Darius de Jean-Benoît Patricot, mise en scène d’André Nerman

Darius de Jean-Benoît Patricot, mise en scène d’André Nerman

Une pièce que François Cognard et Catherine Aymerie jouent avec intelligence et finesse. Soit un drame vécu par des êtres hantés chacun par la mort qui les habite. Paul a perdu sa femme et en même temps, sa soif de création et voilà plus de huit ans qu’il végète dans son laboratoire aussi sinistre qu’un tombeau… Et il a aussi perdu son «nez»: l’instrument de travail du parfumeur, Bref, un phallus qui ne lui sert plus. Plus rien à inventer et à partager, plus de flagrance à proposer, bref, la vie pour lui s’est arrêtée…
Claire, elle, est une mère « sacrificielle »comme on dit. Elle a tout donné à son fils, son temps, sa vie, sa sexualité : Darius, sourd, muet et aveugle, est en fauteuil roulant et ne connait de la vie, que ce que sa mère lui donne. Seule la langue des signes le relie à elle, une langue qu’eux seuls connaissent, figés depuis toujours dans une inextricable et indissociable unité. Le père de Darius, lassé, a disparu. 

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Et puis soudain des lettres s’échangent entre Claire et Paul, ces accidentés de la vie. Une rencontre se produit entre eux comme par miracle, grâce au parfum retrouvé (Marcel Proust n’est jamais loin) et si particulier qu’il redonne vie et espoir à chacun. Une « correspondance » -aux deux sens du terme – naît, avec ses ombres et subtilités, avec sa grâce, entre ces êtres condamnés à la solitude et au silence. « L’amour, c’est donner ce qu’on n’a pas, à quelqu’un qui n’en veut pas», écrivait Jacques Lacan. Doublement négative, cette phrase souvent citée, n’est pas toujours bien comprise… Elle exprime ici de façon radicale ce sur quoi vont bientôt échouer les personnages. Paul va d’abord pouvoir revivre, retrouver sa créativité et inventer de nouveaux parfums. Il ira jusqu’à en appeler un : Dariusdu nom même de ce jeune homme handicapé et éteint. Des liens se créent entre Paul et Claire et, à l’acmé de leur correspondanceils s’étreignent chastement mais leur union s’arrêtera là. Pas de happy-end aux senteurs de musc ou de rose. Paul a trop idéalisé Claire et ne peut vivre que dans la sublimation de ses parfums.

La phrase énigmatique de Jacques Lacan rappelle une contradiction inhérente à la sexualité masculine. Comment désirer et aimer à la fois? Et unir l’amour courtois, à la sexualité biologique et sauvage ? Avec cette phrase suggérant un quiproquo, Jacques Lacan énonce à sa manière l’opposition que Freud avait notée dans Contribution à la psychologie de la vie amoureuse (1912). Il opposait le courant tendre et le courant sensuel chez l’homme, l’amour charnel et l’amour sublimé. « Là où ils aiment, ils ne désirent pas, et là où ils désirent, ils ne peuvent pas aimer. » Ici, le personnage de Claire reste le plus énigmatique et rien ne semble pouvoir la séparer de son enfant auquel elle a sacrifié sa vie. Seul un même parfum semble les unir, les entourer, comme dans une forteresse inaccessible. N’est-ce pas la folie maternelle qui la conduit jusqu’à Amsterdam où devant une vitrine, elle va demander pour son fils à une prostituée les soins sexuels qu’elle ne peut elle-même donner ?
C’est là peut-être le tournant de la pièce. La prostituée, Khania, assume toute la sensualité du jeune homme et lui révèle le corps érotique de la femme. Et elle réanimera aussi plus tard la créativité du parfumeur, « ce flaireur pervers » qui retrouve sur son corps toutes les émotions nécessaires à sa création. Tous les parfums d’Arabie n’ont pas le même sens …ni la même essence. « Il n’y a pas de rapport sexuel. », disait encore Jacques Lacan. Effectivement, il n’y a plus aucun rapport entre cette mère folle de son fils, et l’homme qui meurt de son rêve inachevé…

Jean-François Rabain

Ce spectacle a été joué au Théâtre Essaïon, 6 rue Pierre au lard, Paris (IV ème). T. : 01 42 78 46 42. 


Archive pour décembre, 2022

Les Nuits enceintes, texte et mise en scène de Guillaume Béguin

Les Nuits enceintes, texte et mise en scène de Guillaume Béguin

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©Gattobigio Inner

Un beau titre et une belle histoire, pas neuve… Après une longue séparation, deux sœurs se retrouvent dans la propriété familiale délabrée, au milieu de bois pillés et de marais. Et près d’un chantier d’autoroute interrompu, en plein désastre. La Maison près de la fontaine, chantait Nino Ferrer en 1973… Mais l’écologie active, et même activiste, n’a ni temps ni place pour la nostalgie, face à la destruction des espèces, de l’air, de l’eau. Voilà pour le fond de l’affaire. Le théâtre est aussi invoqué comme sauveur des esprits, face à la colonisation des industries culturelles.

