La Maladie de la mort de Marguerite Duras, traduction de Kyveli Malamati, adaptation et mise en scène d’Emanuel Mavros
La Maladie de la mort de Marguerite Duras, traduction de Kyveli Malamati, adaptation et mise en scène d’Emanuel Mavros
Dans les textes du Nouveau Roman qui ont été adaptés pour le théâtre, la parole, souveraine, constitue souvent la seule action. Le nombre de personnages est réduit et il y a surtout des voix. Les frontières s’effacent alors entre roman et théâtre. Dans La Maladie de la mort (1982), un homme paye une femme pour lui parler quelques nuits. Les personnages alors ne jouent plus les faits mais en sont les narrateurs qui disent aussi les didascalies.
Un théâtre qui est donc plus littérature que spectacle et où la parole est à la fois incantation du passé, de la passion, des désirs et souvenirs. Comme elle est ressassement du rien chez Samuel Beckett, ou affleurement du subconscient chez Nathalie Sarraute.Ici, l’amour impossible et l’absence de désir, est, en filigrane, l’histoire que Marguerite Duras eut avec Yann Andréa, homosexuel et donc incapable de la désirer, alors qu’elle l’aimait ouvertement. Un thème qui sera aussi celui des Yeux bleus, cheveux noirs (1986).
La Maladie de la mort, une confession de l’autrice avec un message aujourd’hui daté: les homosexuels ne pourraient pas s’attacher et seraient condamnés à passer de relation en relation, sans pouvoir construire un amour avec un partenaire… Une idée forte chez elle, qu’elle estime grave et qu’elle nomme : maladie de la mort. Soit une incapacité à aimer réellement.
Ce roman a été pénible à écrire pour Marguerite Duras: affaiblie et peu attentive à cause de son alcoolisme, elle dictait son texte à son secrétaire qui avait du mal à interpréter ses paroles brouillonnes. Une cure de désintoxication retarda son achèvement et donc sa publication.
Le titre original: Une Odeur d’héliotrope et de cédrat fut abandonné quand le roman fut devenu conséquent. L’écrivaine essaya de l’adapter au théâtre mais le projet n’aboutit pas.
L’adaptation d’Emanuel Mavros, à l’esthétique proche de l’écrivaine, l’aurait sans doute réjouie. Dominant ici l’espace, un très grand voile blanc, alcôve ou grand lit, est une métonymie d’un couple uni et, par extension, du monde. Côté cour et jardin, un écran où seront projetés des extraits de films tout au long du spectacle. Et la voix off de la narration, accompagnée de musique, crée une forte émotion. Images d’un couple au bord de la mer, beauté de la nature, voluptueux cris d’amour, visages de l’homme et de la femme enfants:tout cela crée un univers et renforce la grandeur tragique du vide.
Nous avons particulièrement apprécié le rythme du spectacle, la mise en scène teintée de psychanalyse et l’interprétation de Yannis Apostolidis et Styliani Kleidwna. Ils font avec sensualité, érotisme fervent et mélancolie, le portait des personnages et soulignent bien les non-dits et sous-entendus du texte.
Nektarios-Georgios Konstantinidis
Théâtre Dromos, 25 rue Agiou Meletiou, Athènes. T. : 0030 2108818906
https://www.youtube.com/watch?v=5YdlGM6Pnfc