Trois clowns par la compagnie Les Bleus de travail
Trois clowns par la compagnie Les Bleus de travail
Alexandre Demay, Daniel Péan et Sylvain Granjon sont les initiateurs de cette compagnie en 1999. Puis, ils ont développé à Archaos, au Cirque Plume et au Cirque de rue Zindare, etc. é un langage du corps avec les techniques du cirque, du burlesque mais aussi parfois du théâtre.
Laurent Barboux, à l’origine équilibriste sur fil souple et clown, a ensuite appris le métier de tailleur de pierre et a été compagnon du tour de France puis a de nouveau rejoint le cirque. Avec Alexandre Demay et Gérard Blom, il a monté un trio d’acrobates qui joue dans les cirques et music-halls en Europe.
Lionel Becimol ESTAirbus, et Alexandre Demay est Marcel !Avec l’Envolée Cirque qu’il a cofondée, il est équilibriste sur fil souple et sur les mains. Il enseigne au C.N.A.C. et à l’Académie Fratellini ( voir Le Théâtre du Blog). Instigateur de ce spectacle, (à droite sur la photo), il y est Monsieur Lô, un clown blanc, en chemise à jabot et coiffé d’un chapeau-cône à rebord qui sait raconter des histoires. Impressionnant et à l’impeccable rigueur en maître de cérémonie mais aussi très drôle, il sait envoûter une salle.
Lionel Becimol (Airbus), lui, est acteur et clown.Il a étudié au Conservatoire national de Cracovie mais est aussi musicien (percussions) et chanteur. Il a joué entre autres, (excusez du peu!) au Théâtre de l’Unité d’Hervée de Lafond et Jacques Livchine, au Théâtre de la Licorne et chez Philippe Adrien. Il enseigne aussi l’art du clown et l’improvisation au C.N.A.C. et à l’Ecole du Samovar.
Alexandre Demay, acrobate et clown, est Marcel. Après un passage à l’école Alexis Gruss, il devient voltigeur dans un trio d’acrobates, puis chez Archaos et au cirque Plume. Il a ensuite fondé la compagnie des Bleus de travail et a créé entre autres Les Histoires de Marcel, Les Solistes, Fascination du Désastre, Americanne Drim et Hors Cadre. Et récemment MarcELLE et La Fée, des solos de clown. Bref, ils ont tous les trois un solide parcours.
Les clowns font des entrées soit de très courtes comédies farcesques ou des parodies d’artistes venant de quitter la piste, à partir d’un simple argument. Mieux vaut donc mieux avoir plusieurs cordes à son arc et une puissance comique à toute épreuve: c’est un travail à deux voire trois mais sans filet… Ici, ces vieux complices évoquent aussi les plus célèbres des clowns disparus comme entre autres Footit et Chocolat, les Fratellini, Pierre Etaix, en concluant à chaque fois avec un air goguenard : morts. «Plutôt, disent-ils, les jouer, leur rendre hommage en les pillant. Nous prenons à notre compte ce qui a fait le succès de leurs cabrioles, leurs gamelles, leurs apprentissages de la vie et du monde, leurs lueurs, leurs camaraderies nuancées de leurs luttes de pouvoir et leur appétit de public surtout. »
Deux viennent donc du cirque et le troisième, du théâtre et ils s’interrogent sur leur fonction aujourd’hui et sur ce curieux métier qui a pour but de faire naître le rire à leurs propres dépens mais sans même être sûrs d’y réussir à tous les coups… « N’est-ce pas du théâtre? En fait, c’est plus simple que ça, disent-ils, nous sommes clowns. Nous sommes dans la piste. Nous avons la parole. Nous posons des questions. Nous n’y répondons pas, nous jouons. ». Nous sommes rassemblés là en trio par envies de mêler nos façons de faire. Nous ne nous préoccupons plus trop de savoir si nous sommes des clowns de cirque ou de théâtre. »
