Le parcours d’Art moderne d’Hector Obalk

Le parcours d’Art moderne d’Hector Obalk

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Cette fois, après une conférence sur l’art classique* (voir Le Théâtre du Blog), il ouvre le feu avec l’Impressionnisme. Edgar Degas né en 1834 et Claude Monet né six ans plus tard et dont le musée d’Orsay possède quatre-vingts toiles. Mais aussi Paul Cézanne un an après. Edouard Vuillard (né en 1868 et mort en 1942 comme Pierre Bonnard. Et pour le post-impressionnisme : Vincent Van Gogh, Paul Gauguin, Georges Seurat et Pierre Bonnard à qui Jean Moulin acheta des toiles pour sa galerie à Nice en 1942, donc  juste avant un an avant sa mort tragique. Aimé Maeght, directeur de galerie et de la Fondation qui porte son nom, nous en parlait souvent et une vieille dame nous racontait qu’enfant, elle avait connu Claude Monet. Notre famille  employait pendant la dernière guerre à Aix-en Provence, celui qui fut le cocher… de Paul Cézanne. C’est dire que ces courants d’avant-garde ont été vite connus en France, comme aussi à l’étranger. Avec des œuvres reproduites à des milliers d’exemplaires…  Et de ces six peintres, Hector Obalk parle avec passion. Pierre Bonnard qui fut un travailleur infatigable et avait un sens fabuleux de la profondeur, avec des cadrages inédits à l’époque : plongées, contre-plongées, personnages qu’on peut voir en partie seulement. Et Hector Obalk  analyse avec amour La Pie, une peinture à l’huile de petit format réalisée par Claude Monet à Etretat en Normandie à l’hiver 1868-69. C’est un paysage d’hiver enneigé avec une barrière où s’est posée une pie noire, un toit de maison sous un ciel nuageux.

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Et il montre très bien, avec de merveilleux gros plans, les nuances de blanc de la neige avec un ocre très léger dans le fond, là où pointe le soleil mais aussi le gris bleuté du toit. Au passage, notre homme règle ses comptes à Pieter Bruegel quand il représente en plongée le manteau de neige sur les toits d’un village. Assez injustement, puisque cette neige est au lointain, et non comme ici en plan rapproché dans un large cadre… et à hauteur des yeux… Mais notre conférencier sait bien mettre en valeur les verticales des arbres couverts de givre et l’horizontalité de la barrière et des maisons. Une audace graphique mal acceptée à l’époque, puisque cette toile fut refusée au salon de 1879!

Puis Hector Obalk passe aux Fauves et  à l’expressionnisme avec entre autres, les œuvres de Picasso période bleue et rose puis expressionniste et il en explique très bien le parcours. Notamment avec une analyse du Baiser (1931) . « Comme il y a deux enfants ici, ma fille me dit dans un texto d’y aller mollo. C’est un schéma traditionnel des années trente quand  il n’y avait encore ni féminisme ou néo-féminisme. Et aujourd’hui, un homme, c’est plus proche d’une femme. » Hector Obalk essaye de s’y retrouver dans cet entremêlement de corps en montrant les deux luettes qui sortent. « A l’époque, c’est très différent : la femme a les yeux fermés et quand elle embrasse quelqu’un, elle est déjà la-haut et l’homme : « hohohooooo… Je veux bien que là, ce soit l’homme et là, la femme. Mais alors pourquoi les seins sont-ils si loin? Impossible de s’y retrouver, premièrement, ils s’enlacent, deuxièmement ils s’entrelacent, troisièmement, ils s’enjambent… Et quand ils s’enjambent, on ne comprend plus rien. »

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Mais il défend le tableau. « Cela ne va pas être facile mais je m’explique : c’est ce qu’on peut avoir dans la tête quand on s’imagine faire l’amour à quelqu’un. » Brillant, pas toujours convaincant mais souvent plein d’humour, même s’il en fait parfois trop. Comme disait le grand Jérôme Savary, mieux vaut un acteur qui en fait beaucoup, qu’un autre qui n’en fait pas assez. Et seul devant plus de six cent personnes, même avec un micro, c’est une belle performance surtout dans cet ancien cinéma qui n’a rien de chaleureux. Quant à Henri Matisse, il en parle assez vite, ce ne doit pas être un de ses peintres préférés…

Entre chaque chapitre, bien vu, un intermède musical avec violoniste et violoncelliste, histoire d’aérer ce flot d’images qu’Hector Obalk maîtrise de façon exceptionnelle, grâce à un assistant qui, à son ordinateur, pilote et rend visibles tel ou tel grossissement qu’il lui demande. Souvent magistrale -parfois un peu racoleuse mais qu’importe- cette leçon d’histoire de l’art, nombre d’étudiants en rêveraient! En quelque soixante-dix ans, on est passé de la médiocre diapo en noir et blanc, puis en mauvaises couleurs mais  projetée sur un mur, puis en couleurs de plus en plus fidèles et sur un écran correct. Et enfin, comme ici, jusqu’à ce écran de quelque trente m2 où Hector Obalk peut faire des gros plans ou comparer plusieurs tableaux.

