Starmania de Michel Berger et Luc Plamondon, mise en scène de Thomas Jolly, chorégraphie de Sidi Larbi Cherkaoui

Starmania de Michel Berger et Luc Plamondon, mise en scène de Thomas Jolly, chorégraphie de Sidi Larbi Cherkaoui

 Le metteur en scène qui avait mis en scène Thyeste de Sénèque (2018) au festival d’Avignon, (voir Le Théâtre du Blog) s’est attaqué à ce monument créé pendant un mois au Palais des Congrès à Paris en 79, donc avant sa naissance.Le spectacle a connu plusieurs mises en scène en France et dans le monde. Une version-concert avait été donnée en 2005 à Paris avec des musiciens de l’orchestre de l’Opéra.

Thomas Jolly, de manière fluide et lisible, nous emporte aisément dans le monde futuriste de Monopolis proche du Métropolis de Fritz Lang. Ici, l’espace, avec hauts châssis mobiles, deux plateaux tournants et écrans pour projections- vidéo, baigne dans une orgie de lumières, quitte à provoquer des crises d’épilepsie. De la chorégraphie, nous retiendrons quelques beaux effets de groupe. Quant à la musique, jouée en direct, elle avait tendance à couvrir parfois les voix.

 Mais tous les personnages sont là, avec leurs mélodies incontournables : Quand on arrive en ville, Le Blues du businessman, Un garçon pas comme les autres, Les Uns contre les autres, Le Monde est stone, Besoin d’amour.  Côme, dans le rôle de Johnny Rockfort a du mal au début, à s’affirmer vocalement et la mémoire de Daniel Balavoine nous hante….Mais, avec SOS d’un Terrien en détresse, il réalise un tour de force vocal en chantant sur deux octaves et demi.
La serveuse automate Marie-Jeanne que jouait Fabienne Thibault à l’origine, est ici chantée par l’excellent Alex Montembault, révélation de cette soirée. Pureté vocale, belle présence : il fera sans doute une grande carrière…
Lilya Adad (Cristal) s’impose aussi, mais l’apparition de son hologramme nous rend un peu nostalgique de France Gall, la créatrice du rôle. S’ajoute à cette tribu, un personnage qui existait à l’origine, le Grand Gourou Marabout, chanté en 1978 par Michel Berger, le mari de France Gall. Luc Plamondon et Fabienne Thibault, seuls survivants de cette aventure exceptionnelle, assistaient à la représentation.

Mais les paroles du célèbre opéra-rock sur fond de terrorisme et totalitarisme,signées Luc Plamondon et dites par Zéro Janvier (joué ici par David Latulippe) sont… inquiétantes. «Cessons de nous priver pour le Tiers-Monde qui nous remerciera bientôt avec des bombes, assurons la survivance de la race blanche. Je suis pour l’Occident, l’homme de la dernière chance. »
« Mon intention était de proposer une narration lisible, dit Thomas Jolly, par-delà la vie autonome que les chansons ont acquise en quarante ans de succès. »Il réussit à faire revivre cet opéra-rock mythique et ce nouveau Starmania est promis à un succès certain et mérité, vu le travail accompli par les équipes artistiques et techniques. Le metteur en scène a démissionné du Centre Dramatique National-Le Quai à Angers, pour préparer la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques à Paris en 2024…

Jean Couturier

Jusqu’au 29 janvier, La Seine Musicale, île Seguin, Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). T. : 01 74 34 54 00.
www.starmania-officiel.com


Archive pour 14 novembre, 2022

Après coup de Tadrina Hocking et Sandra Colombo, mis en scène de Christophe Luthringer

Après coup de Tadrina Hocking et Sandra Colombo, mise en scène de Christophe Luthringer

Les autrices ont écrit cette pièce (au titre cynique!) après avoir interrogé des personnes qui travaillent dans le milieu associatif, en lien avec les Délégations régionales aux droits des femmes et à l’égalité. Et elles ont aussi récolté des témoignages, se sont inspirées de livres et films. Le thème est hélas! très actuel : comment dans un pays dit civilisé, toutes classes sociales confondues, des épouses, compagnes ou ex, subissent des violences et chaque année, plus d’une centaine finissent par en mourir? Qui est coupable, ou du moins responsable ? Celles qui avaient honte et ont caché leur détresse ? Ceux et celles parmi les voisins et amis qui n’ont pas vu, ou voulu, voir ? Ou les services de police qui ont négligé le n ième signalement donné par la victime, celui de trop? Et comment trois amies peuvent-elles se retrouver après ce cauchemar ?

