Laurent Piron, profession: magicien
Laurent Piron, profession: magicien
Pour répondre à vos nombreuses questions, je fais de la magie depuis mes dix-huit ans. Lors d’une formation d’animateur en centre aéré, Enzo, un ami, m’a montré un tour un soir dans un bar. Je suis devenu fou et lui ai demandé de m’apprendre ce tour qu’il avait acheté sur un marché de Noël. Nous avons ensuite cherché ensemble sur Internet les boutiques de magie où nous avons acheté nos premiers accessoires.
Avec Enzo, j’ai aussi réalisé mes premiers spectacles devant des enfants en centres de vacances, entre leurs activités. Nous leur racontions des contes avec des tours pour leur donner plus de vie. Enzo et moi, nous nous retrouvions quelques soirs par semaine pour échanger nos dernières trouvailles et ensuite avons intégré Le 52, un club de magie à Liège pour rencontrer des magiciens.
A vingt-deux ans, j’ai quitté la Belgique et me suis installé à Vancouver pendant un an, avec un permis-vacances-travail. J’y ai connu des magiciens qui travaillaient dans les rues au chapeau tous les soirs et j’étais bluffé par leur bagout… Je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire avec ces séances où des artistes qui n’étaient pas « engagés », gagnaient quand même assez bien leur vie. J’ai donc commencé à faire aussi de la magie dans les rues de Vancouver, d’abord pour m’amuser mais aussi pour la pratiquer devant un vrai public…
En 2009, le premier jour où j’étais à la Fédération Internationale des Sociétés Magiques à Pékin, je reçois un courriel de mon employeur au Canada… Il m’annonce que mon permis de travail ne sera pas reconduit et que je devrais rentrer en Belgique dans un mois…Malgré cette mauvaise nouvelle, je profite un maximum de cet évènement mondial et découvre, pour la première fois, un univers incroyable avec des magiciens du monde entier.
Je rencontre, entre autres, Charlie Caper, un artiste de rue suédois mais qui va aussi dans les plus grands festivals. Il me raconte sa vie d’itinérant en suivant le soleil ; l’été, il travaille en Europe et Amérique du Nord et l’hiver en Australie, Nouvelle-Zélande… Et là, un déclic, je ne veux absolument pas retourner en Belgique et vais à la découverte du monde avec Pack small, Play big! Mon répertoire? Des tours simples sans beaucoup de technique où je me concentre sur mon personnage et la gestion du public, en surmontant les imprévus !Une aventure qui a duré trois ans. J’ai commencé par jouer trois mois à Sydney avec environ cent-cinquante spectacles. De pays en pays, de ville en ville, de festival en festival, le métier est progressivement entré et je me suis beaucoup amusé. Une formidable école… Plutôt optimiste, j’aime retourner les situations compliquées à mon avantage.
J’ai ensuite abordé la magie théâtralisée. En 2012, après mon tour du monde, j’ai créé 13 rue du hasard1 que j’ai présenté dans les théâtres et les festivals comme celui d’Avignon où il a reçu le Prix du public en 2014. Et je me suis fait connaître dans plusieurs pays dont la France. La Fédération Française des Artistes Prestidigitateurs a élu 13 rue du Hasard :« meilleur spectacle de l’année » en 2015. Dix ans après sa création, je continuer à emmener ce spectacle en tournée.
Puis je me suis dirigé vers la magie nouvelle quand j’ai rencontré Raphaël Navarro et j’ai suivi sa formation au Centre National des Arts du Cirque à Châlons-en-Champagne pendant huit semaines. J’avais envie d’utiliser l’illusion comme un langage artistique à part entière et trois ans plus tard, j’ai co-fondé ma compagnie: Alogique (2) et j’ai produit et interprété Battement de peur3, mon premier spectacle de magie nouvelle. J’ai connu des gens fascinants :d’abord le maître : David Copperfield que,très jeune j’ai vu dans une émission spéciale. Il s’enfermait dans un coffre-fort mais le building où il était, allait être détruit. Mais David Copperfield réapparaissait sur un podium cinq cents mètres plus loin !
