Animal de Kaori Ito et Manolo, par le Théâtre du Centaure

Animal de Kaori Ito et Manolo, par le Théâtre du Centaure

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© Anaïs-Baseilhac

Quatre chevaux noirs attendent sagement avec leur picotin d’avoine, que le public s’installe et que le spectacle commence. Autour d’eux ; l’équipe artistique s’active, prête à se lancer dans une aventure: la rencontre entre l’univers de la danseuse japonaise et celui de Manolo qui se dit « Centaure en mutation» : « Par l’écoute des corps et la danse, dit-il, Kaori me guide dans cette recherche sur la piste animale. »

 Une pièce en quatre temps, un par cheval : Indra, Arjuna, Nakula et Sahadeva. Chaque séquence révèle les personnalités des animaux comme celles des artistes et induit un dialogue spécifique entre l’humain et la bête, considérée comme partenaire à part entière. Johanna Houe, écuyère et accordéoniste, accorde le soufflet de son instrument à la respiration de sa monture, en l’amplifiant, au rythme du martèlement des sabots. Ce travail musical est ici accompagné comme aux autres moments du spectacle, à jardin, par le guitariste Virgile Abela et, à cour, par Anwar Khan, virtuose des tablas mais aussi du chant et de l’harmonium. La danseuse Léonore Zurflüh rivalise avec la circassienne à cheval en imitant sa cavalcade et plus tard, entamera un pas de deux ludique avec Arjuna, généreux et bondissant à ses côtés comme un chien familier…

Manolo, dans un corps à corps charnel avec Nakula, se love, peau contre poil sur la bête immobile. Un dialogue muet s’instaure, émouvante intimité, dans le silence du plateau. Ce dernier tableau dit poétiquement la possible symbiose entre l’humain et le règne animal . «C’est, résume Kaori Ito, l’histoire d’un homme qui joue avec des animaux fabuleux, qui danse avec eux et disparait en eux. »

L’homme-centaure a rassemblé autour de ses chevaux une prestigieuse équipe que Kaori Ito a chorégraphiée avec finesse, en mettant en avant le talent de chaque artiste et de chaque animal. Nous avons apprécié la virtuosité équestre de Johanna Houé, vice-championne d’Europe de dressage des Masters ibériques, qui a souvent collaboré avec Zingaro. Le compositeur Virgile Abela, artiste associé du Laboratoire de Mécanique et d’Acoustique du C.N.R.S., va et vient entre musique contemporaine et jazz. Il se lance ici dans un duel humoristique dans la grande tradition de la musique indienne, avec le malicieux Anwar Khan qu’on a pu voir chez Zingaro, au Théâtre de la Ville ou à la Philharmonie de Paris.

Et Léonore Zurflüh, interprète de la compagnie de Kaori Ito, s’intéresse depuis longtemps à l’éthologie équine pour lire et sentir le mouvement du cheval. Elle n’a ici rien à envier aux foulées des montures noires élevées depuis leur plus jeune âge par Manolo et chouchoutées par Séverine Deperrois et Malorie Leclerc selon les directives d’une ostéopathe pour chevaux qui accompagne la création.

En 1989, Manolo a fondé le théâtre du Centaure en Bourgogne et sa compagnie est maintenant installée à Marseille. Il oriente sa recherche vers la danse: «Petit à petit, je découvre un nouvel état d’être. C’est peut-être ça un Centaure : une relation, une danse avec le vivant». Animal est conçu pour être joué dans un théâtre ou en pleine nature, à la lumière du jour. Il faut découvrir ce spectacle et sa joyeuse énergie.

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 20 novembre, aux Théâtre des Gémeaux-Scène Nationale, 49 avenue Georges Clemenceau, Sceaux (Hauts-de-Seine) T. : 01 46 61 36 67.

 Les 25 et 26 novembre, Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Du 26 au 29 janvier et du 3 au 5 février, Biennale Internationale des Arts du Cirque, Marseille (Bouches-du-Rhône)

Le 5 mai, Quai 9, Lanester ; les 7 et 8 mai, Haras d’Hennebont (Morbihan).
Pôle de création des arts équestres en extérieur  les 13 et 14 mai, baie du Mont-Saint-Michel, Saint-Jean-le-Thomas (Manche).

 


Archive pour novembre, 2022

 Laurent Piron, profession: magicien

Laurent Piron, profession: magicien

Pour répondre à vos nombreuses questions, je fais de la magie depuis mes dix-huit ans. Lors d’une formation d’animateur en centre aéré, Enzo, un ami, m’a montré un tour un soir dans un bar. Je suis devenu fou et lui ai demandé de m’apprendre ce tour qu’il avait acheté sur un marché de Noël. Nous avons ensuite cherché ensemble sur Internet les boutiques de magie où nous avons acheté nos premiers accessoires.

Avec Enzo, j’ai aussi réalisé mes premiers spectacles devant des enfants en centres de vacances, entre leurs activités. Nous leur racontions des contes avec des tours pour leur donner plus de vie. Enzo et moi, nous nous retrouvions quelques soirs par semaine pour échanger nos dernières trouvailles et ensuite avons intégré Le 52, un club de magie à Liège pour rencontrer des magiciens.

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A vingt-deux ans, j’ai quitté la Belgique et me suis installé à Vancouver pendant un an, avec un permis-vacances-travail. J’y ai connu des magiciens qui travaillaient dans les rues au chapeau tous les soirs et j’étais bluffé par leur bagout… Je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire avec ces séances où des artistes qui n’étaient pas « engagés », gagnaient quand même assez bien leur vie.  J’ai donc commencé à faire aussi de la magie dans les rues de Vancouver, d’abord pour m’amuser mais aussi pour la pratiquer devant un vrai public…

En 2009, le premier jour où j’étais à la Fédération Internationale des Sociétés Magiques à Pékin, je reçois un courriel de mon employeur au Canada… Il m’annonce que mon permis de travail ne sera pas reconduit et que je devrais rentrer en Belgique dans un mois…Malgré cette mauvaise nouvelle, je profite un maximum de cet évènement mondial et découvre, pour la première fois, un univers incroyable avec des magiciens du monde entier.
Je rencontre, entre autres, Charlie Caper, un artiste de rue suédois mais qui va aussi dans les plus grands festivals. Il me raconte sa vie d’itinérant en suivant le soleil ; l’été, il travaille en Europe et Amérique du Nord et l’hiver en Australie, Nouvelle-Zélande… Et là, un déclic, je ne veux absolument pas retourner en Belgique et vais à la découverte du monde avec Pack small, Play big! Mon répertoire? Des tours simples sans beaucoup de technique où je me concentre sur mon personnage et la gestion du public, en surmontant les imprévus !Une aventure qui a duré trois ans. J’ai commencé par jouer trois mois à Sydney avec environ cent-cinquante spectacles. De pays en pays, de ville en ville, de festival en festival, le métier est progressivement entré et je me suis beaucoup amusé. Une formidable école… Plutôt optimiste, j’aime retourner les situations compliquées à mon avantage.

J’ai ensuite abordé la magie théâtralisée. En 2012, après mon tour du monde, j’ai créé  13 rue du hasard1 que j’ai présenté dans les théâtres et les festivals comme celui d’Avignon où il a reçu le Prix du public en 2014. Et je me suis fait connaître dans plusieurs pays dont la France. La Fédération Française des Artistes Prestidigitateurs a élu 13 rue du Hasard :« meilleur spectacle de l’année » en 2015. Dix ans après sa création, je continuer à emmener ce spectacle en tournée.

