La Chute des anges, mise en scène et chorégraphie de Raphaëlle Boitel

La Chute des anges, mise en scène et chorégraphie de Raphaëlle Boitel

Les arts du cirque sont en perpétuel renouveau. Raphaëlle Boitel participe à cette effervescence avec des pièces qu’elle qualifie de «Cirque-théâtre chorégraphique ». Nous avions découvert avec bonheur 5es Hurlants, créé avec les jeunes diplômés de l’Académie Fratellini où elle a été formée, et, dernièrement, Le Cycle de l’absurde, spectacle de sortie du Centre National des Arts du Cirque en 2020 (Voir Le Théâtre du blog). La Chute des anges fait appel, cette fois-ci, à la chute des corps et à leur aspiration à l’envol.

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© Sophian Ridel

Première image saisissante, l’atterrissage sur un agrès horizontal, d’un être venu des cintres. Sa longue silhouette, prise dans un manteau gris, oscille dans une lumière à contre-jour, créant des effets stroboscopiques. Sorte d’Icare ou ange tombé des nues ? Deux figures, tout aussi étranges, le rejoignent, enveloppées dans les mêmes houppelandes sombres et figées, telles des marionnettes ou tournoyant en apesanteur au bout d’un filin… Bientôt, ils seront sept personnages, acteurs ou circassiens, anges de lumière happés par l’ombre, errant et cherchant une échappatoire. «On ne sait pas exactement ce qui a provoqué leur chute, dit Raphaelle Boitel… On est probablement peu de temps après et eux-mêmes semblent ne plus se rappeler ce qu’il s’est passé.. Ils en ont oublié ce qu’ils étaient. »

Réglés par une subtile chorégraphie, entre horizontalité et verticalité, les corps se croisent, indifférents les uns aux autres, s’acoquinent en un duo sensuel. Ou ils s’agglutinent, tribu en déshérence, autour d’un phonographe à pavillon crachant une rengaine du music-hall anglais: Daisy Bell d’Harry Dacre (1892). Quelques personnages essayent de se soustraire à la pesanteur, avec ou sans agrès, sous l’œil menaçant de lampes aux bras articulés qui les suivent en un ballet mécanique, et tracent des figures géométriques dans l’espace.

 Raphaëlle Boitel a gardé de ses douze ans chez James Thierrée -elle joua notamment dans La Symphonie du Hanneton et La Veillée des Abysses- un goût pour les images poétiques. Et elle écrit ses pièces au plateau : «C’est ma feuille blanche, dit-elle, et les interprètes, la musique, la lumière en sont la palette ». Les solos des circassiens se fondent dans le ballet des corps et objets, noyés dans les vapeurs des projecteurs et accompagnés par la musique d’Arthur Bison.

Emily Zuckerman, acrobate et danseuse, se fige parfois, hypnotisée par une lointaine clarté qu’elle cherche à capter, avant de disparaitre dans les hauteurs obscures. Alba Faivre, elle, se love autour d’une longue perche en des arabesques vertigineuses, entre ombre et lumière… Autour d’elles, gravitent Clara Henry, Lilou Hérin (en alternance avec Sonia Laroze), Tristan Baudoin, le fil-de-fériste et clown Loïc Leviel, et Nicolas Lourdelle qu’on a pu voir dans les spectacles de Baro d’Evel.

© Sophia Ridel

Sophian Ridel

Clairs-obscurs et danse des luminaires, orchestrés par Tristan Baudoin sont ici essentiels. Ce passionné d’arts plastiques a rejoint la Cie 111 d’Aurélien Bory et depuis 2011, accompagne les créations de Raphaëlle Boitel. Il en assure aussi la scénographie, la régie et la conception robotique.

Les artistes sont partis de l’allégorie de la caverne de Platon pour vêtir leurs anges d’ombres et de lumière. Qui sont-ils et pourquoi sont-ils tombés ? Comment s’en relèveront-ils ? Belle métaphore de notre humanité menacée, ce spectacle exceptionnel ne manque pas d’humour. À recommander ainsi qu’Ombres Portées, Un contre un,Le Cycle de l’absurde actuellement en tournée.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 31 décembre, Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt. Paris (Vlllème) T. : 01 44 95 98 21

 Le 28 février, Théâtre Equilibre, Fribourg (Suisse). Les 3 et 4 mars, Théâtre Municipal de Grenoble (Isère) . Le 7 mars, Le Pôle, Bron (Rhône) . Les 10 et 11 mars,| Le Manège,- Scène nationale de Maubeuge (Nord). Les 14 et 15 mars, Opéra de Massy (Essonne).

