Discussion avec DS, conception, écriture et mise en scène de Raphaëlle Rousseau

Discussion avec DS, conception, écriture et mise en scène de Raphaëlle Rousseau

Bien sûr, Delphine Seyrig. était une déesse. Surtout au cinéma, chez François Truffaut, Alain Resnais, Jacques Demy, Marguerite Duras… dont elle portait si bien le phrasé particulier. Au théâtre, elle donnait sa voix unique à Harold Pinter, avec Michael Lonsdale, Alain Cuny ou Jean Rochefort Et sous la direction de Claude Régy, elle partagea en 74 La Chevauchée sur le lac de Constance de Peter Handke avec Gérard Depardieu, Jeanne Moreau, Sami Frey, Michael Lonsdale….

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La grâce incarnée, à la ville comme à la scène… Elle pouvait en 68 aller à une manifestation d’étudiants en tailleur Chanel blanc à jupe plissée mais sans être ridicule… Elle était là, tout simplement et la jeune foule l’aimait. Parce que, sans chichis, elle militait aussi pour le droit à l’avortement libre et sans danger pour toutes les femmes, y compris les jeunes filles, en offrant son appartement, place des Vosges (à l’époque plus modeste et vieillotte qu’aujourd’hui, mais quand même…) pour des démonstrations de la méthode Karman, (voyez l’encyclopédie.) Et Rembobiner, joué par le collectif Marthe en octobre dernier, retrace cette lutte féministe, menée avec la réalisatrice Carole Roussopoulos et Johanna Wider ( voir Le Théâtre du Blog).

Voilà comment une militante active peut être –ou ne pas être- une «apparition» dans une scène-culte de Baisers volés de François Truffaut avec Antoine Doinel (Jean-Pierre Léaud), le commis de son mari (Mickaël Lonsdale), la voit en Madame de Mortsauf, la pure héroïne du Lys dans la Vallée d’Honoré de Balzac : «Je ne suis pas une apparition, dit-elle, vous m’avez écrit, et la réponse, c’est moi. » Avec toutes les virgules et légers essoufflements nécessaires.
Raphaëlle Rousseau nous fait monter à la jolie petite salle Christian Bérard, en haut du Théâtre de l’Athénée (peu accessible aux personnes à mobilité réduite). Après un accueil sonore bizarre: un brouhaha de voix à moitié compréhensibles, nous découvrons des autels consacrées à la déesse, avec photos, bougies, encens et quelques effigies en contreplaqué grandeur nature.
La comédienne nous fait patienter avec un prologue à lire sur écran. Enfin elle entre en scène, s’excusant presque d’être là, exagérant sa patauderie, face à ce fantôme qui incarne la grâce. Puis Raphaëlle Rousseau entre dans cette Discussion avec DS, accompagnée d’interviews, chansons, paroles de DS, toujours la première à se désacraliser. C’est parfois drôle, souvent touchant, avec un brin d’agressivité et quelques clins d’œil, dispensables, au public.

L’actrice ne s’est pas facilité les choses en encombrant la scène d’objets, avec en plus, une caisse pour les tournées format cercueil. Comment trouvera-t-elle sa gestuelle? Saura-t-elle créer la magie et incarner la fée Delphine en robe du soir sophistiquée ? Non, le miracle rêvé ne peut avoir lieu, nous le savons et elle le sait. L’important, c’est d’aimer et Raphaëlle Rousseau aime et accompagne sa déesse Delphine Seyrig dans la fumée des cigarettes qui l’a finalement emportée. La jeune actrice a sans doute été un peu intimidée par son projet mais elle y est allée quand même.
Quand même… La devise de Sarah Bernhardt ! Allons, n’ayons pas peur des étoiles….

Christine Friedel

Spectacle vu au Théâtre de l’Athénée, 2-4 Square Louis Jouvet, Paris (VIII ème), dans le cadre du programme Jeune Création Prémisses.


