Poison 1 et 2 et 3 et Trahison et Antipoison ou Poison 4 conception, écriture et mise en scène d’Adeline Rosenstein

 Poison 1 et 2 et 3 et Trahison et Antipoison ou Poison 4, conception, écriture et mise en scène d’Adeline Rosenstein

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© Pierre Gondard

 Nous avions vu l’an passé, au festival de Marseille, le triptyque Poison 1,2,3 de ce laboratoire: un chantier documentaire où la metteuse en scène abordait la répression des mouvements d’indépendance (voir Le Théâtre du blog). Selon elle, aujourd’hui comme hier, les puissants sont plus forts et on a beau ruser pour saper le système, bien souvent, il vous dévore. Des compromis, à la trahison, il n’y a qu’un pas et finalement, on se retrouve de l’autre bord! Le Pouvoir a ses stratégies : le poison, une traîtrise instillée à petites doses dans les groupes rebelles, à coups d’intimidation physique et psychologique, propagande, corruption… Et bien peu de héros échappent à cette sape.

Avec ce laboratoire, Adeline Rosenstein réinterroge aussi l’héroïsme à l’aune de l’histoire officielle qui a tu l’activité des combattants de l’ombre, souvent des femmes. Elle montre quels sont ces processus, documents historiques à l’appui, mais surtout -ce qui fait l’originalité de son travail-  avec des moyens scéniques simples. Formée au travail de clown par Pierre Dubey à Genève, l’artiste suisse, aujourd’hui à Bruxelles, a appris la puissance du langage corporel. Et, à la complexité de l’Histoire, elle répond par une dialectique implacable et invente un théâtre de petits gestes. Les acteurs entrent ainsi avec légèreté dans la peau de héros mais aussi de traîtres ou demi-sel, avec des attitudes plus parlantes que les mots et des clichés pris sur le vif.

Ici aucun décor ni costume. Ils entrent dans les jeux de rôles que la metteuse en scène dirige en marge du plateau. A partir de témoignages, enquêtes historiques, documents d’archives, elle les installe dans des situations concrètes et décortique les postures qu’on adopte face à l’ennemi, et comment celui-ci réplique. Tout en analysant les rapports de force entre pouvoir et rébellion, la metteuse en scène dit aussi ses doutes quant à l’objectivité et à l’honnêteté d’une reconstitution théâtrale….

 Le spectacle programmé conjointement par les Théâtres de la Criée et du Gymnase à Marseille, adjoint un dernier opus à cette aventure artistique commencée en 2015. En première partie, des extraits des trois premiers volets de Laboratoire Poison. On y voit la trahison de certains militants du parti communiste belge, sous la torture et autres stratégies d’intimidation de la Gestapo et l’héroïsme de certains autres. Le parcours d’anciens héros de la Résistance française, devenus tortionnaires en Algérie. Ou l’arrivée au pouvoir de Patrice Lumumba son assassinat, par ses compagnons de lutte, soudoyés par les Belges et les Américains…

 Antipoison ou Poison 4 se penche plus précisément sur la part des femmes, grandes oubliées de l’Histoire, avec les figures de résistantes du PAIGC (Partido Africano da Independência da Guiné e Cabo Verde) et leur rôle dans la lutte de libération du Cap-Vert et de la Guinée-Bissau. L’équipe s’est rendue sur place pour recueillir des témoignages sur les compagnes de lutte d’Amilcar Cabral, héro célébré, assassiné par des membres de la branche militaire du PAIGC, en lien avec les autorités portugaises, six mois avant l’indépendance de la Guinée-Bissau en 1974.

Quid de Titina Sila, tombée sous les balles portugaises, d’Ana-Maria Soares, de Teodora Inacia Gomes et des autres? Des Guinéennes ou Cap-Verdiennes, témoins directs ou indirects des événements, ont en donné leur version et sont jouées ici par des comédiennes africaines en langue locale, en portugais ou créole, avec sous-titrages. Adeline Rosenstein complexifie le propos en soulignant que la traduction est une couche supplémentaire de trahison. Mais on s’y perd un peu…

Dans cette traversée de trois heures trente, les onze interprètes se prêtent à ces démonstrations orchestrées par la metteuse en scène, décrypteuse et révélatrice d’une geste historique souvent passée sous silence. Elle leur demande de représenter, par un regard torve ou franc, une posture tranchée ou incertaine, un positionnement dans l’espace, sous des éclairages héroïsant ou dramatisant, non pas des personnages, mais des figures en action Comme des enfants jouant à la guerre avec des fusils de bois, ils prennent plaisir à mimer actes de bravoure, violence et trahison. Et le public partage l’humeur ludique et l’intelligence pétillante des acteurs de ce laboratoire qui met aussi le théâtre en question…

 Mireille Davidovici

 Spectacle vu le 12 octobre à la Belle de Mai, hors les murs du Théâtre de la Criée, 30 quai de Rive-Neuve, Marseille (Bouches-du Rhône) T. : 04 91 54 70 54.

 Les 18 et 19 octobre, La Comédie de Valence (Drôme) et les 20 et 21 octobre, Le Liberté-Scène nationale de Toulon (Var).

Du 16 au 18 novembre, Théâtre des 13 Vents, Montpellier (Hérault).

Du 9 au 12 mars, Théâtre Varia-Rideau de Bruxelles (Belgique) ; du 16 au 18 mars T2G de Gennevilliers (Hauts-de-Seine) et du 22 au 25 mars, Théâtre Vidy-Lausanne (Suisse).

 

 

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