Festival Pampa 2022 / Episode I: Occupe-toi du bébé de Dennis Kelly, mise en scène de Claude Leprêtre

Festival Pampa 2022 / Episode I

Festival Pampa

© Chloé Signès

Au lieu-dit Calabre, sur les coteaux de Port-Sainte-Foy, dans la vallée de la Dordogne, a lieu la huitième édition d’un festival en plein champ. Le collectif Pampa a été créé il y a neuf ans autour de Matthieu Dessertine et Anthony Bouillonnois, tout juste sortis du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique. Quatorze artistes accompagnés par une chargée de production jouent la comédie, fabriquent et montent les décors, assurent la communication et la restauration des visiteurs. Et l’équipe a, d’année en année, étoffé son programme.

Depuis la naissance de Pampa, quarante spectacles ont vu le jour dans cette vaste prairie où sont montées plusieurs scènes, à l’ombre de grands arbres. Un répertoire exigeant, à la fois classique et contemporain a fédéré le public qui vient de plus en plus nombreux. Avec cette année, quelque trois mille spectateurs en dix jours. « Un record dans cette zone, baptisée la banane pauvre de la Nouvelle-Aquitaine et qui n’est pas une terre de théâtre, dit Loyse Delhomme, l’administratrice de l’équipe. Pour la première fois, les intervenants ont pu être rétribués et une cuisinière a été engagée, grâce au conventionnement « Territoire et Innovation » de la Direction des Affaires Culturelles Régionales de Nouvelle-Aquitaine un label du Ministère de la culture qui, selon son site : «  Couronne un remarquable travail dans des zones éloignées de l’offre culturelle en faisant preuve d’imagination et de talent, mais aussi d’audace et d’entêtement .» 
Et cette jeune équipe enthousiaste après trois semaines de travail, propose une palette variée, allant de Sophocle à Tchekhov et Dennis Kelly. Mais aussi avec une création jeune public et deux spectacles invités : Guten Tag Madame Merkel et Je m’en vais mais l’Etat demeure. Encouragé par son succès, l’accueil favorable de la municipalité et de ses habitants, le collectif Pampa envisage une implantation à l’année dans un lieu de la ville, pour irriguer les territoires d’alentour, voire d’autres régions, éloignés des offres culturelles et en particulier du théâtre. Les acteurs, tous engagés dans d’autres créations pendant l’année, se réunissent dès l’hiver pour construire le programme. Et certains mènent des ateliers-théâtre dans les établissements scolaires de Sainte-Foy et auprès d’associations comme un groupe de lecteurs en lien avec la librairie La Colline à Bergerac (Dordogne). Grâce à un président très actif sur les fronts culturels de la cité, Pampa a réussi à mobiliser des bénévoles pour renforcer son développement local. A suivre…

Occupe-toi du bébé de Dennis Kelly, traduction de Philippe Le Moine et Pauline Sales, mise en scène de Claude Leprêtre, par le collectif Pampa

Occupe-toi.2 (

Marion Noone © Chloé Signès

Le dramaturge britannique enquête sur un fait divers. Donna, jugée pour double infanticide, mise en prison puis relaxée, répond à ses questions devant nous. Les témoins se souviennent. Comme cette mère candidate aux élections locales ou M. Millard, psychiatre, qui a identifié un syndrome Leeman-Ketley selon lequel des femmes en arrivent à tuer à cause d’une trop forte empathie avec les misères du monde… Martin, le mari de Donna, lui, ne veut pas répondre et dénonce cette curiosité, exploitée par les tabloïds, ici représentés par un journaliste véreux. Donna, elle, traverse, fantomatique, les épisodes de sa vie, sans avoir conscience d’être livrée en pâture au public.
Coupable ou pas ? Là, n’est pas la question. L’auteur pose ici le problème question de l’impossible objectivité des témoignages et de l’appétit des médias pour les faits divers. Dennis Kelly entretient l’ambiguïté : les situations sont réalistes et nous nous laissons prendre à cette fiction en forme de documentaire.

