Politic(h)ien d’après Le Bréviaire des Politiciens de Jules Mazarin, adaptation et mise en scène de François Jenny

Politic(h)ien d’après Le Bréviaire des Politiciens de Jules Mazarin, adaptation et mise en scène de François Jenny

 

Politic(h)ien d’après Le Bréviaire des Politiciens de Jules Mazarin, adaptation et mise en scène de François Jenny dans actualites

© Camille Millerand

Cette «dramadie clownesque» prend sa source dans les préceptes rédigés par le cardinal italien tout au long d’une vie politique agitée. Protégé de Richelieu, ministre de Louis XIII et plus tard de Louis XIV, le «gredin de Sicile», mal aimé du peuple et des nobles, a mis dans ces conseils toute son expérience: de son ascension sociale, à ses nombreux revers, notamment pendant la Fronde.

Sous le masque d’un clown blanc, le comédien et metteur en scène donne une intemporalité à ce recueil de préceptes: «Vous y trouverez, écrit Umberto Eco, plein de gens que vous connaissez pour les avoir vus à la télé ou rencontrés en entreprise. » (…) « Nous avons là un modèle de stratégie démocratique à l’âge de l’absolutisme ! » (…) « En bref : 1. Simule. 2. Dissimule. 3. Ne te fie à personne. 4. Dis du bien de tout le monde. 5. Prévois avant d’agir. »

Visage blanchi et lèvres maquillées contrastent avec le sérieux d’un costume-cravate, uniforme des grands de ce monde, hommes d’affaires ou politiques. Un langage corporel ambigu qui permet en même temps de jouer les importants. Il prodigue conseils à ses pairs et ordres à sa domestique, et tourne en dérision son personnage.

Ce comique sous-jacent est redoublé par la présence en contrepoint d’une servante muette, sorte d’Auguste au féminin. Feignant la docilité, Marine Barbarit obéit à ses moindres gestes, mais glisse des clins d’œil complices à la salle. Elle prendra ensuite plus d’assurance dans son insubordination, en se mettant du côté des rieurs.

On reconnaît dans cette adaptation, réalisée à partir de la traduction de Florence Dupont, éminente latiniste, l’expérience de clown de François Jenny: ses guides furent la Klown Kompanie et les Colombaioni. Grâce à sa formation et à sa pratique de musicien -entre autres dans l’ensemble de musique baroque La Chapelle Rhénane à Strasbourg- ,il impulse le juste rythme à ce texte ardu et brut, la plupart du temps adressé à l’impératif, comme si Mazarin parlait à un élève, ou mieux à l’auditoire attentif que nous sommes…

Le Cardinal, en digne héritier de son compatriote Machiavel, décortique sans états d’âme, les règles issues de sa propre observation qui président à l’ascension sociale et politique. En particulier, la prudence et l’hypocrisie : «Que ton visage n’exprime rien, sinon une éternelle affabilité. » Se connaître soi-même, se contrôler et « connaître la grammaire des hommes »  est indispensable comme la tempérance : «Les grands de ce monde marchent à pas mesurés. »  « Ne te mets pas facilement en colère.» « Entraîne-toi à simuler chacun des sentiments qu’il peut t’être utile de manifester, jusqu’à en être comme imprégné. Ne dévoile à personne tes sentiments réels. Farde ton cœur comme on farde un visage.» « Il n’y a pas d’amis quand on marche vers le pouvoir. »

 Aucune allusion au Bien et au Mal, ni à Dieu ni à la foi, dans ce Bréviaire, malgré son titre et la condition de prélat de l’auteur. Il faut seulement être efficace et la conclusion est sans ambiguïté : «Simule et dissimule.» Un cynisme qui fait froid dans le dos et qui n’a rien à envier à celui de nos politiciens. Ce spectacle d’une heure dix, bien huilé et tout en finesse, est là pour nous en convaincre.

 Mireille Davidovici

 Jusqu’au 26 novembre, Les Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs, Paris (Ier). T. : 01 42 36 00 50.

 Le texte de la pièce est publié aux éditions Café Clima.

 

 

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