Le Temps d’aimer la danse à Biarritz: Kukai Dantza

Le Temps d’aimer la danse à Biarritz

Kukai Dantza

© J. Couturier

© J. Couturier

A l’entrée d’Atabal, nouveau lieu du festival près de la gare S.N.C.F. , une affiche: « Nous ne tolérons aucun acte homophobe, transphobe, misogyne, raciste, discriminatoire de quelque nature. Nous vous invitons à veiller les un.e.s sur les autres, non seulement entre ami.e.s mais aussi entre inconnu.e.s ».  Une salle de spectacle deviendrait-il un potentiel territoire de conflit, si le public n’était pas prévenu? Le monde change!

Atabal accueille  une expérience interactive, musicale et dansée, entre artistes et spectateurs. Et Kukai Dantza célèbre ses vingt ans d’existence avec le chorégraphe Jon Maya, nouvel artiste associé au Malandain Ballet Biarritz. Lui et sa compagnie ont collaboré avec Israel Galván, Marcos Morau… et ont été programmés au festival d’Avignon 2019.
Jon Maya a invité le compositeur Pascal Gaigne à réécrire les mélodies d’Appalachian Spring d’Aaron Copland. Au pupitre, Rubén Gimeno dirige un orchestre dont les musiciens vont peu à peu se mélanger au public assis dans la salle ou sur scène. A ces groupes, vont se joindre les interprètes qui initient des pas de danse, seuls, ensuite à plusieurs dans le public qu’avec les musiciens, ils réussissent à canaliser suivant la scénographie de David Bernués. Il a créé des lumières laser transformant l’espace en boîte de nuit et entre ombres et lumières, c’est un dépaysement total: ici rien ne s’installe: il y a dans les chorégraphies plusieurs influences et nous reconnaissons ,entre autres, les danses traditionnelles basques.  Un spectacle léger et parfaitement réalisé. Pierre-François Heuclin, directeur du festival Vaison Danses, a fait avec humour une juste remarque : «Du Hofesh Shechter à la sauce basque, c’est très bien et entraînant! » Nous sommes sortis ravis de ce moment festif et original.

Jean Couturier

Spectacle vu le 11 septembre à Atabal, 37 allée du Moura, Biarritz (Pyrénées-Atlantiques).

Le Temps d’aimer la danse se poursuit jusqu’au 18 septembre. T. : 05 59 24 96 99.


Archive pour septembre, 2022

Le Village de cirque

Le Village de cirque

Dix-huitième édition de ce festival organisé par la Coopérative de Rue et de Cirque. Aux portes du Bois de Vincennes, sur la pelouse de Reuilly, trois chapiteaux accueillent sur trois semaines des créations reflétant les multiples facettes du cirque contemporain. Certains spectacles sont aussi joués en plein air mais  M.E.M.M d’Alice Barraud et Raphaëlle de Pressigny, au Théâtre de la Cité internationale.

Juste une Femme, texte et jeu et de Cécile Yvinec, mise en scène de Sophia Perez

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@Sophia-Perez

 Cette femme, c’est Aissetou. Venue de Côte d’Ivoire et arrivée à Nice après un voyage périlleux de trois ans, elle s’est confiée à Cécile Yvinec. A partir de ses propos enregistrés et des réactions de la jeune circassienne, Sophia Perez a conçu une mise en scène mêlant acrobaties, danse et texte. La voix d’Aissetou, les bruits de la ville, les pas qui résonnent sur l’asphalte, quelques cris de mouettes… La bande-son entre en dialogue avec les circonvolutions de Cécile Yvinec sur une échelle horizontale fixée sur deux montants verticaux. Une sorte de passerelle pour figurer ce voyage. Elle s’y accroche et se glisse entre les barreaux. Parfois, avec ses mots à elle, elle revient sur sa rencontre avec cette femme intrépide qui a osé affronter les siens pour faire un mariage d’amour. Puis elle a quitté son pays, traversé le désert, connu l’esclavage en Libye et, sur un bateau de fortune, a failli mourir en Méditerranée, avant d’être recueillie et prise en charge à Naples.

Cette histoire, la circassienne nous la fait partager et revivre, par les mots mêmes d’Aissetou en direct, et grâce à la relation qu’elle a tissée avec elle : « A travers ce travail, nous voulons, par le prisme du sensible, souligner la singularité́ de chaque récit de migration, humaniser celles et ceux qu’on nous présente trop souvent comme une masse désincarnée et uniforme. »

La compagnie Cabas créée en 2005 par Sophia Perez et implantée à Montreuil, a réalisé cette pièce avec le soutien de la Coopérative de Rue et de Cirque. Ce solo documentaire témoigne avec émotion, pour toutes celles et ceux qui nous arrivent après avoir vécu l’enfer et il donne à ce récit une voix singulière. Mais le texte empiète quelquefois sur la performance de Cécile Yvinec. Mais le spectacle devrait trouver la juste mesure entre parole et mouvements et prendre son envol.

 

Bestiaire, mise en scène de Jeanne Mordoj

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© Géraldine Aresteanu

 Hichem Chérif entre sur un ring dont les cordages figurent les barreaux d’une cage et délimitent l’aire de jeu.Cet acrobate hors-pair va se percher sur une sellette et tel un échassier se tenir sur une patte et dodeliner de la nuque. Il se muera bientôt en gentil toutou, remuant du croupion, jouant avec les enfants assis au premier rang sur les quatre côtés de la piste.

Ils lui renvoient une balle pour qu’il la rapporte en haletant… Mais le chien peut devenir enragé et d’un bond, le molosse terrorise certains des enfants rieurs… Le singe qu’exhibe Hichem Chérif, est tout aussi convaincant : facétieux, il se saisit des effets des spectateurs et fait beaucoup de bêtises, pour la plus grande joie des plus jeunes.

Sans masque ni costume, l’acrobate trouve les postures emblématiques de chaque animal. Il n’imite pas mais vit les quadrupèdes, oiseaux et primates qu’il incarne. Exhibé derrière ses barreaux, il nous fait partager sa bonhomie mais aussi sa colère d’être une bête de cirque.

