Pièce sans acteur(s) de et par François Gremaud et Victor Lenoble  

Dans le cadre du Festival d’Automne à Paris

Pièce sans acteur(s) de et par François Gremaud et Victor Lenoble

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© 2b Company

 «Sur scène, pour nous figurer, deux hauts-parleurs », annoncent les artistes, présents grâce à leur voix diffusée dans les enceintes géantes plantées sur le plateau comme des totems. Unique décor, elles semblent s’animer à mesure qu’ils dialoguent, envoient de la musique et génèrent des surtitres s’affichant en fond de scène.

François Gremaud et Victor Lenoble nous racontent la genèse de cette pièce sans acteur(s) qui en aurait engendré une seconde où, présents, en chair et en os, ils raconteraient la première… Ce qui leur permettrait de jouer dans deux spectacles à la fois. Un rêve d’ubiquité, une subtile mise en abyme et l’invention d’un théâtre qualifié par eux de lipocrite, tiré du grec ancien leipô et upokrites. Soit : sans acteurs.

Cette contrainte à la Georges Perec décuple l’imagination du spectateur : on lui demande non de voir mais de se figurer une action et des protagonistes absents, suggérés par le texte, les éclairages et la musique. On pourrait lire cette pièce comme une nécessaire intention de « décroissance » et sobriété radicale . Mais il se tisse une complicité entre ces compères et le public. La pièce est en train de s’écrire sous nos yeux, avec des présences virtuelles : une biche égarée dans une forêt en feu… François Gremaud interprétant L’Après midi d’un Faune. Rien de rébarbatif dans cette proposition surréaliste.

La 2b company, établie à Lausanne, est coutumière d’un théâtre absurde et ludique, avec dernièrement Giselle. (voir Le Théâtre du blog). Elle nous entraîne à nouveau dans une expérience singulière où nous nous laissons embarquer avec d’autant plus de plaisir qu’elle réserve des surprises que nous ne divulguerons pas….

 Mireille Davidovici


Du 30 novembre au 3 décembre, Le Montfort, 6 rue Brancion, Paris (XVème). T. : 01 56 08 33 88.

Du 9 au 11 décembre, Théâtre des Halles, Sierre (Suisse).

Le 25 mars, Théâtre de Mende (Lozère).

Le 28 avril, L’Echandole, Yverdon-les Bains (Suisse).

2b company, rue de Bourg, 19.1003 Lausanne  (Suisse). T. :  +41 21 566 70 32.

 


Archive pour décembre, 2022

Le Joueur d’échecs de Stefan Sweig, adaptation et mise en scène de Gilbert Ponté

Le Joueur d’échecs de Stefan Sweig, adaptation et mise en scène de Gilbert Ponté

Cette nouvelle été écrite par le grand écrivain autrichien qui s’est inspiré de sa vie quand, exilé à Rio de Janeiro entre 38 et 41, il jouait  aux échecs. Bouleversé par l’avancée du nazisme en Europe, il se donnera la mort avec sa deuxième épouse Lotte Altmann en 42. Il avait soixante et un ans! Cette remarquable nouvelle a été publiée à titre posthume en 1943 et en France l’année suivante…

©Pierre François

©Pierre François

Cela se passe sur paquebot qui fait route vers l’Argentine. Le narrateur, un Autrichien rencontre le champion mondial des échecs, Mirko Czentović. Orphelin taciturne, lent et mou, considéré comme peu intelligent, il a été élevé par le curé d’un village yougoslave qui chaque soir, fait avec  un de ses amis officier une partie d’échecs. Mais il est demandé d’urgence pour aller donner les derniers sacrements à une mourante. L’officier demande alors à Mirko s’il veut achever la partie. Et cet adolescent le bat en quelques coups et ensuite bat aussi presque tout le monde. Le curé, très admiratif, l’envoie faire une formation à Vienne et à vingt ans le jeune devient champion du monde des échecs.

