Ton Corps- Ma Terre, texte et mise en scène de Tatiana Primakov

Ton Corps-Ma Terre, texte et mise en scène de Tatiana Primakov

Côté cour, deux sièges d’avion perdus dans un vaste espace. Elle, se prépare au décollage. Lui, Le Voyageur gagne le siège voisin avec toutes les contorsions qu’impose la situation, et l’on rit. Un certain ton est donné : cocasse et poétique. Qu’apporte à la passagère, cet inconnu (Raymond Hosny)? Une énigme, la familiarité profonde mais éphémère qui peut s’établir en voyage et une langue musicale. On sent que cette rencontre va l’aider, Elle, dans son épopée. Elle va chercher: « ton corps-ma terre», comme une Eurydice irait tirer son Orphée du coma. Lui, le poète réduit au silence, aura un long chemin à faire pour revenir sur terre, sa terre.

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Hayet Darwich, armature et noyau vital du spectacle, donne toute son énergie et sa persévérance à cette quête. Les autres interprètes jouent les obstacles ou les adjuvants quand, dans une succession d’épreuves, Elle sera confrontée à la résistance de l’institution, de l’hôpital, de la frontière, incarnés par Maly Dialo. Puissante, souveraine en Docteur Z ou en douanière, « principe de réalité » qui empêche, mais sans agressivité, voire même avec un brin de bienveillance. Le couple sera-t-il réuni ? Elle -nous ne lui donnerons pas d’autre nom- travaille, demande, agit pour qu’Il revienne à la vie. Lui (Alexandre Ruby) émerge peu à peu, sans la rejoindre encore, accompagné et soutenu par l’oud, toujours présent, de Yacir Rami.

Une pièce à la fois toujours sous-tendue par la poésie et quelquefois très drôle, quand l’amie (Luana Duchemin) venue apporter des consolations si sentimentales, si émues et exaspérantes, qu’il faudra, elle aussi la consoler. Les autres, en général, sont les petits cailloux qui la font trébucher, Elle et provoquent des étincelles de rire. Mais «cela ne veut pas rien dire » comme l’écrivait Arthur Rimbaud. Dans la poésie de Mahmoud Darwich dont elle s’est beaucoup nourrie, l’autrice a trouvé l’expression d’un sentiment fort et vrai: l’arrachement physique, charnel comme à un corps aimé, que représente l’exil mais aussi la joie de cet attachement.

Un praticable blanc carré suggère l’hôpital et des rideaux, la présence des autres, parfois en ombres chinoises, avec un sol sombre très (trop !) travaillé. Le dispositif scénique, un peu compliqué et explicatif, donne son unité et son ampleur à l’espace de la séparation entre Elle et Lui, et entre Lui et la vie retrouvée. Avec la musique toujours présente de l’oud. Nous n’en dirons pas plus et avons envie de vous laisser découvrir ce spectacle original et d’une réelle poésie. Tatiana Spivakova surtout y a mis beaucoup de son histoire et de ses origines mêlées dans son écriture et sa mise en scène. Comme Hayet Darwich que nous avions déjà vue, aussi vaillante et aussi juste dans Scènes de violences conjugales de Gérard Watkins (encore en tournée). Elles nous emmènent, avec une sorte de naïveté bienvenue, dans un monde indécis où la vraie vie est en jeu.

Christine Friedel

Jusqu’au 28 janvier, Théâtre Public de Montreuil, salle Maria Casarès, 63 rue Victor Hugo, Montreuil (Seine-Saint-Denis). T. : 01 48 70 48 90.

Le Lanceur et autres poèmes, de Mahmoud Darwich  (1941-2008) traduits par Elias Sanbar, avec photos d’Ernest Pignon-Ernest, éditions Actes Sud (2010).
Et L’Exil recommencé, éditions Actes Sud (2018).

 

 

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