Créatrice et interprète, Jeanne Mordoj invente ici, avec Hichem Chérif , une forme d’art forain. Le village de cirque accueille aussi Bal Cousumain, un autre spectacle de sa compagnie, destiné au jeune public  à partir de trois ans.

 Mireille Davidovici

Spectacles vus le 11 septembre au Village de cirque, Pelouse de Reuilly, Paris (XII ème) . T. : 01 46 22 33 71. Jusqu’au 25 septembre.

 Bestiaire: les 24 et 25 septembre, CirkoBalkana Festival, Belgrade (Serbie). Les 30 septembre et 1er octobre, Cirq’Ônflex, Dijon (Côte d’or).

Les 22 et 23 octobre, Abbaye de Noirlac,  Bruère-Allichamps (Cher).

Du 13 au 16 décembre, Le Sirque, Nexon (Haute-Vienne).

Cousumain : le 17 septembre à 16 h et le 18 septembre à 11 h, Pelouse de Reuilly, Paris (XII ème).

Le Temps d’aimer la danse à Biarritz Starlight de et avec Martin Harriague

Le Temps d’aimer la danse à Biarritz:

Starlight de et avec Martin Harriague

 Ex membre de la Kibbutz Contemporary Dance Company, Martin Harriague avait reçu le Prix du public pour Prince, au premier concours du jeune chorégraphe à Biarrritz,  il y a sept ans. Nous l’avions revu danser au sein de cette compagnie israélienne, mais aussi comme chorégraphe au Malandain Ballet de Biarritz au festival Le Temps d’aimer la danse (voir Théâtre du blog).

Martin Harriague ouvre cette édition avec un solo intime et émouvant. La compagnie d’Angelin Preljocaj et le ballet de l’Opéra de Bordeaux présentaient, elles, Mythologies au théâtre de la Gare du midi.  Sa parole est empreinte ici d’une certaine gravité: «Je viens de recevoir la vie, il ne manque que l’existence» et dans le programme, il dédie ce spectacle à sa maman. Entre sourire, parfois, et émotion, souvent, Martin Harriague nous parle de sa jeune vie, il la chante, la danse, la met en musique et nous fait entrer dans son intimité. Parfois, ses soliloques sont un peu longs mais on pardonne vite à cet artiste doué, né le jour de la catastrophe de Tchernobyl, le 26 avril 1986. Il avait découvert la danse en essayant de reproduire la chorégraphie de Thriller de Michael Jackson,vue sur l’écran de télévision familial. Starlight était le premier titre de ce morceau mondialement connu.

 Des vidéos intimes, mêlées d’extraits de ce clip, sont le fil rouge de cette création. En revoyant des extraits vidéo de Michael Jackson, nous mesurons à quel point cet icône de la pop culture était un danseur exceptionnel. Martin Harriague se met dans ses pas et nous offre une pièce pleine d’énergie mais nous garderons surtout en mémoire les images très émouvantes des mains fragiles de sa mère qui commente, sans que l’on voit son visage, ses premiers essais en danse.

 Jean Couturier.

Spectacle vu le 10 septembre au Théâtre du Colisée, 11 avenue Sarasate, Biarritz (Pyrénées-Atlantiques).

Le Temps d’aimer la danse se poursuit jusqu’au 18 septembre. T. : 05 59 24 96 99.

La Casa des Merveilles

 La Casa des Merveilles

Récemment créé, ce lieu est consacré à la magie, à l’hypnose et au mystère. Avec la compagnie du Scarabée Jaune et l’association Spectaculum regroupant deux-cent cinquante membres qui organisent et assistent à des spectacles de mystère, magie et cabaret.
Ils sont magiciens, acteurs, musiciens, graphistes, photographes mais aussi simplement des  gens intéressés par ces arts. Pour voir les spectacles, il suffit d’adhérer à l’association :10 € . Puis chacun donne ce qu’il veut aux soirées. Et un bar fonctionne sur la même libre participation.

 Le lieu comprend un théâtre, une salle pour la formation et un petit restaurant. Mais aussi la caravane d’Eve Opchka, une voyante qui fait des séances de tarot psychologique et parfois des spectacles à petite jauge. Et enfin le cabinet de consultation d’un hypnothérapeute et un barnum consacré au jeu et à l’arnaque. L’an prochain, s’ouvrira un espace d’exposition… 

A la Casa des Merveilles, l’association Spectaculum a pour objectif d’organiser des spectacles dans le petit théâtre de cinquante place. La compagnie du Scarabée Jaune fera, elle, des séminaires sur la magie et l’hypnose. Le premier sur le pouvoir de la narration en magie et au cabaret, animé par Jean Merlin et l’équipe du Scarabée Jaune, aura lieu les 15 et 16 octobre. Il y aura aussi des sessions en deux jours pour apprendre la magie aux enfants, animées par Strobineler. (La première, déjà complète, les 2 et 3 novembre).
Et à partir de 2023, chaque mois, une conférencier parlera de la découverte de l’hypnose et autres curiosités. On y évoquera aussi le travail du mentaliste Derren Brown, celui poétique du psycho-magicien Alejandro Jodorowsky,
scénariste, auteur de bande dessinée, réalisateur mais aussi acteur, mime et  auteur de performances au sein du groupe actionniste Panique qu’il a créé avec Roland Topor et Fernando Arrabal. On parlera encore du travail du médecin Milton Erickson et le public sera invité à découvrir la transe hypnotique, l’écriture automatique ou la régression vers de prétendues vies antérieures.
On y rencontrera des artistes, des thérapeutes mais aussi des adeptes du spiritisme, du vaudou ou du chamanisme. Dans un esprit de curiosité, échange, respect de l’autre et bienveillance… Tous les témoignages de vie seront les bienvenus même -et surtout- les plus décalés. L’objectif n’est pas scientifique mais artistique : recueillir des narrations divergentes des phénomènes de l’esprit.