Puis je me suis dirigé vers la magie nouvelle quand j’ai  rencontré Raphaël Navarro et j’ai suivi sa formation au Centre National des Arts du Cirque à Châlons-en-Champagne pendant huit semaines. J’avais envie d’utiliser l’illusion comme un langage artistique à part entière et trois ans plus tard, j’ai co-fondé ma compagnie: Alogique (2)  et j’ai produit et interprété Battement de peur3, mon premier spectacle de magie nouvelle. J’ai connu des gens fascinants :d’abord le maître : David Copperfield que,très jeune j’ai vu dans une émission spéciale. Il s’enfermait dans un coffre-fort mais le building où il était, allait être détruit. Mais David Copperfield réapparaissait sur un podium cinq cents mètres plus loin !
Puis j’ai découvert mes premiers spectacles de magie nouvelle en 2015 dont Oktobre avec Yann Frisch, où je me suis pris une claque monumentale: ce que je voulais faire était bien là. Et Étienne Saglio ( voir Le Théâtre du Blog) m’a beaucoup influencé quand il donnait vie à des objets, que j’ai repris dans Paper Ball (4). Et bien sûr, Raphaël Navarro, Clément Debailleul et Valentine Losseau qui travaillent sur la lévitation des corps.
Un spectacle où on veut raconter quelque chose n’est pas juste une succession de tours mais doit être aussi porteur de sens et transmettre un message. Il faut donc qu’il y ait une suite logique dans la réalisation des tours et j’aime que tous les éléments aient un lien grâce à une histoire, comme en magie théâtrale. Mais j’apprécie également comme spectateur les autres styles. La magie nouvelle d’artistes charismatiques, entre autres, Luis De Matos ou Topas m’ont aussi influencé. Comme le cirque dont Le Cirque du Soleil, et les marionnettes. Il me semble important de découvrir d’autres rêveries : cela nous permet d’imaginer des images irréelles et émotionnelles.

Aux débutants, je conseille d’intégrer un club où ils pourront rencontrer d’autres passionnés, pour ne pas se cantonner à une seule pratique. Au début, il faut toucher à tout et aller voir beaucoup de spectacles, en particulier au festival d’Avignon. Et garder l’esprit le plus ouvert possible et « penser hors de la boîte » pour ne pas reproduire ce qui existe déjà, et imaginer que le monde est à vous, en ne se donnant aucune limite dans la création d’effets. Une chose essentielle : commencer par l’image que l’on veut donner au public et ensuite trouver des solutions techniques pour l’obtenir.
Notre art est sur une nouvelle et très bonne vague… Internet a apporté du mauvais mais aussi du bon, comme une certaine créativité. La Fédération Internationale des Sociétés Magiques à Québec nous a montré qu’il y avait de formidables numéros prometteurs. La culture générale -très importante- permet d’avoir une ouverture d’esprit, une curiosité mais la culture magique est aussi primordiale comme le solfège en musique. Et il faut faire ses gammes, apprendre, entre autres, toutes les techniques de cartes, mais pas de manière obsessionnelle. Et connaître les grands principes et méthodes pour ensuite trouver comment faire une magie personnelle et unique.

En dehors de mon travail, j’accorde beaucoup de temps à ma famille. Je suis souvent en tournée et rarement chez moi où alors je me consacre alors surtout à ma compagne, ma fille et mes amis. Et s’il me reste du temps, j’aime regarder des séries, écouter de la musique, faire mon jardin, ou me promener dans les bois. Mais je ne suis pas du tout sportif, même si je devrais l’être…

Sébastien Bazou

Dijon, le 18 novembre.  https://www.ciealogique.com/la-compagnie

1) 13 rue du hasard a été créé en 2013 et mis en scène par Hugo Van De Plas. En 2014, un numéro de six minutes a été extrait de ce spectacle sous le nom de Rain Ball/

2) La compagnie Alogiques a été fondée il y a quatre ans par Laurent Piron, Hugo Van De Plas et Sylvia Delsupexhe qui collaborent depuis 2011 à la création et l’écriture de spectacles de magie théâtralisée comme en 2018 Battement de peur, leur première création. Ce trio d’artistes propose des spectacles originaux et accessibles à un large public : la magie au service de l’émotion, et l’émotion au service de la narration…
Avec Paper Ball, Laurent Piron a eu le premier prix et est champion d’Europe de magie générale à la FISM Europe de Manresa en 2021 A la FISM à Québec, en juillet dernier, il remporta aussi le premier prix de magie générale et le Grand Prix, devenant ainsi champion du monde en magie scénique.

 

Une soirée au Théâtre du Rond-Point au profit de l’association SOS Méditerrannée

Une soirée au Théâtre du Rond-Point pour l’association SOS Méditerrannée

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Plus de 24.000 hommes, femmes et enfants sont morts depuis 2014 en Méditerranée, qu’il essayaient de traverser sur des embarcations de fortune. SOS Méditerrannée est une association humanitaire européenne de sauvetage en mer constituée de citoyens mobilisés. Et, depuis que ses opérations ont commencé en février 2016,  plus de 36.000 personnes dont le quart était mineur ont été secourues  par ses bateaux L’Aquarius, puis L’Océan Viking. L’association basée en France, Allemagne, Italie et Suisse, a reçu le Prix Unesco Houphouët-Boigny 2017 pour la recherche de la paix.  

À l’occasion de la parution du recueil SOS Méditerrannée, les écrivains s’engagent qui réunit des textes inédits de dix-sept grands auteurs contemporains, une soirée a été organisée au Théâtre du Rond-Point avec des lectures faites par Juliette Binoche, Anna Mouglalis et Guillaume Gouix et la participations musicale de François Morel, Abd El Malik. En présence, entre autres, d’écrivains comme Eric Fottorino, Marie NDiaye, Daniel Pennac, Wilfried N’Sondé…Et de nombreux artistes participeront à cette  soirée de solidarité pour apporter leur soutien à ces  missions de sauvetage en mer.

Ph. du V.

Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Frankin D. Roosevelt, Paris (VIII ème). Plein tarif: 35€; tarif réduit (demandeurs d’emploi, moins de dix-huit ans, étudiants: 16 €.) Tarif soutien: 100 € Placement libre. Réservations: T. : 01 44 95 98 21. Tous les bénéfices de la soirée seront reversés à Sos Méditerranée.

Le recueil SOS MEDITERRANEE, les écrivains s’engagent vient de paraître chez chez Folio-Gallimard. 

Et puisque départir, nous fault, conception et mise en scène de Cécile Feuillet

Et puisque départir, nous fault, conception et mise en scène de Cécile Feuillet

Dans un dispositif scénique bi-frontal, un radeau aux voiles salies et pendantes. On reconnaît aussitôt le fameux Radeau de La Méduse (1818-1819) de Théodore Géricault: plus de trente-quatre m2 d’effroi, avec corps et flots tourmentés. Une peinture exemplaire, d’une puissance et d’une exactitude qui force toujours l’admiration depuis qu’il a été exposé pour la première fois sous la Restauration.

