’Avignon…
Il est la mémoire du théâtre et continue à capter avec passion les moments de tous les lieux bien connus d’Avignon: la prestigieuse Cour d’Honneur, avec ses spectacles mais aussi l’impressionnant indispensable montage technique, les fameux Cloîtres des Célestins et des Carmes, la carrière Boulbon, la Cour du lycée Saint-Joseph, mais aussi la Chapelle des Pénitents blancs, le Théâtre Benoît XII, le Gymnase des lycées Aubanel et Saint-Joseph, l’Opéra Grand Avignon, La FabricA…. Il a capté des mises en scène le plus souvent face public et dans leur ensemble, mais aussi des scènes intimes ou le visage d’ interprètes dans un rayon lumineux et dans les ombres savamment dessinées. Nous avons vu beaucoup de ces spectacles et on peut dire que les photos sont d’une remarquable fidélité. 

Dès la fin de la première représentation, on peut les voir photos sur le site du festival, puis dans la presse quotidienne (et elles ont illustré nombre d’articles du Théâtre du Blog) voire ensuite dans les livres et revues consacrés au spectacle.
Cette riche et très belle exposition qui occupe tout le premier étage de la Maison Jean Vilar est une sorte d’immersion dans la mémoire récente du Festival proposée p ar Laurent Gachet, créateur scénique et Pierre-André Weitz, le scénographe d’Olivier Py. Le parcours commence avec une belle phrase de Claude Bricage, autre grand de la photo de théâtre, mort prématurément du sida et le premier sans doute à mettre l’accent sur la scénographie complète d’un spectacle donc à avoir un regard plus professionnel sur une création théâtrale. « La photo de théâtre ose mettre en scène le théâtre lui-même. » Et juste à côté cette autre phrase d’Antoine Vitez dont il a photographié de nombreux spectacles et qui fait écho à la précédente : «Pour représenter le monde dans sa grandeur, il faut la petitesse du théâtre. »

Difficile de faire un choix, les images choisies sont toutes exemplaires, et donnent une bonne idée de ce que pouvaient être des spectacles à jamais disparus mais que nous avons vus pour la plupart et dont la mémoire continue à nourrir la création théâtrale. Et les vidéos? Sans doute aussi mais à l’expérience pour de futurs acteurs, metteurs en scène ou scénographes, la photo fournit un écho incomparable et souvent chargé d’émotion. Même si c’est dix, trente, voire soixante ans plus tard, le passé continue à éclairer le présent…
C’est un grand bonheur de se laisser ici porter par les photos des spectacles. Juste quelques exemples parmi la centaine exposée: Blanche-Neige de Michel Raskine, les exemplaires Casas et Libertad de la grande Angelica Liddell, mais aussi Puppo di zucchero d’Emma Dante, Les Damnés d’Ivo van Hove, Le Prince de Hombourg de Giorgio Barberio Corsetti… Et il y a une œuvre fabuleuse qui a pour titre Les Saluts. Une série d’une trentaine de saluts à la fin d’un spectacle… D’une rare beauté et particulièrement émouvante.

«Je ne veux pas me revendiquer comme artiste, dit Christophe Raynaud de Lage. Les artistes sont ceux que que je photographie. Je me qualifie comme auteur, pour affiner le rapport à l’écriture.» On veut bien mais, si réaliser de telles photos et en concevoir une exposition de cette dimension n’est pas aussi le fait d’un véritable artiste, alors nous n’avons rien compris… C’est l’occasion d’un plongée comme on en voit rarement dans le théâtre contemporain. Ne la ratez surtout pas maintenant, ou après, mais le temps passe vite…

Philippe du Vignal

Jusqu’au 31 mars, de 11 h à 20 h ( dernière entrée à 19 h 30) ,Maison Jean Vilar, 8 rue de Mons, Avignon.

Le catalogue de l’exposition L’Oeil présent est édité par Théâtre(s).