Le narrateur disputerait bien une partie contre ce Mirko Czentović. Il y a là entre autres amateurs, MacConnor, un riche ingénieur écossais qui lui demande aussi de disputer une partie contre eux. Le champion accepte s’il est payé et il bat ses adversaires jouant en équipe.
MacConnor acceptant encore  de le rémunérer pour une revanche… Mais un inconnu, le docteur B. ,un homme intelligent et fin les conseille et… il y aura un match nul. Il dit qu’il n’a pas joué depuis plus de vingt ans… et qu’il est autrichien, comme le narrateur qu’il intrigue beaucoup. Une histoire singulière que celle de cet
M. B. Cet avocat autrichien cacha des sommes importantes d’argent aux nazis qu après dénonciation, l’enfermèrent dans un hôtel de luxe sans qu’il ait puisse avoir aucun contact avec le monde extérieur et son gardien aura ordre de rester muet. Aucun papier, aucun stylo, aucun livre : il reste absolument seul plusieurs mois et subit ensuite des interrogatoires.

Mais un jour, alors qu’il attend dans une antichambre de voir un juge, il aperçoit, dans la poche d’une veste, un livre. Il le vole pour vaincre la la folie mais il s’agit d’un manuel d’échecs retraçant les coups joués à une coupe du monde. Avec des formules incompréhensibles, correspondant à la position des pièces sur un échiquier. Ce prisonnier va alors se fabriquer avec des boulettes de mie de pain les pièces du jeu et avec son drap quadrillé, un plateau. Puis il réussit à apprendre par cœur quelques parties. Puis à en jouer jouant mentalement les cent cinquante du livre. Et à jouer contre lui-même, mais il va devenir schizophrène. Il va se met à hurler et son gardien arrivera en pensant qu’il se dispute avec quelqu’un. Il perd alors connaissance et se réveille dans un hôpital où un médecin le fait libérer, en le diagnostiquant fou et donc sans intérêt pour les nazis. Mais Il lui conseille de ne jamais plus jouer aux échecs, pour éviter une rechute…

M. B. affrontera pourtant le silencieux Mirko Czentović. Et miracle, le champion balaye les pièces avant la fin de la partie, pour ne pas être vaincu mais accepte de disputer une revanche…. En jouant au maximum sur la lenteur (dix minutes pour chaque coup autorisé).  M. B., désemparé et hésitant finit par rater un coup et se retire. «Dommage, dit alors Czentović, toujours aussi calme. L’offensive n’allait pas si mal. Pour un dilettante, ce monsieur est en fait remarquablement doué. »

En filigrane, dans ce récit à l’intrigue magistralement menée, Stefan Zweig nous parle de la période dramatique du nazisme que vit l’Europe. Ce personnage, champion du monde aux échecs, réussit formidablement, malgré son manque d’intelligence, mais incapable de réfléchir correctement, il se révèle dangereux même face à des ennemis intelligents, comme le docteur B. qui réussira pourtant à échapper aux griffes des nazis grâce à sa ruse, et à ne pas pas tomber dans la folie qu’ils lui ont programmée. Dans la petite salle voûtée aux murs de pierre nus datant de plusieurs siècles, Gilbert Ponté, seul en scène, dire ce texte qui a été souvent adapté au théâtre, notamment par André Salzet (voir Le Théâtre du Blog). Ici, aucun élément de décor qu’une caisse noire et l’image vidéo d‘un jeu d’échecs (redondante et tout à fait inutile). Et quelques effets de lumière. « L’espace vide, dit l’acteur citant Bertolt Brecht, permet d’éliminer tout ce qui peut rappeler l’imitation d’un lieu du monde, et de refuser la figuration. C’est un espace vierge où l’acteur peut reconstruire un univers autonome dans lequel il sera possible de recréer des signes caractéristiques » .
Gilbert Ponté maîtrise bien ce conte et sait donner vie à ces personnages emblématiques. Avec une excellente diction, il arrive à emporter son public dans cette petite cave où l’espace de jeu est chichement compté. Côté gestuelle, il en fait sans doute un peu trop et la dernière partie est moins convaincante, comme souvent dans les solos. Manque ici un directeur d’acteurs -Gilbert Ponté criaille parfois- mais aussi un vrai plateau où il aurait plus de place pour dire cette magistrale nouvelle, sans doute une des rares qui se prête vraiment à un jeu théâtral.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 31 janvier, les lundis et mardis, Théâtre Essaïon, 6 rue Pierre aux lards Paris (IV ème). T. : 01 42 78 46 42.