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©x Le Radeau de la Méduse au Louvre

 

 Cécile Feuillet et sa compagnie Marée Basse se sont emparées de ce qui pourrait être l’emblème de notre époque: en deux mots, l’humanité va à la catastrophe. Voyez seulement les déceptions engendrées par les COP successives sur le climat, sans parler du pire. Avec ce Et puisque départir nous fault, l’angoisse des temps donne ceci : puisque le navire est à moitié naufragé et qu’on ne sait pas où on va, allons-y, sous la poigne ferme d’une capitaine à la ville comme à la mer. Cécile Feuillet, qui se rêve un peu en Tadeusz Kantor (1915-1990 (voir l’histoire du théâtre au XXème siècle). Presque toujours sur le plateau de ses spectacles, peut-être pour son goût de personnages-marionnettes dont on ne sait trop où est l’âme ? Dans le manipulateur ou dans l’objet ?

 

© Christophe Raynaud de Lage

© Ch. Raynaud de Lage

Revenons au radeau: d’abord considérer ceux qui restent, hommes ou pantins, morts ou vifs ? Puis recruter un équipage: incompétent, trouillard, renâclant, rêveur, maladroit. Mais tout le monde est embarqué et il faudra bien faire groupe: c’est cela qui compte. Avec même celui qui surgira dans un éblouissement de lumière, sans pour autant être une révélation.
L’histoire? Celle de ce rafiot qui finit par recevoir un nom, à défaut de cap. Et plein de magies diverses. Au fond d’une malle, d’abord et c’est par là que commencent les jeux d’enfants et le théâtre. Et aussi sur le bureau de la capitaine qui trouve de l’énergie pour la radio du bord… en branchant la prise sur sa tête! Nous ne vous raconterons pas tout et il n’y a d’autre chronologie ici, que celle d’une dérive dans la «pétole» ou «bonasse». La mise en scène, très précise par ailleurs, se soucie peu des durées, variables et pas toujours maîtrisées : la capitaine tenant à laisser une place à l’improvisation.

Là-dessus, faire confiance au jeu de clown, à chacune le sien, risqué et forcément inégal, tantôt attendu, tantôt surprenant. Mais toujours puissant, entre la répétition de l’échec -mais pourquoi cela fait-il toujours rire ?- et des trouvailles minuscules et triomphantes. Le décor, en rien improvisé, est plutôt le septième personnage de la pièce. Héritier d’un radeau construit avec des laisses de mer sur une île grecque (Ô Ulysse !), il en a gardé le bois poli et blanchi, les voiles à moitié déchirées, les amarres embrouillées en spaghettis. Nous en sentons la matière, le toucher et cela évoque d’emblée un théâtre bricolé, aussi ancien que cet art lui-même, cousin du chariot de Thespis et de la scène roulante envolée dans Molière, le film d’Ariane Mnouchkine.

Un équipage de femmes, comme nous nous en apercevons peu à peu: Cécile Feuillet, la capitaine, Anaïs Castéran, Jade Labeste, Pauline Marey-Semper, Alice Rahimi, Mathilde Weil. Avec, en renfort pour la scénographie: Diane Mottis, Frank Échantillon et Julien Puginier. Et pour les costumes, Valy Montag et la lumière, Simon Fritschi et  le son, le musicien Nikola Takov et Marion Cros.
Palme d’or aux régisseurs-plateau. Ces acteurs sont récemment sortis du Conservatoire National qui mérite bien ses majuscules. Son enseignement confère des responsabilités et c’est ici la première rencontre de ses ex-élèves avec un vrai public, celui souvent jeune du Théâtre de la Cité Internationale, et donc à moitié acquis.

Pour le reste, à elles de faire le travail, avec de petites blagues comme ce : « Merci au public », écrit sur une planchette descendant des cintres.  Avec aussi la poésie de leurs objets et ce que le public doit inventer à partir de leurs grommelots. Nous entendons quand même quelques paroles, mais ce n’est pas le plus important. Voilà un spectacle à l’écart des modes… à moins que ce ne soit la prochaine. Archaïque et sans complexes, comme l’indique le titre choisi, mais au parti pris très rigoureux. L’ équipage de radeau peut envisager quelques voyages au long cours.

Christine Friedel

Jusqu’au 26 novembre, Théâtre de la Cité Internationale, 17 boulevard Jourdan, Paris (XIVème). T. : 01 85 53 53 85.

Le Firmament de Lucy Kirkwood, traduction de Louise Bartlett, mise en scène de Chloé Dabert


Le Firmament de Lucy Kirkwood, traduction de Louise Bartlett, mise en scène de Chloé Dabert

En 1759 à l’Est de l’Angleterre, tous attendent – leurs parents ne l’ont jamais vu- la comète de Halley, puiqu’elle revient tous les soixante-quinze ans… et que nus verrons nous en vidéo… Ici douze femmes -tous âges et origines sociales confondus- s’occupent de leur maison: lessive, barattage de la crème pour faire du beurre, cuisson du pain, nettoyage des enfants, préparation des repas, arrachage des poireaux au potager avant que la nuit tombe…
Choisies par un juge, un homme! pour constituer un «jury de mères de famille» -une exception notable- pour un procès hors-norme. Le Juge demandera son avis à ce jury populaire sur le cas de Dally Poppy, une jeune domestique accusée par son mari qu’elle a trompé. Et condamnée avec son amant, à être pendue pour le meurtre de la fillette de notables très puissants. Mais elle serait enceinte et, si elle l’est vraiment, selon la loi, elle échappera à la pendaison, le futur bébé n’étant pas considéré comme coupable.
Par mesure de sécurité, ces femmes seront enfermées avec l’accusée menottée, au Palais de justice. «  mais sans viande, sans boisson, sans feu et sans bougie ». Et personne d’autre dans la grande pièce froide qu’un huissier tout en noir… interdit de parole. Elle ne sortiront de ce huis-clos, qu’après avoir voté pour dire si cette jeune femme est enceinte ou non.

© Victor Tonnelli

© Victor Tonnelli

Lucy Kirkwood est une autrice anglaise de trente-huit ans qui a écrit cette fable à coloration fémino/sororiste avec un suspense savamment entretenu dans une langue parfois crue mais aussi pleine d’humour. Un peu sur le modèle de Douze hommes en colère de l’Américain Reginald Rose (1920-2002). Ils vont juger un jeune homme de dix-huit ans ans accusé de parricide et en fonction de leur verdict, il sera condamné ou acquitté s’il y a doute…

Les procès théâtralisés ne manquent pas et le comique ou le tragique a toujours fait bon ménage avec les Tribunaux. Drame et/ou situation ridicule, acteurs, salle, public, renversements de situation… Il y a bien des similitudes et cela ne date pas d’hier (voir Les Euménides d’Eschyle avec le procès d’Oreste). Lucy Kirkwood, elle, a bien vu qu’en 1759, ces femmes avaient, pour une fois, l’occasion d’avoir accès à un niveau de pouvoir exceptionnel et l’occasion de mettre en cause des valeurs morales jusque là intangibles, sous les yeux du public.