Au départ, la compagnie du Scarabée Jaune avait ouvert son théâtre à une programmation tout public dans plusieurs bâtiments en pierre avec une salle de formation et un restaurant puis bientôt un espace d’exposition. Le projet peut paraître ambitieux mais il commence modestement avec un petit théâtre de cinquante places, quelques spectacles et formations. En pleine campagne bretonne près de l’axe Nantes-Rennes*. Cinq spectacles ont déjà été joués, dont Mystère, magie et énigmes policières avec Claude De Piante, Les soeureines avec Steno, Persifa et Mestingo, Pincez-moi, je rêve ! de Strobineler.

 La Casa des Merveilles, ou la poétique du mystère: cela signifie que toutes les formes artistiques s’intéressant au mystère sont les bienvenues. « Mais nous privilégions, disent ses créateurs, celles qui génèrent l’humour, l’énergie, la convivialité et le partage. Le nom Casa des Merveilles fait référence à La Casa de Papel et à Alice aux pays des Merveilles. A mi-chemin entre l’impertinence de la liberté, et la poésie du non-sens. Notre devise pourrait être : « Mais alors, dit Alice, si le monde n’a absolument aucun sens, qu’est-ce qui nous empêche d’en inventer un ? » Une des superbes phrases les plus connues et citées d’Alice aux pays des Merveilles. Et que nous approuvons entièrement… Mais elle n’apparait nulle part chez Lewis Caroll, car elle n’est pas de lui… Une invention, une illusion. Et à bien y regarder cette escroquerie d’origine inconnue est un poétique pied de nez de la vie à Lewis Caroll, ce maître incontesté du non-sens. On ne peut rêver de meilleure illustration de ce que représente la magie. » La Casa des Merveilles est d’abord un lieu de rencontres et résidence mais aussi de création, formation. Souvent des magiciens ou artistes viennent se poser un temps à la campagne, pour trouver un regard enthousiaste et parfois un conseil bienveillant.

« Nous aimerions explorer et encourager l’étude de la narration du mystère et l’écriture des spectacles magie et permettre des rencontres autour d’une écriture spécifique mais peu étudiée: celle des magiciens. Nous avons voulu commencer nos formations-rencontres avec Jean Merlin et ce n’est pas un hasard. Il possède un style, une écriture, une poésie, une liberté que nous voulons montrer dans ce premier stage. Il illustre parfaitement la figure mythologique du Trickster, si bien étudiée par la psychologie des profondeurs. Mais surtout quelque soit notre évolution future, nous souhaitons rester avant tout un lieu paisible de convivialité, liberté et partage.  »
A la Casa des Merveilles, il fait bon vivre et on y mange bien. Un atout indéniable. En général, les spectacles sont suivis de découvertes gastronomiques et magiques qui donnent envie d’y revenir.

Sébastien Bazou 

* 5 les Fosses, 35390 Grand Fougeray.
Et les 23 et 24 septembre , En attendant K avec Cerise Meulenyzer. Un hommage à toutes les assistantes de magiciens.
Le 15 octobre, Une soirée au cabaret magique avec Jean Merlin et la compagnie du Scarabée Jaune.
Le 4 novembre, La Magie du vin avec Christophe Boisselier, sommelier-magicien. Et le 18 novembre, La Voyante avec Eve Opchka, mentaliste et tarologue.

La Mousson d’été 2022: Écrire le théâtre aujourd’hui

 La Mousson d’été 2022:  Écrire le théâtre aujourd’hui

Événement européen majeur en matière de découverte, de promotion des écritures théâtrales contemporaines mais aussi de transmission avec l’Université d’été européenne de La Mousson d’été, le festival a eu lieu la dernière semaine d’août comme depuis vingt-sept ans à Pont-à Mousson (Meurthe-et-Moselle) près de Nancy et Metz . Une  belle fin de vacances ! 

Sept jours durant, des interprètes offrent au public, texte à la main, des lectures de pièces contemporaines et inédites. Présélectionnées par le comité de lecture de La Mousson d’été de quatorze personnes, elles sont mises  en espace par des metteurs en scène ou par leurs auteurs. « Une pièce de théâtre, c’est quelqu’un ; disait Victor Hugo, dans Faits et croyances, c’est une voix qui parle, c’est un esprit qui éclaire, c’est une conscience qui avertit. » Citation qui résume bien la vivacité, l’organique, la pensée poétique, et/ou politique omniprésents lors de cette vingt-septième édition. Le public a pu apprécier une constance artistique de ce festival : Avec peu de répétitions et des textes inédits, tout juste découverts, c’est pour les interprètes et le public, une première !

Nous avons été enthousiasmés  par la qualité de ces rencontres et la prouesse des comédiens et metteurs en scène. En cette dernière journée du festival, comme toute la semaine : trois lectures de textes et parfois un spectacle. De belles découvertes !  Incendier la forêt avec toi dedans de Mariana De Althaus (Pérou), traduction de l’espagnol de Victoria Mariani. Histoire étrange et violente sur  la famille, la nature et l’Homme, la condition de la femme. Une lecture dirigée avec sensibilité par Pauline Bureau, avec Coco Feilgerolles, Zakariya Gouram, Céline Milliat-Baumgartner et Lola Roy. Puis Soox Méduse de Laurent Leclerc (France), mise en espace par l’auteur dont l’écriture lyrique ou proche du témoignage (mais il s’agit bien d’ une pure fiction), produit en notre imaginaire et nos sens, des visions tragiques, des sensations, des odeurs, des lumières d’une incroyable authenticité.  Un texte lu, tout en nuances par Biran Ba de la Comédie française, sur une musique originale et superbe de Hervé Legeay.

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En fin d’après-midi, L’Ange abîmé de Sara Stridsberg, (Suède), traduction par Marianne Ségol-Samoy, dirigée par Véronique Bellegarde, avec Jacques Bonnaffé et Clotilde Hesme. Une mise en espace dense, et subtile : la tension dramatique de la pièce, les déplacements des comédiens dans le jardin au bord de la Moselle, ne cessaient d’être ici tout en communion/exclusion, et mettait en résonance les non-dits et silences chargés de sens, avec la parole proférée. Une extrême sensibilité et un jeu tout en légèreté profonde. En soirée, le public s’est réuni pour assister à un spectacle (hors les murs) drôle et bouleversant: Privés de feuilles, les arbres ne bruissent pas de Magne van Den Berg, traduction d’Esther Gouarné, mise en scène de Pascale Henry, sobre et poétique et le jeu des actrices, magnifique !    Le jeudi 25 août, on avait pu découvrir un autre texte de l’autrice : Long développement d’un bref entretien.

