La Disparition, conception, texte et jeu Groupe fantôme : Clément Aubert, Romain Cottard et Paul Jeanson
La Disparition, conception, texte et jeu du Groupe fantôme: Clément Aubert, Romain Cottard et Paul Jeanson
«Tout ce que nous allons vous raconter est faux. Néanmoins, il nous est arrivé un événement extrêmement similaire que nous ne pouvons pas vous raconter parce qu’il serait trop anecdotique pour certain·e·s ou trop violent pour d’autres. Le récit que nous allons vous faire est la métaphore de ce qui nous est arrivé réellement. À partir de maintenant ; nous commençons notre récit. Tout ce que nous allons vous raconter est vrai. » Pour lancer cette neuvième édition du festival Spot sur le thème du face à face, le Groupe fantôme propose une sorte de manifeste, un peu ironique, d’un « méta-théâtre », histoire de réveiller les esprits devant les spectacles annoncés.
Il démonte et remonte les processus de manipulation et d’interactions entre scène et salle qui sont le théâtre même. Et cela, avec la complicité, elle-même patiemment élaborée, d’un public bienveillant. Tout est faux et tout est vrai : les trois acteurs assis devant nous, avec, pour seul décor, un cadre, pour cet «effet de cadre» donne à ce que nous voyons et à ce qu’ils racontent, le statut d’objet artistique. A une représentation de leur ancienne compagnie, un enfant aurait disparu. À moins que le cri de la mère n’ait été poussé par une folle. Scène de crime, scellés…mais l’enfant n’a pas retrouvé. Nous verrons quand même un troublant blouson à capuche rouge…
Mais ne nous égarons pas sur les sentiers de l’enquête policière, les trois acteurs nous en préparent bien d’autres. L’un en faisant chanter le public, l’autre en invitant un spectateur sur le plateau -“baron“ ou non, peu importe- mais l’acteur obtient le résultat souhaité et l’autre en embrouillant et débrouillant le récit. Le tout avec une grande délicatesse et un humour élégant créant une agréable distance et donnant le ton, feutré, de la participation du public. C.Q.F.D. : vouloir faire un théâtre dit immersif, créer des interactions entre scène et salle donne ici son meilleur résultat. Le spectacle créé l’an passé en sortie de résidence aux Plateaux Sauvages à Paris (XX ème), nous fait sentir à quel point tout théâtre vivant et agissant est immersif.
SPOT, c’est aussi des confrontations et débats. Que ce soit avec des cultures étrangères : Happy Dreams Hotel avec le comédien kurde Aram Tastekin, une Expérience de l’arbre franco-japonaise, la rencontre franco-haïtienne de Kap O Mond ! Ou l’irruption de la maladie 66 jours de Théo Askolovitch, ou encore la mise en pièces du théâtre avec La Dernière séance et J’aurais mieux fait d’utiliser une hache, Histoire de la violence :le récit brutal d’une rencontre : ou le débat devenu objet théâtral : Faut-il séparer l’homme de l’artiste?
Tous ces spectacles, déjà été créés et vus ailleurs, méritent plus qu’une seconde chance et se situent à l’articulation exacte entre le propos et l’invention scénique. C’est le moins que l’on puisse demander aux artistes: affronter un vrai thème et trouver la forme unique bonne soirée qui fait résonner ce débat, cette question. Facile à dire… Mais cela rend le théâtre nécessaire et nous en ressortons avec beaucoup plus que le souvenir, fugace, d’une bonne soirée…
Christine Friedel
Festival SPOT, Théâtre Paris-Villette, Paris (XIX ème), jusqu’au 23 septembre. T. : 01 40 03 72 23.