Tout irait bien si la mise en scène y trouvait sa force mais ce n’est pas le cas ! Déplacements erratiques dans une scénographie mal commode et peu parlante, effets de voix ou «numéros » hors sujet. Pour compenser l’indécision du texte?  Et les acteurs entrent par la salle, mais cela n’arrive pas à élargir l’espace… Objet métonymique révélateur, un sac à dos, rempli de billes de polystyrène ou autre matériau ultra-léger, que la sœur en visite posera au bout d’une longue scène de retrouvailles… Un accessoire emblématique d’un texte situé entre réalisme et féérie, entre objet et signe de cet objet. Comme si Guillaume Béguin lui-même ne croyait pas à son propre jeu…

Ici, nous trouvons -discrets rappels de La Cerisaie d’Anton Tchekhov- une sœur restée à la maison qui a baptisé son fils adoptif (?) et serviteur (?) Pierre : « petit moujik » . Mais aussi de La Mouette  avec le jeune écrivain Treplev et sa pièce sur l’âme universelle de la nature. Et on pense aussi un instant à Shakespeare et, à Bartleby, le personnage de la nouvelle éponyme d’Herman Melville (1853) avec sa phrase-refrain : «Je préférerais ne pas ». .
De la, vient sans doute vient l’échec de cette pièce. Deux longues heures durant, Guillaume Béguin ne choisit pas et n’incite pas le public à faire le travail. Sommes-nous trop sévère ? En tout cas, nous pouvons attendre autre chose, fort et bouleversant, du théâtre contemporain….

Christine Friedel

Jusqu’au 16 décembre, Théâtre Ouvert, 159 avenue Gambetta, Paris (XX ème). T. : 01 42 55 55 50.

 

La Chute des anges, mise en scène et chorégraphie de Raphaëlle Boitel

La Chute des anges, mise en scène et chorégraphie de Raphaëlle Boitel

Les arts du cirque sont en perpétuel renouveau. Raphaëlle Boitel participe à cette effervescence avec des pièces qu’elle qualifie de «Cirque-théâtre chorégraphique ». Nous avions découvert avec bonheur 5es Hurlants, créé avec les jeunes diplômés de l’Académie Fratellini où elle a été formée, et, dernièrement, Le Cycle de l’absurde, spectacle de sortie du Centre National des Arts du Cirque en 2020 (Voir Le Théâtre du blog). La Chute des anges fait appel, cette fois-ci, à la chute des corps et à leur aspiration à l’envol.

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© Sophian Ridel

Première image saisissante, l’atterrissage sur un agrès horizontal, d’un être venu des cintres. Sa longue silhouette, prise dans un manteau gris, oscille dans une lumière à contre-jour, créant des effets stroboscopiques. Sorte d’Icare ou ange tombé des nues ? Deux figures, tout aussi étranges, le rejoignent, enveloppées dans les mêmes houppelandes sombres et figées, telles des marionnettes ou tournoyant en apesanteur au bout d’un filin… Bientôt, ils seront sept personnages, acteurs ou circassiens, anges de lumière happés par l’ombre, errant et cherchant une échappatoire. «On ne sait pas exactement ce qui a provoqué leur chute, dit Raphaelle Boitel… On est probablement peu de temps après et eux-mêmes semblent ne plus se rappeler ce qu’il s’est passé.. Ils en ont oublié ce qu’ils étaient. »

Réglés par une subtile chorégraphie, entre horizontalité et verticalité, les corps se croisent, indifférents les uns aux autres, s’acoquinent en un duo sensuel. Ou ils s’agglutinent, tribu en déshérence, autour d’un phonographe à pavillon crachant une rengaine du music-hall anglais: Daisy Bell d’Harry Dacre (1892). Quelques personnages essayent de se soustraire à la pesanteur, avec ou sans agrès, sous l’œil menaçant de lampes aux bras articulés qui les suivent en un ballet mécanique, et tracent des figures géométriques dans l’espace.

 Raphaëlle Boitel a gardé de ses douze ans chez James Thierrée -elle joua notamment dans La Symphonie du Hanneton et La Veillée des Abysses- un goût pour les images poétiques. Et elle écrit ses pièces au plateau : «C’est ma feuille blanche, dit-elle, et les interprètes, la musique, la lumière en sont la palette ». Les solos des circassiens se fondent dans le ballet des corps et objets, noyés dans les vapeurs des projecteurs et accompagnés par la musique d’Arthur Bison.

Emily Zuckerman, acrobate et danseuse, se fige parfois, hypnotisée par une lointaine clarté qu’elle cherche à capter, avant de disparaitre dans les hauteurs obscures. Alba Faivre, elle, se love autour d’une longue perche en des arabesques vertigineuses, entre ombre et lumière… Autour d’elles, gravitent Clara Henry, Lilou Hérin (en alternance avec Sonia Laroze), Tristan Baudoin, le fil-de-fériste et clown Loïc Leviel, et Nicolas Lourdelle qu’on a pu voir dans les spectacles de Baro d’Evel.

© Sophia Ridel

Sophian Ridel

Clairs-obscurs et danse des luminaires, orchestrés par Tristan Baudoin sont ici essentiels. Ce passionné d’arts plastiques a rejoint la Cie 111 d’Aurélien Bory et depuis 2011, accompagne les créations de Raphaëlle Boitel. Il en assure aussi la scénographie, la régie et la conception robotique.