Pour chacun des participants, au fil des oeuvres, un pont se construit mentalement d’une lecture à l’autre. Comme ce 28 août où le thème de la famille est apparu sous de multiples visages : oppression, absence douloureuse du père ou de la mère, du pays, une autre forme de famille, mais aussi absence des mots ! Du plus profond des âges jusqu’à nos jours, ce thème s’est fait entendre dans toute sa beauté et violence. La famille, évoquée de plein fouet dans Incendier la forêt avec toi dedans bénéficie d’une mise en voix remarquable et avec peu de gestes, d’une belle présence des acteurs,    là également, mais plus en sous entendus, non-dits, visions, rêves dans L’Ange abîmé et en blessures et souffrance dans Soox Méduse.

 Autre thèmes forts: le patriarcat et la condition féminine notamment dans Incendier la forêt avec toi dedans. La langue théâtrale des pièces et des spectacles, qu’elle soit lyrique, documentaire, réaliste ou plus symbolique, participe d’une mise en images, en corps et en voix d’une esthétique dramatique à l’écoute de notre temps.
En partageant des écritures d’une riche variété et d’origines diverses, La Mousson d’été ouvre grand la fenêtre, sur le théâtre d’aujourd’hui et offre auprès des lecteurs et spectateurs, une meilleure visibilité de l’art dramatique contemporain.  En une semaine, chacun des textes, tous d’une actualité poignante et/ou d’une écriture de l’intime,  donne à l’esprit et au théâtre, une matière à réflexion. Combien précieuse dans un monde envahi par les écrans, réseaux sociaux et par le tout, tout suite.
Aux lectures, viennent s’ajouter des moments tout aussi captivants. Comme les lectures-rencontre, citons En pleine France, de et avec Marion Aubert qui pose la question de l’héritage socio-culturel et de son lien, ses conséquences, avec l’Histoire. La fiction dramatique commence ainsi:  » En 1958, en pleine guerre d’Algérie, onze footballeurs « musulmans d’Algérie » quittent clandestinement leur club de métropole pour créer l’équipe du F.L.N. et participer à la lutte pour l’Algérie indépendante. En perspective, il y a  un match qui aura lieu (ou pas) au Stade de France dans un futur proche et auquel les enfants et petits-enfants des onze joueurs de la première équipe de foot d’Algérie s’apprêtent à se rendre ». Ce texte sera mis en scène par Kheireddine Lardjam. On peut aussi assister à des conversations, toujours liées à l’une des lectures programmées.
Ainsi Ring d’Aïko Solovkine (Belgique) a donné suite à une conversation autour de l’écriture du réel, en présence de l’autrice et avec la participation de Carole Thibaut, autrice et metteuse en scène. Ces échanges sont l’occasion d’une prise de parole avec le public.

Si les lectures occupent une place de prédilection, les spectacles à l’abbaye des Prémontrés et hors les murs ne manquent pas à l’appel ! Cette saison, trois spectacles (Hors les murs) : Les Vieilles carettes, de et avec Jacques Bonnaffé, en tournée dans le bassin mussipontain, Disparitions d’Élise Wilk (Roumanie), traduction de Mirella Patureau, dirigée par Christine Koetzel avec une troupe d’amateurs éphémère du Bassin mussipontain. Et déjà citée, Privés de feuilles, les arbres ne bruissent pas de Magne van Den Berg (Pays-Bas).

Utopie, imagination, poésie, pensée vagabonde ou réflexion plus cadrée occupent pour notre plus grand bonheur ce moment unique consacré à l’écriture théâtrale actuelle.
Le soir venu, respiration dionysiaque avec humour et jubilation lors du cabaret : C’est extra, conception et interprétation formidables de Céline Milliat-Baumgartner, sous le regard artistique de Véronique Bellegarde, la musique de Hervé Legeay et Philippe Thibault. Un salut festif à la poésie, au jeu des mots, à la chanson ! Pour finir, sous le ciel étoilé, la joie de la danse, rendez-vous à tous sur le parquet de bal !  

Véronique Bellegarde, nouvelle directrice artistique, a mené de mains de maitre cette édition, en y apportant quelques nouveautés à venir et souhaits d’évolution : «Je pense à des Moussons. La Mousson d’été est un travail continu qui gagnerait à être partagé et rendu plus visible, même si sa dimension nationale et internationale est inscrite et reconnue de par le monde à présent. La Mousson d’hiver est toute aussi vivace et a pris  une place importante auprès des enseignants, élèves et étudiants lorrains. Une Mousson d’automne organisé à l’espace Bernard-Marie Koltès avec sa directrice Lee-Fou Messica, sera une nouvelle étape : du 5 au 9 décembre 2022, et développera des chantiers accompagnés d’un dispositif pédagogique. Ce dispositif pourrait perdurer et serait rejoint par le Nest à Thionville. Et d’autres partenariats sont en train de naître.» Sous sa direction, le quotidien Temporairement contemporain, toujours mis à disposition du public, a changé de mise en page  et est en couleurs, tout comme la rédaction avec cette année,  Sarah Cillaire et Arnaud Maïssetti assistés de Julie Douet-Zingano, c’est une réussite !À l’année prochaine ! 

Elisabeth Naud

La Mousson d’Été a eu lieu du 23 au 29 août à l’abbaye des Prémontrés, à Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle)

 

Lazzi, texte et mise en scène de Fabrice Melquiot

Lazzi, texte et mise en scène de Fabrice Melquiot

©Christophe Raynaud de Lage

©Christophe Raynaud de Lage

Un auteur a tous les droits, en tant que responsable -c’est le sens du latin: auctor et capable aussi d’augmenter la réalité ! Même celui de faire des mots d’auteur. Et Fabrice Melquiot ne se prive pas de ces lazzis, souvent bien venus et parfois, non. Il peut délivrer des sentences solennelles mais aussi des observations fines et justes, d’une drôlerie irrésistible. Ou donner au passage son opinion sur l’état du monde: entre autres, la disparition des vidéoclubs et de leurs collections de films-cultes.