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Il va continuer cette promenade avec un chapitre un peu fourre-tout : Douanier Rousseau, Chirico, Magritte, Munch, Dali, jusqu’à Warhol soit un grand écart côté historique, puisque le premier est né en 1844 et le dernier, en 1928… Hector Olbak explique très bien le travail de Picasso et ce qu’est le meilleur et le moins bon chez Salvador Dali. Il n’aime guère non plus Chirico et il voit beaucoup de facilité dans ses toiles. Quant à Magritte, il explique, très bien et avec raison, que ce n’est pas vraiment de la peinture mais de l’illustration avec juste une idée comme ce lampadaire allumé en plein jour.

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Il admire les paysages du jeune Piet Mondrian influencé par les Fauves avant 1900 avec de magnifiques clairs-obscurs et lumières dans les branches dont L’Arbre rouge (1908) et il apprécie la période suivante quand le peintre travaille avec des couleurs pures: rouge, jaune et bleu délimitées par des lignes noires sur fond blanc… Comme cette petite huile Composition en rouge, jaune, bleu et noir (1921). En quelque sorte, une marque de fabrique… reconnaissable entre toutes.  Mais il apprécie beaucoup moins, et là aussi avec raison, les toiles que Piet Mondrian a peintes quand il séjournait à New York. Même leit-motivs graphiques mais expression des formes et couleurs réduite et répétée, comme si la foi n’était plus là. Et il comparera le Miro des débuts avec des paysages assez fous, à celui tardif  avec une peinture non figurative mais plus conventionnelle. Et ce qu’on aime en plus chez Victor Obalk:  sa franchise et son honnêteté…

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Au chapitre V consacré aux réalistes, il fait redécouvrir -tous styles confondus- des peintres  comme Manet, Schad mais aussi un peintre américain Andrew Wieth (1917-2009) dont on connait généralement un beau tableau Christina’s World, avec une jeune femme handicapée allongée dans un pré et, à l’horizon, une maison. Hector Obalk nous parle aussi d’un artiste contemporain François Boisrond. Avec cette fois; une rue de Rivoli à Paris où la vue sur la Tour Saint-Jacques est masquée par une « sucette » avec une pub pour lingerie Une œuvre… qu’il aime tout particulièrement…Mais là,  il est moins convaincant.
Deux heures plus tard, Victor Obalk sort de scène fatigué (on le comprend, il joue deux fois de suite et c’est une performance où il faut faire preuve à la fois de solides compétences mais aussi de pédagogie et d’humour). Très applaudi, il est visiblement heureux d’avoir su faire partager sa passion pour l’art, à un large public de connaisseurs ou non. Et d’âge très différent. Chapeau! Nous aimerions bien qu’il s’attaque un jour aux courants de l’art le plus contemporain, avec la même rigueur de pensée et le même humour et qu’il trie le bon grain, de l’ivraie. Vu son expérience et sa connaissance du milieu, cela serait sans doute formidable et viendra peut-être…

Philippe du Vignal

Le 28 nov, à 18h 30 et 21 h. Et le 12 décembre, à 18 h 30 et 21 h, au Treizième Art, Centre commercial Italie Deux, place d’Italie, Paris (XIII ème). Réservation sur grand-art.online, onglet Spectacles.

*Au Théâtre de l’Atelier, Paris (XVIIIème), à certaines dates en novembre, décembre et janvier.


Archive pour 25 novembre, 2022

La Morsure de l’âne de Nathalie Papin, mise en scène d’Émilie Le Roux

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Sur un plateau tournant, dans le clair-obscur, Paco et Noïké se croisent et s’esquivent, silhouettes évanescentes. «Ça va durer longtemps, cette mort?, demande Paco. «Ça dépend de vous » répond Noïké, sa première rencontre dans le monde étrange où il vient d’être  précipité. Elle, est là depuis longtemps : «Je déambule dans la vie, dans la mort. Je m’y promène. J’adore ça… » Nous comprenons vite  que Paco erre dans un pays mystérieux où un âne philosophe lui sert de guide.  Passeur des enfers, il montre la voie entre l’au-delà ou l’en-deça. Dans cet entre-deux, son fils Uriel lui apparaît et annonce qu’il n’a plus besoin de lui, et une petite fille « pas encore née »  lui demande d’être son père. Il dialogue aussi avec la Mort et une suicidée qui a « raté son coup ». Il s’avère que t que  Paco (Julien Anselmino)est dans le coma à la suite d’un anévrisme, quand il dialogue avec son corps (Najib Oudghiri) resté à l’hôpital …

«Nathalie Papin, dit Emilie Leroux, invente des mondes et fait de l’intériorité de Paco, un ailleurs à explorer où l’âne n’en finit pas de nous promener.  La scénographie dépouillée de Stéphanie Mathieu permet aux comédiens, par des jeux de lumières, de surgir ou s’effacer, selon les lignes de fuite tracées à partir de la tournette. Effet renforcé par les vidéos fantomatiques de Pierre Reynard où des enfants virtuels parlent lèvres closes. Les corps semblent ainsi flotter dans des limbes sans limites.

