A la Marge (『外の道』作・演出 前川知大 ), texte et mise en scène de Tomohiro Maekawa

 

Festival d’automne:

A la Marge (『外の道』作・演出 前川知大 ),  texte et mise en scène de Tomohiro Maekawa

 Dans la grande salle d’un café, juste éclairée au fond par une grande baie vitrée dispensant une faible lumière jaunâtre, résonne un bourdonnement lointain. Entrent un à un,  par une curieuse porte en oblique dans d’un coin, six hommes et trois femmes. Parmi eux, Teradomari et Mei, des camarades de classe qui ne se sont pas vus depuis vingt ans. Ils découvrent qu’ils vivent dans la même ville

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Et ils se mettent à parler de leur vie de couple. Teradomari, dit-il, a rencontré une sorte de magicien qui a changé sa vision du monde. Capable de faire sortir d’un œuf cru, un petit papier avec le même numéro exact d’un billet de banque, par définition unique et posé à côté de lui. Pas nouveau, nous dit notre camarade Sébastien Bazou, grand spécialiste de magie au Théâtre du Blog, un magicien Bartolomeo Bosco (1793-1863) allait au marché acheter des œufs, les cassait devant la foule ébahies et en sortait une pièce d’or. Ce tour modifie profondément la perception qu’il a du monde et se répercute sur le travail de Teradomari,  qui sera licencié…

Mei, elle aussi, a vu sa vie changée quand elle a reçu une boîte en carton avec, écrit dessus le mot : néant. Et ce «néant » sorti du carton, a pris la forme d’une nappe d’obscurité qui a envahi sa vie. Elle aura un fils qui naîtra de cette obscurité. Pour Mei comme pour Teradomari, avec ces événements, le monde a perdu toute cohérence et leur vie au quotidien s’est compliquée. Mais, malgré des phrases qui les choquent chez l’un comme chez l’autre, ils  se parlent amicalement et échangent même des confidences sur leur vie respective. Et les autres clients du café se révèlent avoir  être proches, voire même très très proches…
Réalité? Imagination? Il y ici un climat des plus curieux, avec, en filigrane, une angoisse existentielle, à mesure qu’une sorte de crépuscule inquiétant envahit le café. A la fin, une mystérieuse boule noire envahit la verrière du fond et par deux fois, nous sommes plongés dans une totale obscurité. Les protagonistes continuant à se parler…
C’est toujours impressionnant au théâtre, surtout quand la salle est presque comble. Une scène de cette pièce que l’auteur a voulu «comme davantage philosophique, voire métaphysique, que ses précédentes pièces ». (…) «Je suis persuadé que nous devons apprendre à ne pas comprendre. » (…) Je m’inscris dans la tradition boudhiste, je ne pense pas que ce qui existe, ait plus de valeur que ce qui n’existe pas. Au contraire, pour moi, la vacuité est comme un point zéro où tout devient possible, à commencer par la création d’un monde nouveau. »

La mise en scène de Tomohiro Maekawa est au cordeau et ses acteurs qui ne sortiront jamais de ce huis-clos pendant deux heures, ont une gestuelle comparable à celle des interprètes du nô. Lenteur dans les déplacements,  extrême concentration et rigueur, même quand ils ne jouent pas, ce qui donne souvent un côté hiératique (voire un peu figé!) mais l’ensemble servi par une scénographie de Kenichi Toki est au diapason, et d’une rare beauté.
En plein accord avec ce dialogue teinté d’absurde où la notion d’instant présent -visiblement cher à Tomiro Maekawa- définit aussi notre existence menacée par ce bruit dans le ciel et sur laquelle les personnages réfléchissent tout au long de la pièce.Tout n’est pas d’une clarté limpide, notamment quand les clients du café entrent dans la vie de Mei et Teradomari et mieux vaut donc  être attentif  puisqu’il faut aussi suivre le surtitrage (très réussi!).
Mais bon, cette plongée dans le travail de cet auteur japonais ne se refuse pas. Attention comme le dit l’auteur : «J’ai vraiment senti que je ne devais pas raconter une histoire simple. On ne doit pas aller vers la facilité, en particulier dans le milieu du théâtre. En cette période d’incertitude, nous devons avancer tout en continuant de penser par nous-mêmes (en gardant si possible notre sens de l’humour). »
Vous voilà prévenus, il y a du Beckett dans l’air et n’y emmenez pas votre vieille cousine qui aime tant Feydeau, mais ce spectacle  mérite largement d’être vu par nos amis japonais comme par les Français un peu curieux.

Philippe du Vignal

Attention, seulement jusqu’au samedi 26 novembre, Maison de la Culture du Japon, 101 bis quai Jacques Chirac, Paris (VII ème) : T. : 01 44 37 95 95.

 A voir aussi à la M.C.J., l’exposition Un Bestiaire japonais jusqu’au 21 janvier. Et celle consacrée au petit design, du 29 novembre, au 14 janvier.

 

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