Les artistes sont partis de l’allégorie de la caverne de Platon pour vêtir leurs anges d’ombres et de lumière. Qui sont-ils et pourquoi sont-ils tombés ? Comment s’en relèveront-ils ? Belle métaphore de notre humanité menacée, ce spectacle exceptionnel ne manque pas d’humour. À recommander ainsi qu’Ombres Portées, Un contre un,Le Cycle de l’absurde actuellement en tournée.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 31 décembre, Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt. Paris (Vlllème) T. : 01 44 95 98 21

 Le 28 février, Théâtre Equilibre, Fribourg (Suisse). Les 3 et 4 mars, Théâtre Municipal de Grenoble (Isère) . Le 7 mars, Le Pôle, Bron (Rhône) . Les 10 et 11 mars,| Le Manège,- Scène nationale de Maubeuge (Nord). Les 14 et 15 mars, Opéra de Massy (Essonne).

 

 

Dogville, adaptation de Lars von Trier par Christian Lollike, traduction d’Adonis Galeos, mise en scène de Lilly Melemé

Dogville, adaptation de Lars von Trier par Christian Lollike, traduction d’Adonis Galeos, mise en scène de Lilly Melemé

Ce film du grand réalisateur danois (2003) a connu le succès dans le monde entier et a été adapté plusieurs fois au théâtre. Dans un décor minimal, arrive Grace, une fugitive recherchée par des gangsters puis par la police, à Dogville, un bourg isolé. Les habitants acceptent de l’héberger et de la cacher, en contrepartie de travaux ménagers, entretien du jardin, garde d’enfants, cueillette de pommes, etc. Mais peu à peu, ils révèlent leur vraie nature et ce bourg, de refuge, deviendra prison.

©Patrok Skafidas

©Patrok Skafidas

Qu’on le trouve cynique ou d’un réalisme distant façon Bertolt Brecht ou Friedrich Dürrenmatt,  spectateur est le détective impuissant ou le complice de ce film noir. (Personnes sensibles s’abstenir). En neuf volets et un prologue, une récit encadré comme une démonstration ou une révélation mettant au jour la misère morale de ses personnages. Il n’illustre pas mais démonte et fait voir l’envers, peu reluisant, du décor…. L’absence de murs aux maisons ou abris des habitants de Dogville donne le sentiment d’avoir accès à leur vie comme à leur âme, de façon transparente et crue.

Lilly Melemé sait créer des spectacles de grande qualité après une solide recherche dramaturgique. Et dans ce microcosme, dialoguent l’ici et le maintenant. Un clin d’œil discret et amer… Et elle nous amène à une réflexion critique sur les abus du pouvoir. Décor symbolique, costumes soulignant la fonction des personnages, bon rythme et suspense: Lilly Melemé a conçu une mise en scène où elle a su transformer ce petit paradis de Dogville, en enfer. Et les acteurs, bien dirigés sont tous excellents. A voir absolument.

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre Akadimos, 17 rue Ippokratous, Athènes, T. : 0030 2103625119

https://www.youtube.com/watch?v=dvHsqOCuNT8

 

Présentation des travaux artistiques retenus par FoRTE

Présentation des travaux artistiques retenus par FoRTE

Le Fonds régional pour les talents émergents est un dispositif créé par la Région Île-de-France en 2017. Doté d’un million d’euros par an, il a pour objectif d’aider après appel à projet, les jeunes artistes et créateurs vivant le lus souvent en banlieue de Paris et jusqu’à trente ans. Ils doivent être diplômés ou avoir suivi une formation en arts visuels, cinéma, audiovisuel, musique, arts de la scène. Depuis 2018, FoRTE a ainsi soutenu plus de deux-cent artistes…

 

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Après sélection par un jury d’experts et d’élus, les candidats retenus reçoivent une aide financière pour créer en Île-de-France leur première œuvre et se faire connaître. Et un accompagnement par une structure professionnelle, artistique ou culturelle, le prêt de matériel et/ou d’ateliers et la mise en relation avec des professionnels. Les demandes de bourse  sont présentées par un jeune créateur ou un collectif de jeunes créateurs ou par une structure d’accompagnement pour une demande de subvention. Et ce, jusqu’à 2.500 euros par mois, sur un maximum de dix mois pour un jeune créateur qui doit être accompagné par une structure professionnelle d’accompagnement à laquelle une aide accordée sous forme de subvention peut aller jusqu’à 50. 000 euros. Cette structure assurant alors la rémunération de l’artiste. 

Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, a souligné que ce dispositif FoRTE  lancé en 2017, veut donner aux artistes de moins de trente ans les moyens de leurs ambitions. Pour cette cinquième édition FoRTE, quatre jurys d’experts, un par discipline, réunis en septembre dernier, chacun sous la présidence d’un élu régional ont sélectionné trente-huit projets sur les cent-trente trois candidatures reçues. Soit sept pour les arts visuels, dix pour le cinéma et l’audiovisuel, treize pour la Musique et huit pour les Arts de la scène . Valérie Pécresse a tenu à remercier pour leur expertise scrupuleuse, les personnalités, membres du jury. Elle a aussi souligné la maturité de la jeune création actuelle, alors que l’Europe est en proie aux dérèglements du climat et à la guerre.
Elle ne tarit pas d’éloges sur ce dispositif qui selon elle permet à de jeunes artistes quelque cent cinquante depuis sa mise en place de relier une culture classique (Gorki, Brecht…à une autre culture, celle-là tout à fait contemporaine avec cirque, musique électronique et/ou métal. L’autre but de FoRTE étant aussi de faire sortir ce qui serait resté éloigné d’une reconnaissance « officielle ».
C’est sans doute oublier un peu vite que les meilleurs, que ce soit en théâtre ou dans les autres arts, sont vite repérés, notamment par les comités d’experts des D.R.A.C.  Bref, il semble qu’il y ait toujours en matière culturelle, un conflit larvé entre une Région et l’Etat. Mais abondance de biens ne nuit pas, comme disaient nos grands-mères. Après ce préambule, lors de cette soirée-événement, ont été présentées sous forme de courts extraits, les œuvres des candidats retenus. D’abord quelques morceaux de musique électronique Empty de Baptiste Lagrave puis The Square, du jazz funk de Raphaël Faingenbaum et Buzzing bee une ballade de jazz signée Gabrielle Hartmann.
Côté théâtre, en collaboration avec le Studio de Stains, un court extrait de La Forêt disparue d’Olivier Sylvestre, mise en scène d’Irène Voyatzis. Un travail créé à l’Echangeur de Bagnolet en mai prochain. Oli est un petit garçon qui a peur de tout mais son amie Val, elle, n’a peur de rien. Poussés par Marcel, le grand-père, à la découverte de la forêt près du village, ils vont découvrir le monde et ses transformations pour affirmer leur identité. Le grand-père, lui, transmet son histoire pour pouvoir s’en aller en paix mais il y a urgence car cette forêt est en péril. Mais difficile d’entrer dans un spectacle dans ces quelques minutes ici présentées. Donc à suivre…
A propos d’environnement, nous aurions beaucoup apprécié que Valérie Pécresse ait demandé aux responsables de cette soirée d’éviter à tout prix l’édition d’un gros programme à la fois en anglais et en français, posé sur un sac en toile sur chaque fauteuil! Quand on sait combien il faut d’énergie pour fabriquer un tel document édité à plusieurs centaines d’exemplaires et combien il faut de centaines de litres d’eau pour faire pousser le coton d’un seul sac ! Ce grs document-papier, lui, à peine lu, partira aussi sec et à plus de 95% à la poubelle ou au mieux, au recyclage. Alors que la feuille de salle, aussi généreusement distribuée, aurait largement suffi. Gouverner, c’est prévoir, y compris et
surtout en matière d’environnement ! Qu’en pense madame Pécresse?

En collaboration avec Anis Gras à Arcueil, un court moment des Enfants du soleil ( 105) de Maxime Gorki, adaptation et mise en scène d’Aksel Carrez. Une pièce qui avait été montée par Mikaël Serre en en 2014. Dans une grande maison de famille, des amis jouent aux cartes, peignent, écrivent des poèmes, chantent et jouent de la musique, mais parlent aussi de science, d’art et amour. Rêvant d’un monde où le peuple serait instruit et où la violence n’existerait pas. Dehors choléra et émeutes. Il y a dans cette pièce des thèmes tout fait contemporains. et le peu que nous en avons vu sonnait terriblement  juste.
Juliette Journaux a enchaîné avec quelques séquences au piano de Schubert: un beau moment musical salué par le public. Au rayon cinéma, Margarethe, un court métrage d’animation de Lucas Malbrun. Cet artiste franco-allemand est diplômé des Arts Déco à Paris et ce film, issu d’événements personnels, aux images fabuleuses, parle de folie et d’identité et fait aussi écho au passé de l’Allemagne et et donc la RDA, avec à la clé, impostures et manipulations.Et A la Chaleur des années froides, un très beau documentaire d’Eytan Jan et Darius Kaufmann sur l’âge d’or du cinéma cubain dans les années soixante, malgré la dictature de Castro. Comme si on était à la Havane.
Pour finir, une réalisation de Roza, le Plus Petit Cirque du Monde créé par quatre jeunes artistes issus de la classe de musique orientale du conservatoire de Gennevilliers. Les quatre musiciens de Roza jouent la bande originale du projet international Escaladant Eleusis en mettant la musique au service d’un travail dansé et acrobatique  de cinq artistes de cirque pour explorer et traverser notre histoire méditerranéenne.Entre Occident et Orient… De toute beauté. En une heure et demi, une soirée qui met les jeunes artistes de banlieue à l’honneur, loin des clichés, en musique, cinéma, arts de la scène. Et ces extraits d’œuvres donnent souvent envie d’en voir plus.

Philippe du Vignal

FoRTE, Les Vingt-Quatre heures de la Création vues à l’Opéra Bastille, Paris (XII ème).

Région Île-de-France 2 rue Simone-Veil, Saint-Ouen ( Seine-Saint-Denis). T. : 01 53 85 53 85.

