Dessine-moi un piano de Jean-Paul Farré, mise en scène de Stéphane Cottin

Dessine-moi un piano de Jean-Paul Farré, mise en scène de Stéphane Cottin

Cela commence mal pour ce petit homme déjà en scène quand entre le public. En queue de pie vite déchiré, il a l’air égaré. Cheveux longs en bataille, avec des yeux perçants, il se présente au public comme un pianiste tout à fait ordinaire que l’on a chargé de préparer le beau Yamaha à queue pour le maître qui va arriver.
Le mariage de Jean-Paul Farré avec l’univers musical du piano n’est pas d’hier, comme entre autres,
Les Douze Pianos d’Hercule (2008). Celui qu’on a aussi souvent vu comme acteur a écrit un texte ciselé parfois proche de Raymond Devos, et aligne les jeux de mots au second degré. Mais il possède une gestualité burlesque tout aussi remarquable… Dans la lignée de ses grands prédécesseurs américains : Charlie Chaplin, Buster Keaton, Harold Lloyd, Laurel et Hardy.

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Très à l’aise, ce pauvre pianiste explique qu’il n’arrive pas à choisir comment il doit commencer le spectacle et qu’il va donc passer directement au final. Avec le plus grand sérieux, il dévoile ses ficelles : l’important, dit-il, il faut au début et à la fin, capter le public mais le milieu, on s’en arrange toujours.
Un spectacle
virtuose de poésie et de comique à la fois avec, à un rythme d’enfer, quelques mélodies, des jeux sur les mots de khâgneux, de prodigieux gags visuels comme entre autres, ces notes qui sur grand écran, tombent d’une partition ou qui s’effacent sous la pluie… Pour raconter les mésaventures d’un pauvre pianiste, qui  après avoir réussi son Bach ( sic) fit des tas de métier en rapport avec la musique mais sans jamais en jouer : blanchisseur de touches, puis plus physique alors qu’il est petit: déménageur de pupitres, voire testeur de tabouret, tourneur de pages; « quelqu’un qui sait lire la musique mais ne sait pas en jouer et il faut qu’une page soit ouverte ou tournée ! » Un métier, dit-il en voie de disparition. Et enfin chauffeur de piano pour qu’il soit bien prêt pour le récital du maître.
Plus tard, on le retrouvera sur une île déserte, assis sur son Yamaha, en train d’essayer de pêcher une note mais, comme il dit avec le plus grand sérieux, sans jamais avoir aucune touche. Jean-Paul Farré est là avec une incroyable présence. Il sait créer très vite un personnage attachant
qui voit avec effroi que les quatre-vingt huit touches du clavier ont disparu… Ou que son piano où il farfouille en vain est sur écoute…
Jean- Paul Cottin lui a fait une mise en scène sur mesure, avec toute la précision nécessaire pour mettre en valeur ce texte burlesque. Il y a juste quelques accessoires, comme, entre autres, des piles de partitions entassées un peu partout. Il va en déchiffrer une pour arriver à des plages entièrement blanches et pour en convaincre le public, il va les déplier en zigzag. Sorti un instant en coulisse, il revient avec deux gros sacs de claviers qu’il va étaler avec méthode sur la petite scène, puis comme la scène a été inondée,  marcher dessus avec précaution.
Il joue aussi assis sur un gros ballon qui saute au rythme des notes. On ne peut tout raconter de ce spectacle burlesque de haut vol avec une écriture, une diction et une gestuelle de tout premier ordre. Il y a aussi quelques mélodies
enregistrées mais, pas de chance, un chat se met à miauler sur la trop fameuse Lettre à Élise de Beethoven, une séquence de notes bien connue de tous les apprentis-pianistes et ne comportant qu’un seul sol. Et en un beau clin d’œil musical, tendant le bras dans un suprême effort, Jean-Paul Farré va réussir à décrocher… ce fameux sol. A soixante-quatorze ans, toujours aussi brillant, généreux et drôle, en un peu plus d’une heure, il réussit  à faire rire un public qui l’a longuement applaudi. Un bémol? Ne soyez pas effaré, Jean-Paul Farré, mais si vous pouviez demander à Stéphane Cottin de revoir une fausse fin. Assis sur le piano, le petit homme regarde le public en silence. C’est tout, et c’est une image magnifique. Et le public applaudit aussitôt ! Alors, pas besoin de ce dernier air et de nous dire : dessine-moi un piano, ce sera mon petit prince à moi…
A cette petite réserve près, allez-voir cette véritable merveille de poésie et loufoquerie qui va beaucoup plus loin qu’un spectacle de « théâtre musical » pour lequel Jean-Paul Farré avait reçu un Molière. Mais attention, il reste quelques dates seulement puisqu’il ne se joue pas tous les jours …

Philippe du Vignal

Jusqu’au 12 novembre, Studio Hébertot, 78 bis boulevard des Batignolles, Paris (XVII ème). Réservations par téléphone. T. : 01 42 93 13 04 du lundi au vendredi à partir de 17 h et  les samedis et dimanches à partir de 13 h. Ou sinon message  vocal.