 

 


Archive pour 8 décembre, 2022

Dogville, adaptation de Lars von Trier par Christian Lollike, traduction d’Adonis Galeos, mise en scène de Lilly Melemé

Dogville, adaptation de Lars von Trier par Christian Lollike, traduction d’Adonis Galeos, mise en scène de Lilly Melemé

Ce film du grand réalisateur danois (2003) a connu le succès dans le monde entier et a été adapté plusieurs fois au théâtre. Dans un décor minimal, arrive Grace, une fugitive recherchée par des gangsters puis par la police, à Dogville, un bourg isolé. Les habitants acceptent de l’héberger et de la cacher, en contrepartie de travaux ménagers, entretien du jardin, garde d’enfants, cueillette de pommes, etc. Mais peu à peu, ils révèlent leur vraie nature et ce bourg, de refuge, deviendra prison.

©Patrok Skafidas

©Patrok Skafidas

Qu’on le trouve cynique ou d’un réalisme distant façon Bertolt Brecht ou Friedrich Dürrenmatt,  spectateur est le détective impuissant ou le complice de ce film noir. (Personnes sensibles s’abstenir). En neuf volets et un prologue, une récit encadré comme une démonstration ou une révélation mettant au jour la misère morale de ses personnages. Il n’illustre pas mais démonte et fait voir l’envers, peu reluisant, du décor…. L’absence de murs aux maisons ou abris des habitants de Dogville donne le sentiment d’avoir accès à leur vie comme à leur âme, de façon transparente et crue.

Lilly Melemé sait créer des spectacles de grande qualité après une solide recherche dramaturgique. Et dans ce microcosme, dialoguent l’ici et le maintenant. Un clin d’œil discret et amer… Et elle nous amène à une réflexion critique sur les abus du pouvoir. Décor symbolique, costumes soulignant la fonction des personnages, bon rythme et suspense: Lilly Melemé a conçu une mise en scène où elle a su transformer ce petit paradis de Dogville, en enfer. Et les acteurs, bien dirigés sont tous excellents. A voir absolument.

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre Akadimos, 17 rue Ippokratous, Athènes, T. : 0030 2103625119

https://www.youtube.com/watch?v=dvHsqOCuNT8

 

Présentation des travaux artistiques retenus par FoRTE

Présentation des travaux artistiques retenus par FoRTE

Le Fonds régional pour les talents émergents est un dispositif créé par la Région Île-de-France en 2017. Doté d’un million d’euros par an, il a pour objectif d’aider après appel à projet, les jeunes artistes et créateurs vivant le lus souvent en banlieue de Paris et jusqu’à trente ans. Ils doivent être diplômés ou avoir suivi une formation en arts visuels, cinéma, audiovisuel, musique, arts de la scène. Depuis 2018, FoRTE a ainsi soutenu plus de deux-cent artistes…

 

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Après sélection par un jury d’experts et d’élus, les candidats retenus reçoivent une aide financière pour créer en Île-de-France leur première œuvre et se faire connaître. Et un accompagnement par une structure professionnelle, artistique ou culturelle, le prêt de matériel et/ou d’ateliers et la mise en relation avec des professionnels. Les demandes de bourse  sont présentées par un jeune créateur ou un collectif de jeunes créateurs ou par une structure d’accompagnement pour une demande de subvention. Et ce, jusqu’à 2.500 euros par mois, sur un maximum de dix mois pour un jeune créateur qui doit être accompagné par une structure professionnelle d’accompagnement à laquelle une aide accordée sous forme de subvention peut aller jusqu’à 50. 000 euros. Cette structure assurant alors la rémunération de l’artiste. 

Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, a souligné que ce dispositif FoRTE  lancé en 2017, veut donner aux artistes de moins de trente ans les moyens de leurs ambitions. Pour cette cinquième édition FoRTE, quatre jurys d’experts, un par discipline, réunis en septembre dernier, chacun sous la présidence d’un élu régional ont sélectionné trente-huit projets sur les cent-trente trois candidatures reçues. Soit sept pour les arts visuels, dix pour le cinéma et l’audiovisuel, treize pour la Musique et huit pour les Arts de la scène . Valérie Pécresse a tenu à remercier pour leur expertise scrupuleuse, les personnalités, membres du jury. Elle a aussi souligné la maturité de la jeune création actuelle, alors que l’Europe est en proie aux dérèglements du climat et à la guerre.
Elle ne tarit pas d’éloges sur ce dispositif qui selon elle permet à de jeunes artistes quelque cent cinquante depuis sa mise en place de relier une culture classique (Gorki, Brecht…à une autre culture, celle-là tout à fait contemporaine avec cirque, musique électronique et/ou métal. L’autre but de FoRTE étant aussi de faire sortir ce qui serait resté éloigné d’une reconnaissance « officielle ».
C’est sans doute oublier un peu vite que les meilleurs, que ce soit en théâtre ou dans les autres arts, sont vite repérés, notamment par les comités d’experts des D.R.A.C.  Bref, il semble qu’il y ait toujours en matière culturelle, un conflit larvé entre une Région et l’Etat. Mais abondance de biens ne nuit pas, comme disaient nos grands-mères. Après ce préambule, lors de cette soirée-événement, ont été présentées sous forme de courts extraits, les œuvres des candidats retenus. D’abord quelques morceaux de musique électronique Empty de Baptiste Lagrave puis The Square, du jazz funk de Raphaël Faingenbaum et Buzzing bee une ballade de jazz signée Gabrielle Hartmann.
Côté théâtre, en collaboration avec le Studio de Stains, un court extrait de La Forêt disparue d’Olivier Sylvestre, mise en scène d’Irène Voyatzis. Un travail créé à l’Echangeur de Bagnolet en mai prochain. Oli est un petit garçon qui a peur de tout mais son amie Val, elle, n’a peur de rien. Poussés par Marcel, le grand-père, à la découverte de la forêt près du village, ils vont découvrir le monde et ses transformations pour affirmer leur identité. Le grand-père, lui, transmet son histoire pour pouvoir s’en aller en paix mais il y a urgence car cette forêt est en péril. Mais difficile d’entrer dans un spectacle dans ces quelques minutes ici présentées. Donc à suivre…
A propos d’environnement, nous aurions beaucoup apprécié que Valérie Pécresse ait demandé aux responsables de cette soirée d’éviter à tout prix l’édition d’un gros programme à la fois en anglais et en français, posé sur un sac en toile sur chaque fauteuil! Quand on sait combien il faut d’énergie pour fabriquer un tel document édité à plusieurs centaines d’exemplaires et combien il faut de centaines de litres d’eau pour faire pousser le coton d’un seul sac ! Ce grs document-papier, lui, à peine lu, partira aussi sec et à plus de 95% à la poubelle ou au mieux, au recyclage. Alors que la feuille de salle, aussi généreusement distribuée, aurait largement suffi. Gouverner, c’est prévoir, y compris et
surtout en matière d’environnement ! Qu’en pense madame Pécresse?

En collaboration avec Anis Gras à Arcueil, un court moment des Enfants du soleil ( 105) de Maxime Gorki, adaptation et mise en scène d’Aksel Carrez. Une pièce qui avait été montée par Mikaël Serre en en 2014. Dans une grande maison de famille, des amis jouent aux cartes, peignent, écrivent des poèmes, chantent et jouent de la musique, mais parlent aussi de science, d’art et amour. Rêvant d’un monde où le peuple serait instruit et où la violence n’existerait pas. Dehors choléra et émeutes. Il y a dans cette pièce des thèmes tout fait contemporains. et le peu que nous en avons vu sonnait terriblement  juste.
Juliette Journaux a enchaîné avec quelques séquences au piano de Schubert: un beau moment musical salué par le public. Au rayon cinéma, Margarethe, un court métrage d’animation de Lucas Malbrun. Cet artiste franco-allemand est diplômé des Arts Déco à Paris et ce film, issu d’événements personnels, aux images fabuleuses, parle de folie et d’identité et fait aussi écho au passé de l’Allemagne et et donc la RDA, avec à la clé, impostures et manipulations.Et A la Chaleur des années froides, un très beau documentaire d’Eytan Jan et Darius Kaufmann sur l’âge d’or du cinéma cubain dans les années soixante, malgré la dictature de Castro. Comme si on était à la Havane.
Pour finir, une réalisation de Roza, le Plus Petit Cirque du Monde créé par quatre jeunes artistes issus de la classe de musique orientale du conservatoire de Gennevilliers. Les quatre musiciens de Roza jouent la bande originale du projet international Escaladant Eleusis en mettant la musique au service d’un travail dansé et acrobatique  de cinq artistes de cirque pour explorer et traverser notre histoire méditerranéenne.Entre Occident et Orient… De toute beauté. En une heure et demi, une soirée qui met les jeunes artistes de banlieue à l’honneur, loin des clichés, en musique, cinéma, arts de la scène. Et ces extraits d’œuvres donnent souvent envie d’en voir plus.

Philippe du Vignal

FoRTE, Les Vingt-Quatre heures de la Création vues à l’Opéra Bastille, Paris (XII ème).

Région Île-de-France 2 rue Simone-Veil, Saint-Ouen ( Seine-Saint-Denis). T. : 01 53 85 53 85.

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