We wear our wheels with pride and slap your streets with color…we said bonjour to satan in 1820… chorégraphie de Robyn Orlin
We wear our wheels with pride and slap your streets with color…we said bonjour to satan in 1820… chorégraphie de Robyn Orlin
«Nous sommes fiers de nos roues et éclaboussons vos rues, de couleurs… Nous avons salué Satan en 1820…. » Un titre qui en dit long sur les conducteurs de rickshaw à Durban, auxquels Robyn Orlin a dédié cette pièce. Ils fascinèrent la chorégraphe sud-africaine encore enfant: « Je me demandais pourquoi les anges s’envolaient ainsi et réatterrissaient .»
C’était au temps de l’apartheid et la plupart étaient zoulous. Au XIX ème siècle, leurs ancêtres, des esclaves, tiraient en pousse-pousse les colons britanniques, débarqués depuis 1820 au Cap… Elle ressuscite ces as du pousse-pousse, en une joyeuse horde colorée avec six jeunes danseurs et les musiciens d’ukhoikhoi : Yogin Sullaphen et Anelisa Stuurman.
La chanteuse mène la danse avec sa voix chaude, profonde, parfois aigüe, imposante et demande au public de participer à la mise en route de la représentation, en encourageant les interprètes par un « humm » général, puis en simulant le balancement des passagers sur la banquette d’un cyclo-pousse. Les spectateurs de la salle Gémier s’agitent d’avant en arrière, en une vague joyeuse : «J’ai toujours eu ce besoin, de casser la barrière entre public et interprètes, dit Robyn Orlin. Qu’il se passe un échange… » Ici, le mouvement crée la communication .
Emportés par cette fougue, les danseurs s’élancent et courent, rivalisant de virtuosité. Ils portent d’impressionnants casques aux cornes démesurées et leurs costumes éclaboussent de couleurs le plateau. Captés par des caméras, leurs corps en mouvement se démultiplient grâce à des effets d’optique sur un écran à l’arrière-plan. Les artistes se suspendent à une longue barre horizontale, s’égayent en groupe ou en solos sur le grand plateau, entraînés par les percussions d’Yogin Sullphen et le chant pénétrant d’Anelisa Stuurman.
Ils disent l’histoire de ces amahashi (chevaux en zoulou), un sobriquet donné par les colons aux meneurs de pousse-pousse. A la fois, poétique et péjoratif, il traduit la condition de ces hommes noirs, transformés en bêtes de somme et ici magnifiés par ce ballet éclatant comme un feu d’artifice.
Ce travail de mémoire emprunte aux danses traditionnelles d’Afrique du Sud, notamment les danses zoulou caractérisées par des envols et des chutes. Un style qui convient à ces «anges» à qui Satan n’a pas coupé les ailes, des ailes qu’en pourfendeuse du colonialisme, Robyn Orlin leur rend.
La « jeune danseuse très en colère » qu’elle était en 81, l’est restée et transmet son art et son engagement aux six jeunes interprètes de la Moving into Dance Mophatong, une des premières compagnies mixtes d’Afrique du Sud, fondée par Sylvia «Magogo» Glasser en 78, en résistance à l’apartheid. Des bourses ont permis à de centaines d’étudiants pauvres d’avoir une formation et beaucoup sont devenus des artistes à succès.
Mireille Davidovici
Le spectacle a été joué du 9 au 12 novembre, à Chaillot-Théâtre national de la danse, 1 place du Trocadéro, Paris (XVI ème).