Puis j’ai découvert mes premiers spectacles de magie nouvelle en 2015 dont Oktobre avec Yann Frisch, où je me suis pris une claque monumentale: ce que je voulais faire était bien là. Et Étienne Saglio ( voir Le Théâtre du Blog) m’a beaucoup influencé quand il donnait vie à des objets, que j’ai repris dans Paper Ball (4). Et bien sûr, Raphaël Navarro, Clément Debailleul et Valentine Losseau qui travaillent sur la lévitation des corps.
Un spectacle où on veut raconter quelque chose n’est pas juste une succession de tours mais doit être aussi porteur de sens et transmettre un message. Il faut donc qu’il y ait une suite logique dans la réalisation des tours et j’aime que tous les éléments aient un lien grâce à une histoire, comme en magie théâtrale. Mais j’apprécie également comme spectateur les autres styles. La magie nouvelle d’artistes charismatiques, entre autres, Luis De Matos ou Topas m’ont aussi influencé. Comme le cirque dont Le Cirque du Soleil, et les marionnettes. Il me semble important de découvrir d’autres rêveries : cela nous permet d’imaginer des images irréelles et émotionnelles.
Aux débutants, je conseille d’intégrer un club où ils pourront rencontrer d’autres passionnés, pour ne pas se cantonner à une seule pratique. Au début, il faut toucher à tout et aller voir beaucoup de spectacles, en particulier au festival d’Avignon. Et garder l’esprit le plus ouvert possible et « penser hors de la boîte » pour ne pas reproduire ce qui existe déjà, et imaginer que le monde est à vous, en ne se donnant aucune limite dans la création d’effets. Une chose essentielle : commencer par l’image que l’on veut donner au public et ensuite trouver des solutions techniques pour l’obtenir.
Notre art est sur une nouvelle et très bonne vague… Internet a apporté du mauvais mais aussi du bon, comme une certaine créativité. La Fédération Internationale des Sociétés Magiques à Québec nous a montré qu’il y avait de formidables numéros prometteurs. La culture générale -très importante- permet d’avoir une ouverture d’esprit, une curiosité mais la culture magique est aussi primordiale comme le solfège en musique. Et il faut faire ses gammes, apprendre, entre autres, toutes les techniques de cartes, mais pas de manière obsessionnelle. Et connaître les grands principes et méthodes pour ensuite trouver comment faire une magie personnelle et unique.
En dehors de mon travail, j’accorde beaucoup de temps à ma famille. Je suis souvent en tournée et rarement chez moi où alors je me consacre alors surtout à ma compagne, ma fille et mes amis. Et s’il me reste du temps, j’aime regarder des séries, écouter de la musique, faire mon jardin, ou me promener dans les bois. Mais je ne suis pas du tout sportif, même si je devrais l’être…
Sébastien Bazou
Dijon, le 18 novembre. https://www.ciealogique.com/la-compagnie
1) 13 rue du hasard a été créé en 2013 et mis en scène par Hugo Van De Plas. En 2014, un numéro de six minutes a été extrait de ce spectacle sous le nom de Rain Ball/
2) La compagnie Alogiques a été fondée il y a quatre ans par Laurent Piron, Hugo Van De Plas et Sylvia Delsupexhe qui collaborent depuis 2011 à la création et l’écriture de spectacles de magie théâtralisée comme en 2018 Battement de peur, leur première création. Ce trio d’artistes propose des spectacles originaux et accessibles à un large public : la magie au service de l’émotion, et l’émotion au service de la narration…
Avec Paper Ball, Laurent Piron a eu le premier prix et est champion d’Europe de magie générale à la FISM Europe de Manresa en 2021 A la FISM à Québec, en juillet dernier, il remporta aussi le premier prix de magie générale et le Grand Prix, devenant ainsi champion du monde en magie scénique.