 

EX-POSE(S) chorégraphie de Héla Fattoumi et Éric Lamoureux

EX-POSE(S) , chorégraphie d’Héla Fattoumi et Éric Lamoureux

 

Devant l’imposant Wall Painting # 1143 de Sol Lewitt, des bandes arc-en-ciel parallèles, courant en trompe-l’œil sur les murs d’une galerie à la Collection Lambert, deux duos chacun en trente minutes. L’un au féminin, l’autre au masculin. Les chorégraphes s’aventurent souvent hors des théâtres pour des performances in-situ et le dialogue peinture-danse est ici particulièrement réussi.
Très proches du public, les corps dansants se détachent sur ce fond coloré. Ils ont une densité charnelle: l’énergie circule de l’un(e) à l’autre selon différentes rythmiques. Et mises bout à bout, ces pièces se répondent dans une intéressante asymétrie.

 EX-POSE(S) au féminin

© Laurent Philippe

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Cette pièce joue sur le noir des costumes et des longues nattes des danseuses. Quasi jumelles, elles adoptent, au son impérieux d’une clochette, des postures hiératiques longtemps tenues. D’abord loin l‘une de l’autre, elles s’essayent à donner à leur corps, et surtout à leur visage, des expressions qui rappellent des têtes grimaçantes de statues du Moyen-âge ou de certains masques africains.
Les chorégraphes se sont inspirés des sculptures d’Henri Laurens (1885-1954) :
La petite musicienne et La petite espagnole (1932), qu’ils ont découvertes à la Donation Jardot à Belfort et qui mettent en valeur les courbes du corps féminin. Mais bientôt Meriem Bouajaja et Chourouk El Mahati vont abandonner cette recherche plastique solitaire pour entremêler leurs corps, puis, partant dans des mouvements moins contraints, ils libérent leur énergie, jusqu’à folâtrer allègrement. Une douce connivence émane de cette sororité pimentée d’un brin de sensualité et d’humour.

EX-POSE(S) au masculin

© Laurent Philippe

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Torses nus, stricts shorts noirs, peau contre peau, lentement ils déroulent leurs jambes et leurs bras comme pour une lutte au ralenti. Avec des mouvements au bord de l’étirement, ils se malmènent doucement : chaque muscle de leur corps et chaque expression de leur visage se sculpte avec une extrême précision.

Nous entrons dans l’intimité d’un combat entre brutalité et tendresse fraternelle : gros plan sur un visage, sur deux pieds qui se cherchent et s’amusent à s’affronter…

Cette pièce s’inspire d’un sculpture d’Ousmane Sow (1935-2016) : Les Lutteurs corps à corps, Place de Valois à Paris. Comme dans la pièce précédent,e Mohamed Chniti et Mohamed Fouad vont s’affranchir de cette statuaire anatomique, pour des solos s libératoires. Emane de ce beau corps-à-corps, une sensuelle et mâle interaction, sans ambiguïté.
Allez voir ces pièces promises à une belle tournée.

 Mireille Davidovici

 Spectacle vu le 19 juillet à la Collection Lambert, rue Violette, Avignon.

 

Time to tell , conception et mise en scène de David Gauchard et Martin Palisse

Festival d’Avignon

 Time to tell , conception et mise en scène de David Gauchard et Martin Palisse

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©Christophe Raynaud de Lage

«J’ai appris à jongler à seize ans. (…) Un nouveau départ dans ma vie», dit Martin Palisse. « L’école de cirque, ce n’était pas pour moi, vu mes capacités physiques. » Pourtant, entré au Centre National des Arts du Cirque, il est allé jusqu’au bout de son envie, dans un corps à corps pugnace contre la maladie. Entre jonglerie et confidences, il nous raconte comment il a pu, seul contre tous, grâce au cirque… et à la chimiothérapie, négocier avec la mucovicidose, une maladie génétique incurable.
«C’est un héritage. Je suis delta F 508 homozygote, déformation sur le gène numéro 7. L’altération de la protéine CFTR est à l’origine de la maladie… Il y a deux grands symptômes : pulmonaire et digestif. » Mais pas question de nous tirer des larmes, il met à distance sa maladie qui détermine toute sa vie, en jonglant sobrement, avec de petites balles blanches et noires qui, comme les dés du hasard qui l’a désigné comme malade, tombent du bon, ou du mauvais côté…

Le temps -dans le titre de la pièce- est celui que l’artiste prend à nous raconter, mais aussi celui qu’il a gagné, en faisant reculer l’échéance d’une mort annoncée dès sa naissance, grâce à une bagarre de tous les jours. Ce temps rythme son spectacle : de l’exposé calme de son histoire, à la démonstration jonglée des figures du destin, jusqu’à une course soutenue sur un tempo de plus en plus vif qu’il maîtrise, comme son souffle qu’il a appris à mesurer.

