Tumulus, chorégraphie de François Chaignaud, direction musicale de Geoffroy Jourdain
Tumulus, chorégraphie de François Chaignaud, direction musicale de Geoffroy Jourdain
«Chanter et danser en même temps est au cœur de ma pratique soliste, dit François Chaignaud. J’ai toujours rêvé de créer une pièce de groupe qui s’appuie sur ces répertoires anciens, confrontés à nos corps actuels.» Il réalise ici, avec le musicologue Geoffroy Jourdain, une étonnante procession rassemblant des interprètes rompus au chant comme à la danse. Pour la première fois, il n’est pas lui-même sur le plateau, comme dans son remarquable Romances Inciertos, un autre Orlando (voir Le Théâtre du blog).
Venu de la salle, un lent cortège avance en silence : treize corps soudés les uns aux autres, dans des costumes volumineux et déstructurés. L’étrange tribu investit la scène où s’élève un tumulus, un de ces monticules herbeux qui, dans les campagnes recèlent d’antiques sépultures. Les artistes se déploient autour et entonnent des polyphonies anciennes et contemporaines, allant de la Renaissance, avec un motet de Josquin Desprez Qui habitat in adjutorio altissimi (1521) ou des extraits du Requiem (1547) de Jean Richafort, jusqu’au Dies Irae de la Missa pro defunctis (1718) d’Antonio Lotti et ici, interprété pour la première fois en France, Musik für das Ende (1971) du Québecois Claude Vivier. Les sonorités fluides du latin religieux ou profane alternent avec la légèreté des psaumes anglais de William Byrd : Lullaby my sweet little baby.
Une ronde sans fin s’organise, et, d’un chant à l’autre, les corps s’animent suivant l’humeur de la musique. D’abord funèbre, la procession s’attarde devant le tombeau, puis, quelques danseurs happés par les petites ouvertures qui y sont ménagées, se risquent à l’intérieur et en sortent comme ressuscités. Et la colline s’anime alors, telle une fourmilière, et devient un terrain de jeu pour une farandole célébrant sur des airs plus joyeux, la renaissance des corps… La mort est ici force de consolation et la musique insuffle un élan vital aux mouvements.
Mathieu Lorry-Dupuy a pensé le tumulus comme une machine à jouer, et les costumes de Romain Brau sont faits d’éléments amovibles encombrants, avec lesquels les danseurs peuvent s’emmitoufler ou se dévêtir, comme si leurs corps étaient en permanente mutation. Malgré quelques temps morts entre les phrènes, ce chœur mouvant nous offre une fascinante continuité vocale et gestuelle… Geoffroy Jourdain signe des arrangements en parfaite symbiose avec la chorégraphie en forme de rituel baroque et il se réjouit de faire renaître un patrimoine «qui ressemble autant à un tas de cendres qu’à un feu sacré».
Mireille Davidovici
Le spectacle a été joué du 24 au 27 novembre, à la Grande Halle de la Villette, 211 avenue Jean-Jaurès, Paris (XIX ème ). T. : 01 40 03 75 75. Dans le cadre du Festival d’automne à Paris
Le 30 novembre, Maison de la Culture de Bourges (Cher).
Les 3 et 4 décembre, Malraux-Scène nationale de Chambéry et Savoie et le 17 décembre, Concertgebouw, Bruges (Belgique).
Les 23 et 24 mars, Comédie de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) ; le 28 mars Théâtre Molière-Scène nationale-archipel de Thau, Sète (Hérault) et le 31 mars, Théâtre-Auditorium de Poitiers (Vienne).