Ces douze femmes, de la plus âgée, à la plus jeune, dont une sage-femme, peuvent parler en expertes,  de leur corps capable de faire naître un être humain. Et cela veut dire au quotidien  -et à l’époque sans exception- gérer une maison et plusieurs très jeunes enfants, jusqu’à vint-et un pour l’une d’entre elles! Et les discussions vont aller bon train, presque trois heures durant sur le non-pouvoir accordé aux femmes, leur sexualité dans une société patriarcale et ce meurtre.
Mais Lucy Kirkwood sait dire aussi les inégalités et jalousies entre elles, malgré une certaine solidarité féminine. Avec bonne conscience de la classe dominante et révolte des plus pauvres d’entre elles qui ont en horreur ces familles riches qui les maintiennent sous leur emprise.
Tout cela sous le regard du pauvre huissier qui ne peut rien dire ni intervenir. Plusieurs perdent leur calme jusqu’à faire naître une belle bagarre. L’art de la sage-femme sera aussi remis en question, même si elle a aidé plusieurs du groupe, puisqu’elle sert aussi de gynécologue et de conseillère conjugale… Après diagnostic sans appel du médecin, la jeune domestique, déclarée enceinte par un médecin, aura donc la vie sauve mais elle sera quand même condamnée à la relégation…

Cela commence par une vidéo avec des femmes accomplissant des travaux ménagers et elles se présenteront une par une sur le plateau devant un juge qui les fera jurer sur la Bible. Puis on voit en vidéo, une jeune femme rentrant chez elle couverte de sang… Et dans une grande pièce éclairée par un vaste plafonnier dispensant une lumière très blanche, avec, à jardin, une fenêtre tout à fait contemporaine qui laisse échapper les cris de la foule réclamant une peine sévère. A cour, une porte étroite qu’on ouvre avec une petite clé plate détenue par le seul huissier. Dans le fond, une grande table de bois et des bancs rustiques, une cheminée toute blanche avec une bûche… Une scénographie bien laide…dont le but est sans doute d’établir un pont entre le XVIII ème siècle et l’époque actuelle mais c’est raté!

Les débats de ce jury populaire choqué par ce meurtre vont commencer sur fond de vieilles querelles de village.L’accusée (Andréa El Azan) longuement interrogée, prétend être enceinte, et pour preuve, elle fera même couler du lait de son sein. Mais Charlotte Carey, très bourgeoise et partisane de la peine de mort (impeccable Marie-Armelle Deguy) ne fait pas confiance à cette fille pauvre. Laquelle inspire de la sympathie à Helen, justement parce qu’elle est pauvre. Mais pour Elisabeth Luke, la sage-femme (tout aussi impeccable Bénédicte Cerruti), toute cette affaire est une mauvaise farce et elle sera la seule à vraiment défendre l’accusée. Avec Océane Mozas (Judith Brewer), cet excellent trio emmène une distribution assez inégale: la direction des jeunes actrices n’est pas toujours très solide avec, trop souvent, de la criaillerie dans l’air…

Mais le public ressent bien le conflit entre une jeune meurtrière qui dit avoir eu un geste politique et un groupe de femmes vivant sous la surveillance absolue de leur père puis de leur mari, ayant besoin d’émancipation et prenant parti en sa faveur, après revirement pour certaines.
La première partie (une heure quinze) bien construite passe vite mais la seconde (une heure dix) avec des récits annexes, beaucoup moins. Incontestablement Chloé Dabert a une solide maîtrise de ce groupe- ce qui n’est pas évident- et elle sait faire de belles images… Comme ces femmes en rang, face public et servant de paravent quand Sally Poppy, étendue sur la table, est examinée par le médecin. Des images qui font souvent penser à 1789, le fameux spectacle du Théâtre du Soleil, mis en scène par Ariane Mnouchkine.
Malgré une bande-son approximative et bien conventionnelle! à base le plus souvent de percussions électroniques, notamment pour traduire le bruit de la foule! Comme si Chloé Dabert avait voulu éloigner le spectre d’une reconstitution. Les remarquables costumes signés Marie La Rocca participent beaucoup à la réussite de ce spectacle, souvent impressionnant de vérité mais dont le texte aurait pu être élagué sans dommage.

 Philippe du Vignal

Spectacle joué du 9 au 19 novembre, au Théâtre Gérard Philipe-Centre Dramatique National de Saint-Denis ( Seine-Saint-Denis). T. : 01 48 13 70 00.

Le 1er décembre, Le Parvis, Scène Nationale de Tarbes, (Hautes-Pyrénées).  

Les 10 et 11 janvier Scène Nationale du Sud-Aquitain, Bayonne (Pyrénées-Atlantiques). Du 25 au 27 janvier, Le Quai-Centre Dramatique National, Angers-Pays de la Loire (Maine-et Loire).  

Les 2 et 3 février, Espace des Arts-Scène Nationale, Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire). Et les 8 et 9 février, Comédie de Caen-Centre Dramatique national de Normandie (Calvados). 

Les 1er et 2 mars, Centre Dramatique National Drôme-Ardèche, Comédie de Valence  (Drôme).

Festival Plein Phare au Centre National Chorégraphique du Havre

Festival Plein Phare au Centre National Chorégraphique du Havre


Fouad Boussouf,  récemment nommé directeur du CCN Le Phare, à la suite d’Emmanuelle Vo-Dinh, met pleins feux sur la danse, en ouvrant la saison avec un nouveau festival qui lui ressemble: «mêlant, 
dit-il, différentes formes et différentes esthétiques, urbaines, contemporaines ou sans étiquette .» (…) « Il est urgent de se retrouver et de danser.» Interprète et chorégraphe, fondateur de la compagnie Massala en 2010, il a su convaincre les programmateurs avec des créations comme Näss, Oüm et Yës qui font une longue tournée dans l’Hexagone et jusqu’aux Etats-Unis.  On pourra voir ces œuvres pendant le festival qui accueille vingt-quatre spectacles, dont trois créations, deux pièces étrangères et quatre, de troupes normandes. Il y aura aussi une journée consacrée aux pratiques amateurs et à un projet mené au centre pénitentiaire du Havre.

Plein Phare implique onze partenaires dont le Conservatoire, le Musée d’art moderne André Malraux, La Scène nationale-Le Volcan, la Bibliothèque Universitaire… Avec un programme à l’image du projet du nouveau directeur: «Amener la danse partout, en commençant par le Havre, et aller plus loin dans la région, dans les zones rurales, encore peu irriguées par la danse.» Et Fouad Boussouf envisage une ouverture à l’international, notamment aux Etats-Unis… Le Phare, quartier de l’Eure près des docks, est au centre de l’événement et les créations mettent en lumière les interprètes habituels de Fouad Boussouf. Avec, pour entrée en matière, une performance de Filipa Correia Lescuyer qui se glisse, serpentine, dans le hall, parmi le public…

Emprise, de et par Maxime Cozic

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© Compagnie Felinae

Venu du hip hop et formé en danse contemporaine, jazz et classique, il signe là son premier solo. Felinae, le nom de sa compagnie, est en accord avec le caractère souple et tonique de cette pièce. Tel une araignée tissant sa toile, il a des gestes insolites avec mouvements de poignets et de bras confinant au tic mais qui deviennent les éléments d’une grammaire personnelle élaborée. Dans Emprise, il  dissèque et transforme les gestes involontaires qui échapperaient au contrôle de tout un chacun pour nous les renvoyer comme des clins d’œil. Il crée aussi un répertoire de différents styles glanés au cours de nombreuses collaborations avec, entre autres, Mourad Merzouki, puis Fouad Boussouf, Mickaël Le Mer et Étienne Rochefort.

Debout en équilibre entre verticalité et horizontalité, à la fois calme et nerveux, il ne joue pas l’esbroufe et danse avec une précision millimétrique, sur une musique étrange de Jimmy Febway.