Dans une mise en scène fantasmagorique, l’âne (Dominique Laidet) est personnifié par une tête d’équidé très réaliste à la mâchoire articulée. Tel un croque-mort, il s’assure en mordant que le comateux ressent la douleur, c’est-à-dire qu’il est encore en vie.  La composition musicale minimaliste, avec les violons de Théo Ceccaldi, le violoncelle de Valentin Ceccaldi, le piano préparé et l’univers percussif de Roberto Negro, souligne discrètement l’étrangeté de la pièce.  Rien de macabre dans cette pièce destinée au jeune public : Martine Maximin joue une suicidée pleine de santé et d’optimisme, Lou Martin-Fernet est une camarde joyeuse malgré sa tête de mort. Et tout est bien qui finit bien.

Le spectacle réalisé avec soin et d’une grande tenue esthétique, aborde la question de la mort, en ouvrant aux enfants les portes de l’imaginaire et philosophant avec humour sur un sujet que notre société a rendu tabou. « Je voulais écrire cette pièce en souriant, écrit Nathalie Papin, de ces sourires légers qui, l’air de rien, sont capables d’encourager au passage délicat. Une sorte d’espièglerie qui annonce les réconciliations.»  Les jeunes spectateurs ont ressenti cette légèreté et ont vu toutes les nuances de l’écriture sensible de l’autrice. À voir sans hésiter. 

Mireille Davidovici

Du 22 au 26 novembre, Théâtre de la Ville-Les Abbesses, 31 rue de Abbesses, Paris (XVIll ème). T. : 01 42 74 22 77.

Le 2 février, Théâtre des Bergeries, Noisy-le-sec (Seine-Saint-Denis).

Le 2 juin, Théâtre Croisette, Cannes (Alpes-Maritimes).

 

 

Filumena Marturano d’Eduardo de Filippo, traduction d’Irène Bozopoulou, mise en scène d’Odysseas Papaspiliopoulos 

Filumena Marturano d’Eduardo de Filippo, traduction d’Irène Bozopoulou, mise en scène d’Odysseas Papaspiliopoulos 

Cet acteur mais aussi dramaturge, réalisateur et scénariste italien (1900-1984) a représenté la tradition du grand théâtre populaire et a été aussi un guide. On a vu en lui un acteur de génie mais aussi un poète écrivant ses pièces en dialecte napolitain: « Je crois, disait-il, que le langage théâtral doit s’adapter au type de dramaturgie. Il y a la comédie, le drame, la tragédie, la farce, le genre grotesque, la satire. On peut utiliser de nombreux langages qui appartiennent à la langue parlée, à la langue usuelle. » Il a été considéré comme un successeur de Pirandello mais aussi  apprécié comme député et homme politique. 

©ElinaGiounanli

©Elina Giounanli

Dans cette célèbre comédie créée en 1946 et jouée dans le monde entier, Filumena «la Napolitaine», mère de trois enfants était autrefois, très amoureuse de Domenico Soriano, un invétéré coureur de jupons qui l’a abandonnée. Profondément blessée, Filumena a lutté avec courage pour élever ses trois enfants et ne s’est jamais résignée. Aujourd’hui, elle aime quand même toujours avec passion son Domenico mais décide de se venger et lui avoue qu’il est le père d’un de ses enfants. Sans lui révéler lequel…
Il va donc se comporter comme un père avec les trois, ce qu’elle voulait… Filumena Marturano parle déjà des revendications féminines et le célèbre auteur y dénonce la condition des femmes pauvres à Naples…
Une pièce cruelle malgré une belle fin avec une famille reconstituée. Mais Domenico et Filumena ont l’un et l’autre perdu ce qu’il y a de meilleur avec les enfants: les voir grandir. Ils sont, nous disent-ils à la fin, des poulains qu’on fait courir et qui prennent le relais des adultes… Eduardo De Filippo est ici fidèle au mythe méridional: celui de la vie continuant à travers les enfants. En 1946, après la longue période noire du fascisme et de la guerre, il lançait sans doute un message d’espoir…

Le metteur en scène approfondit ce texte qui oscille entre comique et dramatique, tout en alternant rythme accéléré ou ralenti. Il accentue les moments comiques avec une gestualité farcesque. Comme dans cette scène de jalousie de Diana et celle où se disputent les trois frères. La lumière faiblit aux moments de dilemme ou grande tension et les comédiens nuancent les mobiles et les arrières-pensées de leurs personnages.
Décor majestueux, remarquables costumes et la dernière scène est d’une immense beauté. Domenico) (Ilias Meletis) déchire les tapisseries du salon,  et apparaît alors une forêt illuminée, un jardin d’Eden. Maria Nafpliotou y excelle en Filumena et nous transmet le message de la pièce: «Les enfants sont des enfants. » Pénélope Markopoulos, elle, sait créer une Rosalia Solimene riche en sentiments, comme les autres comédiens de ce spectacle émouvant. 

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre Dimitris Chorn,  10 rue Amérikis, Athènes. T. : 0030 2103612500.


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