 


Archive pour octobre, 2022

Le Message d’Argyris Chionis, par la compagnie APUS, mise en scène d’Anthi Founda

Le Message d’Argyris Chionis, par la compagnie APUS, mise en scène d’Anthi Founda

Cette pièce, que son auteur (1943-2011) a écrite en grec à Amsterdam en 1973, est inspirée d’une histoire de Franco Sacchetti, poète et romancier italien (1335-v. 1400) déjà curieusement proche… d’En attendant Godot de Samuel Beckett.

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Argyris Chionis surtout connu pour sa poésie et ses récits, n’a écrit que trois pièces. Dans cette farce en quatre tableaux, deux messagers (A et B) qui n’ont pas aucune destination précise, sont chargés de transmettre un message très important à un Monsieur inconnu. Ils doivent parcourir une distance énorme mais elle nous avons l’impression qu’elle est dans leur moi profond. Même toujours en marche, ils restent souvent immobiles dans un coin et ont oublié ce message important. Mais, à travers une série de micro-actions, ils font des efforts pour s’en souvenir, tout en se livrant à un délire existentiel, métaphysique et aussi profondément politique. Le metteur en scène a limité l’action, ce qui renforce l’allégorie de ce Message.

Les acteurs transforment tout au long du spectacle les éléments de décor  pour figurer un chemin, à une maison, voire une sorte de prison. Et cela accentue le fait que ces personnages sont condamnés à un ressassement et à des rappels lancinants de leurs repères. Anthi Founda a ajouté au texte original des répliques où il commente l’actualité contemporaine, comme la présence de la Police à l’Université. Antoine Kyriakakis et Georges Paterakis forment un duo aux mêmes codes d’expression et leur jeu très corporel souligne la parole politique, toujours entre burlesque et «sérieux». 

 Nektarios-Georgios Konstantinidis

 Théâtre Choros, 6-8 rue Praviou, Athènes. T. : 0030 2107234567.


No Oco de Loïc Touzé et Static Shot de Maud Le Pladec, par le Ballet de Lorraine

No Oco de Loïc Touzé et Static Shot de Maud Le Pladec  par le Ballet de Lorraine

En ouverture de leur onzième saison, Petter Jacobsson, directeur du Ballet et Thomas Caley, chargé de recherches, présentent un programme de danse contemporaine, comme il se doit, le Ballet Théâtre Contemporain, étant la  première troupe permanente «décentralisée » consacrée à la création d’aujourd’hui.  En 1978, elle prend le nom de Ballet-théâtre français de Nancy, puis acquiert sept ans plus tard le statut de Centre Chorégraphique National.
 Ces pièces aux climats très contrastés, étaient restées à l’arrêt à cause du covid. Cette reprise a ouvert un nouveau chantier pour les chorégraphes car un tiers des effectifs a changé depuis. Les deux propositions, diamétralement opposées, nous ont permis, une fois de plus d’apprécier la vitalité de cette troupe

No Oco, choréraphie de Loïc Touzé

NO OCO - Loïc Touzé - Ballet de Lorraine

© Laurent Philippe


Dans la pénombre en fond de scène, danseuses et danseurs attendent et bougent de manière imperceptible. Puis sur une longue banquette de bois, tour à tour siège ou podium qui barre le milieu du plateau, ils adoptent de nonchalantes postures avant d’entonner, en chœur, un motet de musique baroque anglaise.
Avec lenteur, chacun se déplace tranquillement suivant sa propre ligne d’erre, sans interaction avec les autres. Vingt-trois corps qui vont timidement former de brefs duos, ou trios, quittant puis regagnant le groupe…
Il y a comme un flottement dans l’air, et cela demande au spectateur de se laisser porter sur la vague du mouvement des danseurs, quand une partie d’entre eux va et vient à l’avant -scène, sous l’impulsion des gestes de leurs camarades assis au loin… Une grande liberté préside à No Oco. Comme à son habitude, Loïc Touzé décentre la danse hors de son périmètre spectaculaire, en lisière du champ chorégraphique, pour construire brique à brique une pièce avec ses interprètes, sans présupposé.
Il s’appuie, dit-il, sur un concept du sophiste grec Antiphon (480-410 avant J.C : l’arrythmiston : «Le non-formé, l’inorganisé, la libre structure, ce qu’il y a de plus fondamental dans un être, la matière passive qui reçoit le rythme ». Cela permet aux artistes de lâcher prise pour que la danse advienne, individuellement et collectivement. «J’ai compris, dit-il, que la danse apparaît, à la seule condition que le danseur, lui, se retire. »

Le chorégraphe fait partager aux jeunes interprètes le chemin qu’il a parcouru, lui, depuis qu’il a quitté l’Opéra de Paris, en quête d’un geste dansé émancipé. On perçoit dans No Oco la belle personnalité de chacun et la conjonction des énergies pour faire troupe. Il se dégage de cette tranquille recherche de l’être soi-même et ensemble, sans souci de la performance, une agréable sensation d’apaisement.Et, en cette période de tension. ces cinquante minutes sont les bienvenues,

Static Shot Chorgraphie de Maud Le Pladec

STATIC SHOT - Maud Le Pladec - Ballet de Lorraine

© Laurent Philippe

« Les nuances, allant du mezzo forte, au fortissimo, font de cette pièce un crescendo permanent, invitant le public à participer à une extase sans fin. » dit la chorégraphe  à propos de la tension permanente dans ce ballet. La musique de la D.J. Chloé et du compositeur Pete Harden soutient sans discontinuer, avec ses basses lancinantes, vingt-cinq minutes de danse extrême, à marche forcée.

