Qui a tué mon père d’Édouard Louis, traduction de Stela Zoumboulaki, mise en scène de Christos Théodoridis

Qui a tué mon père d’Édouard Louis, traduction de Stela Zoumboulaki, mise en scène de Christos Théodoridis

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Une histoire fragmentée de colère et résistance avec, au centre, l’amour et l’humain. Un jeune homme revient après des années d’absence chez son père qu’il retrouve complètement détruit par des années de travail à l’usine. Il s’interroge sur sa relation avec lui, sur les mécanismes sociaux qui ont fait de son enfance, une blessure. Et il réfléchit aux conditions qui détruisent les corps de milliers d’ouvriers. «L’histoire de ton corps accuse l’histoire politique. » Dans ce roman autobiographique (2018), le politique rejoint l’intime et se racontent ici les corps des hommes marqués par l’Histoire. Un vibrant appel à la transformation du monde, en commençant par la main tendue d’un fils à son père.

Qui a tué mon père n’est pas une question mais une accusation. L’auteur dresse la liste de ceux qu’il juge responsables de la destruction du corps paternel. Selon lui, les présidents comme Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande, Emmanuel Macron… ont mené des réformes qui ont abimé la vie des plus démunis. Il dit vouloir faire entrer par vengeance ces noms de politiques dans l’Histoire. Louis critique ici la croyance populaire selon laquelle la Culture à l’école serait aux antipodes de l’affirmation d’une identité sexuelle masculine.

Dans cet espace de domination selon lui, s’y soumettre équivaudrait à avoir une identité sexuelle féminine. Rien d’étonnant, puisque dans les représentations littéraires de l’école, le premier de la classe s’oppose au cancre. Le premier séduit très peu, alors que le second est le symbole de la masculinité révoltée contre l’ordre établi. Un cancre est considéré plus viril. L’échec scolaire semble correspondre à un idéal de la masculinité, alors que la réussite est associée à la féminité, mais pas uniquement.
Les ouvriers, dont l’histoire politique n’est pas encore écrite dans les manuels d’histoire, subissent le même sort que la masculinité qui se construit en marge des systèmes éducatifs. Cette littérature veut dénoncer l’acte oppressif d’une Histoire excluant les pauvres, les personnes racisées ou les minorités sexuelles.

Est-ce une pièce de théâtre? Plutôt un récit adressé et il y a donc théâtre. Edouard Louis commence par un beau préambule: «Si c’était un texte de théâtre, c’est avec ces mots-là, qu’il faudrait commencer : un père et un fils sont à quelques mètres l’un de l’autre dans un grand espace vide.»Exactement ce que nous voyons  et Christos Théodoridis, avec de grandes qualités d’évocation, parle avec une douceur amère, de la violence homophobe. Un hangar vide est transformé en salle de théâtre, soit un vaste espace avec  peu d’objets, un grand lit, un frigo, un micro-ondes et quelques ustensiles de cuisine. À travers des fragments mémoriels, les comédiens interprètent ce monologue viscéral en alternant les personnages du fils, du père et des autres personnages.
Le spectacle commence par un très long silence: face à face, Denis Makris sur le lit et Giorgos Kissandrakis debout. Le texte se raconte à travers les corps, les voix et surtout le regard. «Regarde-moi» répètent-ils souvent. Et ils soulignent le droit pour chacun d’être différent et  aussi ce qu’il veut être. Une gestualité et une expression exemplaire avec panache et conviction pour dire les mots de ce roman-pamphlet. Tantôt parole fracassante, tantôt simple murmure, ce texte frontal d’une grande intensité nous étreint. Et tout ce qu’il énonce, est parfaitement audible…

Nektarios-Georgios Konstantinidis

 ΠΛΥΦΑ, 39 rue Korytsas, Athènes, T. : 00306938690612

https://www.youtube.com/watch?v=e9Ojn4y8eGo 


Archive pour 26 décembre, 2022

Contemporary Dance 2.0 ,chorégraphie d’Hofesh Shechter

Contemporary Dance 2.0 ,chorégraphie d’Hofesh Shechter

«Quelle danse définit notre époque?», se demande le chorégraphe qui entend explorer les pratiques des danseurs en boîte de nuit : «Le clubbing  permet aux jeunes de se connecter à leur corps, de lâcher prise et de communiquer avec les autres par la danse.» Avec huit jeunes artistes de la Shechter dance company, il revisite cette pièce survitaminée, créée en 2019 avec le Göteborgsoperans Danskompani, en Suède.