Strip, au risque d’aimer ça, texte, mise en scène de Julie Benegmos et Marion Coutarel

Strip, au risque d’aimer ça, texte, mise en scène de Julie Benegmos et Marion Coutarel

Ces jeunes actrices restituent parole et points de vues de celles qui ont été un temps strip-teaseuses. Julie en ayant fait l’expérience personnelle au Théâtre Chochotte. «Une façon, dit-elle, de faire découvrir une réalité sous un angle de vue qu’il est impossible de vivre dans la réalité de nos vies quotidiennes. (…) Un club de striptease est un lieu qui génère de nombreux fantasmes. Mais on ne se doute pas que c’est en premier lieu, un monde où hommes et femmes se découvrent et se rencontrent.»

Déjà à la fin du XIXème siècle, aux Folies-Bergère, les danseuses ôtaient doucement leur costume pour créer un certain érotisme et dans la revue Pourvu qu’on rigole  en 1890, au cabaret Divan Japonais dirigé par l’auteur et critique de théâtre Edouard-Fournier, a sans doute eu lieu le premier strip-tease…
Encore très en vogue à Paris dans les années cinquante, malgré les foudres de l’église catholique, il reste à l’état de survivance et ne fait plus tellement recette à l’heure où n’importe qui peut voir des images porno sur son smartphone. Restent quelques clubs où le strip-tease est le plus souvent associé à de petites chorégraphies érotiques sur un pôle-danse où une jeune femme en « body » s’enroule autour d’une
barre verticale en faisant de remarquables acrobaties. Un exercice très physique qui, au XIIème siècle, était déjà pratiqué… par des moines en Inde.

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Nous sommes invités à descendre sur la scène par un escalier de service où il y a des petites lampes dans les angles diffusant une lumière douce, de légers tulles de couleur un peu partout, un tableau ancien représentant une femme nue. En bas, un beau piano à queue sans pianiste diffuse une musique douce…
Julie Benegmos et Marion Coutarel nous invitent à nous asseoir sur les banquettes  de la salle, ou sur quelques rangées de chaises disposées côté jardin sur le plateau que semblent préférer les plus jeunes des spectateurs. Côté cour, quelques chaises devant des «miroirs» encadré d’ampoules comme dans les loges d’acteurs, qui feront office d’écran, et un mât de pôle-danse placé sur un tapis rond…
Les actrices vont 
en trois étapes immersives (sic) , proposer au public d’entrer peu à peu dans la peau des strip-teaseuses en mêlant fiction, récit autobiographique et courts témoignages de cinq jeunes ou moins jeunes femmes ayant un temps travaillé dans ce milieu particulier que nous verrons en vidéo.