«Et si nous arrivions à faire rire ? disent Tadrina Hocking et Sandra Colombo.  Il faut affronter la question, parler de la mort violente qui peut arriver dans la vie, de la question de l’autre et de celles qui restent. Nous voulons entrer dans le vif du sujet par l’intermédiaire de la comédie qui nous est apparue comme un moyen efficace pour nous adresser au plus grand nombre. Le rire comme rempart et en étendard, le rire parce qu’il permet le partage, l’échange et fait passer la dureté, l’impensable, le cauchemar. Comme l’écrivait Bergson, le rire s’adresse à l’intelligence pure. » Bien vu…

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Cela se passe dans un chalet de montagne isolé et donc propre à des retrouvailles – un truc pas neuf au théâtre mais efficace- où quatre jeunes femmes, amies depuis l’adolescence, sont heureuses de se voir quelques jours, et avec une tendresse palpable. D’abord autour d’un vin chaud et d’un bon repas. Oui, mais… bien entendu; il y a un «mais» dans ce scénario bien ficelé et aux dialogues écrits avec soin.
L’une, Belinda en grande robe rouge, semble invisible et nous allons vite comprendre que, cette présente/absente ou cette morte/vivante, est morte sous les coups de son conjoint. Les morts, surtout les pères (Darios dans Les Perses d’Eschyle, puis le papa d’Hamlet chez Shakespeare, etc.) ont toujours hanté le monde du théâtre…. Tadrina Hocking et Sandra Colombo ont été bien éduquées…

La pauvre Belinda dit avoir commencé à avoir peur mais n’a pas voulu accepter les choses : « On ne peut pas avoir peur de celui qu’on aime plus que tout au monde. Ce n’est pas possible. Et puis j’avais honte. La honte et la peur, ça fait taire. Si seulementLe plus étrange, c’est que je me suis dit que tout ça était normal. Que c’était de l’amour, de la passion. Tout ne commence pas avec des coups. Oh ! Non. Ce serait trop facile. Trop évident. Personne ne se ferait prendre. C’est un long processus, une lente dégradation.»
Elle raconte que, très jaloux, Il (pas de prénom, donc plus universel) est allé la voir dans son cabinet de dentiste, qu’il l’a battue et lancée contre le mur et lui a fracassé le crâne. «Il m’a craché dessus et il est parti. J’ai voulu attraper mon portable pour demander de l’aide. Mais c’était trop tard. Trop tard. »

Pourtant ses amies n’ont pourtant rien vu venir et sont maintenant rongées par la culpabilité. Magali : «Non à moi ! Si j’avais pu changer le destin de Belinda? Hein ? Ambre : « C’est dingue, tu peux pas t’empêcher de toujours tout ramener à toi. Magali : Je vous ai menti. »
La reconnaissance de cette faute ou responsabilité partagée va être l’occasion d’un règlement de compte généralisé, tantôt dans une relative douceur, tantôt dans un affrontement assez violent entre ces jeunes femmes. Les non-dits du passé refont surface. Surtout quand Ambre arrive avec un sac de congélation empli des cendres de leur amie et qu’elle a volées… Bref, dans un cadre des plus chaleureux, la folie est en marche…
Aude Roman (Sophie), Valérie Moinet (Magali) ou Marie Le Cam en alternance, Tadrina Hocking (Ambre), Gwenda Gunthwasser (Belinda) arrivent sur le plateau vide au sol noir. où il y a seulement quatre pupitres tout aussi noirs. Rigoureusement alignés face public. Et elles commencent par lire leur texte, ou plutôt font semblant de lire. Les tablettes, une fois basculées, laisseront voir des verres posés sur des nappes Vichy rouge. Les amies boiront un vin chaud invisible puis les pupitres disparaîtront et deux d’entre eux réunis feront office de table. Bon, cette mise en scène, qui ne commence pas très bien, est assez approximative. Manque un plus d’intimité entre ces jeunes femmes et pourquoi avoir voulu ce grand plateau noir où tout est noir, même les quelques chaises? Pour faire tragique?