Ni début ni fin dans cette pièce d’un seul tenant. Sans répit, obéissant à un rythme implacable, les interprètes n’ont pas d’autre choix que de rester dans le rang. Certains pourtant s’en distinguent sporadiquement, amorcent un écart, un strip-tease, aussitôt réintégrés dans les interminables processions, cercles et autres figures dessinées par la troupe. Ces corps enrégimentés dans une parodie de défilé de mode ou parade militaire, le public les distingue grâce aux costumes de Christelle Kocher, codés punk, « sportwear », tenue de soirée ou fête à thème. Une manière de souligner la personnalité des interprètes dans une uniformité de gestes dansés.

Nous retrouvons ici la radicalité de Maud Le Pladec qui s’est intéressée de près à la musique post-minimaliste américaine. Directrice du Centre Chorégraphique National d’Orléans, elle entend, avec ce « plan fixe », coaguler l’intensité physique et visuelle de la danse en une scène unique et servie par un ballet exceptionnel. Paroxystique jusqu’à la transe, cette pièce-choc captive le public, admiratif d’une telle cohésion entre individus.

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 23 octobre, à l’Opéra national de Lorraine, Place Stanislas, Nancy (Meurthe-et-Moselle) C.C.N. -Ballet de Lorraine, 3 rue Henri Bazin, Nancy. T. : 03 83 85 69 00.

Static Shot le 21 janvier, Lugano, Arte e Cultura, Lugano (Suisse) et le 4 mai, Le Phénix-Scène Nationale, Valenciennes  (Nord).

 

Le Roi Lear d’après William Shakespeare, traduction d’Olivier Cadiot, adaptation et mise en scène de Thomas Ostermeier

 Le Roi Lear d’après William Shakespeare, traduction d’Olivier Cadiot, adaptation et mise en scène de Thomas Ostermeier

 Dans son Manifeste pour un nouveau théâtre, Pier Paolo Pasolini écrit: «Le théâtre que vous attendez, même comme une nouveauté totale, ne pourra jamais être le théâtre que vous attendez. En effet, vous l’attendez nécessairement dans le cadre des idées qui sont déjà les vôtres.» Quid pour les critiques qui ont déjà vu la pièce dans d’autres mises en scène?

Pour Thomas Ostermeier, l’attention du public doit se porter ici sur la trahison d’Edmund, le« mauvais fils», enfant illégitime de Gloucester. Le thème principal de la pièce reste actuel: comment se transmet le pouvoir, une question au cœur des pièces de Shakespeare et pour Eric Ruf, l’administrateur de la Comédie-Française, sur une lande, un vieux roi déshérite Cordelia la plus sincère de ses filles et cela nous fait réfléchir à la déliquescence du pouvoir.

© J.L. Fernandez

© J.L. Fernandez

Et l’adaptateur et metteur en scène  ne dit pas autre chose: « Dans une réflexion sur la vieillesse, la richesse, l’héritage et la transmission de pouvoir, Shakespeare introduit grâce à des scènes-miroirs, une histoire parallèle où Gloucester se fait ravir le pouvoir par Edmund, son fils illégitime, très jaloux des prétendus privilèges réservés au fils légitime Edgar.
Le même Edmund qui représente la puissance échappera à Lear et essayera de séduire Goneril et Regan pour accéder au trône et ainsi au pouvoir absolu. » 

La pièce -qui entre au répertoire de la Comédie-Française- est ici très lisible. Avec une scénographie identique à celle de La Nuit des rois ou Tout ce que vous voulez, réalisés par le même metteur en scène: une passerelle centrale traversant l’orchestre vers une lande de terre.
Maisles acteurs nous emportent avec moins de folie dans cette fable universelle. Denis Podalydès, remarquable Lear sombrant peu à peu dans la démence, s’étonne de « l’apparente désinvolture que Thomas Ostermeyer affecte dans la construction et le mouvement des scènes. Soudain il les laisse en plan, les abandonne, au moment où la scène semble germer.»
Les comédiens ont en effet une grande autonomie et chacun incarne avec précision son personnage mais cela nuit à l’unité de jeu! Christophe Montenez, Edmund juste et machiavélique, s’adresse au public et cela crée un effet bien connu de distanciation… Joué par Eric Génovèse, Gloucester est seul, face à cruauté et à l’hystérie des sœurs manipulatrices, Gonerill (Marina Hands) et Regan (Jennifer Decker). Et nous ressentons la solitude de Kent (Séphora Pondi) et de Cordelia (Claïna Clavaron). Noam Morgensztern est un Edgar touchant dans son malheur. Thomas Ostermeier sait sans aucun doute mettre en valeur la virtuosité des acteurs du Français.
Cette mise en scène a été beaucoup attaquée, notamment pour sa traduction  et son manque de cohésion et de puissance. Mais elle vaut quand même le coup d’être vue: à condition d’oublier les références qu’on a du Roi Lear. Ici, il s’agit bien encore une fois d’une adaptation et dans la scène finale, Lear et Cordelia ne meurent même pas!  A vous de décider…