Le Procès, adaptation du roman de Franz Kafka, mise en scène d’Andreas Theocharis, Vangelis Felouzis et Andreas Kokakis  

Le Procès, adaptation du roman de Franz Kafka, mise en scène d’Andreas Theocharis, Vangelis Felouzis et Andreas Kokakis

Ce livre édité en 1925, après la mort de l’écrivain praguois de langue allemande, relate les mésaventures de Joseph K. (on ignore son nom de famille complet). Il se réveille un matin et, pour une raison obscure, sera arrêté et soumis aux rigueurs de la Justice. Ce Procès est une critique du système judiciaire, machine anonyme à broyer les individus. Avec des juges, avocats, policiers… tous gangrenés par la corruption et la bureaucratie. Mais une analyse plus fine relève d’autres thèmes récurrents chez Franz Kafka: absurdité et inhumanité du monde moderne, totalitarisme, aliénation de la subjectivité, ce dont le philosophe et sociologue Herbert Marcuse (1898-1979) parle dans L’Homme unidimensionnel…

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Dès le début, ce récit illogique est augmenté par ce qui arrive à Joseph K. L’absurde total semble désigner chez Franz Kafka un vide rationnel dans le monde, dans la mesure où tout a été englouti par une hyper-rationalisation. L’Ecole de Francfort, notamment Theodor W. Adorno, verra ce processus comme l’avènement d’un monde totalitaire et devenant inhumain, car hostile à la subjectivité. L’homme n’a plus alors d’autre choix que de se fondre dans la foule…
J. K. -qui n’a  pas de nom!- est à vrai dire insaisissable et énigmatique : l’homme en général est opaque pour lui-même  et je est un autre. Une thématique approfondie par Martin 
Heidegger dans Etre et Temps où  il décrit le monde public, comme une dictature du : on, et une forme d’inauthenticité. Chez Kafka, autrui est le bourreau, comme il le sera dans Huis-Clos de  Jean-Paul Sartre. Son anti-héro, vit dans l’inauthenticité. Accusé sans doute à tort, il finit par abdiquer et se persuadera qu’il est coupable. Alors qu’il pourrait s’échapper du tribunal, J. K. préfère se laisser tuer après  s’être laissé dominer par une société qui l’a objectivé et rivé dans sa culpabilité. Il a abandonné toute volonté de vivre et sera abattu comme un chien.On reconnaît ici des thèses développées par Nietzsche sur le dernier homme, ou celles de Sartre sur la mauvaise foi. 

Cela se passe au sous-sol du théâtre-laboratoire de recherche Koryvantes. Dans la pénombre, salle et scène ne font qu’un et forment un univers kafkaïen engendrant angoisse et terreur.
Le public, en témoin oculaire, fait l’expérience de la situation absurde et du cauchemar vécu par M. K.. A la lumière des bougies et dans une pénombre qui dissimule et dévoile à la fois une scène-labyrinthe où se déroule chaque séquence. Ici, le temps se dilate avec de longs silences éloquents mais avec aussi des bruits et des musiques qui augmentent la peur. 

Andreas Kokakis (Joseph K. ) et Andreas Theocharis qui incarne de façon aussi remarquable les autres personnages du roman, réussissent à nous transporter dans l’univers suffocant de Franz Kafka. Et la scène du peintre (Andrea Theocharis) dans son vieil atelier -la seule en couleurs- est d’une grande beauté… comme les autres dans la pénombre, entre autres celle du fouet symbolisant très bien la cruauté, pour arriver au coup de feu du dénouement.  A distance des acteurs, nous avons fait le plein d’émotions et ce rituel scénique serait sans doute apprécié par le public d’un grand festival comme, entre autres, celui d’Avignon…    

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre Koryvantes, 78 rue Myllerou, Athènes, T. : 0030 2155404045. 

http://theatrekoryvantes.blogspot.com/2022/11/h.html

Comédiens, livret d’Eric Chantelauze, mise en scène de Samuel Sené

Comédienslivret d’Eric Chantelauze, mise en scène de Samuel Sené

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© Philippe Escalier

Cette comédie musicale convoque habilement le théâtre dans le théâtre, avec une mise en abyme où une parodie de vaudeville glisse vers une tragédie. A Paris, au lendemain de la dernière guerre, Pierre, metteur en scène, Coco, son épouse et Guy qui remplace un acteur accidenté, s’apprêtent à jouer Au Diable vauvert. Ils vont inaugurer un nouveau théâtre mais le décor n’est pas arrivé, Guy ne sait pas son texte…  Avant le lever de rideau, il leur faut encore répéter et la tension monte entre Pierre, metteur en scène de province qui joue aussi un mari cocu, et sa femme qui interprète une épouse infidèle. La représentation commence mais coup de théâtre …

 Sur la musique de Raphaël Bancou, les chansons lestes d’Eric Chatelauze collent au style de la comédie un peu ringarde dont nous voyons quelques scènes-clés. Entre les scènes encore en répétition, se joue une autre pièce : le passé parisien de Coco ressurgit et dérange le couple qu’elle forme avec Pierre. La jalousie s’insinue avec l’irruption de la Desdémone d’Othello, un rôle qu’un ancien amant propose à Coco…

 Dans un décor de bric et broc, Pierre improvise une mise en scène à l’image d’un théâtre de tréteaux d’antan. Nous rions des gags et vieilles ficelles de cette comédie à quatre sous en préparation. Un exercice difficile réussi à la perfection et cette parodie est joyeusement interprétée par Marion Preïte, en coquette outrée. Elle chante aussi bien qu’elle joue et ce rôle lui a valu le Trophée de la comédie musicale en 2018. A ses côtés, Cyril Romoli, excellent pianiste, s’amuse à interpréter plusieurs personnages caricaturaux. Fabian Richard incarne un mari jaloux, à l’inverse du cocu aveuglé par l’amour de la pièce…

Comédiens, attribué à Léon Roussin, un auteur fictif du XlX ème siècle, s’inspire de Paillasse, opéra en deux actes de Ruggero Leoncavallo, père de l’opéra vériste, qui a été créé en 1892 à Milan et dont l’argument serait tiré d’un fait divers jugé par le père de l’auteur : l’histoire d’une troupe itinérante en Calabre. Son directeur, fou de jalousie, confond son rôle de Paillasse, mari bafoué de la commedia dell’arte, avec sa vie personnelle et tuera sa femme en pleine représentation.