Âmes, chorégraphie de Fouad Boussouf

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© Fouad-Boussouf

 Pour la première fois, le chorégraphe se confronte au format du solo et en a créé deux, -quarante minutes chacun- à l’occasion de ce Plein Phare. Cordes et Âmes se répondent et seront présentés ensemble. «Le solo, dit Fouad Boussouf, me met au défi de tout faire pour qu’une personnalité qui m’inspire,  révèle la part non visible qui l’anime.» Sami Blond fait partie de sa galaxie d’interprètes et a été pour lui  le point de départ d’ Âmes : «Il avait beaucoup d’histoires à raconter, une colère et une douceur qui me parlent.» Mais loin d’un seul en scène, la pièce convoque un compère, le comédien et pianiste Mathieu Morelle, qui sera le porte-parole de l’univers intérieur du danseur.Et bientôt dix amateurs les rejoindront sur scène.

Des bribes de phrases ponctuent les déplacements, le danseur entraînant son partenaire à arpenter la scène et à tenter de petits mouvements. Le texte, établi par Mona El Yafi à partir d’entretiens avec Sami Blond, reste léger et allusif : des échappées poétiques ponctuées par de discrets lancés de sable bleu. Le danseur développe une gestuelle leste, tantôt en douceur, tantôt en force, et des mouvements tournants, répétitifs. Sous les lumières de Nicolas Faucheux, le sol se couvrira petit à petit de grains colorés où les pas traceront des itinéraires. «Au commencement, dit le chorégraphe, il y a eu l’idée de marquer le sol avec des empreintes liées au temps qui passe .»

Pour retracer en mots et en images le parcours imaginaire du danseur, la musique discrète d’Eryck Abecassis fait appel aux éléments : comme le vent comme, invitation au voyage ;  un violoncelle marque la nostalgie, au diapason de J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans de Charles Baudelaire, concluant cette rêverie dansée. Les derniers vers résonnent dans une pluie de sable, transformant le plateau en sablier du temps: «Désormais tu n’es plus, ô matière vivante!/Qu’un granit entouré d’une vague épouvante/Assoupi dans le fond d’un Sahara brumeux/Un vieux sphinx ignoré du monde insoucieux/Oublié sur la carte, et dont l’humeur farouche/Ne chante qu’aux rayons du soleil qui se couche.»

Âmes se voit et s’entend comme un poème dramatique corporel. A ne pas manquer.

Mireille Davidovici

Plein Phare du 18 novembre au 3 décembre.

Spectacle vu le 19 novembre au Phare, 30 rue des Briquetiers, Le Havre (Seine-Maritime). T. : 02 35 26 23 00.

 Âmes, les28 et 29 janvier dans le cadre de Suresnes Cité-Danse, Théâtre Jean Vilar, Suresnes (Hauts-de-Seine).

Paléolithique Story (Comment avons-nous pu nous retrouver si coincés?), texte de Lazare Boghossian, Marion Stenton et textes pré-existants, conception et mise en scène de Mathieu Bauer, composition musicale de Sylvain Cartigny et Lawrence Williams 

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Paléolithique Story (comment avons-nous pu nous retrouver si coincés?), texte de Lazare Boghossian, Marion Stenton et textes pré-existants, conception et mise en scène de Mathieu Bauer, composition musicale de Sylvain Cartigny et Lawrence Williams 

 Cela se passe aux temps préhistoriques et dans une grotte, puisqu’il y a stalagmites (en résine et bien laides ! dont certaines ont des têtes d’hommes. Mais aussi de nos jours avec un échafaudage sur roulettes, un réfrigérateur. Dans des costumes tout aussi laids,  évoluent des musiciens (percussions, trompettes, deux pianos, guitares, banjo, saxos, accompagnant parfois voix en solo et en chœur). Et Emma Liégeois, la belle actrice de cinéma et chanteuse en robe à damier noir et blanc et escarpins… Impeccable et juste, elle apporte au moins un peu d’air frais dans ce spectacle estouffadou et prétentieux…

Paléolithique Story, c’est surtout une musique maîtrisée mais trop forte (et les acteurs-chanteurs hurlent dans des micros H.F.) Mathieu Bauer essaye ici de la mettre en phase avec  des textes sur la paléontologie, dont celui bien connu, écrit par Georges Bataille sur les peintures de Lascaux. Mais faute d’une véritable dramaturgie, le spectacle -bien longuet- navigue sans arrêt entre concert, petite intrigue avec pauvres dialogues, conférence et textes et/ou images projetées. But de l’opération: nous emmener dans une plongée paléontologique et remettre en question des  stéréotypes qui circulent encore. Comme la division du travail entre hommes-chasseurs et femmes- cueilleuses. Ou expliquer la naissance de la propriété et les inégalités sociales. Soit une petite balade de milliers de siècle de 35.000 ans (le Paléolithique supérieur et 6.500 ans (le Néolithique quand le climat a commencé à se réchauffer.
Le rapport au territoire  a alors changé et est apparue toute une évolution technique en prolongement de l’évolution biologique et sont alors apparues l‘agriculture, et avec elle, la propriété, le pouvoir exercé par des hommes sur d’autres hommes, les organisations sociales et le réalisme en art. Tout ce qu’explique très bien André Leroi-Gourhan, notamment dans
Le Geste et la parole. Mais aussi les inégalités, les invasions et guerres,  soit plus de six mille ans avant J.C. et  donc quelques milliers dannées avant la civilisation grecque. De quoi donner le vertige…

Oui, mais voilà, comment parler de cette évolution passionnante de l’espère humaine dans un spectacle? Il y a ici une trop grande accumulation de signes:  musiciens qu’on regarde jouer, texte dit, ou lu sur écran, photos de silex, crânes, squelettes en position fœtale qui défilent vite sur un rideau en plastique ou sur le mur du fond, etc. Et tout se passe comme si Mathieu Bauer avait été dépassé par l’ampleur du thème et le spectacle n’a pas été assez trvaillé en amont… Même s’il y a parfois de belles images, comme à la fin, avec le squelette entier d’un de nos ancêtres, arrivant sur un lit de terre et aux pieds duquel un des chercheurs vient déposer un gros bouquet de fleurs rouges…

«Gageons, dit Mathieu Bauer, que la démarche aléatoire qui sera la nôtre permettra de remplir notre panier d’une multitude d’idées, de pensées, d’images, de signes et de situations, à même d’être dégusté avec délectation par les spectateurs. »(…) « Les textes de Lazare Boghossian, les légers et distanciés révèleront par un jeu de contrastes, les enjeux essentiels que porte le projet. » Désolé, il y a bien multitude mais, pour la dégustation avec délectation, faute d’un texte et d’une dramaturgie efficace, que nenni et aucun espoir… Bref, cet ensemble touffu n’est en rien convaincant. Dans un genre proche, Hector Obalk avec son Histoire de la Peinture pour grand public (voir Le Théâtre du Blog) avec un cocktail généreux mais très au point, de musique, texte et projection d’œuvres, est beaucoup plus adroit…

Philippe du Vignal

 Spectacle vu le 17 novembre au Théâtre 71, Malakoff, (Hauts-de-Seine).

Du 8 au 10 décembre, Théâtre Joliette/Théâtre du Gymnase-hors les murs, Marseille (Bouches-du-Rhône).

