Portraits Hôtel, textes et mises en chambres de Clara Bonnet, Angélique Clairant, Etienne Gaudillère, Aurélia Lüscher, Eric Massé, Sacha Ribeiro, Alice Vannier

Portraits Hôtel, textes et mises en chambres de Clara Bonnet, Angélique Clairant, Etienne Gaudillère, Aurélia Lüscher, Eric Massé, Sacha Ribeiro, Alice Vannier

Le Théâtre du Point du jour quitte les hauteurs du cinquième arrondissement lyonnais pour nous donner rendez-vous dans les chambres de trois établissements aussi différents que le modeste hôtel des Savoies, près de la gare Perrache, le prestigieux Fourvière Hôtel, ancien couvent de la Visitation sur la colline, et le vieillot et mythique Phénix Hôtel, en bord de Saône, bien connu des artistes en tournée à Lyon.
Angélique Clairant et Eric Massé, directeurs du Théâtre, ont proposé à trois jeunes compagnies associées d’imaginer des solos à jouer en chambre. Et chacun d’eux en a aussi conçu un. 
L’hôtel, objet de tous les fantasmes : ses couloirs, ses clients, son personnel, ses décors luxueux ou interlopes ont inspiré nombre d’intrigues, en littérature comme au cinéma… Au théâtre, il y a eu l’inoubliable Kafka Théâtre complet, une adaptation de La Colonie Pénitentiaire créée par André Engel (1979): une déambulation dans un hôtel reconstitué dans un grand immeuble administratif de Strasbourg.

Portraits hôtel jongle entre réel et imaginaire, reposant à la fois sur les personnages de fictions joués par chaque acteur et actrice qui ont écrit un des sept modules d’un quart d’heure et une enquête des artistes auprès de personnes qui séjournent ou travaillent dans des hôtels. Un appel à témoignage a été lancé, des spécialistes du sommeil, un thanatopracteur…. ont été consultés. Une comédienne s’est glissée parmi des femmes de chambre… Sept modules d’un quart d’heure ont été écrits par les interprètes, mais chaque hôtel en accueille quatre.  C’est à l’hôtel des Savoies que l’équipe on essuie les plâtres.  Les spectateurs répartis en petits groupes vont passer d’une chambre à l’autre, et s’assoir au chevet de chaque interprète. Suivons notre guide…

Visuel 2

Sacha Ribeiro © Théâtre du Point du jour

 Chantons sous la nuit de Sacha Ribeiro

 Chambre 2. Trois heures du matin. Les rues sont calmes. Un homme en attend un autre qui ne viendra pas : le veilleur de nuit qui s’est entiché d’un client de passage, revient sur cette rencontre d’un soir, réelle ou imaginée, chante son amour et son désespoir. Séduit et abandonné ! Vieille rengaine… Ici sous forme de comédie musicale à l’humour décalé. On se laisse émouvoir par ce personnage tendre et romantique. Les hôtels en ont abrité de ces amours folles ou désespérées… 

 

  Au Plafond de Clara Bonnet

Chambre 4. Sagement répartis autour d’un lit grande taille, nous distinguons une femme qui s’agite dans le noir. Des ombres la menacent, le gardien de nuit la rassure au téléphone et elle s’endort. Elle cauchemarde de nouveau. Les lieux semblent hantés et on tressaille quand la bouilloire se met à siffler, qu’une ampoule clignote ou que des pas cognent au plafond… Nous sommes les fantômes qui la harcèlent…

Qui m’aime, me suive d’Alice Vannier

Cendrillon est en plein déménagement. Depuis la chambre 3, en attendant de s’envoler pour la Californie, la célèbre influenceuse s’adresse à ses « followers» sur youtube. Elle débite, face caméra, ses tranches de vie à dormir debout. Mais dans l’obscurité de la chambre où elle officie, nous sommes dans les coulisses d’un tournage burlesque où la starlette de pacotille déprime entre deux annonces publicitaires. Alice Vanier a su capter l’essence et le langage de cette très jeune femme craquant sous ses paillettes. Une belle performance...

 

Coup de feu d’Angélique Clairand

 Marie-Ange, la gouvernante, inspecte la chambre 1. La bande-son débite le message publicitaire de l’Hôtel des Savoies. Ses quarante-quatre chambres, toutes catégories confondues, les attraits de Lyon, la ville lumière, etc. «Je veux que ça brille comme un miroir de bordel» dit cette employée modèle qui gouvernait les femmes de chambre «comme elle aurait aimé gouverner sa vie». Malgré son zèle, une tache tenace dans la salle de bains aura raison d’elle. Une parodie acerbe de l’aliénation des petits chefs…

Ce parcours nous emmène dans des univers contrastés et l’intimité de personnages hauts en couleurs. Des liens se tissent entre groupes de spectateurs qui réagissent et commentent. Chaque séance en accueille une soixantaine venues, selon les organisateurs, d’horizons différents et attirées par l’originalité de la proposition: clients de l’hôtel, habitants du quartier… A raison de deux représentations par soir, chaque artiste joue en boucle huit fois. Une expérience ludique d’une heure dix, à recommander.