Archive pour 24 novembre, 2022

A la Marge (『外の道』作・演出 前川知大 ), texte et mise en scène de Tomohiro Maekawa

 

Festival d’automne:

A la Marge (『外の道』作・演出 前川知大 ),  texte et mise en scène de Tomohiro Maekawa

 Dans la grande salle d’un café, juste éclairée au fond par une grande baie vitrée dispensant une faible lumière jaunâtre, résonne un bourdonnement lointain. Entrent un à un,  par une curieuse porte en oblique dans d’un coin, six hommes et trois femmes. Parmi eux, Teradomari et Mei, des camarades de classe qui ne se sont pas vus depuis vingt ans. Ils découvrent qu’ils vivent dans la même ville

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Et ils se mettent à parler de leur vie de couple. Teradomari, dit-il, a rencontré une sorte de magicien qui a changé sa vision du monde. Capable de faire sortir d’un œuf cru, un petit papier avec le même numéro exact d’un billet de banque, par définition unique et posé à côté de lui. Pas nouveau, nous dit notre camarade Sébastien Bazou, grand spécialiste de magie au Théâtre du Blog, un magicien Bartolomeo Bosco (1793-1863) allait au marché acheter des œufs, les cassait devant la foule ébahies et en sortait une pièce d’or. Ce tour modifie profondément la perception qu’il a du monde et se répercute sur le travail de Teradomari,  qui sera licencié…

Mei, elle aussi, a vu sa vie changée quand elle a reçu une boîte en carton avec, écrit dessus le mot : néant. Et ce «néant » sorti du carton, a pris la forme d’une nappe d’obscurité qui a envahi sa vie. Elle aura un fils qui naîtra de cette obscurité. Pour Mei comme pour Teradomari, avec ces événements, le monde a perdu toute cohérence et leur vie au quotidien s’est compliquée. Mais, malgré des phrases qui les choquent chez l’un comme chez l’autre, ils  se parlent amicalement et échangent même des confidences sur leur vie respective. Et les autres clients du café se révèlent avoir  être proches, voire même très très proches…
Réalité? Imagination? Il y ici un climat des plus curieux, avec, en filigrane, une angoisse existentielle, à mesure qu’une sorte de crépuscule inquiétant envahit le café. A la fin, une mystérieuse boule noire envahit la verrière du fond et par deux fois, nous sommes plongés dans une totale obscurité. Les protagonistes continuant à se parler…
C’est toujours impressionnant au théâtre, surtout quand la salle est presque comble. Une scène de cette pièce que l’auteur a voulu «comme davantage philosophique, voire métaphysique, que ses précédentes pièces ». (…) «Je suis persuadé que nous devons apprendre à ne pas comprendre. » (…) Je m’inscris dans la tradition boudhiste, je ne pense pas que ce qui existe, ait plus de valeur que ce qui n’existe pas. Au contraire, pour moi, la vacuité est comme un point zéro où tout devient possible, à commencer par la création d’un monde nouveau. »

La mise en scène de Tomohiro Maekawa est au cordeau et ses acteurs qui ne sortiront jamais de ce huis-clos pendant deux heures, ont une gestuelle comparable à celle des interprètes du nô. Lenteur dans les déplacements,  extrême concentration et rigueur, même quand ils ne jouent pas, ce qui donne souvent un côté hiératique (voire un peu figé!) mais l’ensemble servi par une scénographie de Kenichi Toki est au diapason, et d’une rare beauté.
En plein accord avec ce dialogue teinté d’absurde où la notion d’instant présent -visiblement cher à Tomiro Maekawa- définit aussi notre existence menacée par ce bruit dans le ciel et sur laquelle les personnages réfléchissent tout au long de la pièce.Tout n’est pas d’une clarté limpide, notamment quand les clients du café entrent dans la vie de Mei et Teradomari et mieux vaut donc  être attentif  puisqu’il faut aussi suivre le surtitrage (très réussi!).
Mais bon, cette plongée dans le travail de cet auteur japonais ne se refuse pas. Attention comme le dit l’auteur : «J’ai vraiment senti que je ne devais pas raconter une histoire simple. On ne doit pas aller vers la facilité, en particulier dans le milieu du théâtre. En cette période d’incertitude, nous devons avancer tout en continuant de penser par nous-mêmes (en gardant si possible notre sens de l’humour). »
Vous voilà prévenus, il y a du Beckett dans l’air et n’y emmenez pas votre vieille cousine qui aime tant Feydeau, mais ce spectacle  mérite largement d’être vu par nos amis japonais comme par les Français un peu curieux.

Philippe du Vignal

Attention, seulement jusqu’au samedi 26 novembre, Maison de la Culture du Japon, 101 bis quai Jacques Chirac, Paris (VII ème) : T. : 01 44 37 95 95.