 

 De bonnes raisons, de et par Matthieu Gary et Sidney Pin

 De bonnes raisons, de et par Matthieu Gary et Sidney Pin

 L’un est porteur et l’autre voltigeur. les deux font la paire. On les a vus dans un spectacle mémorable, Chute ! (voir Le Théâtre du Blog): exploits en série avec une analyse de leur motivations de « chuteurs» et des mécanismes de la gravité. Avec le même humour, ils créent ici un nouveau duo avec, cette fois, des agrès.

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© JL Chouteau

Sidney Pin désigne à son partenaire le «tuyau» auquel il devra grimper, tandis qu’il le tiendra en équilibre sur une épaule. Après avoir parlementé pour régler leur numéro et après plusieurs faux départs, les voilà  à l’oeuvre. Puis le mât s’allonge de plus en plus et Matthieu finira par monter à plus de sept mètres. Là haut, il compose des figures de plus en plus spectaculaires tandis que, en bas, son alter ego oscille sous le poids et les vibrations.

 Mais pourquoi se mettent-ils en danger ? Que faire de la peur? Où est le plaisir ? Que signifie ce besoin de se dépasser dans une société qui pousse à la performance ? Est-ce par amour de l’art ou du risque ? Autant de questions qu’ils se posent, tout en défiant la pesanteur dans une successions d’acrobaties qui nous tiennent en haleine.

Devant nous les artistes explorent leur relation: ils sont liés par un pacte de confiance: celui qui porte est solide comme une montagne, le voltigeur ,léger comme un oiseau. Et le public, lui, que cherche-t-il, assis à frémir ou rigoler autour de cette arène circulaire? Cette longue perche et ces voltigeurs ne risquent-ils pas de lui tomber dessus?

Les questions se font philosophiques: artistes et public se trouvent embarqués dans le même bateau et se doivent d’être solidaires. Mais trêve de mots, le spectaculaire prend le dessus et tout finit par de formidables envols dans le vide, depuis un haut perchoir ou à partir d’une bascule coréenne…

Les deux compères ont créé leur compagnie: La Volte-Cirque à Nantes et tiennent à développer une forme de pédagogie à partir de leurs performances. Ils proposent: « tantôt des spectacles-conférences, tantôt des ateliers spectaculaires ». De bonnes raisons, parfois un peu trop bavard, reste un spectacle intelligent, drôle, sensible. A découvrir…

 

Mireille Davidovici

Le spectacle a été joué du 8 au 19 novembre, au Monfort, 106, rue Brancion, Paris (XV ème).T. : 01 56 08 33 88  

Les 1 et 2 décembre, Cusset (Allier).

Du 22 au 24 février, Domain d’O, Montpellier (Hérault).

Du  18 au 24 mars, festival Srping, Rouen-Métropole (Seine-Maritime).

Et plusieurs spectacles, Maison des Métallos Paris (Xlème) en mai.

 

 

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Le Syndicat professionnel de la critique de Théâtre, Musique et Danse fête ses cent-cinquante ans

Le Syndicat professionnel de la critique de Théâtre, Musique et Danse fête ses cent-cinquante ans

Pour fêter cet anniversaire, le Syndicat professionnel de la Critique, de Théâtre,  Musique et  Danse a organisé une journée de rencontres. Olivier Frégaville-Gratian d’Amore, président du Syndicat de la critique a ouvert cette journée et Emmanuel Demarcy-Mota,  directeur du Théâtre de la Ville qui a mis l’Espace Cardin à disposition pour cette journée  a rappelé l’importance de la pensée critique sur les œuvres et souligne son nécessaire regard.
Mais les critiques, dit-il, sont aussi la mémoire du spectacle vivant qu’ils transmettent. Pour le jeune artiste qu’il a été, « ce regard, dit-il, a été essentiel et constructif, même s’il n’était pas toujours laudateur: les critiques sont aussi des écrivains et des phrases d’auteur lui sont restées. Ils font appel à l’imaginaire du public et des créateurs et sont de vrais influenceurs ».

Un bref historique

©x Edouard Fournier   auteur dramatique et critique de théâtre ( 1819-1880)

©x Edouard Fournier, auteur dramatique et critique de théâtre (1819-1880)

Les archives déposées à l’Institut des Mémoires de l’Edition Contemporaine de Caen (quarante-cinq boîtes) et à la Bibliothèque Nationale de France (treize boîtes) contiennent les rapports du comité et des assemblées générales, les lettres de candidature pour être membre du syndicat, les Lettres et Bulletins, des courriers…En 1872, est né un cénacle informel devenu cinq plus tard Cercle de la Critique Musicale et Dramatique qui, en 1902, prendra le nom d’Association Syndicale et Mutualiste. Cette association loi 1901 aura aussi une action sociale jusqu’il y a environ cinquante ans : pension de retraite, mutuelle, abonnement spécifique à la S.N.C.F. pour ses membres. Et Il y avait déjà un président, deux vice-présidents, un secrétaire-trésorier et deux archivistes.

 Elu président en 1932, Edmond Sée, auteur d’une douzaine de pièces et critique dramatique, le restera jusqu’à sa mort en 1959 ! Pendant l’Occupation, aucun nouveau membre n’est admis et sous la pression des Pouvoirs publics, le secrétaire général Maurice Gilis précise que les membres du Syndicat doivent avoir un certificat d’aryanité! Le même Maurice Gilis convoquera, après la Libération, une commission d’épuration…
En 1947, on étend la notion de critique à la radio et à la télévision et l’association prend alors le nom de Syndicat professionnel de la Critique Théâtre et Musique.Après la disparition d’Edmond Sée en 59, les membres du Syndicat contestent la présidence à durée illimitée. Avec Renée Saurel et Paul-Louis Mignon, Georges Lerminier change le statut et il en sera le nouveau président pour quatre ans.

© Renée Saurel

©x Renée Saurel


En 62, est créé un palmarès à l’issue du vote de tous les membres et il y aura des rencontres régulières avec les directeurs de théâtre et metteurs en scène comme Jean Vilar avant son départ du T.N.P. en 63, Maurice Escande, administrateur de la Comédie-Francaise, Jean-Louis Barrault pour la compagnie Renaud-Barrault…  Vu les événements politiques en 68, sous la présidence de Bertrand Poirot-Delpech, critique de théâtre au Monde, la proclamation du palmarès est reportée et il y a de nettes tensions entre les membres du Syndicat. Le président, en leur nom, apporte son soutien à Jean-Louis Barrault, quand son théâtre de l’Odéon est occupé par les manifestants. 

