Paléolithique Story (Comment avons-nous pu nous retrouver si coincés?), texte de Lazare Boghossian, Marion Stenton et textes pré-existants, conception et mise en scène de Mathieu Bauer, composition musicale de Sylvain Cartigny et Lawrence Williams
Paléolithique Story (comment avons-nous pu nous retrouver si coincés?), texte de Lazare Boghossian, Marion Stenton et textes pré-existants, conception et mise en scène de Mathieu Bauer, composition musicale de Sylvain Cartigny et Lawrence Williams
Cela se passe aux temps préhistoriques et dans une grotte, puisqu’il y a stalagmites (en résine et bien laides ! dont certaines ont des têtes d’hommes. Mais aussi de nos jours avec un échafaudage sur roulettes, un réfrigérateur. Dans des costumes tout aussi laids, évoluent des musiciens (percussions, trompettes, deux pianos, guitares, banjo, saxos, accompagnant parfois voix en solo et en chœur). Et Emma Liégeois, la belle actrice de cinéma et chanteuse en robe à damier noir et blanc et escarpins… Impeccable et juste, elle apporte au moins un peu d’air frais dans ce spectacle estouffadou et prétentieux…
Paléolithique Story, c’est surtout une musique maîtrisée mais trop forte (et les acteurs-chanteurs hurlent dans des micros H.F.) Mathieu Bauer essaye ici de la mettre en phase avec des textes sur la paléontologie, dont celui bien connu, écrit par Georges Bataille sur les peintures de Lascaux. Mais faute d’une véritable dramaturgie, le spectacle -bien longuet- navigue sans arrêt entre concert, petite intrigue avec pauvres dialogues, conférence et textes et/ou images projetées. But de l’opération: nous emmener dans une plongée paléontologique et remettre en question des stéréotypes qui circulent encore. Comme la division du travail entre hommes-chasseurs et femmes- cueilleuses. Ou expliquer la naissance de la propriété et les inégalités sociales. Soit une petite balade de milliers de siècle de 35.000 ans (le Paléolithique supérieur et 6.500 ans (le Néolithique quand le climat a commencé à se réchauffer.
Le rapport au territoire a alors changé et est apparue toute une évolution technique en prolongement de l’évolution biologique et sont alors apparues l‘agriculture, et avec elle, la propriété, le pouvoir exercé par des hommes sur d’autres hommes, les organisations sociales et le réalisme en art. Tout ce qu’explique très bien André Leroi-Gourhan, notamment dans Le Geste et la parole. Mais aussi les inégalités, les invasions et guerres, soit plus de six mille ans avant J.C. et donc quelques milliers d’années avant la civilisation grecque. De quoi donner le vertige…
Oui, mais voilà, comment parler de cette évolution passionnante de l’espère humaine dans un spectacle? Il y a ici une trop grande accumulation de signes: musiciens qu’on regarde jouer, texte dit, ou lu sur écran, photos de silex, crânes, squelettes en position fœtale qui défilent vite sur un rideau en plastique ou sur le mur du fond, etc. Et tout se passe comme si Mathieu Bauer avait été dépassé par l’ampleur du thème et le spectacle n’a pas été assez trvaillé en amont… Même s’il y a parfois de belles images, comme à la fin, avec le squelette entier d’un de nos ancêtres, arrivant sur un lit de terre et aux pieds duquel un des chercheurs vient déposer un gros bouquet de fleurs rouges…
«Gageons, dit Mathieu Bauer, que la démarche aléatoire qui sera la nôtre permettra de remplir notre panier d’une multitude d’idées, de pensées, d’images, de signes et de situations, à même d’être dégusté avec délectation par les spectateurs. »(…) « Les textes de Lazare Boghossian, les légers et distanciés révèleront par un jeu de contrastes, les enjeux essentiels que porte le projet. » Désolé, il y a bien multitude mais, pour la dégustation avec délectation, faute d’un texte et d’une dramaturgie efficace, que nenni et aucun espoir… Bref, cet ensemble touffu n’est en rien convaincant. Dans un genre proche, Hector Obalk avec son Histoire de la Peinture pour grand public (voir Le Théâtre du Blog) avec un cocktail généreux mais très au point, de musique, texte et projection d’œuvres, est beaucoup plus adroit…
Philippe du Vignal
Spectacle vu le 17 novembre au Théâtre 71, Malakoff, (Hauts-de-Seine).
Du 8 au 10 décembre, Théâtre Joliette/Théâtre du Gymnase-hors les murs, Marseille (Bouches-du-Rhône).