Nous pensons au Soyez sympa, rembobinez de Michel Gondry, qui portait le deuil très inventif des vieilles cassettes pour magnétoscopes. À chaque génération, l’obsolescence d’une nouvelle technique du rêve, même si l’auteur se refuse à imaginer le deuil à venir du streaming, remplacé par on ne sait quoi… De l’extinction des CD, émergent quelques souvenirs de cinéphiles et l’invention d’un concept, celui du plan Hamelin: à savoir, l’image ou la séquence d’un film, comme celle du joueur de flûte, qui tire un cortège des souvenirs, mais surtout qui vous réunit avec vous-même et fait penser que cela vaut la peine de vivre. Il faut bien quelque chose, un motif, un moteur pour que ces hommes abandonnés : l’un veuf et l’autre quitté par sa femme, et effacés du monde par la disparition de leur métier, continuent à avancer. Et pourquoi pas à la campagne? Ici, Vincent Garanger et Philippe Torreton, acteurs «fictionisés» sous leur propre nom et nouveaux avatars de Bouvard et Pécuchet y trouveront leur lot de surprises, de joies, d’amour et même d’effroi.

La scénographie de Raymond Sarti, que l’on a connu plus inspiré, est à réserver aux salles toutes neuves, et encore… Des fauteuils de cinéma à demi-brûlés, une atmosphère post-apocalyptique, avec un aérolithe qui descend lentement des cintres. Ils encombrent, un comble aux Bouffes du Nord, le théâtre de Peter Brook qui a écrit L’Espace vide ! Ils font pléonasme avec le texte comme avec le lieu lui-même, dans son fier abandon apparent qui est déjà le décor le plus juste pour cette comédie parfois noire.

Mais comptent surtout ici ces acteurs sont à leur affaire, avec un texte écrit pour eux, comique, sentimental, dramatique, capricieux, sur musique d’Emily Loizeau. Ils ont mille occasions de jouer, saisies au vol en un ping-pong des plus réjouissants. Le plateau, même rendu ici malcommode, est à eux. Et ils peuvent tout se permettre, y compris le mime qu’ils interdiraient peut-être à leurs élèves dans un atelier, le pathétique, les ruptures et adresses au public, la gravité, un one man show à deux, et même l’émotion d’un gracieux moment de danse, au lointain.

Nous rions beaucoup : à chaque fois, Philippe Torreton et Vincent Garranger tapent juste. Et  la vérité des mots et de leur jeu fait rire, comme la vérité du désarroi de leurs personnages et leur amitié. La pièce est parfois décousue mais peu importe, et même tant mieux : l’énergie des acteurs la recoud sans cesse. C’est leur tremplin, et leur liberté répond à la sienne. L’essentiel du théâtre: un texte, des acteurs et un public. Cela marche. Mais qu’aurons-nous appris ? Rien que nous ne sachions déjà, sur un monde qui se défait, sur des vies décevantes et des corps qui prennent un coup de vieux.
Les personnages ? Leur histoire de planter des arbres et leur donner un nom, d’avoir peur des fantômes de la maison, leur tendresse envers les moutons voisins qui débouche sur une violence aveugle… Nous croyons tout, même quand ils le disent parfois avec un clin d’œil et un point d’ironie… Ces acteurs font naître devant nous un grand cinéma. Finalement, la fermeture des vidéo-clubs est un crime contre la liberté de choix du cinéphile. Mais tant qu’il y aura des acteurs de cette trempe, rien ne sera perdu.

Christine Friedel

Théâtre des Bouffes du Nord, Paris ( X ème), jusqu’au 24 septembre. T. : 01 46 07 34 50.

Les 29 et 30 septembre au Château-Rouge, Scène conventionnée d’Annemasse (Haute-Savoie).

Les 4 et 5 octobre, Anthéa d’Antibes (Alpes-Maritimes) ; le 8 à L’Eclat, Pont-Audemer (Eure) ; le 12 Maison de la culture de Nevers, (Nièvre) ; le 15, Les Quinconces, Scène nationale du Mans (Sarthe).

Le 25 novembre, Théâtres en Dracénie, Draguignan (Var).

Le 10 décembre, Théâtre municipal Ducourneau, Agen (Lot-et-Garonne) ; les 13 et 14, Théâtre Saint-Louis, Pau ( Hautes-Pyrénées).

Les 5 et 6 janvier, Scène nationale de Narbonne (Aude) ; le 9, Le Parvis, Scène nationale de Tarbes-Pyrénées, (Hautes-Pyrénées) ; le 12, L’Estive, Scène nationale de Foix et d’Ariège ; le 27, Théâtre Gérard Philipe, Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne; le 31, MA, Scène nationale de Montbéliard (Doubs).

La pièce est publiée aux éditions de l’Arche.

Möbius par la compagnie XY en collaboration avec Rachid Ouramdane

Möbius par la compagnie XY en collaboration avec Rachid Ouramdane

 

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© Pascale Cholette

Dans toute la France nous assistons, impuissants, à la mort de milliers d’oiseaux qui tombent au sol, à cause de trois mois de canicule…. XY s’est inspiré de leurs « murmurations mot anglais qui désigne le phénomène naturel de rassemblement dans le ciel, chez certaines espèces, comme les étourneaux. Ils décrivent des figures ondulantes d’une grande poésie,  sortes de nuages dansants.

La compagnie XY est artiste associé à Chaillot-Théâtre national de la Danse, avec ici dix-neuf danseurs mais elle en compte quarante. Entre voltige et chorégraphie, le interprètes défient la pesanteur. Möbius, créée en 2019, a tourné dans le monde entier et a été adapté avec Rachid Ouramdane à la salle Jean Vilar qui va bientôt être refaite entièrement.