Martin Palisse, qui dirige aujourd’hui le Sirque Pôle National Cirque à Nexon (Corrèze) ne fait ni dans le pathos ni dans le spectaculaire. Proche du public grâce à un dispositif bi-frontal, il conclut sobrement: « Il faut vivre avant de mourir.» Pour lui, le temps est compté mais ne l’est-il pas aussi pour nous tous? En nous renvoyant à de futures incapacités, ce jongleur, philosophe et subtil humoriste, nous donne une belle leçon pour tenir notre propre fin à distance.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 24 juillet, navette à 11 h 55 précises à La Manufacture, 2, rue des Ecoles, Avignon, pour aller à la Patinoire. T. : 04 90 85 12 71.

La Mort grandiose des marionnettes, variations par la compagnie Old Trout Workshop

Festival d’Avignon

La Mort grandiose des marionnettes, variations par la compagnie Old Trout puppet Workshop

© Jason Stang

© Jason Stang

Cette troupe canadienne qui a presque un quart de siècle, vient pour la première fois en Avignon, avant d’aller au Fringe festival d’Edimbourg.Avertissement net et précis: «Le spectacle contient des scènes de cruauté inutile envers des objets inanimés et des marionnettes dénudées très, très sexy… Âmes sensibles s´abstenir ».
Les trois marionnettistes, chacune à leur manière, font subir des outrages et des sévices à leurs pantins en bois et tissu, tout en provoquant l’hilarité du public. On ne regarde plus les jouets de la même façon quand une des artistes embrasse à pleine bouche un personnage de la ferme miniature.

 A l’intérieur du castelet, un suicide collectif de marionnettes à gaines surprend. Avec un humour noir et burlesque et à un rythme effréné, a lieu une danse macabre et ces artistes accompagnent très justement la vie éphémère de ces pantins qui vont rendre devant nous leur dernier soupir…

Jean Couturier

Jusqu’au 28 juillet, à 10 h 25, Théâtre du Girasole, 24 bis rue Guillaume Puy, Avignon. T. : 04 90 82 74 42.

Contact: Charlotte Prevost, Caramba culture live 91, avenue de la République, Paris (XI ème). T : +33 (0)1 42 18 20 28  

 

Fòs a Kaz la de Myriam Baldus, mise en scène de Géraldine Bénichou

Fòs a Kaz la de Myriam Baldus, mise en scène de Géraldine Bénichou

© philippe virapin

© Philippe Virapin

Myriam Baldus s’est associée à des artistes guadeloupéens pour raconter en créole avec paroles slamées mais aussi en images vidéo sur la musique hip hop et gwo ka née pendant l’esclavage jouée avec des tambours les ka et des chachas (sorte de maracas). Ici sur scène se relaient musique  électroniques et raggas d’ExXos metKakOla et celle du ka joué  par le  comédien et musicien Yannick Louis.

L’histoire personnelle de la slameuse remonte à la « caz » couverte en tôles de son grand-père Marcel en Guadeloupe, qui a été abandonnée mais elle a pu sauver les tableaux qu’il avait peints. Et cette histoire passe aussi par une cité de l’hexagone où Myriam Baldus a grandi. Exil et déracinements: «Tu peux enlever l’enfant du pays, mais tu ne peux pas enlever le pays de l’enfant. » Mais aussi de résistance à une modernité envahissante, grâce à la solidarité chez les Guadeloupéens… qui ont essayé de s’opposer au transport de leurs chères cases pour cause de reconstruction. Là-bas aussi, on démolit des maisons individuelles pour construire des tours. Et qu’importe l’avis des habitants….

La slameuse a une belle présence en scène et nous découvrons l’univers de la Guadeloupe à travers les témoignages filmés de ses habitants. Mais Géraldine Bénichou a imaginé une mise en scène qui n’a rien de convaincant: surdose d’informations textuelles,musicales, photos,  images vidéo notamment d’un graffeur en train de réaliser une belle fresque, surtitrage… L’ensemble a donc quelque chose d’assez flou et se balade entre concert et théâtre documentaire, voire extraits de documentaires. Mais Myriam Baldus est tout à fait juste et  très attachante. A condition de n’être pas trop exigeant, vous pouvez quand même tenter ce voyage en Guadeloupe…

Philippe du Vignal

Jusqu’au 30 juillet, à 16h 50, Chapelle du Verbe Incarné, 21 G rue des Lices, Avignon. T. : 04 90 14 07 49.