Mais Christophe Luthringer a bien dirigé ses actrices, toutes très crédibles et qui s’emparent avec gourmandise et efficacité de ces dialogues finement ciselés et à l’humour cinglant : «Ambre : Mais oui ! On va chez ses parents avec le sac congel : “Dring dring ! C’est Picard ! Veuillez nous excuser, mais compte-tenu du fait que vous n’avez pas pris en considération les souhaits de votre fille concernant sa mort, j’ai volé ses cendres, mais comme Sophie et Magali ne sont pas d’accord, je suis très embêtée. Alors voilà, je vous la rends ! Il y a pas tout mais vous avez le reste.”
C’est parfois un peu facile du genre: Sophie: «On ne tue pas les vaches ou les brebis pour avoir du lait. Alors pourquoi, tu manges pas de fromage ? Le fromage, quand même… c’est l’une des meilleures choses sur terre. Magali : « Tu crois qu’elle est bien traitée la vache qui fait ton fromage à raclette ? Et son petit ? Tu sais comment il a fini son bébé-vache ? Sophie : Je sais pas… je me suis jamais vraiment posé la question. Magali : Tu devrais. »

Bref, ces amies resteront unies mais il y aura comme un avant et un après dans leurs relations: nous sentons comme un brin de nostalgie chez elles après cette disparition tragique. Et semblent dire aussi Tadrina Hocking et Sandra Colombo, le fantôme de leur amie est bien présent; cela s’appelle sans doute vieillir et ainsi va la vie.  A l’extrême fin, on l’entend dire face public ces quelques mots: « Moi… je ne suis plus qu’une trace. Je m’appelle Belinda et je suis l’une des cent-dix huit femmes mortes sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint depuis le début de l’année 2022. » En ce domaine, notre douce France a bien du retard…
Silence impressionnant dans la salle. Les autrices réussissent sans inutile mélo avec intelligence, humour et sensibilité, à mettre le doigt où cela fait mal. En une heure et quelque, la messe est dite, et bien dite. Servie par des actrices expérimentées avec une interprétation à la fois généreuse et efficace. Et Aldo Gilbert a réalisé un bon travail sonore : bruit de couverts, ouverture d’une porte-fenêtre… Allez voir ce spectacle, pas loin d’un théâtre documentaire et dont le texte mériterait aussi une version agit-prop/théâtre de rue. Il ne peut laisser indifférent, même s’il mérite une mise en scène plus solide mais bon, c’était une première et les choses évolueront sûrement…

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 6 novembre, au Carré Bellefeuille, rue Bellefeuille, Boulogne (Hauts-de-Seine).

Du 23 au 27 novembre, Théâtre de l’Opprimé, rue du Charolais, Paris (XII ème). Et ensuite en tournée.

We wear our wheels with pride and slap your streets with color…we said bonjour to satan in 1820… chorégraphie de Robyn Orlin

We wear our wheels with pride and slap your streets with color…we said bonjour to satan in 1820… chorégraphie de Robyn Orlin

 

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© Jérôme Séron

«Nous sommes fiers de nos roues et éclaboussons vos rues, de couleurs… Nous avons salué Satan en 1820…. » Un titre qui en dit long sur les conducteurs de rickshaw à Durban, auxquels Robyn Orlin a dédié cette pièce. Ils fascinèrent la chorégraphe sud-africaine encore enfant: « Je me demandais pourquoi les anges s’envolaient ainsi et réatterrissaient .»
C’était au temps de l’apartheid et la plupart étaient zoulous. Au XIX ème siècle, leurs ancêtres, des esclaves, tiraient en pousse-pousse les colons britanniques, débarqués depuis 1820 au Cap… Elle ressuscite ces as du pousse-pousse, en une joyeuse horde colorée avec six jeunes danseurs et les musiciens d’ukhoikhoi : Yogin Sullaphen et Anelisa Stuurman.

 La chanteuse mène la danse avec sa voix chaude, profonde, parfois aigüe,  imposante et demande au public de participer à la mise en route de la représentation, en encourageant les interprètes par un  « humm » général, puis en simulant le balancement des passagers sur la banquette d’un cyclo-pousse. Les spectateurs de la salle Gémier s’agitent d’avant en arrière, en une vague joyeuse : «J’ai toujours eu ce besoin, de casser la barrière entre public et interprètes, dit Robyn Orlin. Qu’il se passe un échange… »  Ici, le mouvement crée la communication .