« Ce qui suit a été retranscrit mot pour mot à partir d’entretiens et de correspondances. Rien n’a été ajouté et les mots utilisés sont ceux employés même si certaines coupes ont pu être faites »  avertit la première didascalie. Mais Dennis Kelly, maniant à plaisir les techniques journalistiques, a inventé cette histoire de toutes pièces, même s’il s’inspire de plusieurs infanticides qui alimentèrent la chronique en Angleterre. «Le théâtre documentaire y était très répandu, dit-il. Je voulais écrire une pièce de ce genre, un texte « verbatim » mais les personnages n’existent pas.» De fait, la fiction pointe, dans les séquences dialoguées qui ponctuent les monologues, où sont développées les relations entre Donna et sa mère, ou les magouilles électorales de celle-ci.

 Claude Leprêtre qui a réalisé une mise en scène très fluide, fait confiance au texte très bien traduit et où  des anglicismes enracinent l’action outre-Manche. On pense aux films de Ken Loach. Manon Noone impose une Donna émouvante, livrant au rythme de la partition française, une vérité opaque face aux affirmations des uns et des autres, y compris son mari qui finira par accepter de parler. Ses partenaires campent des personnages-types, imaginés par l’auteur, certains au bord de la caricature comme le psychiatre pontifiant (Léon Bertolini) ou le journaliste de tabloïd (Anthony Bouillonnois). La mère ( Manon Lambert) est une figure plus complexe cette politicienne retorse, séductrice et manipulatrice, écrase sa fille et se sert de sa cause comme tremplin pour sa campagne électorale, qu’elle mène flanquée de son âme damnée, obséquieuse à souhait (Florent Hu). Léonard Bourgeois-Tacquet joue un mari écorché vif et accompagne la troupe au piano.

 A l’heure où les réseaux sociaux mettent en spectacle nos vies intimes et donnent à tout un chacun la capacité de juger autrui sans autre forme de procès, Dennis Kelly interroge l’objectivité de l’opinion publique et la pertinence des médias. Aucun décor mais les acteurs suffisent à brosser avec une belle économie de moyens un tableau cruel de notre société. Cette création mérite largement d’être reprise.

 Mireille Davidovici

 Spectacle joué du 19 au 27 août, 539 route de Calabre Port-Sainte-Foy et Ponchapt. T. : 06 21 78 70 31.

 

 


Archive pour 29 août, 2022

Festival Pampa 2022 / Episode I: Occupe-toi du bébé de Dennis Kelly, mise en scène de Claude Leprêtre

Festival Pampa 2022 / Episode I

Festival Pampa

© Chloé Signès

Au lieu-dit Calabre, sur les coteaux de Port-Sainte-Foy, dans la vallée de la Dordogne, a lieu la huitième édition d’un festival en plein champ. Le collectif Pampa a été créé il y a neuf ans autour de Matthieu Dessertine et Anthony Bouillonnois, tout juste sortis du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique. Quatorze artistes accompagnés par une chargée de production jouent la comédie, fabriquent et montent les décors, assurent la communication et la restauration des visiteurs. Et l’équipe a, d’année en année, étoffé son programme.

Depuis la naissance de Pampa, quarante spectacles ont vu le jour dans cette vaste prairie où sont montées plusieurs scènes, à l’ombre de grands arbres. Un répertoire exigeant, à la fois classique et contemporain a fédéré le public qui vient de plus en plus nombreux. Avec cette année, quelque trois mille spectateurs en dix jours. « Un record dans cette zone, baptisée la banane pauvre de la Nouvelle-Aquitaine et qui n’est pas une terre de théâtre, dit Loyse Delhomme, l’administratrice de l’équipe. Pour la première fois, les intervenants ont pu être rétribués et une cuisinière a été engagée, grâce au conventionnement « Territoire et Innovation » de la Direction des Affaires Culturelles Régionales de Nouvelle-Aquitaine un label du Ministère de la culture qui, selon son site : «  Couronne un remarquable travail dans des zones éloignées de l’offre culturelle en faisant preuve d’imagination et de talent, mais aussi d’audace et d’entêtement .» 
Et cette jeune équipe enthousiaste après trois semaines de travail, propose une palette variée, allant de Sophocle à Tchekhov et Dennis Kelly. Mais aussi avec une création jeune public et deux spectacles invités : Guten Tag Madame Merkel et Je m’en vais mais l’Etat demeure. Encouragé par son succès, l’accueil favorable de la municipalité et de ses habitants, le collectif Pampa envisage une implantation à l’année dans un lieu de la ville, pour irriguer les territoires d’alentour, voire d’autres régions, éloignés des offres culturelles et en particulier du théâtre. Les acteurs, tous engagés dans d’autres créations pendant l’année, se réunissent dès l’hiver pour construire le programme. Et certains mènent des ateliers-théâtre dans les établissements scolaires de Sainte-Foy et auprès d’associations comme un groupe de lecteurs en lien avec la librairie La Colline à Bergerac (Dordogne). Grâce à un président très actif sur les fronts culturels de la cité, Pampa a réussi à mobiliser des bénévoles pour renforcer son développement local. A suivre…