Le groupe fait preuve d’une réelle cohésion:« Ces transferts d’informations, ces micro-ajustements des corps entre eux sont les signes d’une intelligence physique. Dès lors, nous avons imaginé un espace qui puisse se remplir et se vider par fulgurances: passer de un à quinze sur le plateau en une fraction de seconde, ou provoquer une réaction en chaîne, un effet de vague avec nos corps ». A la verticalité des acrobaties, se mêle l’horizontalité de la danse. L’aisance des artistes nous fait oublier le danger, ici constant. Leurs gestes précis sont d’une grande douceur et créent une poésie dans l’espace d’une vraie beauté. Il faut courir voir ce beau spectacle.

 Jean Couturier

 Jusqu’au 18 septembre, Chaillot-Théâtre national de la Danse, 1 place du Trocadéro Paris (XVI ème) . T. : 01 53 65 30 00.

Les 17 et 18 septembre une carte blanche est donné à la compagnie XY avec des spectacles gratuits à Chaillot.

 

Après la Fin, de Denis Kelly, mise en scène Philippe Baronnet

Après la Fin, de Denis Kelly, mise en scène Philippe Baronnet

 

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Il a l’air malin, le garçon, avec son abri anti atomique. Les autres, au pub, en rigolent. Jusqu’au jour où… Louise, la fille convoitée mais qui n’a d’yeux que pour un certain Francis, se retrouve, évanouie, dans le dit abri. Dehors, là-haut, un attentat à la valise nucléaire. Dieu merci, le garçon a des provisions, enfin pour quinze jours, et pour une seule personne. Commence une nuit sans contours définis, et la mémoire du dehors revient, et les prisonniers (volontaires ?) se déchirent, s’apaisent, jouent tels des enfants. Ils s’emparent tour à tour du pouvoir, avec pour seules armes, la nourriture et un couteau. Mais le plus grand pouvoir, c’est celui de la fille : dire non. On ne force pas l’amour.

Le théâtre de Dennis Kelly (Occupe-toi du bébé, Orphelins, Débris…), violent, précis, efficace, littéralement « au rasoir ». Après la fin a la même réalisme social, riche de métaphores possibles : et si ce faux couple était une image de l’Occident, enfermé dans ses propres peurs et ses doutes, et cet abri l’image de la fermeture des frontières où certains voient –pour le pire- leur salut ? Philippe Baronnet,  jeune metteur en scène, a monté la pièce à la demande de Colomba Giovanni, qui joue le rôle de la fille à qui elle donne une force et des contradictions superbes. Elle est en avance sur le garçon, plus mûre, plus lucide –et si, en haut, la vie avait repris ? Clément Ohlmann montre lui avec une simplicité presque naïve la roublardise, les faiblesses et les révoltes de son personnage, avec ses capacités de nuisance. Cette naïveté fait le charme et la justesse de l’interprétation et de la mise en scène : ce premier degré  et ces apparentes maladresses rendent savoureux l’humour parfois très noir de l’auteur, y compris dans les pires menaces entre les protagonistes. Humour qui n’enlève rien au suspense ni à la violence de la situation.

Le batteur Lucas Jacquart a été invité à compléter l’équipe : en douceur ou en force, il rythme ce huis clos, et montre, avec le déplacement à vue des objets, tables, chaises, le passage du temps. Pourtant il ne convainc pas tout à fait… Sans doute est-il dirigé par le metteur en scène soit de la justesse avant tout, au prix d’un excès de modestie. On aimerait bien parfois un excès tout court, peut-être avec un jeu sur les durées et les silences tirés jusqu’à l’insupportable : la pièce est de taille à les supporter.

La compagnie Kyrnea de Colomba Giovanni nous offre un bon spectacle, prenant, et qui donne à penser. Philippe Baronnet l’a conçu pour qu’il puisse sortir des théâtres, se jouer dans une cour, une salle de classe… Il le voudrait immersif. Un mot à la mode, vide, mais cette mise en scène est bien plus intéressante. C’est un théâtre à portée de main, dont le public jeune peut s’emparer. Les histoire d’amour, domination, angoisse, et du « comment nourrir la planète », c’est pour tous les publics…

Christine Friedel

Théâtre de Belleville, Paris ( XI ème), jusqu’au 27 septembre. T. : 01 48 06 72 34.

Paris Off Festival au Théâtre 14

 

Paris Off Festival au Théâtre 14 

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Place Paradol Paris 14e © M. Davidovici

 Une façon conviviale de rencontrer les habitants et d’annoncer sa programmation en investissant places publiques et cours d’immeubles avoisinants: les directeurs Mathieu Touzé et Edouard Chapot ont invité les artistes de la saison à y présenter de courtes formes. Pour cette rentrée festive à la porte de Vanves dans le 14e arrondissement, où il y a un grand stade, le sport est mis à l’honneur, avec les associations du quartier, sous le signe de l’Olympisme. Sont proposées des initiations au roller, au hip hop, à l’escrime, aux arts maritaux… mais aussi à la lecture à voix haute…

 Peu avare de labels, le ministère de la Culture a choisi celui d’« Olympiades culturelles » : Programmation artistique et culturelle pluridisciplinaire qui se déploie de 2021 à septembre 2024 sur tous les territoires français, à travers des projets labellisés portés par divers acteurs culturels et sportifs. «Les Jeux de Paris 2024 contribueront à la vitalité de notre création  en mettant la culture sportive au service de l’inspiration artistique.», espère Rima Abdul Malak, la nouvelle Ministre de la Culture, rue de Valois.

 Règne ici une ambiance de vacances: chaises longues disposées place Paradol, autour de buvettes et l’on redécouvre l’impeccable alignement en briques rouges des H.B.M. (habitations bon marché, ancêtres des H.L.M.) qui ceinturent Paris à partir des années 1920 et qui ont résisté au temps. Dans leurs cours ombragées baptisées cours  Lagarce,  Gary, Duras…. nous avons entendu des lecture de textes de Guy de Maupassant, Goethe, Albert Camus ou Annie Ernaux. Et nous avons pu voir des mini-spectacles avec des marionnettes aux fenêtres, par la compagnie Les Anges au Plafond, un extrait des Mille et une Nuits, extrait d’un spectacle de Guillaume Vincent, ou une performance du clown et jongleur Guillaume Martinet… Un riche programme

 L’infini moins un, poèmes d’Alicia Gallienne, mise en scène de Luna Muratti

 «Comme c’est étrange, des paroles qui frappent à mes tempes lisses comme une nappe rouge (…) Comme c’est étrange, cette vie sans lendemain (…) Qu’ai-je à vous offrir, si ce n’est une plume d’oiseau qui a envahi ma mains. » Elsa Guedj, accompagnée à la flûte par Adrian Saint-Pol, impose d’emblée, par sa présence à la fois grave et enfantine, la poésie à fleur de sensibilité d’une jeune autrice morte à vingt ans d’une maladie du sang.