Sans doute influencés par l’Auguste du clown Grock, devenu un personnage à part entière et jouant comme eux de la musique mais aussi par les très fameux Colombaïoni que nous avions découverts en 75 à Aix-Ville ouverte aux saltimbanques, une opération magistralement créée par Jean Digne et Charles Nugue, très populaire avec numéros et attractions un peu partout dans les rues d’Aix. Devenus célèbres vers 1970, ils étaient issus d’une famille de jongleurs, funambules et acrobates et clowns, Romano, Mario, Nani, Willy et Carlo Colombaioni et leur père Alfredo ont joué dans plusieurs films de Federico Fellini La Strada, Amarcord, Fellini Roma, Casanova et bien sûr Les Clowns… Improvisateurs et bonimenteurs, nés dans une tradition renouvelée de la commedia dell’ arte, Carlo et Romano formeront un trio avec Alberto, leur beau-frère. Puis le duo Carlo/Alberto jouera dans toute l’Europe. Encomplet veston, peu maquillés, ils vont reprendre les entrées traditionnelles clownesques comme Petite abeille donne-moi du miel. où le clown crache brusquement un paquet d’eau sur son partenaire. Mais hors piste et sur une scène ou dans la rue, avec une certaine théâtralisation de leurs personnages. Influencés par Dario Fo dont ils avaient joué La signora è da buttare. Il y avait chez chez eux une réflexion sur le clown et une sorte de mise en abyme qu’on retrouve ici où la virtuosité a rendez-vous avec l’intelligence.
Alexandre Demay, Laurent Barboux et Lionel Becimol se critiquent gentiment entre eux sur leur façon de faire puis dans une belle virtuosité gestuelle, jonglent avec une pile d’assiettes, font circuler une chaise toute seule, se mettent en équilibre l’un sur l’autre, jouent de plusieurs instruments… Mais nous ne nous dévoilerons pas leurs gags fondés sur la surprise et ils font hurler de rire les enfants). Il y a ici une réelle connivence et une formidable unité de jeu entre ces vieux complices dont tous les gags sont parfaitement rodés. Il y a bien quelques temps morts et des longueurs et le spectacle gagnerait à être resserré de quelques minutes… Bref, à être mieux mis en scène et mieux éclairé. Le Théâtre Trévise (qui va être refait), qui a un très mauvais rapport scène/salle : on ne voit pas le sol du plateau) n’est pas le lieu idéal pour ce type de spectacle. Mais bon, ne faisons pas la fine bouche, ces trois clowns réussissent à faire rire une salle entière et par les temps qui courent, cela ne se refuse pas…
Philippe du Vignal
P. S. : Là ce n’est pas drôle du tout mais ne ratez pas à l’entrée de la rue de Trévise, il y a deux grandes photos avec les textes bouleversants des coordinatrices des associations d’aide aux victimes d’une explosion de gaz il y a juste quatre ans. Elles n’ont toujours pas été relogées dans leurs immeubles en partie détruits. Quatre personnes dont deux pompiers aveint été tuées et quelque deux cent autres ont été, soit blessées physiquement soit très choquées et ont perdu leur logement. Plusieurs immeubles de cette rue et un autre dans la rue proche Sainte-Cécile sont donc, vu le danger, toujours interdits d’accès.
Madame Hidalgo, maire de Paris, avait d’abord refusé de contribuer à un fonds d’indemnisation par crainte que cela ne soit vu comme une reconnaissance de faute… Bravo, et comme tout est très long dans notre douce France, les victimes n’ont pu obtenir une réparation immédiate… et attendent toujours. Cela se passera encore à Paris en 2023. Comme dit Philippe Meyer, nous vivons une époque moderne!
Spectacle vu au Théâtre Trévise, 14 rue de Trévise, Paris (IXème). T. : 01 48 65 97 90. Les représentations reprendront du 29 janvier au 28 mars, les samedis, dimanches et lundis.