La pièce renoue avec la tradition du théâtre dans le théâtre et la mise en scène alterne les codes de l’écriture comique de cette époque et celle, réaliste, de la représentation. Les allers et retours entre deux styles de jeu -outré pour le vaudeville, et terre à terre pour les scènes contemporaines- sont très bien maîtrisés par Samuel Sené. Il forme un trio bien rôdé avec ce metteur en scène, Eric Chantelauze et Raphaël Bancou. Comédiens, créé au Théâtre de la Huchette en 2018, se joue en alternance avec Contretemps, réalisé par la même équipe, et qui promet autant de plaisir. Une belle fin d’année musicale à l’Artistic Théâtre…

Mireille Davidovici

Jusqu’au 25 décembre, Artistic Théâtre, 45 bis, rue Richard Lenoir, Paris (XlX ème). T. : 01 43 56 38 32.

 

C’est un Métier d‘homme, texte : L’Oulipo, direction artistique d’ Hervé Le Tellier conception et interprétation : David Migeot, Denis Fouquereau. Texte l’Oulipo, auteurs : Michèle Audin, Paul Fournel, Jacques Jouet

© GiovanniCittadini Cesi

© Giovanni Cittadini Cesi

C’est un Métier d‘homme, texte de L’Oulipo, direction artistique d’Herbé Le Tellier, conception et interprétation de David Migeot, Denis Fouquereau,Texte l’Oulipo, auteurs: Michèle Audin, Paul Fournel, Jacques Jouet, Hervé Le Tellier, Clémentine Mélois, Ian Monk et David Migeot, Denis Fouquereau

Une table de conférence, un tableau blanc et un ordinateur: nous sommes prêts à écouter sagement ce qui va nous être « communiqué ». Du bruit dans la coulisse… Paire de skis sur l’épaule, apparaît un homme en tenue adéquate. Son métier? Descendeur.
Il oublie qu’il existe des descendeuses, ce que le titre du spectacle souligne avec une juste dose d’ironie. Avec un c
anevas immuable : « Mon métier consiste à… », avec une grille à suivre pas à pas, en développant la fierté virile liée à ce métier. Et où l’on se rend compte que la langue française, réputée la plus belle du monde pour sa clarté, sa précision et ses nuances subtiles, est encore plus riche qu’on le croyait. Puisque la même phrase, à peine modifiée, peut être dite par un skieur de l’extrême ou un écrivain, un buveur, un psychanalyste, voire même un « féministe qui fait rire la salle… aux dépens du féminisme.  Mais il faut se méfier des slogans simplificateurs faciles à retourner, et de l’anticonformisme au second degré: la double négation s’annulant, il y a risque de retour au conformisme dominant.

Evidemment, c’est drôle. Nous saluons le travail des Oulipiens et celui des acteurs qui agissent, persistent, et signent cet exercice avec leurs outils et moyens propres. Rappelons que L’Oulipo est le joli acronyme de l’Ouvroir de Littérature Potentielle et que ses mathématiciens-poètes n’admettaient dans leur cercle que ceux acceptant les écriture « à contrainte ».
Leurs papes fondateurs et immortels, dans les années soixante: Raymond Queneau et François Le Lionnais. Leur triomphe : La Disparition de Georges Perec qui a réussi à mener à bien toute une histoire, en éliminant la lettre e, la plus fréquente de la langue française. Leur moments joyeux : Les Papous dans la tête, une ancienne émission-culte de France-Culture. créée en 1984 par Bertrand Jérôme et animée par lui, avec Françoise Treussard. Puis après le décès Bertrand Jérôme en 2006, par elle seule jusqu’en 2018.
Le quotidien, les rituels hebdomadaires, mensuels et autres de L’Oulipo; pourvu qu’on y trouve une périodicité régulière (attention, pléonasme !) avaient pour objet d’inventer de nouvelles formes de contraintes d’écriture, et non de tortures, rassurons-nous. Encore que. Mais enfin, pour ce que l’on en sait, tout cela arrosé et bien nourri.

David Migeot et Denis Fouquereau ont trouvé là leur liberté. Le grand long, et le moins grand sans être petit, plutôt rond sans être une boule (contraste visuel raisonnable), alternent les rôles avec changements à vue directe, ou indirecte: une caméra de surveillance (on est moderne ou on ne l’est pas) nous transmet parfois sur l’écran ce qui se passe en coulisse. Un jeu savoureux, mais qui a ses limites. L’exercice de style, (si goûteux soient ceux de Raymond Queneau, est fondé  sur les idées reçues et les stéréotypes. La reconnaissance et l’identification du type étant fondée sur le plus grand dénominateur commun, à moins que ce ne soit le plus petit commun multiple, il faut donc en avoir gommé tous les variables et toutes les nuances pour le ramener à l’unité. Est-ce clair ?

