Amoureaux, texte et mise en scène de Thelma Trébel

 Amoureaux, texte et mise en scène de Thelma Trébel

 Aux quatre coins de la scène, un escabeau, et au centre, des corps endormis enchevêtrés. Le public regarde étonné comme devant un beau tableau, cet instant d’immobilité et d’attente. Que viennent faire ces escabeaux aux côtés de ces êtres dans les bras de Morphée? Dans un même espace-temps, deux mondes dramatiques opposés : celui de l’imaginaire poétique, de nos rêves, nos désirs et celui impitoyable de l’entreprise et du travail.

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Ce spectacle tout en intelligence, drôlerie et sensibilité, nous offre un récit composée de  deux histoires, non étrangères l’une à l’autre mais issues d’univers opposés: l’un enchanteur, et l’autre réaliste. Mythologie et existence: Tetis: «Mais enfin, Picknocline, on ne peut pas tomber amoureux de l’eau. » Picknocline: « Si.(…) C’était l’histoire d’un type qui ne pouvait pas s’empêcher de regarder son reflet dans un lac. Ou un puits, je ne sais plus. Tellement absorbé par son reflet, qu’il aurait pu se noyer dedans. »

Ici, mélancolie et féérie, humour et dérision, théâtre dans le théâtre ! La création sonore, la musique, comme les lumières, participent à cette représentation de l’étrangeté de l’amour, de la mort et/ou à la pression du travail, de la crise économique et écologique, de nos peurs ! D’un tableau à l’autre, le temps des origines se croise avec celui de notre société occidentale consumériste. L’écriture imagée et surprenante d’invention et de richesse thématique nous invite à une traversée aquatique de l’existence et et des méandres de l’âme humaine: assez inattendu, et non sans humour… Picknocline: «Moi, je trouve que Amoureaux, ça fait plus «amoureux de l’eau » ». Célestin: «L’eau est le reflet de notre âme. »
Sur les bords de l’eau -elle possède comme dans la vie, un rôle capital dans cette fabula- se trouve une usine de traitement de l’eau: Gouttagoutte et son univers impitoyable de l’entreprise.  Gouattagoutte, n’arrive plus à rendre potable le verre d’eau n°42 ! Plus d’eau consommable : il y a  urgence, face aux gens qui meurent de soif !

 Ce premier spectacle de Thelma Trébel et de la compagnie T.R.U.C, d’une rayonnante énergie, est d’une qualité dramaturgique incontestable. Nous ressentons le plaisir avec lequel les interprètes s’emparent de ce texte singulier, organique, sensuel et aux belles métaphores. L’enchaînement rythmé des situations et les mots parfois inventés à la saveur poétique, la construction des personnages et de l’espace-temps, la vivacité des comédiens… témoignent d’une réflexion approfondie sur le discours dramatique et l’écriture théâtrale. Texte et mise en scène sont d’une habileté dramatique peu ordinaire, avec des trouvailles épatantes. Entre autres, celle, astucieuse, des noms des personnages qui passent d’une histoire à l’autre. Celui d’une déesse ou d’un dieu, d’un phénomène scientifique, comme « Picknocline » ou d’un prénom d’aujourd’hui courant comme Henri, ou plus poétique comme Jade ou Ondine…Comme un dédoublement ou un vice et versa du même personnage évoluant d’ une époque intemporelle à celle de notre XXI ème siècle. Dans un des récits, Volga, le nom bien connu du fleuve, devient Oscar, le nouvel employé de l’usine Gouattagoutte, Picknocline prend le prénom de Jade, cheffe d’entreprise. Et celui de Naïa, d’origine arabo-indienne, divinité des rivières et des sources, prend celui d’Ondine, une cliente. Tetis, celui de Célestin employé de longue date dans l’entreprise. Et Odity devient Henri, l’homme à tout faire chez Gouttagoutte.

 L’art du théâtre est aussi la recherche d’une autre langue pour mettre en scène l’histoire humaine avec ses sentiments et conflits. Toujours les mêmes et toujours différents comme les couleurs de l’eau, rythmant cette histoire d’eau riche en théâtralité ! Amoureaux met à l’honneur l’imaginaire et la poésie, l’amour, l’alliénation  du travail en entreprise, dans une réalité transfigurée. Une belle découverte !

 Elisabeth Naud

 Jusqu’au 19 janvier, Théâtre Darius Milhaud, 80 allée Darius Milhaud, Paris ( XIX ème) T. : 01 42 01 92 26.

 

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