Alicia Maria Claudia Gallienne a écrit des centaines de poèmes entre 1986 et 1990, brûlants de vie. « Qu’importe ce que je laisserai derrière moi, pourvu que la matière se souvienne de moi, pourvu que les mots qui m’habitent soient écrits quelque part et qu’ils me survivent .» Cette phrase, inscrite sur sa tombe, porte l’espoir d’être lue ; ce qui advint avec L’autre Moitié du songe m’appartient, un recueil publié en 2020 chez Gallimard, grâce à son cousin l’acteur Guillaume Gallienne. Bientôt ses mots seront portés sur scène par Luna Muratti.

Nous plongeons comme dans un rêve avec cette étrange écriture empreinte de mélancolie et de sérénité. Sans pathos, avec légèreté, la comédienne nous guide à travers une langue limpide, aérienne, parfois grave. Les images naissent et résonnent longtemps comme « les souvenirs que l’on pratique la gueule ouverte pour emporter le vent ». Comme un adieu aussi : « Tu pars comme un oiseau sans cage, comme un oiseau de quai de gare », de celle dont « la maison est ronde pour le tournoiement des papillons »… Une demi-heure de grâce, au son de la partition de flûte  du Syrinx de Claude Debussy ou des musiques  Jacques Ibert, Jean -Sébastien Bach, Pablo, Casals.

 Mireille Davidovici

Hymnes en jeux, direction artistique de Sylvain Cartigny, mise en scène de Mathieu Bauer par l’Orchestre de spectacle de Montreuil

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© J-L Verdier

 Constitué il y a une dizaine d’années autour du Conservatoire, à l’initiative du Nouveau Théâtre de Montreuil, cet orchestre rassemble des fidèles, certains « experts », d’autres amateurs. Mais pas toujours au complet pour interpréter tous les styles: du jazz exigeant, aux musiques les plus inattendues pour un « big band », en passant par le punk « Ready-Made »… «Le Théâtre nous a offert ce terrain, dit Sylvain Cartigny. Au gré des arrivées, départs, retours, et au fil de ces dix années de créations et collaborations multiples, nous avons constitué un « nous », avec une bonne vingtaine d’interprètes ; un saxophoniste imprimeur, un tubiste arrivé là à quatorze ans, une graphiste violoniste, une circassienne joueuse de banjo, un ingénieur tromboniste, etc…. Recrutés par une annonce: «Demandons volontaires pour odyssée hasardeuse; petits salaires, froid mordant, longs mois d’obscurité totale, improbable retour en bonne santé, honneur et reconnaissance, si succès… ».

 L’Orchestre de spectacle de Montreuil a ainsi accompagné le Nouveau Théâtre de Montreuil, dirigé par Matthieu Bauer. Nous avions apprécié leur collaboration dans le spectacle L’Œil et l’oreille (hommage à Federico Fellini et à Nino Rota (Voir Théâtre du blog) et Femme Capital. Il s’agit aujourd’hui d’un projet présenté en Seine-Saint-Denis: mettre en scène les hymnes nationaux qui ont retenti sur les podiums des Jeux Olympiques, célébrant la victoire des athlètes et des équipes sportives. Commande a été passée à des compositeurs *, leur proposant de revisiter ces mélodies à travers des arrangements originaux. Il est agréable de découvrir certains, souvent surprenants;  plus intéressant encore d’en (re)découvrir d’autres dans une partition quasi-sérielle. Matthieu Bauer et la comédienne Eleonore Auzou-Connes ont écrit un texte qui place chaque hymne dans le contexte de la remise d’une médaille, parfois inattendue, comme celle de l’équipe tchèque de hockey sur glace. Nous apprenons que chaque équipe de rugby a choisi une plante ou une fleur comme emblème. On nous parle aussi de pays qui ont conservé leur hymne, alors que leur nom a disparu, comme la Perse.. Certains hymnes sont surprenants : petite valse, tango, rebetiko ou chansonnette. Et que dire de cette Marseillaise dodécaphonique ? Pour le bis, la comédienne-autrice anime un quizz qui révèle notre ignorance de la musique des pays qui nous entourent. 

 C’est donc un répertoire insolite mais cohérent que nous propose l’Orchestre de Spectacle de Montreuil. Doublé d’une amusante leçon d’histoire et de géopolitique et de questionnements sur les identités nationales au fil des siècles. L’équipe souhaiterait faire entendre ce répertoire au stade de France pour l’inauguration des Jeux Olympiques en 2024 mais, à défaut, restera le souvenir d’une aventure qui se joue aujourd’hui avec le public.

Jean Louis Verdier

 Le 4 octobre Théâtre 14, 20 avenue Marc Sangnier Paris ( XIV ème) T. 01 45 45 49 77

Le 10 septembre à 17 h, Parc des Guiland, Montreuil (Seine-Saint-Denis) ; 16 septembre péniche Urban Boat (concert navigation + concert à quai Ile Saint-Denis ; 17 septembre : 18 h et 21 h 30 déambulation le long du canal et concert à quai : Friche Kodak, Sevran (Seine-Saint-Denis)

* Au répertoire de l’Orchestre de spectacle de Montreuil :    Kdé Domov Mùj, République Tchèque, par Etienne Charry (Cofondateur du groupe « Oui Oui » avec Michel Gondry) ; Rotas Cadenas, Argentine, par Andrea Marsili; Milli Tharanan, Afghanistan, par Tatiana Mladenovitch alias Franky Gogo;  Kdé Domov Mùj, République Tchèque, par Etienne Charry; Danse de l’aigle, Grèce, par Hélène Bréchant ; La Marseillaise, France, par Bertrand Burgala; SALAMeSHAH, Perse, par Seb Martel ; Kinder Hymne, Allemagne, par Eisler, Brecht; Flowers of Scotland, Ecosse, par Cyril Attef ; Le Pays des Hommes-intègres, Burkina Fasso ; Mais d’où vient ce qui vient à l’esprit ?, Tibet.