Et du coup, (formule actuellement sur-employée, donc destinée à une proche obsolescence,  nous devons en rester à l’idée reçue. Chatouillée, grattée mais c’est tout. Nous sommes en droit d’attendre plus d’une représentation théâtrale. Ici, amusés, mais pas touchés, nous saluons le talent et le dégustons même, mais le spectacle ne pèse pas sur l’estomac : aucun problème de digestion intellectuelle…  Bref une bonne soirée, qui ne refera pas le monde. Et tout écrivain, même un collectif, peut se réclamer de Gustave Flaubert qui a donné toute leur dignité à ces fameuse idées reçues.  Le théâtre a-t-il le devoir d’être plus grand? On attendra un peu pour l’Outrapo, Ouvroir des Tragédie Potentielles.

Christine Friedel

Jusqu’au 4 décembre, Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VIIIème). T. : 01 44 95 98 00

A lire: L’Autoportrait du descendeur dans Les Athlètes dans leur tête, de Paul Fournel (1988) éditions Ramsay, réédition Folio.
Françoise Treussard et collectif, Le Dictionnaire des Papous, Gallimard (2007).

La Reine des Neiges , l’ histoire oubliée d’après Hans Christian Andersen, adaptation de Honanna Boyé et Elisabeth Ventura, mise en scène de Johanna Boyé, (à partir de sept ans) 

La Reine des Neiges, l’histoire oubliée, d’après Hans-Christian Andersen, adaptation de Jonanna Boyé et Elisabeth Ventura, mise en scène de Johanna Boyé (à partir de sept ans) 

Cette adaptation pour le théâtre du conte initiatique publié en 1844 n’a pas heureusement pas grand-chose à voir avec la douzaine de films surtout américains dont le dernier sorti il y a neuf ans. Ici, on en revient au texte original du grand écrivain danois. Gerda et Kay sont des enfants inséparables. Mais blessé aux yeux par deux cristaux d’un miroir brisé, lui devient colérique et disparaît enlevé par la mystérieuse Reine des neiges. Comme dans nombre de contes initiatiques, Gerda va alors parcourir le monde pour retrouver son compagnon de jeu qu’elle aime tant mais elle devra affronter bien des épreuves et des dangers. Elle finira par retrouver Kay dans le mythique Palais des glaces de la reine des Neiges, très loin vers le Grand Nord. Et il seront alors prêts tous les deux à entrer dans le monde de l’adolescence…

© Ch.Raynaud de Lage

© Ch.Raynaud de Lage

Johanna Boyé veut créer un univers féerique, avec illusions et magie, à partir du conte d’Andersen. Tout est là : forêts, brigands, neige qui tombe doucement, animaux doués de parole, trolls malicieux, Magicienne, Princesse Lunettes, la Sorcière du Crépuscule… Bref, des femmes puissantes et capables de transmettre leur savoir, et des animaux comme le Renne ou une Corneille très noire… Il y a pour incarner des personnages réels ou surnaturels, les acteurs de toute génération du Français et capables de s’investir dans plusieurs rôles successifs, voire de chanter. Comme Jérôme Pouly, remarquable dans le Grand Troll, Monsieur Loran, la Corneille, le Renne, ou Suliane Brahim, la Reine des neiges, le petit troll, la Princesse Lunettes en alternance avec Elisa Erka), Adrien Simion (Kay ). Mention spéciale à Léa Lopez, excellente Gerda et à Danièle Lebrun en bonne grand-mère racontant l’histoire mais aussi en petit Troll. Et Julie Cavanna en magicienne et petite brigande.. 

Johanna Boyé a conçu sa mise en scène comme un livre d’images, à partir d’une scénographie avec multiples changements de lieux. Les personnages merveilleux ou fantastiques apparaissant au fil du récit  et la neige tombe tout à coup, comme des aurores boréales (très réussies)…
Oui, mais voilà la dramaturgie aux couleurs féministes et écologiques -comme souvent en ce moment- et la mise en scène ne sont pas vraiment en phase avec le conte original du conte…
Et malgré de belles images, toute cette machinerie même excellemment réalisée, avec changements permanents de décor, ne sert pas l’univers magique d’Andersen que Johanna Boyé voudrait recréer. Nous aurions aimé plus de simplicité pour traduire ce conte en termes scéniques et cette suite de courts moments finit par devenir longuette.
A relire le conte d’Andersen, le compte n’y est pas tout à fait et manque sans doute ici un véritable onirisme et une poésie du merveilleux que le grand écrivain danois savait comme personne glisser dans ses contes… Et avoir muni les acteurs de micros H.F. ce qui uniformise les voix et n’est sans doute pas la meilleure idée du siècle…
Ecrire une adaptation d’un conte ou d’un roman, puis la mettre en scène, reste un exercice périlleux, même si leurs autrices se référent aux excellents livres que sont
La Psychanalyse des contes de fées de Bruno Bettelheim ou aux Sorcières de Mona Chollet. Cette Reine des neiges est un travail honnête mais décevant et le public semblait partagé… Léna Bréban qui avait créé l’an passé sur cette même scène un Sans Famille d’après Hector Malot, s’en était mieux tirée.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 8 janvier, Comédie-Française, Théâtre du Vieux-Colombier, 21 rue du Vieux-Colombier, Paris (VI ème). T. :  01 44 58 15 15.