Emportés par cette fougue, les danseurs s’élancent et courent, rivalisant de virtuosité. Ils portent d’impressionnants casques aux cornes démesurées et leurs costumes éclaboussent  de couleurs le plateau. Captés par des caméras, leurs corps en mouvement se démultiplient grâce à des effets d’optique sur un écran à l’arrière-plan. Les artistes se suspendent à une longue barre horizontale, s’égayent en groupe ou en solos sur le grand plateau, entraînés par les percussions d’Yogin Sullphen et le chant pénétrant d’Anelisa Stuurman.

Ils disent l’histoire de ces amahashi (chevaux en zoulou), un sobriquet donné par les colons aux meneurs de pousse-pousse. A la fois, poétique et péjoratif, il traduit la condition de ces hommes noirs, transformés en bêtes de somme et ici magnifiés par ce ballet éclatant comme un feu d’artifice.

 Ce travail de mémoire emprunte aux danses traditionnelles d’Afrique du Sud, notamment les danses zoulou caractérisées par des envols et des chutes. Un style qui convient à ces «anges» à qui Satan n’a pas coupé les ailes, des ailes qu’en pourfendeuse du colonialisme, Robyn Orlin leur rend.

La « jeune danseuse très en colère » qu’elle était en 81, l’est restée et transmet son art et son engagement aux six jeunes interprètes de la Moving into Dance Mophatong, une des premières compagnies mixtes d’Afrique du Sud, fondée par Sylvia «Magogo» Glasser en 78, en résistance à l’apartheid. Des bourses ont permis à de centaines d’étudiants pauvres d’avoir une formation et beaucoup sont devenus des artistes à succès.

 Mireille Davidovici

 Le spectacle a été joué du 9 au 12 novembre, à Chaillot-Théâtre national de la danse, 1 place du Trocadéro, Paris (XVI ème).

La Galerie, mise en scène d’0livier Lépine, par Machine de cirque

La Galerie, mise en scène d’0livier Lépine, par Machine de cirque

Les arts plastiques et la danse s’invitent dans le nouveau spectacle de la compagnie québécoise. Sept acrobates explorent une galerie de peinture, aux toiles étonnamment vierges. Olivier Lépine, et son fondateur et directeur artistique Vincent Dubé, ont ici réuni le Quatuor Stomp et le Trio Moi, pour transformer cet espace chic en un joyeux méli-mélo.

Lyne Goulet  joue du saxophone, du triangle et de la voix, en une sorte de volapük, pour enrégimenter la troupe, pour enrégimenter la troupe. D’abord tirés à quatre épingles, comme ce lieu d’exposition, les circassiens se livrent à des acrobaties mesurées, dansent et jonglent élégamment… Marie-Michèle Pharand vient avec malice perturber les échanges complexes de massues blanches, révérées comme des pièces de musée.

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©Emmanuel Goulet

Mais la sagesse n’est pas le fort de ces artistes polyvalents qui vont passer de l’autre côté du miroir et du décor. Les lumières rougeoient derrière les châssis qui se déchirent et se démantèlent. Un ballet permanent d’éléments fait place à des numéros enchassés:  duo poétique (roue de Cyr/roue allemande avec Gaël Della Valle et Adam Strom;  saltos rebondissants sur une barre russe de Pauline Bonanni et Gaël Della Valle ; périlleuses envolées à la bascule coréenne ; empilements de corps sur les épaules du porteur Valdimir Lissouba, ou encore des pirouettes facétieuses et mains à mains virtuoses… Ces artistes réinventent les classiques du cirque contemporain en une danse fluide et désinvolte. Un mouvement perpétuel qui se conclut par un véritable bain de couleurs, pour recomposer une espace arc-en ciel. Vitalité et impertinence ont contaminé cette galerie d’art guindée.

 Issus pour la plupart des écoles de cirque de Québec ou de Montréal, certains sont aussi  passés par le Cirque du Soleil ou le Cirque Éloize. Jongleries inédites, acrobaties réglées comme une chorégraphie étourdissante à géométrie variable : un morceau de bravoure, avec humour en prime ! Un concentré de cirque vitaminé et drôle à voir pour le bonheur de tous.

 Mireille Davidovici

Jusqu’au 26 novembre, La Scala , 13 boulevard de Strasbourg, Paris (X ème). T. 01 40 03 44 30.

 

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