Appartinrent au collège: Musique, des compositeurs comme Gabriel Fauré ou Reynaldo Hahn… Et il y aura un prix unique jusqu’en 80, quelquefois remplacé par un Prix de la chorégraphie. Maurice Béjart le reçut trois fois… En 2.000, le Bulletin du Syndicat devient La Lettre du Syndicat, puis en 2.002, Frédéric Ferney laisse la présidence à Gilles Costaz. Et la critique de danse entre alors au Syndicat et un colloque aura lieu au Théâtre du Rond-Point avec les trois collèges : théâtre, musique, danse… Le Syndicat n’est pas passé à côté des artistes majeurs et a récompensé, entre autres, Jean-Louis Barrault, Ariane Mnouchkine, Patrice Chéreau. Giorgio Strehler, Bob Wilson,etc.  Mais les conflits sont récurrents depuis sa création jusqu’à aujourd’hui comme, entre autres, la visibilité du théâtre privé que soulevait déjà en 68 Jean-Jacques Gautier, président depuis 72 . Fut aussi contestée l’entrée au Syndicat de certains critiques; la remise des prix attribués a été remis en cause, comme la visibilité de la Critique dans la presse écrite et électronique, et les médias en général…

©x Robert Abirached

©x Robert Abirached

L’appartenance au Syndicat a-t-elle été quelquefois un marche-pied pour entrer dans les institutions culturelles? Le regretté Robert Abirached, par ailleurs professeur d’Université, fut nommé directeur du Théâtre au ministère de la Culture. Et Jean-Jacques Lerrant, Georges Lerminier, Alain Neddam, inspecteurs des spectacles…
Autre question récurrente: les invitations aux spectacles, offertes -ou non- aux membres du Syndicat. Jusque dans les années soixante-dix, les directeurs de théâtre traitaient la question avec le président, puis les services et les attachées de presse deviendront les interlocuteurs privilégiés des critiques.
Les voyages dans les théâtres ou les festivals, en province, voire à l’étranger, étaient souvent pris en charge par les grands journaux (mais pas toujours!). Ils le sont maintenant -mais qui d’une indispensable rigueur?- par les services de presse des théâtres et/ou des compagnies…la question reste entière

Jean Couturier

De la critique-monde. Acte 1 – Le regard critique dans différents pays

 Le matin, une première rencontre rassemblait des personnalités venues de l’étranger, pour évoquer l’état de la Critique dans le monde, avec des points de vue croisées. En Suisse romande, constate Alexandre Demidoff, critique de théâtre et danse pour Le Temps, chacun des cantons a sa politique culturelle avec une vitalité artistique remarquable et des centaines de talents émergents, dans cette région d’environ deux millions d’habitants. A Genève, il y a cinquante à soixante spectacles par soirée! Et le plus petit des cantons, celui du Jura (50.000 habitants) vient d’inaugurer une grande scène. « Qui parlera de tout ces jeunes talents en train de fourbir leurs armes, dit-il. (…) On devient critique parce qu’on a une sorte de révélation. Et le rôle du critique est d’accompagner les artistes  et d’entretenir le feu sacré .»

« Je suis devenue critique en marchant, après une formation initiale en droit», dit Sylvia Botella, dramaturge au Théâtre national Wallonie-Bruxelles, critique et chroniqueuse pour des médias belges et internationaux,  C’est «la pensée sociale» qui l’intéresse et l’observation d’un chaos créatif en Belgique, loin des grandes scènes centralisées.
« En Allemagne, depuis Lessing, la critique est considérée comme un exercice littéraire et même à la radio, les critiques privilégient la forme écrite», dit Eberhard Spreng, journaliste indépendant, critique de théâtre et traducteur, collaborateur artistique de productions en France. Mais il sent cette activité menacée. Selon lui, une critique négative n’est plus recevable par les professionnels du spectacle. “Pourtant, dit-il, on n’écrit pas pour les artistes mais pour le public.”
Même point de vue chez Laura Cappelle, chroniqueuse pour le théâtre au New York Times et critique de danse pour plusieurs médias anglo-saxons. «À l’étranger, il faut expliquer le contexte culturel français. Les Anglo-saxons attendent qu’on aille droit au but et qu’on donne des avis tranchés, sans détour intellectuel. »
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©x Le Théâtre National de Tokyo

Victoria Okada, critique de musique pour des médias japonais et français, explique que dans son pays où la société est fermée et traditionnelle, on se précipite sur les artistes prestigieux internationaux et sur ceux qui ont eu des prix. La difficulté pour elle, étant « d’apporter un regard européen». Bref, là comme ailleurs, le critique est un passeur, pour le public et les artistes…Et de l’avis de tous ceux ici présents, on est critique par hasard. «On ne nait pas critique, on le devient», dit Jean-Pierre Léonardini dans Qu’ils crèvent les critiques…

 Mireille Davidovici

 Les critiques vus par les artistes et les directeurs d’institution

En fin d’après-midi, des artistes et directeurs de salles ont parlé de la place de la Critique et de leurs attentes. Participaient à ce débat, Léna Bréban, metteuse en scène, auteure et actrice, 

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©x Hassane Kassi Kouyaté

Hassane Kassi Kouyaté, directeur du Festival les Zébrures d’automne, ex-Francophonies en Limousin, Chantal Loïal, interprète et chrorégraphe de la compagnie Difé Kako, directrice du fstival du Mois Kréol, Alain Perroux, directeur général de l’Opéra National du Rhin à Strasbourg et Petter Jacobson, chorégraphe, directeur général du Ballet de Lorraine. Soit un panel assez représentatif des spectacles en théâtre, danse et musique.

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Léna Bréban dit que les conditions ont beaucoup changé et qu’elle a pu jouer pendant le confinement devant un EPHAD à Chalon-sur-Saône mais aussi des spectateurs, tous ou presque d’origine non européenne. Et là, dit-elle, on est au cœur de la situation actuelle… De quel type de spectacles, le public a-t-il envie et besoin? Qu’est-ce qu’un succès? Quel peut être le rôle de la critique?
“Je m’efforce de programmer des spectacles que j’ai envie de défendre mais aussi -c’est dans nos missions- une œuvre qui me plaisent un peu moins. Mais on sait ce qui va plaire à la critique et aux professionnels. Le théâtre doit prouver par des actions réelles qu’il a encore un sens mais le modèle actuel est à bout de souffle, dit Alain Perroux, directeur général de l’Opéra du Rhin à Strasbourg et un moment viendra où nous serons obligés de faire moins de représentations, alors que, paradoxalement, nous affichons le plus souvent: complet. Et Petter Jacobsen ajoute qu’il lui faut remplir les salles mais aussi obligatoirement faire des tournées pour arriver à un équilibre financier…Dans les deux cas, l’appui de la presse écrite ou pas est une nécessité. mais mieux vaut que l’avis soit positif!
Comme l’a aussi signalé Hassane Kassi Kouyaté, les critiques ont un rôle d’influenceurs. Mais ils ont aussi une fonction pédagogique : ce sont eux qui laissent une trace, même si leurs impressions sont plus ou moins fidèles. Et leurs lecteurs sont amenés à confronter leurs goûts à ceux qui dont une analyse  sur le spectacle.  

