Festival Plein Phare au Centre National Chorégraphique du Havre

Festival Plein Phare au Centre National Chorégraphique du Havre


Fouad Boussouf,  récemment nommé directeur du CCN Le Phare, à la suite d’Emmanuelle Vo-Dinh, met pleins feux sur la danse, en ouvrant la saison avec un nouveau festival qui lui ressemble: «mêlant, 
dit-il, différentes formes et différentes esthétiques, urbaines, contemporaines ou sans étiquette .» (…) « Il est urgent de se retrouver et de danser.» Interprète et chorégraphe, fondateur de la compagnie Massala en 2010, il a su convaincre les programmateurs avec des créations comme Näss, Oüm et Yës qui font une longue tournée dans l’Hexagone et jusqu’aux Etats-Unis.  On pourra voir ces œuvres pendant le festival qui accueille vingt-quatre spectacles, dont trois créations, deux pièces étrangères et quatre, de troupes normandes. Il y aura aussi une journée consacrée aux pratiques amateurs et à un projet mené au centre pénitentiaire du Havre.

Plein Phare implique onze partenaires dont le Conservatoire, le Musée d’art moderne André Malraux, La Scène nationale-Le Volcan, la Bibliothèque Universitaire… Avec un programme à l’image du projet du nouveau directeur: «Amener la danse partout, en commençant par le Havre, et aller plus loin dans la région, dans les zones rurales, encore peu irriguées par la danse.» Et Fouad Boussouf envisage une ouverture à l’international, notamment aux Etats-Unis… Le Phare, quartier de l’Eure près des docks, est au centre de l’événement et les créations mettent en lumière les interprètes habituels de Fouad Boussouf. Avec, pour entrée en matière, une performance de Filipa Correia Lescuyer qui se glisse, serpentine, dans le hall, parmi le public…

Emprise, de et par Maxime Cozic

Festival Plein Phare au Centre National Chorégraphique du Havre dans actualites compagnie-felinae--300x200

© Compagnie Felinae

Venu du hip hop et formé en danse contemporaine, jazz et classique, il signe là son premier solo. Felinae, le nom de sa compagnie, est en accord avec le caractère souple et tonique de cette pièce. Tel une araignée tissant sa toile, il a des gestes insolites avec mouvements de poignets et de bras confinant au tic mais qui deviennent les éléments d’une grammaire personnelle élaborée. Dans Emprise, il  dissèque et transforme les gestes involontaires qui échapperaient au contrôle de tout un chacun pour nous les renvoyer comme des clins d’œil. Il crée aussi un répertoire de différents styles glanés au cours de nombreuses collaborations avec, entre autres, Mourad Merzouki, puis Fouad Boussouf, Mickaël Le Mer et Étienne Rochefort.

Debout en équilibre entre verticalité et horizontalité, à la fois calme et nerveux, il ne joue pas l’esbroufe et danse avec une précision millimétrique, sur une musique étrange de Jimmy Febway.

Âmes, chorégraphie de Fouad Boussouf

Âmes_

© Fouad-Boussouf

 Pour la première fois, le chorégraphe se confronte au format du solo et en a créé deux, -quarante minutes chacun- à l’occasion de ce Plein Phare. Cordes et Âmes se répondent et seront présentés ensemble. «Le solo, dit Fouad Boussouf, me met au défi de tout faire pour qu’une personnalité qui m’inspire,  révèle la part non visible qui l’anime.» Sami Blond fait partie de sa galaxie d’interprètes et a été pour lui  le point de départ d’ Âmes : «Il avait beaucoup d’histoires à raconter, une colère et une douceur qui me parlent.» Mais loin d’un seul en scène, la pièce convoque un compère, le comédien et pianiste Mathieu Morelle, qui sera le porte-parole de l’univers intérieur du danseur.Et bientôt dix amateurs les rejoindront sur scène.

Des bribes de phrases ponctuent les déplacements, le danseur entraînant son partenaire à arpenter la scène et à tenter de petits mouvements. Le texte, établi par Mona El Yafi à partir d’entretiens avec Sami Blond, reste léger et allusif : des échappées poétiques ponctuées par de discrets lancés de sable bleu. Le danseur développe une gestuelle leste, tantôt en douceur, tantôt en force, et des mouvements tournants, répétitifs. Sous les lumières de Nicolas Faucheux, le sol se couvrira petit à petit de grains colorés où les pas traceront des itinéraires. «Au commencement, dit le chorégraphe, il y a eu l’idée de marquer le sol avec des empreintes liées au temps qui passe .»

Pour retracer en mots et en images le parcours imaginaire du danseur, la musique discrète d’Eryck Abecassis fait appel aux éléments : comme le vent comme, invitation au voyage ;  un violoncelle marque la nostalgie, au diapason de J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans de Charles Baudelaire, concluant cette rêverie dansée. Les derniers vers résonnent dans une pluie de sable, transformant le plateau en sablier du temps: «Désormais tu n’es plus, ô matière vivante!/Qu’un granit entouré d’une vague épouvante/Assoupi dans le fond d’un Sahara brumeux/Un vieux sphinx ignoré du monde insoucieux/Oublié sur la carte, et dont l’humeur farouche/Ne chante qu’aux rayons du soleil qui se couche.»