 A voir aussi à la M.C.J., l’exposition Un Bestiaire japonais jusqu’au 21 janvier. Et celle consacrée au petit design, du 29 novembre, au 14 janvier.

Animal de Kaori Ito et Manolo, par le Théâtre du Centaure

Animal de Kaori Ito et Manolo, par le Théâtre du Centaure

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© Anaïs-Baseilhac

Quatre chevaux noirs attendent sagement avec leur picotin d’avoine, que le public s’installe et que le spectacle commence. Autour d’eux ; l’équipe artistique s’active, prête à se lancer dans une aventure: la rencontre entre l’univers de la danseuse japonaise et celui de Manolo qui se dit « Centaure en mutation» : « Par l’écoute des corps et la danse, dit-il, Kaori me guide dans cette recherche sur la piste animale. »

 Une pièce en quatre temps, un par cheval : Indra, Arjuna, Nakula et Sahadeva. Chaque séquence révèle les personnalités des animaux comme celles des artistes et induit un dialogue spécifique entre l’humain et la bête, considérée comme partenaire à part entière. Johanna Houe, écuyère et accordéoniste, accorde le soufflet de son instrument à la respiration de sa monture, en l’amplifiant, au rythme du martèlement des sabots. Ce travail musical est ici accompagné comme aux autres moments du spectacle, à jardin, par le guitariste Virgile Abela et, à cour, par Anwar Khan, virtuose des tablas mais aussi du chant et de l’harmonium. La danseuse Léonore Zurflüh rivalise avec la circassienne à cheval en imitant sa cavalcade et plus tard, entamera un pas de deux ludique avec Arjuna, généreux et bondissant à ses côtés comme un chien familier…

Manolo, dans un corps à corps charnel avec Nakula, se love, peau contre poil sur la bête immobile. Un dialogue muet s’instaure, émouvante intimité, dans le silence du plateau. Ce dernier tableau dit poétiquement la possible symbiose entre l’humain et le règne animal . «C’est, résume Kaori Ito, l’histoire d’un homme qui joue avec des animaux fabuleux, qui danse avec eux et disparait en eux. »

L’homme-centaure a rassemblé autour de ses chevaux une prestigieuse équipe que Kaori Ito a chorégraphiée avec finesse, en mettant en avant le talent de chaque artiste et de chaque animal. Nous avons apprécié la virtuosité équestre de Johanna Houé, vice-championne d’Europe de dressage des Masters ibériques, qui a souvent collaboré avec Zingaro. Le compositeur Virgile Abela, artiste associé du Laboratoire de Mécanique et d’Acoustique du C.N.R.S., va et vient entre musique contemporaine et jazz. Il se lance ici dans un duel humoristique dans la grande tradition de la musique indienne, avec le malicieux Anwar Khan qu’on a pu voir chez Zingaro, au Théâtre de la Ville ou à la Philharmonie de Paris.

Et Léonore Zurflüh, interprète de la compagnie de Kaori Ito, s’intéresse depuis longtemps à l’éthologie équine pour lire et sentir le mouvement du cheval. Elle n’a ici rien à envier aux foulées des montures noires élevées depuis leur plus jeune âge par Manolo et chouchoutées par Séverine Deperrois et Malorie Leclerc selon les directives d’une ostéopathe pour chevaux qui accompagne la création.

En 1989, Manolo a fondé le théâtre du Centaure en Bourgogne et sa compagnie est maintenant installée à Marseille. Il oriente sa recherche vers la danse: «Petit à petit, je découvre un nouvel état d’être. C’est peut-être ça un Centaure : une relation, une danse avec le vivant». Animal est conçu pour être joué dans un théâtre ou en pleine nature, à la lumière du jour. Il faut découvrir ce spectacle et sa joyeuse énergie.

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 20 novembre, aux Théâtre des Gémeaux-Scène Nationale, 49 avenue Georges Clemenceau, Sceaux (Hauts-de-Seine) T. : 01 46 61 36 67.

 Les 25 et 26 novembre, Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Du 26 au 29 janvier et du 3 au 5 février, Biennale Internationale des Arts du Cirque, Marseille (Bouches-du-Rhône)

Le 5 mai, Quai 9, Lanester ; les 7 et 8 mai, Haras d’Hennebont (Morbihan).
Pôle de création des arts équestres en extérieur  les 13 et 14 mai, baie du Mont-Saint-Michel, Saint-Jean-le-Thomas (Manche).

 

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