Jean Couturier 

Jusqu’au 26 février, en alternance. Comédie-Française, place Colette, Paris (Ier). T. : 01 44 58 15 15.

 

Niki, ce soir à la party, adaptation de Party chez Élisabeth P, de Niki Triantafillidi, réécriture et mise en scène de Roula Pateraki

Niki, ce soir à la party, adaptation de Party chez Élisabeth P de Niki Triantafillidi,  réécriture et mise en scène de Roula Pateraki

 Un spectacle en hommage à Niki Triantafillidi (1942- 2013), une femme exceptionnelle dans l’histoire de la culture grecque du XX ème siècle. Comédienne de rare qualité, elle excellait au théâtre, au cinéma comme à la télé. Elle a interprété des nombreux rôles importants du répertoire et a créé parmi d’autres, le court-métrage, To synithismeno mou oneiro (1970) et a joué pour les grands cinéastes Pantelis Voulgaris et Théodoros Angelopoulos. Elle enseignait aussi le théâtre dans des écoles d’art dramatique et a obtenu le prix Marika Kotopouli. Elle a fondé son propre théâtre, a signé des traductions et écrit trois pièces.

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Dans ce solo multimédias qui est aussi une performance, Victory of the Rose interprète une Niki Triantafillidi qui fait le bilan de sa vie intérieure et qui, à travers trois métamorphoses (Élisabeth, Maxime et Alice) et les personnages archétypes de la mère et du père, arrive aux tréfonds de son existence. Dans cette autofiction, l’auteure dévoile en chapitres sa personnalité, y compris son moi profond. Avraam Papavramopoulos crée ici un univers onirique avec projections d’images et tableaux qui renforce le trajet vers l’inconscient, le psychisme, l’esprit, les bons souvenirs et les refoulés de l’héroïne.
Une soirée se prépare selon un rituel établi où chaque objet aune valeur symbolique : table, verres, assiettes, petites statues simulant des invités. Bref tout un microcosme où qui montre par bribes les différentes facettes de la femme.
Nana Papadaki incarne tous ces personnages qu se livrent avec passion à un voyage vers l’âme. L’expression de son corps et son jeu énergique font de ce texte, un monologue presque métaphysique, celui d’une autre Alice au pays des merveilles…

 Nektarios-Georgios Konstantinidis

 Théâtre Fournos, 168 rue Mavromichali, Athènes. T. : 0030 210 6460748

 

Racine carrée du verbe être, texte et mise en scène de Wajdi Mouawad

Racine carrée du verbe être, texte et mise en scène de Wajdi Mouawad

 Extraire la racine carrée d’un nombre, une opération étrange rappelant le collège est ici associée à la conjugaison d’un des deux verbes auxiliaires. Calcul et grammaire : on ne les pratique plus guère en grandissant mais on n’oubliera jamais à quel point l’école compte pour former un être, dit Wajdi Mouawad. Commençons par le verbe : être, mot clé du théâtre depuis Shakespeare. «Être ou ne pas être? » Question étrange : nous sommes, nous pensons donc nous sommes. Mais qui, nous ? Moi ? Et si les hasards du destin en avaient décidé autrement ?

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La pièce arborescente de Wajdi Mouawad part d’une hypothèse: si le premier avion emmenant ses parents (lui avait neuf ans) loin du Liban en guerre, avait été celui de Paris, au lieu de celui de Rome ? Et si nous étions non seulement chacun soi-même, mais cinq ou six nous-mêmes possibles et différents, vivant en même temps, avec la même parentèle, dans d’autres villes et d’autres histoires ?Hypothèse culottée, que l’auteur, metteur en scène et acteur met en place posément, puis de façon de plus en plus vertigineuse.
Nous retrouvons Talyani Waqar Malik en chirurgien génial et odieux à Rome. Ensuite en peintre peut-être génial et un peu moins odieux (encore que…) aux Etats-Unis. Puis en commerçant cyclothymique, peintre lui aussi à ses heures, récupérant des pantalons dans sa boutique écrasée par l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020. Ses parents, eux, n’ont pas quitté le pays.
Puis en chauffeur de taxi parisien bien intégré et joueur de trompette entre deux prises en charge et en condamné à mort dont le propre père quitte ce monde, chacun attendant à la même seconde, l’injection finale…
Talyani Waqar Malik, le même et un autre, garde son nom et ses origines, et chacun pousse comme un rameau d’arbre, à sa façon, différente de celles de ses avatars, puisque pour lui l’histoire commence avec ce premier avion. Parfois, il aura deux enfants adolescents ou non, en conflit avec lui, comme dans n’importe quelle famille « normale », ou jusqu’à la guerre totale, parfois.
Nous ne perdrons jamais le fil et les suivrons tous jusqu’au bout. Ce sera drôle pour certains, et pour d’autres, ira jusqu’au tragique. Apparaîtront un bébé miraculé et curieux de l’assassin de ses parents, un roi Lear vendant à ses enfants un héritage imaginaire contre des certificats d’amour, une Antigone, une Tamar… Nous entendrons résonner les grands mythes antiques et bibliques. La famille n’est-elle pas le nid la tragédie ?