Occupe-toi du bébé de Dennis Kelly, traduction de Philippe Le Moine et Pauline Sales, mise en scène de Claude Leprêtre, par le collectif Pampa

Occupe-toi.2 (

Marion Noone © Chloé Signès

Le dramaturge britannique enquête sur un fait divers. Donna, jugée pour double infanticide, mise en prison puis relaxée, répond à ses questions devant nous. Les témoins se souviennent. Comme cette mère candidate aux élections locales ou M. Millard, psychiatre, qui a identifié un syndrome Leeman-Ketley selon lequel des femmes en arrivent à tuer à cause d’une trop forte empathie avec les misères du monde… Martin, le mari de Donna, lui, ne veut pas répondre et dénonce cette curiosité, exploitée par les tabloïds, ici représentés par un journaliste véreux. Donna, elle, traverse, fantomatique, les épisodes de sa vie, sans avoir conscience d’être livrée en pâture au public.
Coupable ou pas ? Là, n’est pas la question. L’auteur pose ici le problème question de l’impossible objectivité des témoignages et de l’appétit des médias pour les faits divers. Dennis Kelly entretient l’ambiguïté : les situations sont réalistes et nous nous laissons prendre à cette fiction en forme de documentaire.

« Ce qui suit a été retranscrit mot pour mot à partir d’entretiens et de correspondances. Rien n’a été ajouté et les mots utilisés sont ceux employés même si certaines coupes ont pu être faites »  avertit la première didascalie. Mais Dennis Kelly, maniant à plaisir les techniques journalistiques, a inventé cette histoire de toutes pièces, même s’il s’inspire de plusieurs infanticides qui alimentèrent la chronique en Angleterre. «Le théâtre documentaire y était très répandu, dit-il. Je voulais écrire une pièce de ce genre, un texte « verbatim » mais les personnages n’existent pas.» De fait, la fiction pointe, dans les séquences dialoguées qui ponctuent les monologues, où sont développées les relations entre Donna et sa mère, ou les magouilles électorales de celle-ci.

 Claude Leprêtre qui a réalisé une mise en scène très fluide, fait confiance au texte très bien traduit et où  des anglicismes enracinent l’action outre-Manche. On pense aux films de Ken Loach. Manon Noone impose une Donna émouvante, livrant au rythme de la partition française, une vérité opaque face aux affirmations des uns et des autres, y compris son mari qui finira par accepter de parler. Ses partenaires campent des personnages-types, imaginés par l’auteur, certains au bord de la caricature comme le psychiatre pontifiant (Léon Bertolini) ou le journaliste de tabloïd (Anthony Bouillonnois). La mère ( Manon Lambert) est une figure plus complexe cette politicienne retorse, séductrice et manipulatrice, écrase sa fille et se sert de sa cause comme tremplin pour sa campagne électorale, qu’elle mène flanquée de son âme damnée, obséquieuse à souhait (Florent Hu). Léonard Bourgeois-Tacquet joue un mari écorché vif et accompagne la troupe au piano.

 A l’heure où les réseaux sociaux mettent en spectacle nos vies intimes et donnent à tout un chacun la capacité de juger autrui sans autre forme de procès, Dennis Kelly interroge l’objectivité de l’opinion publique et la pertinence des médias. Aucun décor mais les acteurs suffisent à brosser avec une belle économie de moyens un tableau cruel de notre société. Cette création mérite largement d’être reprise.

 Mireille Davidovici

 Spectacle joué du 19 au 27 août, 539 route de Calabre Port-Sainte-Foy et Ponchapt. T. : 06 21 78 70 31.

 

 

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