Âmes se voit et s’entend comme un poème dramatique corporel. A ne pas manquer.

Mireille Davidovici

Plein Phare du 18 novembre au 3 décembre.

Spectacle vu le 19 novembre au Phare, 30 rue des Briquetiers, Le Havre (Seine-Maritime). T. : 02 35 26 23 00.

 Âmes, les28 et 29 janvier dans le cadre de Suresnes Cité-Danse, Théâtre Jean Vilar, Suresnes (Hauts-de-Seine).


Archive pour 21 novembre, 2022

Paléolithique Story (Comment avons-nous pu nous retrouver si coincés?), texte de Lazare Boghossian, Marion Stenton et textes pré-existants, conception et mise en scène de Mathieu Bauer, composition musicale de Sylvain Cartigny et Lawrence Williams 

©x

©x

Paléolithique Story (comment avons-nous pu nous retrouver si coincés?), texte de Lazare Boghossian, Marion Stenton et textes pré-existants, conception et mise en scène de Mathieu Bauer, composition musicale de Sylvain Cartigny et Lawrence Williams 

 Cela se passe aux temps préhistoriques et dans une grotte, puisqu’il y a stalagmites (en résine et bien laides ! dont certaines ont des têtes d’hommes. Mais aussi de nos jours avec un échafaudage sur roulettes, un réfrigérateur. Dans des costumes tout aussi laids,  évoluent des musiciens (percussions, trompettes, deux pianos, guitares, banjo, saxos, accompagnant parfois voix en solo et en chœur). Et Emma Liégeois, la belle actrice de cinéma et chanteuse en robe à damier noir et blanc et escarpins… Impeccable et juste, elle apporte au moins un peu d’air frais dans ce spectacle estouffadou et prétentieux…

Paléolithique Story, c’est surtout une musique maîtrisée mais trop forte (et les acteurs-chanteurs hurlent dans des micros H.F.) Mathieu Bauer essaye ici de la mettre en phase avec  des textes sur la paléontologie, dont celui bien connu, écrit par Georges Bataille sur les peintures de Lascaux. Mais faute d’une véritable dramaturgie, le spectacle -bien longuet- navigue sans arrêt entre concert, petite intrigue avec pauvres dialogues, conférence et textes et/ou images projetées. But de l’opération: nous emmener dans une plongée paléontologique et remettre en question des  stéréotypes qui circulent encore. Comme la division du travail entre hommes-chasseurs et femmes- cueilleuses. Ou expliquer la naissance de la propriété et les inégalités sociales. Soit une petite balade de milliers de siècle de 35.000 ans (le Paléolithique supérieur et 6.500 ans (le Néolithique quand le climat a commencé à se réchauffer.
Le rapport au territoire  a alors changé et est apparue toute une évolution technique en prolongement de l’évolution biologique et sont alors apparues l‘agriculture, et avec elle, la propriété, le pouvoir exercé par des hommes sur d’autres hommes, les organisations sociales et le réalisme en art. Tout ce qu’explique très bien André Leroi-Gourhan, notamment dans
Le Geste et la parole. Mais aussi les inégalités, les invasions et guerres,  soit plus de six mille ans avant J.C. et  donc quelques milliers dannées avant la civilisation grecque. De quoi donner le vertige…

Oui, mais voilà, comment parler de cette évolution passionnante de l’espère humaine dans un spectacle? Il y a ici une trop grande accumulation de signes:  musiciens qu’on regarde jouer, texte dit, ou lu sur écran, photos de silex, crânes, squelettes en position fœtale qui défilent vite sur un rideau en plastique ou sur le mur du fond, etc. Et tout se passe comme si Mathieu Bauer avait été dépassé par l’ampleur du thème et le spectacle n’a pas été assez trvaillé en amont… Même s’il y a parfois de belles images, comme à la fin, avec le squelette entier d’un de nos ancêtres, arrivant sur un lit de terre et aux pieds duquel un des chercheurs vient déposer un gros bouquet de fleurs rouges…

«Gageons, dit Mathieu Bauer, que la démarche aléatoire qui sera la nôtre permettra de remplir notre panier d’une multitude d’idées, de pensées, d’images, de signes et de situations, à même d’être dégusté avec délectation par les spectateurs. »(…) « Les textes de Lazare Boghossian, les légers et distanciés révèleront par un jeu de contrastes, les enjeux essentiels que porte le projet. » Désolé, il y a bien multitude mais, pour la dégustation avec délectation, faute d’un texte et d’une dramaturgie efficace, que nenni et aucun espoir… Bref, cet ensemble touffu n’est en rien convaincant. Dans un genre proche, Hector Obalk avec son Histoire de la Peinture pour grand public (voir Le Théâtre du Blog) avec un cocktail généreux mais très au point, de musique, texte et projection d’œuvres, est beaucoup plus adroit…

Philippe du Vignal

 Spectacle vu le 17 novembre au Théâtre 71, Malakoff, (Hauts-de-Seine).

Du 8 au 10 décembre, Théâtre Joliette/Théâtre du Gymnase-hors les murs, Marseille (Bouches-du-Rhône).

 

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...