Dans la première partie du spectacle, Wouajdi Mouawad prend le temps de poser les règles du jeu, dont le sens se précise ensuite. Ce qu’il faut pour laisser pousser les ramifications de cette identité au pluriel, à partir d’un premier point de départ : l’avion, et autour d’une catastrophe : l’explosion du port de Beyrouth.Ensuite, tout s’accélère et s’approfondit à la fois: l’arbre métaphorique pousse ses racines et entrecroise ses branches. Et il n’est pas que métaphore : parmi les problèmes de société et d’une urgence actuelle, rencontrés dans la pièce, Wajdi Mouawad donne une grande place au sauvetage des arbres. Avec un hommage au grand jardinier Gilles Clément qui célèbre la capacité des arbres à se régénérer et à revivre sous d’autres formes, quand les créations humaines, vite obsolètes, encombrent la terre de débris toxiques.

Comment jouer une pièce feuilletée de tant de récits, grandes questions, affaires de famille, vies et morts ? Vite! Les interprètes ne perdent pas de temps, se renvoient la balle du texte, évoluent dans le décor sans cesse changeant d’Emmanuel Clolus, tenant le fil de chaque histoire.
Wajdi Mouawad joue le rôle multiple de Talyani Waqar Malik, qu’il a médité durant le confinement en silence dans la salle de répétitions. Il le partage avec Jérôme Kircher, son double de théâtre : même densité physique, même évidence dramatique.
Les différents Talyani Waqar Malik peuvent se croiser à la charnière d’une scène à l’autre, jusqu’à se trouver ensemble sur scène, quand toutes les destinées finissent pas se tresser. Un, plusieurs, cent mille, dirait Pirandello.
Nora Krief, la sœur de tous, comme le personnage du film de Saeed Roustaee Leila et ses frères, répond avec une grande justesse sur un ton égal et aussi forte, aussi présente, à quatre ou cinq histoires simultanées.

Parmi les prouesses de ce spectacle : une vertigineuses démonstration sur la racine carrée de 2 et les abîmes philosophiques et poétiques qu’elle ouvre. Entre autres, l’existence des nombres irrationnels (démontrée par le calcul de la raison), et le fait que cette suite infinie de chiffres contient-en représentant chaque lettre de l’alphabet par un chiffre- le mot : Hamlet en entier mais on ne nous dit pas en quelle langue….

Le public applaudit le spectacle avec un grand soupir de joie, rapportant chez lui quelques vérités solides comme : l’école est la seule chose qui peut faire de vous, un homo sapiens. Et il faut arrêter de plaindre les exilés de luxe et les sommer de rentrer au pays, non pour la nostalgie, mais pour le reconstruire, en famille. Qu’il ne s’agit pas d’être pour ou contre l’homosexualité, mais tout simplement d’aimer les gens, que c‘est une nécessité, comme la vie et la mort. Que ça vaut la peine d’écouter de longues et belles histoires tourmentées, à l’orientale. Que l’art est indispensable pour voir le monde, et que le calcul mathématique contient des surprises gigantesques et d’une beauté renversante.
Professeur Mouawad, n’arrêtez pas de nous faire la leçon. La vôtre est parfois drôle, parfois tragique, parfois confuse sur le moment mais s’éclaire ensuite. Grave, elle ose des transgressions : c’est la vie même.
Le mieux est de voir l’intégrale. Mais sinon les première et deuxième parties, et la troisième, le lendemain. De toute façon, vous aurez envie de voir la suite…

Christine Friedel

Jusqu’au 30 décembre, Théâtre National de la Colline, 17 rue Malte-Brun, Paris (XX ème). T. : 01 44 62 52 52.

 

Irish Travellers, Cabaret de l’exil, conception et mise en scène de Bartabas

Irish Travellers, Cabaret de l’exil, conception et mise en scène de Bartabas

 

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Deuxième volet d’un triptyque commencé l’an passé avec une plongée dans la culture yiddish et sa musique klezmer, le spectacle met à l’honneur les « nomades d’origine irlandaise en exil dans leur propre pays ». Accueillis chaleureusement dans la grande halle de bois circulaire, réalisée par l’architecte Patrick Bouchain, une sorte de bar-réfectoire peuplé des reliques de spectacles passés, à la manière d’un cabinet de curiosités du nomade: halte obligée avant d’être conduits  dans ce théâtre équestre, par une passerelle traversant les écuries où l’on distingue les bêtes…
De petites tables nous attendent, avec une boisson à base de whisky, histoire de nous mettre dans le climat de ce cabaret irlandais. Sur la piste, un troupeau de dindes picore tranquillement, pendant qu’un homme attise un feu de forge, allusion au métier de rétameur, pratiqué par ce peuple nomade aussi appelé les tinkers (tin : étain en anglais).