 

Pomona d’Alistair McDowall, traduction de Thomas Moshopoulos, mise en scène de Sigurdur F3 et de Thomas Moshopoulos

Pomona d’Alistair McDowall, traduction de Thomas Moshopoulos, mise en scène de Sigurdur F3 et de Thomas Moshopoulos

 Cet auteur  de trente-cinq ans né en en milieu rural au Nord-Est de l’Angleterre, y a grandi et n’est donc pas allé souvent au théâtre. Mais une professeure de théâtre lui a fait découvrir des  pièces de Samuel Beckett, Harold Pinter, Sarah Kane… qu’il a dévorés avec passion et qui l’ont beaucoup influencé. Révélé en 2010 avec Plain Jane au Royal Exchange de Manchester, il collabore avec des théâtres prestigieux londoniens comme le Royal Court, le Paines Plough et le National Theatre Studio.  Brilliant adventures remporte en 2011 le Bruntwood Prize Judges’ Award et l’année suivante le Royal Court Young Writers’Festival. En 2013, Talk show est créée au Royal Court et Captain Amazing au Live Theatre de Newcastle.

©Patroklos Skafidas

©Patroklos Skafidas

Pomona connaît un beau succès en 2014 à l’Orange Tree Theatre à Londres et sera ensuite jouée au National Theatre. Autour de Pomona, sur une île désaffectée au centre de Manchester, tous les personnages se déterminent dans un espace-temps à l’écart du réel. Ollie va à la recherche de sa sœur disparue qui a le même prénom qu’elle. Zeppo, un magnat de l’immobilier vers lequel Keaton oriente Ollie, lui suggère d’aller chercher sa sœur à Pomona tout en lui déconseillant le voyage. Sans doute Fay qui se prostitue dans un bordel à Pomona a-t-elle l’intuition de la disparition d’Ollie et prend la fuite, avec l’ordinateur de Gale, une des cadres de Pomona. Elle découvre alors avec terreur que la direction de l’île connait les groupes sanguins de tous les travailleurs sexuels.
Gale tente alors de la faire assassiner par les vigiles de Pomona qui fonctionnent comme un duo de clowns. avec Charlie,l’Auguste naïf et pacifique et Moe, le clown blanc, qui confesse ses tendances hyper-violentes à Fay. Quand ils mettent la main sur elle, Moe décide de la laisser vivre. Cette grâce accordée à la victime signe la mort de Charlie. Pour échapper aux foudres de Gale qui ne pardonnerait pas cette clémence, Moe et Charlie se blessent et se frappent pour faire croire que des agresseurs leur ont enlevé Fay. Mais Charlie perdra la vie dans cette simulation.

Alistair McDowall suggère que les activités criminelles à Pomona se poursuivront comme avant. Dans une sorte d’infirmerie qui évoque les camps de la mort, Ollie, dont on ne sait si elle est la même ou une autre, nous sert de guide pour aveugles… Des exploiteurs de chair humaine obligent les femmes à faire des bébés qui seront ensuite vendus sur des marchés occultes et on prélèvera leurs organes à des fins mercantiles !
Ce que nous verrons qu’à peine mais qui est facile à imaginer… Des crimes n’existant peut-être qu’à l’échelle d’un vaste jeu de rôles et où Charlie ,la seule victime de cette histoire, joue avec la plus grande criminelle supposée de la pièce, Keaton qui dicte ses ordres à Gale se jetant comme un fleuve dans la mer des fantasmes du spectateur.

Flash-back ou fable linéaire, réalité ou cauchemar, espace ludique inter-actif, Pomona est tout cela à la fois, puisqu’elle ne réfère qu’à elle-même. Elle nous donne un vertige analogue à celui des grandes fresques déconstruites de David Lynch. Ce spectacle est issu d’une collaboration entre Sigurdur F3, un artiste conceptuel islandais et membre actif de la culture Role Playing Game, et du metteur en scène grec Thomas Moshopoulos. Ils sont arrivés à créer une sorte de thriller, tout en nous plongeant dans une dystopie entre réel et virtuel où dominent le cauchemar et la cruauté.
Nous croyons participer à un jeu vidéo et tout ici augmente notre adrénaline et engendre la peur ou le dégoût. Le metteur en scène souligne l’artificiel et le décalage entre fiction et répétition. Avec lumières intenses et musique tonitruante.  Les acteurs en  costumes excentriques interprètent les personnages et d’autres diront ensuite les didascalies comme : «Pause. » Il/elle reprend haleine » ou «Il/elle fait un geste». Sur le plateau, de nombreuses cuvettes de w.c. à usage multiple et,  au centre,  un praticable où on joue aux dès et où ont lieu les moments cruciaux de l’intrigue. Mais cette histoire d’horreur urbaine, bien interprétée et  se consume vite, malgré un suspense réel. Alistair McDowall veut nous impressionner -et il y réussit- mais sa dramaturgie reste superficielle. Dommage…

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre Porta, 59 avenue Mesogeiwn, Athènes, T. : 00302107711333

https://www.youtube.com/watch?v=0BeTya_QHWM

 

 

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