 

One song, Histoires du Théâtre IV, conception, texte, mise en scène et scénographie de Miet Warlop, musique de Maarten Van Cauwenberghe

One song, Histoires du Théâtre IV, conception, texte, mise en scène et scénographie de Miet Warlop, musique de Maarten Van Cauwenberghe

Cela se passe dans la cour du lycée Saint-Joseph sur un grand plateau. A l’entrée de gentilles  ouvreuses nous conseillent de nous mettre dans les oreilles des bouchons de mousse offerts par les festival car, disent-elles, le son est vraiment très violent. Effectivement, entre musique électro et batterie très amplifiée, on est vite et longuement abreuvé…

© Ch. Raynaud de Lage festivald 'Avignon

© Ch. Raynaud de Lage festival d’Avignon

Côté jardin, une longue barre de gymnastique en bois où va jouer constamment en équilibre une jeune violoniste, en fond de scène des gradins où sont assis quelques garçons et filles qui applaudissent en rythme et en chœur, tout en hurlant dans des micros HF. En haut des même gradins, une femmes en salopette rouge avec trois jambes,  hurle un texte au micro que l’on ne comprend pas.

Il y a aussi un jeune homme installé sur une plaque de bois souple sautant tapant de la main un tableau ou tapant sur une planche-levier qui va battre une caisse claire, un autre court face public sur un tapis roulant pendant presque tout le spectacle Et un danseur, majorette- pom-pom girl qui va souvent courir sur le plateau., puis se couvrir la tête d’une grosse perruque noire . Un musicien allongé joue de la contrebasse. Et de l’eau inondant le plateau y compris la batterie. Les interprètes nettoient ensuite avec de grandes serviettes-éponges pendant de longues minutes. Tout à fait passionnant…

Miet Warlop, artiste flamande, travaille à Bruxelles et nous avions beaucoup aimé son spectacle d’inspiration surréaliste à Dijon en mai dernier. (voir Le Théâtre du Blog). Pour After All Springville, elle avait conçu une maison en matériaux de récup, avec des créatures-objets fantastiques, le tout  dans un climat burlesque des plus réjouissants.
Ici, on ne rit plus! Et elle se
lance dans une performance au sens premier du mot dans une dramaturgie (sic) de Giacomo Bisordi, avec des gymnastes-acteurs-musiciens qui mouillent leur chemise, surtout quand il fait encore plus de 30° le soir: Simon Beeckaert, Kris Auman, Elisabeth Klinck, Willem Lenaerts,Milan Schudel, Melvin Slabbinck, Joppe Tanghe, Karin Tanghe, Wietse Tanghi, Imran Alam, Stanislas Bruynseels, Judith Engelen, Flora Van Canneyt. A la fin, ils s’écroulent tous et sortent de cette épreuve épuisés… Nous pensons bien sûr au fameux roman On achève bien les chevaux d’Horace Mc Coy (1935) et dont Sydney Pollack avait tiré un film.

Ce  One  Song s’apparente à une sorte de rituel prétentieux avec, pour élément principal, la répétition gestuelle sur une soupe musicale rythmée et assourdissante. Sur le plan plastique, c’est loin d’être laid… Mais les images n’ont rien de très originales! Et c’est une fois de plus la même histoire : Miet Warlop ici gère mieux l’espace que le temps! Et sa performance -sur le plan technique réalisée avec soin- mais singulièrement vide de sens, aurait quand même été plus convaincante en une vingtaine de minutes… Oui, mais alors comment un public payerait-il pour un temps aussi court? Alors, seule solution, on fait durer cette chose cacophonique.
Rien de bien nouveau ici! L’épuisement physique et/ou la blessure infligées au corps a été largement exploité dans les performances et le body-art dans les es années soixante-dix: Piero Manzoni,Yves Kein, Joseph Beuys,.Vito Acconci, Gina Pane, les actionnistes viennois comme Otto Muehl, Rudolf Schwarzkogler, etc. Bref, des artistes dont ses enseignantsont dû parler à Miet Warlop quand elle suivait les cours d’une école d’art mais elle a dû oublier…