Autochtones, contrairement aux Tziganes, ces gens du voyage, souvent qualifiés de peuple cavalier – environ 30.000 en Irlande,15.000 en Angleterre et 10.000 aux Etats-Unis- circulent dans des roulottes dites irlandaises aux toits à arceaux comme ceux des charrettes des migrants américains. Mais ils sont de plus en plus sédentarisés et anglicisés, même si certains parlent encore le shelta, une langue entre anglais et gaëlique. 

Thomas McCarthy chante a capella en anglais ses ballades nostalgiques qui rythment les numéros équestres de la troupe. « À Zingaro, la musique est notre territoire et l’amour des chevaux, notre religion», dit Bartabas qui a écrit la plupart des poèmes et a réuni un orchestre typique de l’île d’Emeraude: Ronan Bléjean à l’accordéon, Gerry O’Connor au violon, Loïc Bléjean aux ulleann pipes (cornemuses irlandaises) et Jean-Bernard Mondolini au piano et au bodhran (tambourin).

Pour raconter l’exil intérieur des Travellers, une cavalière, au milieu de la piste, résume les paroles d’une chanson à venir: « Quand ma mère est morte, ils ont brûlé sa roulotte pour que son fantôme n’effraye pas les chevaux »… Plus tard, on brûlera, sur scène une maquette de roulotte posée sur un chariot tracté par un grand cheval de trait : Ô my rambling days (Ô mes années d’errance), entonne le soliste de sa voix rauque. Il chante sa liberté perdue quand il n’a plus pour horizon que des « tours de béton ».

 Un corbillard éclairé par des bougies avance, suivi en procession par les artistes de Zingaro dont certains en kilt, sans oublier le curé et son goupillon, personnage récurrent dans le spectacle. On le retrouvera entouré de moutons blancs à pattes noires, brandissant Bible et croix, des talismans qui n’empêcheront pas ses ouailles de suivre un beau diable cornu à tête de loup sur son fringant cheval noir… L’humour court tout au long de ce cabaret, en contrepoint de ces chansons nostalgiques qui disent l’effacement des «gitans de l’intérieur ».  Bartabas évoque aussi une monde joyeux, avec des images fortes comme ce danseur de claquettes (Mickaël G. Jouffray), sorti d’un gigantesque tonneau. 

Et dans cet univers de saloon, des numéros équestres scellent l’indissociable lien entre l’homme et le cheval. Des jockeys voltigeurs, des écuyères exécutant des sauts périlleux… L’une d’elles joue de l‘accordéon et du violon debout sur son cheval au trot, relayant  l’orchestre. Un joli numéro de dressage par une jeune écuyère naine que l’on reverra en mariée juchée, elle si petite, sur une grande mule blanche, accompagnée d’un époux ridicule sur son âne nain…

Bartabas convoque aussi d’étranges personnages comme un homme à tête de bouc, virtuose de la corde volante (Leonardo Montresor) et compose des instants suspendus de pure fantasmagorie, où un cheval blanc disparaît dans le brouillard, fantôme des légendes irlandaises… Un rappel de l’inoubliable Ex anima (voir Le Théâtre du blog).

 Un spectacle parfaitement rythmé par des fondus au noir, alternant chants, musique, scènes poétiques et numéros de voltige. On sent  en coulisse une équipe invisible: régisseurs et palefreniers, qui règle les apparitions des artistes et de leurs montures, sous des éclairages subtils. Bartabas nous entraîne une fois de plus dans un monde enchanteur où l’homme et l’animal jouent à part égale, avec simplicité et bonheur. Entre humour et nostalgie, de la belle ouvrage qui ravit le public. 

 Mireille Davidovici 

Jusqu’au 31 décembre, Théâtre équestre Zingaro, 176 avenue Jean JaurèsAubervilliers (Seine-Saint-Denis) T. 01 48 39 18 03.

Les Vêpres de la vierge bienheureuse d’Antonio Tarantino, traduction de Jean-Paul Manganaro, mise en scène de Jean-Yves Ruf

Les Vêpres de la vierge bienheureuse d’Antonio Tarantino, traduction de Jean-Paul Manganaro, mise en scène de  Jean-Yves Ruf 

 

Un petit homme frêle porte sur son bras, très simplement, comme un bouquet de fleurs embarrassant ou un enfant tenu avec une certaine maladresse, l’urne contenant les cendres de son fils.  C’est l’histoire d’un éloignement, d’une séparation, entre un pas-grand-chose de père et un fils inquiet, différent et qui se fera travesti à Milan. Il faudra son suicide par noyade pour que le père remonte le courant et, faute de le ramener à la maison, l’accompagne enfin.  Il parle de sa propre vie, pas reluisante, faite de bagarres et traîneries de bistrot, avec des copains qui ne valent pas mieux que lui.

