Tumulus, chorégraphie de François Chaignaud, direction musicale de Geoffroy Jourdain

 

 Tumulus, chorégraphie de François Chaignaud, direction musicale de Geoffroy Jourdain

Tumulus ∏(7)

© Christope Raynaud De Lage

«Chanter et danser en même temps est au cœur de ma pratique soliste, dit François Chaignaud. J’ai toujours rêvé de créer une pièce de groupe qui s’appuie sur ces répertoires anciens, confrontés à nos corps actuels.» Il réalise ici, avec le musicologue Geoffroy Jourdain, une étonnante procession rassemblant des interprètes rompus au chant comme à la danse. Pour la première fois, il n’est pas lui-même sur le plateau, comme dans son remarquable Romances Inciertos, un autre Orlando (voir Le Théâtre du blog).

Venu de la salle, un lent cortège avance en silence : treize corps soudés les uns aux autres, dans des costumes volumineux et déstructurés. L’étrange tribu investit la scène où s’élève un tumulus, un de ces monticules herbeux qui, dans les campagnes recèlent d’antiques sépultures. Les artistes se déploient autour et entonnent des polyphonies anciennes et contemporaines, allant de la Renaissance, avec un motet de Josquin Desprez  Qui habitat in adjutorio altissimi (1521) ou des extraits du Requiem (1547) de Jean Richafort, jusqu’au Dies Irae de la Missa pro defunctis (1718) d’Antonio Lotti et ici, interprété pour la première fois en France,  Musik für das Ende (1971) du Québecois Claude Vivier. Les sonorités fluides du latin religieux ou profane alternent avec la légèreté des psaumes anglais de William Byrd : Lullaby my sweet little baby.

Une ronde sans fin s’organise, et, d’un chant à l’autre, les corps s’animent suivant l’humeur de la musique. D’abord funèbre, la procession s’attarde devant le tombeau, puis, quelques danseurs happés par les petites ouvertures qui y sont ménagées, se risquent à l’intérieur et en sortent comme ressuscités. Et la colline s’anime alors, telle une fourmilière, et devient un terrain de jeu pour une farandole célébrant sur des airs plus joyeux, la renaissance des corps… La mort est ici force de consolation et la musique insuffle un élan vital aux mouvements.

Mathieu Lorry-Dupuy a pensé le tumulus comme une machine à jouer, et les costumes de Romain Brau sont faits d’éléments amovibles encombrants, avec lesquels les danseurs peuvent s’emmitoufler ou se dévêtir, comme si leurs corps étaient en permanente mutation. Malgré quelques temps morts entre les phrènes, ce chœur mouvant nous offre une fascinante continuité vocale et gestuelle… Geoffroy Jourdain signe des arrangements en parfaite symbiose avec la chorégraphie en forme de rituel baroque et il se réjouit de faire renaître un patrimoine «qui ressemble autant à un tas de cendres qu’à un feu sacré».

Mireille Davidovici

Le spectacle a été joué du 24 au 27 novembre, à la Grande Halle de la Villette, 211 avenue Jean-Jaurès, Paris (XIX ème ). T. : 01 40 03 75 75. Dans le cadre du Festival d’automne à Paris

Le 30 novembre, Maison de la Culture de Bourges (Cher).

Les 3 et 4 décembre, Malraux-Scène nationale de Chambéry et Savoie et le 17 décembre, Concertgebouw, Bruges (Belgique).

Les 23 et 24 mars, Comédie de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) ; le 28 mars Théâtre Molière-Scène nationale-archipel de Thau, Sète (Hérault) et le 31 mars, Théâtre-Auditorium de Poitiers (Vienne).