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Chantal Loïal souhaiterait être mieux accompagnée financièrement, pour que les critiques aient le temps de venir voir ses spectacles. Une critique positive dans un organe de presse important quelle que soit la signature, assure une année de tournée, disait Jacques Livchine, directeur du Théâtre de l’Unité. Un point de vue ici partagé à cette table ronde. Reste à faire venir les critiques quand une création a lieu en province; autrefois les publications prenaient le plus souvent en charge les déplacements. Maintenant, ce sont les théâtres et/ou les compagnies, la presse écrite comme électronique, très fragile, n’en ayant pas la possibilité. Ce qui peut faire problème, dit Alain Perroux. 
Isabelle Muraour, attachée de presse, qui assistait à cette rencontre, a aussi mis en exergue cette question financière qui complique les choses et met à mal l’indépendance de la critique…Nous nous souvenons d’un voyage de presse à Marseille où nos confrères étaient gênés pour écrire quelque chose après le mauvais spectacle que nous avions vus, parce que le théâtre avait pris en charge déplacement et séjour. Que faire quand il faut écrire un article?  Tout en ne se reniant pas, dire les choses sans être en rien agressif, reste un exercice périlleux qui fait partie des risques du métier…
Chantal Loïal a aussi mis le doigt sur une question grave de racisme: la difficulté de certains critiques noirs à entrer dans des salles… Et quand elle va aux Antilles, elle joue parfois, dit-elle, devant un public blanc… Et par ailleurs, en région ou à Paris, elle dit essayer de travailler avec les associations locales pour que les prix d’entrée soient peu chers, voire qu’il y ait gratuité… Léna Bréban a aussi souligné la difficulté de faire venir le public au théâtre.. Effectivement à écouter ceux qui participaient à cette rencontre, il y a urgence… D’un côté, il y a une inflation de spectacles créés puis joués à Paris et dans les grandes villes mais souvent à peine une dizaine de jours. Sans que les compagnies puissent espérer aller ensuite en tournée. La quadrature du cercle.
Tout se passe comme si le public devenait plus frileux et voulait bien aller au théâtre… à condition de ne prendre aucun risque. Il hésite à sortir et a du mal à suivre comme l’ont constaté les participants à cette table ronde. Les salles sont donc souvent à moitié vides mais parfois affichent aussi complet: la conférence-spectacle d’Hector Obalk sur le peinture au Treizième Art Paris (XIIIème), à Chaillot-Théâtre national de la Danse, les spectacles de la chorégraphe Robyn Orlin ou encore le récent Firmament au Centre Dramatique National de Saint-Denis ( voir Le Théâtre du Blog). 

Et les participants à cette table ronde en étaient bien conscients: l’offre culturelle depuis quelques années, s’est beaucoup diversifiée. Avec des projets surtout ponctuels et souvent au détriment du théâtre, avec un public vieillissant… Au profit de la danse contemporaine qui attire plus les jeunes, ou de formes hybrides avec parfois, un événements sportif à la clé… La fréquentation des salles de cinéma étant, elle, comme on le sait, en chute libre. depuis plusieurs mois, sans qu’il y ait le moindre report vers le théâtre 

©x Le C.D.N. de Colmar

©x Le C.D.N. de Colmar

Un peu d’histoire: le premier Centre Dramatique National a été créé à Colmar, avec, à sa tête, le grand André Clavé ( 1916-1981) il y a… soixante-quinze ans. Depuis la France a bien changé et il y a maintenant une trentaine d’Opéras, trente-sept Centres Dramatiques Nationaux, soixante-dix sept Scènes nationales et quatorze Scènes conventionnées… Un formidable réseau mais inégalement réparti, coûteux et dont les missions ne sont pas toujours en accord avec les envies de la population, notamment celle des banlieues de Paris et des grandes villes… Les Ministres de la Culture qui se sont succédé avaient sans doute d’autres priorités mais n’ont jamais fait bouger les lignes.
Cet échange entre professionnels venus de Métropole et d’Outre-Mer aura au moins permis de faire le point. Reste aux critiques à continuer à faire le boulot au quotidien en toute impartialité mais, quand il faut choisir de parler ou non d’un spectacle, ils n’ont aucune solution devant l’inflation actuelle et alors qu’à peine 10% des Français vont au théâtre une fois par an! « L’inflation, comme la guerre, écrivait Ernest Hemingway, apporte prospérité temporaire et destruction indélébile ». En France, pour le théâtre, nous n’en sommes heureusement pas là mais restons vigilants…

Philippe du Vignal

Ces rencontres ont eu lieu 17 octobre au Théâtre de la Ville-Espace Cardin, 1 avenue Gabriel, Paris (VIII ème). T. :  01 42 74 22 77.

Syndicat professionnel de la critique de Théâtre, Musique et Danse. critiquesyndicat@gmail.com

 

 Walser show, d’après l’œuvre de Robert Walser, conception et mise en scène d’Olga Grumberg

 Walser show, d’après l’œuvre de Robert Walser, conception et mise en scène d’Olga Grumberg

© Luco Leleu

© Ludo Leleu

Cela ressemble à un spectacle pour enfants au «Cabaret de la montagne» entre sapins et ours, avec, au loin, l’image d’un paysage de lac. De fait, c’est un spectacle pour un enfant, celui que chacun porte au fond de soi tout au long de sa vie. L’Étang, premier et court texte de Walser, le seul écrit en dialecte et non en allemand, en cadeau à sa sœur, n’était pas destiné à la publication.
Fritz, un garçon mal aimé, laisse sa veste au bord de l’eau et sa casquette y flotter pour que se famille s’inquiète enfin de lui. Et il réussit son coup, sans que le malaise soit totalement dissipé, juste décalé,. L’amour retrouvé de sa mère ayant un goût de fraude : «On ne dira rien, cela restera entre nous ».Nous comprenons ce que Franz Kafka doit à Robert Walser: le poids définitif des terreurs enfantines et une culpabilité indécise, nées de la famille mais surtout de la crainte d’un père fouettard, secondé par une mère effrayée et soumise.

Olga Grumberg a tricoté L’Étang avec Félix, une nouvelle tardive trouvée avec d’autres textes brefs dans les « microgrammes » ou « écritures minuscules» de Robert Walser, sorte de code secret protecteur, jeu de vieil enfant.  Elle est entrée dans son esprit, avec des scènes courtes, très simples, quotidiennes et chargées d’émotions entières, immenses. Le puzzle s’installe crescendo et forme un paysage d’une vraie poésie. Il est rare de voir un spectacle «modeste» monter à ce degré-là. Cela tient aussi à la scénographie simple de Marie Brosse, éclairé par Jean-Yves Courcoux, parfaitement accordé à l’écriture proche de la naïveté apparente et de la cruauté d’un conte de fée. Et aux acteurs sans chichis : Renaud Danner, Julie Pouillon, Jean-Pierre Petit et Arthur Verret aussi musiciens, et d’Olga Grumberg elle-même, comédienne et metteuse en scène. Une position risquée… Ce qui lui donne sur scène un imperceptible tremblement très « walserien ». La sympathie entre l’auteur et elle, ne fait aucun doute.

Nous regrettons un peu le choix du titre : Walser show, pour un théâtre qui trouve son charme dans la simplicité et une intensité qui refuse justement l’éclat d’un show. Ici le cabaret n’est pas un grand spectacle brillant mais une succession de petits numéros. Mais on n’est plus du tout au cabaret. Et ces courtes scènes souvent inachevées, en suspens, sont des «récits, bribes, silences, incarnations de personnages et d’histoires dit Olga Grumberg, et cette aventure nous pousse, nous acteurs, à nous promener dans le langage avec, je l’espère, une part de la liberté si chère à Walser. » Cela donne, au fil de la représentation,  une gravité et un chemin poétique qui vont beaucoup plus loin que le simple divertissement.

Christine Friedel

Spectacle vu au Lavoir Moderne Parisien, Paris (XVIII ème) le 4 novembre.

Comédie de Picardie, Amiens (Somme), du 23 au 25 novembre. T. : 03 22 22 20 20.

L’Étang et Petite Prose de Robert Walser sont publiés aux éditions Zoé.
Petits Essais, Les Enfants Tanner, Le Commis, La Promenade, sont édités chez Gallimard.

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