Άκρως συμπαντικό (Humble Boy) de Charlotte Jones, traduction et mise en scène de Konstantina Nikolaïdi

Άκρως συμπαντικό (Humble Boy) de Charlotte Jones, traduction et mise en scène de Konstantina Nikolaïdi

La pièce de cette actrice, scénariste et dramaturge britannique de cinquante quatre ans a été créée au Royal National Theatre en 2001. Felix Humble rentre chez lui pour les funérailles de son père. D’abord seul en scène, trébuchant et bégayant, il semble moins humble qu’attardé. En fait, ce chercheur en physique théorique espère bientôt trouver « la mère de toutes les théories, une théorie des champs unifiés », même si, pour le moment, il a du mal à trier: «Les équations n’existent pas pour ce que je peux déjà ressentir. Les modes d’excitation -la sonnerie a trop de couches- Je ne peux pas… retenir toutes les notes, toutes les variables, toutes les harmonies dans ma tête. »

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Quand Flora, sa mère arrive, nous comprenons certains de ses problèmes (au moins dans les domaines social et personnel, sinon scientifique). Plus qu’arrogante, elle blâme sa misère: « J’ai été doublement malchanceuse dans ma vie. Épouser un biologiste et donner naissance à un physicien. » Parmi les autres personnages, le voisin de Humble, George Pye, proche de Flora et sa fille Rosie, avec laquelle Félix a eu une relation amoureuse mais qu’il a quittée il y a sept ans. Et Félicité, la fille de Rosie, environ sept ans mais que nous ne verrons pas. Il y a aussi Mercy Lott une amie de la famille amoureuse de George). Et le jardinier, Jim : ici, les noms sont tous un peu chargés de sens…

Humble Boy est aussi une version d’Hamlet de Shakespeare avec de nombreuses similitudes et quelques différences importantes. Félix est assez instable et la question d’être ou ne pas être se pose chez lui. Significative est la présence (et l’absence) d’abeilles très réelles : l’apiculture était un passe-temps de son père. C’est le genre de pièce où arrivent des choses malheureuses après l’incinération d’un cher papa et l »autrice sait bien montrer l’évolution des relations entre Félix et sa mère mais aussi entre elle et George, cet été-là. Et les changements, du moins chez Flora et Félix, sont assez convaincants mais un peu trop vite atteints dans cette comédie très drôle où il y a quelques surprises. 

Ce bon divertissement a été traduit et créé pour la première fois en Grèce. Konstantina Nikolaïdi en fait ressortir tout l’humour noir en équilibrant avec habileté, comique et drame dans un espace symbolique où chacun se heurte à l’autre et aux idées qu’il exprime. La pièce, jouée par d’excellents acteurs, comporte une certaine dose de cynisme mais aussi de mélancolie…Un festin réussi de mots, images et allusions.

 Nektarios-Georgios Konstantinidis

 Syhrono Théâtre, 45 rue Evmolpidon, Athènes, T. : 00302103464380

https://www.youtube.com/watch?v=2haQuQLYvq0

 


Archive pour 8 janvier, 2023

This is how you will disappear, conception, mise en scène, chorégraphie et scénographie de Gisèle Vienne

This is how you will disappear, conception, mise en scène, chorégraphie et scénographie de Gisèle Vienne

Ce spectacle, créé en 2010 au festival d’Avignon, ne déroge pas à l’univers étrange de l’artiste franco-autrichienne. Formée l’École supérieure nationale des arts de la marionnette, elle transcende les disciplines pour réaliser un théâtre où se côtoient plusieurs langages.

Sur le plateau jonché de feuilles mortes, une vaste forêt. Des fourrés, émergent une gymnaste et son entraîneur. La frêle athlète plie mais ne rompt pas sous le joug de l’homme. Il n’y va pas de main morte et la manipule comme une poupée de caoutchouc. Elle, imperturbable, s’applique à faire des sauts avant et arrière, et autres figures impressionnantes de yoga Iyengar, quand, non loin se profile l’ombre noire d’un rôdeur… Le moniteur (Jonathan Schatz) part à sa poursuite.

L’angoisse monte en même temps que le brouillard envahit la forêt en larges volutes et gagne les premières rangées de spectateurs. s La musique de Stephen O’Malley et Peter Rehberg, présente depuis le début en sourdes nappes sonores, s’amplifie et, sous les lumières de Patrick Riou, les «sculptures de brume», signées de l’artiste japonaise Fujiko Nakaya, font varier le paysage en une série de tableaux à la Caspar David Friedrich du plus bel effet.

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© Silveri

La gymnaste (Nuria Guiu Sagarra) nage avec grâce dans cette matière impalpable, la survole puis y disparaît avec lenteur (comme dit le titre de la pièce). L’image de cette forêt aux vapeurs inquiétantes s’impose longuement, avant qu’un troisième personnage ne sorte du bois, un zombie aux allures romantiques à la Iggy Pop, interprété par un Jonathan Capdevielle à la voix distordue par un dispositif sonore.La jolie rêverie sylvestre vire au cauchemar et le beau prince n’a rien de charmant…. Peu de mots dans cette pièce où tout est laissé à l’imagination. Les quelques textes -en anglais- de Dennis Cooper sont traduits sur écran et les voix diffusées en différé sont ainsi dissociées des corps, comme si elles ne leur appartenaient plus et donne distance et froideur à ces tableaux.

« Questionner la perception, c’est questionner les systèmes de domination et leur déploiement, dit Giselle Vienne. Cette pièce, comme tout mon travail, cherche ainsi aussi à comprendre ce que nous ne sommes pas éduqués à voir et à entendre.» L’artiste nous plonge dans une forêt fantasmée mais rendue par une esthétique hyperréaliste avec des arbres évidés puis reconstitués.

Autour de l’athlète parfaite, une violence sournoise s’insinue, représentée par les figures symboliques et antagoniques du mâle protecteur mais brutal : l’entraîneur, et de l’assassin violeur en rock-star décadente… L’irruption de la brume permet de glisser d’un espace naturaliste à un univers onirique renvoyant à une forêt mythologique comme celle des contes. On peut imaginer, qu’à travers ces expériences sensorielles et spatiales, des allusions au Petit Chaperon rouge croisant le Grand Méchant Loup et les Chasseurs protecteurs – d’ailleurs présent dans le dernier tableau-. Nous pensons  aussi à Marie Trintignant tuée par son compagnon, ou à la joggeuse de Milly-la-Forêt, violée puis tuée par un rôdeur…

Dans cette atmosphère délétère, le jeu des interprètes oscille entre figures et personnages. Le temps s’étire mais Giselle Vienne persiste dans une imagerie orchestrée par la lumière, le son et les corps et… perd les spectateurs en route, une fois passée la magie des trente premières minutes. Entre mouvement et immobilité, parole et silence, le fil dramaturgique s’estompe et nous laisse quelque peu dans le brouillard. Il faudra attendre le magnifique épilogue: un vol de rapaces et de flèches, et des poupées immobiles, grandeur nature, pour retrouver les belles sensations de départ. This is how you will disappear nous offre une part de rêverie troublante… Malgré une perfection esthétique, la forte présence des interprètes et l’univers personnel singulier de la metteuse en scène, ce spectacle ne nous a pas tout à fait  convaincus. Mais d’autres en jugeront sans doute autrement.

 Mireille Davidovici

Jusqu’au 15 janvier, Théâtre National de la Colline, en co-réalisation avec Chaillot-Théâtre National de la Danse, 15 rue Malte-Brun, Paris (XX ème) T. : 01 44 62 52 52 . Les 2 et 3 mars, MC2, Grenoble (Isère).

 

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