Zébrures d’automne à Limoges (suite)
Zébrures d’automne à Limoges 2022 / 2
Cette manifestation consacrée aux cultures francophones est installée cette année au cœur de la ville, place de la République, avec : librairie, salle de concert, cabane d’accueil du public et exposition retraçant les riches heures des Francophonies en Limousin…
Devenues Francophonies des écritures à la scène, avec Zébrures de printemps et Zébrures d’automne, ce festival a été inauguré à l’Opéra de Limoges avec un hommage à Monique Blin, une fondatrice de ce festival, disparue il y a deux ans.
La Ville a refusé accueillir le Q.G de cette manifestation à la caserne Marceau comme en 2020 et 2021mais Hassane Kassi Kouyaté, directeur depuis trois ans, espère avec cette nouvelle implantation toucher de nouveaux publics. Peu nombreux en effet sont les lieux où se croisent des artistes de nombreuses disciplines venus des cinq continents.
Chambre avec vieux, conception et mise en scène de Fabrice Gorgerat
Le metteur en scène suisse se lance dans une pièce intrigante et provocatrice sur le mythe célèbre de Tithon, le plus beau des hommes qu’aimait la déesse Aurore…Le poète anglais Alfred Tennyson (1809-1892) en avait tiré un poème dramatique où Tithon, prince troyen et frère de Priam, las de son inéluctable vieillesse, aspire à la mort.
Ici, pas de fioritures sentimentalistes, la jeunesse s’expose, insolente, sous les traits d’Aurore et de son double, en quête d’amour. Les comédiennes, excellentes danseuses, s’exhibent avec impertinence et drôlerie dans des costumes kitch.
Un jeune éphèbe apparaît : « Je suis tellement beau et j’aime ça. » Aurore le voit, l’enlève et l’aime. Zeus, décrépit et dérisoire, se vante : « J’ai des responsabilités, c’est moi qui tiens le monde ! » La déesse lui demande alors d’offrir l’immortalité à son amant. Zeus lui accorde. Mais elle a oublié de réclamer aussi l’éternelle jeunesse.
Les deux tourtereaux copulent et copulent sur une couche douillette, mais au fil du temps, c’est un vieillard ratatiné et malade qu’Aurore trouve dans son lit… Il ne lui reste plus, selon la légende, qu’à verser des larmes sur «son Tithon ramolli » comme le chantent les trois choristes, d’un certain âge eux aussi, qui commentent les péripéties en témoins narquois .
Cette pièce pourra choquer: elle aborde, avec humour et sans vergogne, la question de la vieillesse et de la fin de vie. Ce qui en Suisse, n’est plus un tabou…
Cette Terre me murmure à l’oreille, chorégraphie de Christiane Emmanuel
Trois danseurs d’origine et de sensibilité différentes confrontent leur styles. Entre Afrique et Martinique, la chorégraphe désirait « recoller les morceaux d’une histoire violente qui nous a séparés. » Les interprètes se trouvent au croisement de multiples racines: Jean-Félix Zaïre est martiniquais, Abdoulaye Konate et Christian Kossa sont ivoiriens.
Ici, corps et voix rythment la danse et explorent leurs attaches communes et déclinées en variantes selon les pays : mouvements issus du bèlè martiniquais mêlant chant, musique, danse et conte. Et les rites magico-religieux ivoiriens. Un jeu, quand, félins, ils rampent vers les coulisses. Un défi quand ils reproduisent ou moquent les grammaires corporelles proposées par chacun…
Mouvement et rythme se perdent, quand les danseurs en viennent à bavarder longuement dans leur langue respective. Mais les ils retrouveront bientôt le plaisir de bouger, en frappant le sol avec les pieds et les mains de façon répétée et ludique. Ils génèrent une complicité virile presque enfantine.
Ici, Christiane Emmanuel, formée à l’Académie internationale de danse à Paris et à l’École nationale d’art à Cuba, se met à l’écoute, à travers ces corporalités, de ce qui la relie à la Terre-Mère et fait communauté.
A suivre…
Mireille Davidovici
Zébrures d’automne ont eu lieu du 21 septembre au 1er octobre.
Les Francophonies des écritures à la scène, 11 avenue du Général de Gaulle, Limoges (Haute-Vienne). T. : 05 55 33 33 67