 

 

Robin Deville: une vie de magicien

Robin Deville: une vie de magicien…

Histoire banale mais véridique : la fameuse boîte de magie offerte pour mon anniversaire de sept ans et mes grands-parents maternels m’ont offert ma première boîte de magie. Une Marvin’s Magic, avec un chapeau haut de forme à double fond et une marionnette de lapin qu’on pouvait animer depuis l’extérieur du chapeau. Il y avait aussi t un set de petits gobelets, un tour avec un cube gigogne qui m’avait époustouflé la première fois que je l’ai vu et quelques cartes truquées.

© Béatrice Bascou

© Béatrice Bascou

J’ai joué avec pendant très longtemps. J’ai ensuite eu la boîte de magie Patrick Sébastien, avec entre autres, la fameuse boîte à miroir, qui m’a suivi dans mes premiers spectacles pendant de nombreuses années ! Petit, je faisais des démonstrations surtout en famille, pour les fêtes de fin d’année. En 2011, j’étais en cinquième et j’ai fait mon premier vrai spectacle pour l’arbre de Noël des enfants du personnel dans mon collège. Je n’avais rien demandé en retour, et le directeur de l’établissement m’avait offert une carte-cadeau en remerciement: mon premier cachet ! 

 Plusieurs rencontres ont été déterminantes. Tout d’abord, avec Bernard Bilis en 2012. J’avais reçu pour le Noël précédent son coffret réalisé chez OID Magic, exclusivement dédié à la magie des cartes.Voulant en apprendre plus, j’ai pris contact avec lui sur Facebook. Nous avons commencé à discuter, je lui envoyais des vidéos de tours et il me corrigeait les défauts.
Nous nous sommes rencontrés l’été suivant en région parisienne et il m’a pris sous son aile. Il m’a appris à apprendre correctement, c’est ce qui est le plus difficile. C’est un peu mon tonton magique aujourd’hui et je lui suis très reconnaissant de tout ce qu’il a fait pour moi. J’ai ensuite eu la chance de rencontrer beaucoup de magiciens que j’admire.Et une autre rencontre déterminante, ce serait Stéphane Gomez. Nous nous sommes connus par le biais du très site DicoMagie. Et le feeling est tout de suite passé. j’ai monté avec lui mon premier numéro de concours et q j’ai intégré l’Équipe de France de close-up FFAP. Je lui dois beaucoup. Enfin, travailler pour des concours (FFAP, FISM) a complètement changé ma manière de voir et de concevoir la magie. Cela oblige à repousser les limites du possible et nous force à chercher et à développer de nouvelles idées. C’est très stimulant ! 

Je suis à l’aise sur scène comme en close-up. J’ai pris plusieurs années de cours de théâtre quand j’étais petit, cela m’a beaucoup aidé à m’affirmer et à m’exprimer. Et cela se ressent dans ma manière de faire de la magie. Même si la scène m’attire, je préfère la proximité avec le public offerte par le close-up. Je touche un peu à tout dans ce domaine, avec tout de même une préférence pour la cartomagie. Donnez-moi un jeu de cartes, et je peux tenir deux heures ! En vidéo, j’ai été hypnotisé par la poésie de Renée Lavand, bluffé par Helder Guimarães, émerveillé par Miracles de Derren Brown, ému devant In and Off itself du génial Derek Del Gaudio… Et je suis en admiration devant les spectacles de Yann Frisch, j’ai été emporté par SOLO d’Arturo Brachetti et été abasourdi devant plusieurs performances FISM… impossible de choisir ! 

 Comme dit plus haut, je suis très close-up, et magie de salon. J’aime les effets simples et puissants. J’aime également beaucoup tout le courant de la « magie nouvelle » et les beaux spectacles/numéros qui en découlent. Mes influences artistiques peuvent venir d’un peu partout…. Un spectacle (magique ou non), un numéro de cirque, un film, une musique… Il faut apprendre à apprendre. Ne pas aller trop vite, solliciter les avis d’autres magiciens, lire, et écouter les conseils des maîtres.
Beaucoup de jeunes qui débutent aujourd’hui veulent tout, tout de suite ! De nouveaux tours, de nouvelles techniques, alors qu’ils ne prennent pas le temps de vraiment comprendre et maîtriser les tours qu’ils ont déjà « appris ». Ne pas non plus hésiter à sortir un peu des sentiers battus, à se faire confiance et à développer sa propre magie plutôt que de copier celle des autres. 

Quant à la magie actuelle, j’ai  l’impression que ces dernières années compliquées ont permis à beaucoup d’artistes de repousser leurs limites. Cela s’est ressenti cet été à Québec pour la FISM : les concours étaient de très haut niveau, avec de très beaux numéros innovants.Sans ces années de « pause », je ne sais pas si tous ces artistes auraient eu le temps de travailler sur ces nouveautés. Dans l’ensemble, j’ai le sentiment que la magie évolue bien et qu’elle est de mieux en mieux médiatisée (Got Talent, Fool Us…).  Et je vois toute l’importance de la culture dans l’approche de la magie. Que l’on en soit conscient ou non, la c’est un art mêlant  l’artistique, la psychologie, les relations humaines, l’écriture… Plus on est cultivé, plus les sources d’inspirations sont nombreuses et plus on trouvera facilement des solutions à nos problèmes techniques pour réaliser un effet. 

La magie est essentielle pour moi et cela ne laisse pas beaucoup de temps pour faire d’autres choses. Mais j’aime lire (polars, thrillers), j’aime me poser devant un bon film ou une bonne série… En revanche, je ne suis pas très sportif…

 Sébastien Bazou

 Interview réalisée le 25 août .

https://robindevillemagicien.com/

 

 

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