 Mireille Davidovici

Spectacle vu le 19 septembre à l’Hôtel des Savoies, 80 rue de la Charité, Lyon (II ème).

Les 25 et 26 septembre, à 18h et 20h, Fourvière Hôtel, 23 rue Roger Radisson, Lyon (V ème).

Le 2 octobre à 16 h et 18h, Phénix Hôtel, 7 Quai de Bondy, Lyon (Vème).

Théâtre du Point du Jour, 7 rue des Aqueducs, Lyon (V ème). T. : 04 78 25 27 59

 


Archive pour 20 septembre, 2022

Amore de Pippo Delbono

 

Amore de Pippo Delbono

Sur le plateau rouge sombre, juste un arbre desséché, citation du fameux arbre sec imaginé par Alberto Giacometti pour la création en 1951 d’En Attendant Godot de Samuel Beckett par Roger Blin. Avec Amore, Pipo Delbono veut fêter le Portugal avec des airs de fado et des poèmes dans une sorte de chant d’amour avec  quatorze interprètes sur des musiques originales  et aussi entre autres des poèmes du Brésilien Eugenio de Andrade.

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Pippo Delbono entre dans la salle en beau costume blanc imposant, prend la pose, attend qu’on le salue et s’assied parmi le public. Bon ! A la fin, il racontera l’histoire d’un jeune moine qui chaque jour s’en va à l’aube dans la montagne pour arroser un arbre qui reste toujours  sec. Trois ans après ce rituel quotidien, il trouve les branches de l’arbre couvertes de fleurs…

Guitaristes, chanteurs et chanteuses, notamment la belle Angolaise Aline Frazão, se succèdent sans trop de fil rouge mais avec parfois de très belles images comme ce bal étonnant où cinq femmes et deux hommes, en costumes et masques blancs d’animaux, dansent face public. Ou cette ronde de gens d’un village autour de l’arbre sec dont les ombres noires se projettent sur le mur rouge du fond. Des scènes à la fois tristes et gaies jusqu’au récit final de Pipo Delbono.

L’ensemble est techniquement très au point, même si le son via des micros HF  envahissant est beaucoup trop fort, ce qui nuit au spectacle. Décliné sous toutes ses formes  de chant et de récit, cet Amore sur le thème de la soif,  de la joie, du manque ou de la violence, a du mal à s’imposer et cette heure parait longuette. Le public était partagé: ovation debout de certains, applaudissements feutrés  pour d’autres. A Paris, Pippo Delbono a toujours ses fans -il est venu de nombreuses fois au Théâtre du Rond-Point avec sa compagnie- mais semble avoir du mal à se renouveler. Un spectacle décevant, malgré les beaux accents du fado et quelques images flamboyantes.
A voir? Peut-être mais à condition de ne pas être trop difficile…

Philippe du Vignal

Le spectacle s’est joué au Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin Roosevelt, Paris (VIII ème), du 8 au 18 septembre.

Ma-Scène nationale à Montbéliard ( Doubs) le 15 octobre.

Théâtre Molière -Scène nationale de Sète (Hérault) du 23 au 24  mars.

Bonlieu-Scène nationale d’Annecy, ( Haute-Savoie) du 10 au 11 mai.

 

Jours de joie d’Arne Lygre, traduction de Stéphane Braunschweig et Astrid Schenka, mise en scène de Stéphane Braunschweig

Jours de joie d’Arne Lygre, mise en scène de Stéphane Braunschweig

 Le metteur en scène et directeur de l’Odéon connait bien l’œuvre du dramaturge norvégien et a déjà monté Jours souterrains, Je disparais, Rien de moi et Nous pour un moment (voir Le Théâtre du Blog). Ici en automne, un lieu paisible, sans doute un jardin public mais sans enfants près d’un cimetière et d’une rivière. Le plateau nu est tapissé d’un épais de matelas de feuilles mortes et un long banc à lattes en bois mais d’une longueur inhabituelle, capable d’accueillir huit personnes. Une très belle image qui fait penser à certains tableaux de René Magritte. Il y a d’abord ici une mère à la fois douce mais souvent fielleuse (remarquable Virginie Colemyn) avec sa fille ( Chloé Réjon, tout aussi remarquable) qui habite à l’étranger et à qui elle reproche de ne pas la voir très souvent.