Archive pour 29 novembre, 2022

 Deux Amis, texte et mise en scène de Pascal Rambert

 Deux Amis, texte et mise en scène de Pascal Rambert

Une histoire de couple: les prénoms Charles et Stan, ceux de Charles Berling et Stanislas Nordey, n’ont pas été modifiés. Amis à la ville comme à la scène, amoureux et embarqués dans un même projet de théâtre… Monter, jouer Tartuffe, Dom Juan et Le Misanthrope comme Antoine Vitez, mort avant ses soixante ans en 1990, ou comme Molière lui-même, avec deux chaises, une table et un bâton.  Entre les acteurs, les petites failles s’ouvrent dès le choix de la table, à supposer qu’ils aient ce choix : en bois, comme le suggère de loin un certain et dangereux H., en plastique, qu’on a sous la main…  En tout cas, à ne surtout pas changer au moment décisif où l’on passe des répétitions, à la représentation: l’acteur risque d’y perdre tous ses repères spatiaux, tactiles, ses appuis, son jeu…

© Giovanni Cittadini

© Giovanni Cittadini

En attendant, ils font avec. Charles et Stan laissent toute liberté à leurs jeux d’enfants, tendresses brutales, bagarres de cour de récréation. Au point de s’énerver contre le bric-à-brac accumulé en fond de scène. Blague : pour éviter qu’on parle d‘un spectacle « qui ne casse rien » ? Mieux, d’un spectacle « à tout casser » ? Ils se permettent même une rapide scène de cul –pourquoi refuser le mot, puisque nous avons vu la chose, à nu ? »- Et plutôt du côté jeu de gamins, que du trouble.
Mais trouble il y a, comme dans toutes les histoires de couple. Comment se peut-il, qu’à un moment, on ne se connaisse plus ? Que les pensées et les émotions de l’un, deviennent muettes pour l’autre ? Avec le temps, dirait Leo Ferré… Pascal Rambert écrit comme on respire, sur, pour, et avec le théâtre. Deux Amis passe par le dialogue quotidien, bref et nu, la rêverie intime, les grandes envolées de colère, la spirale infernale de la jalousie. Chaque mot dit par le jaloux lui-même creusant profondément le puits dans lequel il se noie… Ce pourrait être une pièce de boulevard mais non, on n’a pas le temps, il y a toujours urgence, l’amour (grande question chez Pascal Rambert ) n’attend pas.

Quoi encore ? Ce nouveau duo, après Clôture de l’amour (Audrey Bonnet et Stanislas Nordey) et Sœurs (Marina Hands et Audrey Bonnet) joue sur le même postulat : l’acteur garde son nom : ce n’est pas un rôle, ce n’est même pas son propre rôle. Avec ce qu’il est mais que nous n’appellerons pas ses outils, il entre de plain pied dans un texte fait pour lui . Et avec ce que sa personnalité, sa relation avec l’auteur, leur amitié, sans doute, lui ont donné. En un mot, l’acteur nourrit l’auteur, et réciproquement , en une belle histoire d‘anthropophagie mutuelle. Il y a bien quelques moments où cela piétine, où il y a trop de mots et où on fatigue, mais c’est à prendre ou à laisser. Et les spectateurs sont déjà embobinés, sauf exception : quelques-uns quittent discrètement la salle.. Et l’on n’en voudra pas à l’auteur d’être malin, et encore moins aux acteurs. Parce qu’ils sont vraiment là tous les deux et tout le temps. On dira que c’est la moindre des choses, encore faut-il que cette exigence soit tenue. Ici, ni triche, ni complaisance, chacun donne son timbre de voix, sa souplesse ou ses maladresses, se respiration avec une totale générosité. Cette histoire d’amour, du théâtre aussi, finit bien : le public applaudit chaleureusement.

Christine Friedel

Théâtre du Rond Point, 2 bis avenue Frankin D. Roosevelt, Paris (VIII ème), jusqu’au 3 décembre. T. : 01 44 95 98 00.

À suivre : trois pièces de Pascal Rambert bientôt à l’affiche :

Du 1 er au 4 février, 3 Annonciations, Chaillot-Théâtre National de la danse .

Du 2 au 18 février, Ranger, avec Jacques Weber.

Et du 7 au 17 février, Perdre son sac, avec Lyna Khoudri, Théâtre des Bouffes du Nord, Paris (X ème).

 

 

 

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