© Alban van Hassenhove

© Alban van Hassenhove

Traversant son récit, la voix de la femme, de la mère, en colère contre ce propre à rien incapable d’apporter une lire à la maison, sinon fauchée en douce.
Et puis on entend celle du fils, douloureuse. Et c’est comme si ces voix transformaient l’homme. Elles font de lui le « psychopompe », le tendre accompagnateur de l’âme de son fils jusqu’au cœur de la mort. Ta robe de fille, tes talons hauts ? Oui, garde-les, glorieux, cela t’ouvrira une priorité chez les morts. Tu pourra te payer le passage du Styx.Et les anges battent des ailes, apaisants….

Antonio Tarantino, récemment disparu comme on dit, mais très présent par son théâtre, était aussi peintre et sculpteur. On est tenté de déchiffrer dans son écriture cette pratique d’artiste : il écrit comme on peint au couteau, avec de la matière, posée en gestes larges ou par petites touches. Cela donne une langue heurtée, bizarre, dérobée, avec des trous– rendons un hommage particulier au traducteur, Jean-Paul Manganaro- et pas commode à lire.
En compensation, cette langue donne beaucoup au théâtre, au personnage comme au comédien. Double effet : ce collage, ces accidents permettent aux différentes voix qui traversent ces Vêpres de se faire entendre, et au spectateur de suivre de mieux en mieux le chemin que fait dans sa tête ce père pas intéressant, à l’en croire.
On dira que c’est le principe même de l’écriture théâtrale, mais Tarantino en joue, dans ce flux interrompu, avec une force particulière.
Cette langue de théâtre unique permet de passer à l’état brut du social, au très intime, et du très intime, au spirituel. Tout en permettant au public de faire la synthèse des émotions ressenties. Grandissant son fils dans la mort, le père accède lui-même à une dignité et devient la « mater dolorosa » consolatrice « bienheureuse » de cette mort réconciliée.

Passion selon Jean est le premier texte d’Antonio Tarantino que Paul Minthe a apporté à JeanYves Ruf, en 2008.  Avec Olivier Cruveiller, il lui en avait fait entendre une lecture. Car il faut l’entendre, il faut l’effort des comédiens, leur présence physique pour que cette écriture prenne sens, avec sa force et sa musicalité.  Jean-Yves Ruf est musicien, et, avec Paul Minthe, a réussi l’interprétation parfaite.
Une mise en scène très discrète : le père est debout devant un banc,  finit par s’asseoir, avec ce poids lourd sur les bras, épuisé par le chemin parcouru dans sa conscience et ses émotions, mais l’air de rien, comme on attend l’autobus.  En réalité, il se passe beaucoup de choses. Acteur et metteur en scène, ensemble creusent de plus en plus profond, sans relâche, dans la vérité du personnage.
Et la vaillance du comédien suit, sans faille, sans lâcher la simplicité de l’ «homme de rien». C’est tout et c’est essentiel. Et sans doute, ce qui produit certains soirs, un si beau silence avant les applaudissements. Le public, lui aussi, est entré dans une émotion et une pensée partagées.

Christine Friedel

Jusqu’au 30 octobre, Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VIII ème). T. : 01 44 95 98 00.

Le texte de la pièce est publié aux Solitaires intempestifs.

 

Ημέρα Κυρίου (Jour du Seigneur) de Yannis Tsiros, mise en scène de Manos Karatzoyannis

Ημέρα Κυρίου (Le Jour du Seigneur) de Yannis Tsiros, mise en scène de Manos Karatzoyannis 

Après des études de dessin,  photo et musique, ce dramaturge et cinéaste grec excelle dans une parole théâtrale directe et réaliste. Une lecture de sa pièce Olga l’invisible avait été faite au Théâtre de la Ville, à Paris. Avec un esprit critique et  habileté, il sait créer  un suspense avec un message politique mais ouvert à plusieurs interprétations. Qui a raison et qui a tort ? Qui est le bourreau et qui est la victime, l’opprimant et l’opprimé ?  

Yannis Tsiros n’apporte pas de réponses toute faites mais des questions et crée un microcosme plein de contradictions, ambigüités et paradoxes, teinté de naturalisme et de cynisme.  Ici,  une dimanche en été, dans la cour de leur grande maison, Ioulia et Mathaios, avec Lena, leur domestique et Aris, le gardien, cherchent à savoir qui, la veille, a jeté une pierre contre la maison, provoquant des dégâts et bouleversant la vie quotidienne. Ils n’arriveront jamais à connaître le coupable mais peu importe…

© Elina Giounanli

© Elina Giounanli


Le public va  découvrir petit à petit le passé et la véritable identité de ces personnages. Et  à la fin, chacun avouera sa vérité où se mêlent le juste et l’injuste, le vrai et le faux, le secret et le mensonge. Soit un miroir de la société, face ses contradictions. Avec tout ce que cela  engendre d’inégalités et injustices entre riches et pauvres, favorisés et démunis, dirigeants et révoltés…Le metteur  en scène réussit à installer un mystérieux huis-clos dans un décor symbolique.
Et à un rythme soutenu, il  souligne non-dits et sous-entendus en faisant passer la pièce du chuchotement, au cri. Dans ces dialogues « naturels, » pointent l’angoisse et l’amertume, mais aussi une sournoise étrangeté. 