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Mais comme les autres personnages qui se succèderont, mère et fille n’ont ni prénom ni nom de famille. Elles retrouveront  leur fils et frère qui en un: Askle, comme son compagnon: David. Et d’autres femmes et hommes les rejoindront sur ce banc où la mère les invite à s’asseoir. Ils ne se connaissent pas, ou très peu mais ont envie de partager une certaine joie de vivre, même si on la sent empreinte de nostalgie. C’est le lieu des confidences et proclamations d’amour mais aussi des regrets: la Fille dit qu’elle ne pourra jamais avoir d’enfants et des reproches…La Mère n’a pas de mots assez durs pour la famille de son mari.
Arrive un voisin avec son ex-femme pour une séance d’explications. Puis une femme qui a récemment perdu son mari, avec ses enfants venus voir ensemble le lieu où il a décidé d’être enterré. Askle (Pierric Plathier) n’est toujours pas là. Il y a donc ici trois groupes qui semblent appartenir à une même communauté de sentiments, même s’ils ne se connaissent pas.  Et ces personnages se parlent beaucoup et avec sincérité, comme s’ils n’avaient rien à perdre en confiant leur intimité à des inconnus. Avec en filigrane, un grand besoin de tendresse. Pas loin de Tchekhov…

Arne Lygre sait très bien dire cela dans une langue précise et subtile, presque celle de tous les jours, que ce soit en Norvège ou en France. Avec, comme dénominateur commun entre ces gens si proches de nous, la mort, l’éloignement ou la disparition d’êtres chers. Aksle arrive enfin mais il fait part d’une décision irrévocable chez lui : disparaître de son milieu habituel, couper les ponts et rompre avec David, son amoureux qui l’a abandonné. Comme le héros de John Updike dans Cœur de lièvre
Le dramaturge norvégien tresse habilement ces retrouvailles et, pour Stéphane Braunschweig, lui parait intéressant le travail « sur le rapport au bonheur, surtout quand on sent à quel point les spectateurs cherchent en ce moment au théâtre à retrouver de l’énergie positive. (…) Chacun des personnages est entièrement dans son univers mais cela n’empêche pas que se produise un point de rencontre entre eux. Et alors, tout à coup, même avec leur part de solitude, ces individus forment un monde, un paysage. »

Et ces jours de joie promis par le titre ? Peut-être de simples moments comme ceux où des femmes et des hommes ont plaisir à se retrouver ensemble, qu’ils se connaissent bien, un peu, voire même pas du tout. Le covid est passé par là… «Jouissez chaque jour des joies que la vie vous apporte, disait déjà l’immense Eschyle il y a vingt-cinq siècles… Toute cette première partie doit beaucoup à l’intensité du langage et au pouvoir de mots mais aussi à une direction d’acteurs très soignée. Cécile Coustillac, Alexandre Pallu, Lamya Regragui Muzio, Grégoire Tachnakian, Jean-Philippe Vidal sont tous remarquables.

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Puis un mur blanc avec une seule porte descend des cintres et les accessoiristes apportent un grand canapé d’angle très confortable -la réplique domestique du grand banc- et une table avec deux chaises. Nous sommes chez David, au centre de cette seconde partie. Et les mêmes acteurs, comme l’a voulu l’auteur, jouent d’autres personnages comme la sœur et la mère de David, une voisine, trois amis d’enfance, la mère d’Askle. Elle a quitté son mari infidèle et arrive pour retrouver son fils. Dans la dernière scène, il y a une certaine connivence entre ces deux êtres abandonnés par leur conjoint.
Et il y a une sorte de chœur des voisins mais le texte assez bavard (la mise en scène reste aussi subtile) n’a pas le rythme des séquences précédentes. Sans doute, les répliques des personnages ( peut-être aussi sont-ils moins intéressants…) n’ont-elles pas non plus la même force et tout se passe comme si Arne Lygre  avait eu quelque difficulté à faire tourner cette  partie autour d’une  disparition.
Malgré cette seconde partie, à l’évidence trop longue  (la pièce dure deux heures vingt sans entracte), cette «tragédie des relations brisées» et la recherche de la joie vécue en commun vaut le déplacement, surtout si vous ne connaissez pas le théâtre d’Arne Lygre.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 14 octobre, Odéon-Théâtre de l’Europe, place de l’Odéon, Paris (VI ème). T. : 01 44 85 40 40.
Le texte de la pièce est publié chez L’Arche éditeur.

 

 

 

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