A la fin, on proposera aussi au public de s’asseoir sur les banquettes de la salle et se coiffer d’un casque pour se mettre dans le corps et la tête de ces professionnelles. Julie Benegmos et Marion Coutarel ont une très bonne diction et une gestuelle impeccables pour nous parler strip-tease.
Mais bien entendu, il n’y en aura aucun véritable numéro, sauf quand l’une d’elles juste éclairée par quelques bougies ôtera soutien-gorge et slip noirs. Et, à l’extrême fin, le public aura droit à un court moment de pôle-danse. Un spectacle à la scénographie très soignée d’Aneymone Wilhelm, intelligemment éclairé par Maurice Fouilhé. Mais, petit, ou plutôt gros problème, la dramaturgie et le texte n’ont rien de convaincant. Les témoignages vidéo, même pas très bien dits, sont eux plus vivants. Bref, nous sommes restés un peu sur notre faim…

Philippe du Vignal

Jusqu’au 3 décembre, Théâtre 13 Seine, 30 rue du Chevaleret, Paris (XIIIème). T. : 01 45 88 62 22.

 

La Maladie de la mort de Marguerite Duras, traduction de Kyveli Malamati, adaptation et mise en scène d’Emanuel Mavros

La Maladie de la mort de Marguerite Duras, traduction de Kyveli Malamati, adaptation et mise en scène d’Emanuel Mavros

Dans les textes du Nouveau Roman qui ont été adaptés pour le théâtre, la parole, souveraine, constitue souvent la seule action. Le nombre de personnages est réduit et il y a surtout des  voix. Les frontières s’effacent alors entre roman et théâtre. Dans La Maladie de la mort (1982), un homme paye une femme pour lui parler quelques nuits. Les personnages alors ne jouent plus les faits mais en sont les narrateurs qui disent aussi les didascalies.

Un théâtre qui est donc plus littérature que spectacle et où la parole est à la fois incantation du passé, de la passion, des désirs et souvenirs. Comme elle est ressassement du rien chez Samuel Beckett, ou affleurement du subconscient chez Nathalie Sarraute.Ici, l’amour impossible et l’absence de désir, est, en filigrane, l’histoire que Marguerite Duras eut avec Yann Andréa, homosexuel et donc incapable de la désirer, alors qu’elle l’aimait ouvertement. Un thème qui sera aussi celui des Yeux bleus, cheveux noirs (1986).

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La Maladie de la mort, une confession de l’autrice avec un message aujourd’hui daté: les homosexuels ne pourraient pas s’attacher et seraient condamnés à passer de relation en relation, sans pouvoir construire un amour avec un partenaire… Une idée forte chez elle, qu’elle estime grave et qu’elle nomme : maladie de la mort. Soit une incapacité à aimer réellement.
Ce roman a été
pénible à écrire pour Marguerite Duras: affaiblie et peu attentive à cause de son alcoolisme, elle dictait son texte à son secrétaire qui avait du mal à interpréter ses paroles brouillonnes. Une cure de désintoxication retarda son achèvement et donc sa publication.
Le titre original: Une Odeur d’héliotrope et de cédrat fut abandonné quand le roman fut devenu conséquent. L’écrivaine essaya de l’adapter au théâtre mais le projet n’aboutit pas.

L’adaptation d’Emanuel Mavros, à l’esthétique proche de l’écrivaine, l’aurait sans doute réjouie. Dominant ici l’espace, un très grand voile blanc, alcôve ou grand lit, est une métonymie d’un couple uni et, par extension, du monde. Côté cour et jardin, un écran où seront projetés des extraits de films tout au long du spectacle. Et la voix off de la narration, accompagnée de musique, crée une forte émotion. Images d’un couple au bord de la mer, beauté de la nature, voluptueux cris d’amour, visages de l’homme et de la femme enfants:tout cela crée un univers et renforce la grandeur tragique du vide.

Nous avons particulièrement apprécié le rythme du spectacle, la mise en scène teintée de psychanalyse et l’interprétation de Yannis Apostolidis et Styliani Kleidwna. Ils font avec sensualité, érotisme fervent et mélancolie, le portait des personnages et soulignent bien les non-dits et sous-entendus du texte.

 Nektarios-Georgios Konstantinidis

 Théâtre Dromos, 25 rue Agiou Meletiou, Athènes. T. : 0030 2108818906

https://www.youtube.com/watch?v=5YdlGM6Pnfc

 

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