Les acteurs qui insistent sur le comportement de ces personnages de classe sociale opposée et toujours en guerre, adoptent un jeu neutre qui ne trahit pas leurs arrières-pensées.  Et cela pousse le public à réfléchir à l’influence de l’Histoire sur la vie personnelle de chacun…
Un bon spectacle à ne pas rater! 

 Nektarios-Georgios Konstantinidis 

Théâtre Stathmos, 55 drómos Victor Hugo, Athènes, T. : 0030 2105230267
https://www.youtube.com/watch?v=Jf7IGcGwfoQ&t=5s

Swiss Dance Week L’Albâtre de Clara Delorme, Aria de Jasmine Morand

Swiss Dance Week

 L’Atelier de Paris accueille à la Cartoucherie de Vincennes une semaine la danse suisse du Centre culturel de ce pays qui, pendant les travaux à son siège rue des Francs-Bourgeois à Paris, se décentralise dans l’hexagone.

 L’Albâtre, chorégraphie et interprétation de Clara Delorme

 

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© Cynthia Ammann

Nue, recroquevillée au coin d’un carré fluorescent et immobile comme un gros insecte ou un oiseau blanc, elle semble guetter une proie dans un silence absolu. Avec une lenteur calculée, elle se déploie, avance au milieu d’un socle de lumière aveuglante, s’y love avec précaution avant de s’ouvrir comme une fleur au soleil. «Je n’avais pas d’idées, vraiment rien, dit Clara Delorme. Le syndrome de la page blanche. Alors, je me suis dit que j’allais partir de ça: du blanc. A partir de là, Je me suis souvenue de Carré blanc sur fond blanc, le fameux tableau de Kasimir Malevitch. Et là, le blanc est devenu carré. Carré blanc. »

Exposant sa chair tendre et ses formes rondes, elle fait jouer les moindres muscles et tendons de son abdomen, sous l’effet de sa respiration. Une performance osée mais dont l’harmonie désamorce toute provocation. Un quart d’heure d’immaculée candeur, hors du temps. Présenté au Quarts-d’Heure du Théâtre Sevelin 36 à Genève où elle est artiste associée, et aux Urbaines de l’Arsenic à Lausanne, ce solo a été sélectionné par la fondation Pro-Helvetia qui finance beaucoup de nombreux projets culturels en Suisse.
L
a danseuse et chorégraphe y a créé, au printemps dernier, Clara Delorme lève la jambe pour faire ressortir ses lèvres vaginales, une courte forme où elle dénonce le harcèlement dans le milieu de la danse.

 Aria, chorégraphie de Jasmine Morand

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© Céline Michel et Jasmine Morand

Sur le ronron obsédant de quatre ventilateurs, un homme au corps puissant s’apprête à prendre le départ, comme immobilisé dans des starting-blocks. Il va, avec une lenteur méticuleuse, ramper prudemment vers un objet rond comme un ballon qui s’avère, la lumière venue, être un casque de moto.
Le danseur, tendu par l’effort, marche comme retenu et donc empêché d’atteindre son objectif.
Fabio Bergamaschi, athlète à la délicatesse d’un danseur, finit avec une gaucherie feinte, par s’emparer de ce casque convoité. Il en joue comme d’un trophée, jalousement, s’y tient en équilibre, jusqu’à s’en coiffer avant de s’immobiliser, statufié…

« En suggérant, dit la chorégraphe, la vitesse sans avoir recours à la rapidité, le corps et l’esprit sont maintenus dans une tension latente et prêts à toute accélération. » La pièce d’une demi-heure fonctionne sur cet équilibre entre mouvement et suspension,  non sans humour et en égratignant gentiment la virilité.

De formation à la fois classique et moderne, Jasmine Morand a débuté sa carrière au Centre Chorégraphique National-Ballet de Lorraine, avant de rejoindre l’Opéra de Zurich et le Ballet national slovène. Elle a fondé sa compagnie, Prototype Status, à Vevey et signe aussi des pièces au Tanztheater de Lucerne. Une artiste suisse à découvrir avec Lumen, un ballet pour treize danseurs. Lauréat du Label+Romand-arts de la scène, il est programmé au Théâtre des Abbesses à Paris, du 11 au 14 janvier.

 Mireille Davidovici

Jusqu’au 22 octobre à l’Atelier de Paris-Centre de développement chorégraphique national ,Cartoucherie de Vincennes. Métro : Château de Vincennes+ navette gratuite. T. : 01 41 74 17 07.

 

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