Que veut-elle nous dire au juste? L’effondrement physique de ceux qui accomplissent les travaux les plus ingrats dans la société capitaliste? Ou simplement l’extrême fatigue du corps qui nous guette tous? Pourquoi Olivier Py est-il allé chercher cette copie poussiéreuse qui ne fait jamais sens? Pour faire contemporain? Désolé mais ce genre de performance dont les origines sous l’influence du mouvement Dada remonte à un siècle, alors stop !
Le public était partagé; des jeunes gens sans doute habitués à un maximum de décibels dans les concerts, semblaient apprécier et y trouver leur compte, les autres spectateurs beaucoup moins, et n’ont pas applaudi…Olivier Py nous dira sans doute que nous n’avons rien compris à cette grande œuvre mais il aurait pu nous épargner cette épreuve…

Philippe du Vignal

Performance vue le 13 juillet et présentée du 9 au 14 juillet dans la cour du lycée Saint-Joseph, 52 rue des Lices, Avignon.

Festival d’Avignon : Via Injabulo, par Via Katlehong Dance, chorégraphies de Marco Da Silva Feirrera et Amala Dianor

Festival d’Avignon

 Via Injabulo, par Via Katlehong Dance, chorégraphies de Marco Da Silva Feirrera et Amala Dianor

© Festival d'Avignon Ch. Raynaud de  lage

© Festival d’Avignon Ch. Raynaud de lage

 Ces chorégraphes, qui ont travaillé en Afrique du Sud, ont eu carte blanche pour, chacun à sa façon, mettre en valeur les talents de la compagnie Via Katlehong qui a dédié ces représentations à Ousmane Sy, prématurément disparu (voir Le Théâtre du blog). Créée en 1992, la compagnie tire son nom de celui d’un township de Katlehong, près de Johannesburg. A Katlehong, moins connu que Soweto à Pretoria, il y a eu de nombreuses arrestations en 2019.

Et même si l’Afrique du Sud a aboli l’apartheid en 1991 et malgré des avancées sociales, les townships restent des enclaves de pauvreté où les enfants sont souvent livrés à eux-mêmes. Grâce à des associations culturelles, l’art est un moyen de leur offrir une perspective d’avenir. A partir du pantsula, une danse urbaine de contestation,  Via Katlehonga inventé un style unique en combinant la tap dance, le step et le gumboots, la danse des mineurs avec frappe des mains sur des bottes en caoutchouc. Les interprètes ont entre vingt-huit et trente-cinq ans ; trois d’entre eux viennent de Katlehong et les autres des environs de Johannesburg.

 Form Informs de Marco Da Silva puis Emaphakathini d’Amala Dianor : une bombe d’énergie libératrice sur soixante-dix minutes. Les danseurs, en tenue quotidienne : survêtements et baskets, tels des félins, arrivent et sentent l’espace de cette magnifique cour minérale, avant de s’y lancer. Une jeune femme entame un solo dans le silence, puis sur la musique électro de Jonathan Uliel Saldanha, se succèdent des chorégraphies de groupe, avec une précision et une rigueur bluffantes. Les mouvements vifs et rythmés nous emportent dans une furie sonore. Et une danseuse décolle un tapis du sol, pour que son partenaire sente la résonance du bois du plateau sous ses pas,

 Défis entre les artistes et battle… La partie d’Amala Dianor est plus théâtrale et les danseurs jouent avec le public et distribuent des cannettes sorties de glacières, comme c’est le cas dans leur pays quand ils improvisent une fête. Avec échanges de paroles ou sifflets : un moyen de communication dans les townships. Ce spectacle, fruit de métissages, emporte l’enthousiasme du public.En criant, en sifflant, en frappant des pieds et des mains, le public participe à la fête, symbole d’une certaine fureur de vivre. Les danseurs de la compagnie Via Katlehong invitent régulièrement des chorégraphes internationaux à travailler avec eux, comme cette année Marco da Silva Ferreira et Amala Dianor.

Jean Couturier

 Jusqu’au 17 juillet à 22 h, Cour minérale, Université d’Avignon.

 

 

 

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