SHECHTER-CD-2.0©ToddMacDonald-14

© Todd MacDonald

Quand le plateau s’illumine brutalement, le public est saisi par les corps en action, déjà poussés à l’extrême de leurs capacités physiques. Les quatre hommes et quatre femmes se fondent en un magma mouvant, solidaire, d’où un ou deux s’échappent brièvement. Ils se livrent à une succession de sauts, mouvements de tête et bras, à bout de souffle, sur les impulsions d’une boîte à rythme impitoyable. Pas loin de la transe qui porte le corps au-delà de lui-même. Parfois quelques reptations et disparitions dans le clair-obscur, leur permettent de reprendre haleine. Hofesh Shechter compose ses propres musiques: ici, une pulsation répétitive et heurtée, façon DJ et le chorégraphe, comme à son habitude, monte le son, à la limite pour les oreilles sensibles…

Le titre des cinq parties, séparées d’un noir sec, est annoncé sur des pancartes. Dans Pop, une séquence très animée, les danseurs sortent de la pénombre en plusieurs formations et souvent en deux groupes. Dans  With Feelings  (Avec émotions) les attitudes sont moins raides, les gestes s’arrondissent et la pénombre avale les corps pour les recracher. Dans Mother  (Mère), le groupe s’agite sans répit avec des insultes en anglais -réminiscences de Political Mother une pièce à succès ? que filmera Cédric Klapisch dans En Corps (voir Le Théâtre du blog). La quatrième partie, Contemporary Dance est plus ample: il y a du rituel dans ce recueillement momentané mais le cérémonial va se muer en une effervescence proche d’une transe où les danseurs sont comme électrifiés par la musique: le mouvement est poussé à son incandescence.  The End  clôt la pièce sur My way chanté par Frank Sinatra -adapté de Comme d’habitude une chanson de Claude François- La danse se calme alors et prend des allures de chœur façon music-hall.

D’une grande endurance, les interprètes se mettent au service de cette danse à l’état pur. Pour le chorégraphe, «C’est aussi une façon de briser l’espace sacré de la scène et une culture officielle qui se retranche souvent derrière sa propre sophistication.»  Avec ces pratiques festives d’aujourd’hui, Hofesh Shechter entend remonter aux racines primitives de la danse. Mais, en digne héritier de la Batsheva Dance Company où il fit ses débuts en Israël, il reste fidèle à son style fondé sur une puissante rythmique. 

Installé maintenant à Londres, il crée aussi des pièces pour de grandes compagnies comme récemment le Ballet de l’Opéra de Paris ( voir Le Théâtre du Blog). Nous le retrouverons avec sa troupe, programmé conjointement par le Théâtre de la Ville et la Philharmonie de Paris. Très « tendance», les créations d’Hofesh Shechter attirent les jeunes qui se reconnaissent dans cette grammaire incandescente où il porte le son et le mouvement à l’extrême. Même si certains n’adhèrent pas à cette esthétique, il faut se réjouir de voir un nouveau public découvrir avec enthousiasme une danse contemporaine généreuse et très construite, avec des interprètes exceptionnels.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 5 janvier, Théâtre de la Ville-Les Abbesses, 31 rue de Abbesses, Paris (XVIII ème).

Du 6 au 8 janvier, Light Bach dances, Philharmonie de Paris, 221 avenue Jean Jaurès, Paris (XIX ème). T. 01 42 74 22 77.

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