Le Syndrome de l’oiseau de Pierre Tré-Hardy, mise en scène de Sara Giraudeau et Renaud Meyer

Le Syndrome de l’oiseau de Pierre Tré-Hardy, mise en scène de Sara Giraudeau et Renaud Meyer

L’auteur dit s’être inspiré de la vie en captivité et des mauvais traitements que dut subir pendant huit ans la jeune Autrichienne Natasha Kampusch enfermée, dans une cache de cinq m2 sous le garage d’un Přiklopil avec une porte d’entrée en acier, doublée de béton, et sans fenêtre. En 2006, elle réussit à s’enfuir et son tortionnaire se suicidera aussitôt. Mais il y eut aussi d’autres jeunes filles séquestrées à Cleveland en 2013, etc. Ici vit Eve, une jeune fille enlevée à huit ans par un homme qui la violera et dont elle aura un petit garçon de trois ans après avoir accouché seule… Tout se passe dans un lieu clos imaginé de façon très réaliste par Jacques Gabel. Un sous-sol sordide avec papier peint qui se décolle, table en bois, linge sèchaant dans un coin sur un fil, petit rayonnage dans une niche avec jouets et livres d’enfants et un vieux piano droit avec au-dessus une fenêtre en longueur qui dispense une lumière blafarde par un voilage qui pendouille. Derrière, une cuisine qu’on ne verra pas et l’amorce d’un couloir avec un digicode à numéro secret qui permet à cet homme d’entrer et sortir de la maison, qu’Eve le veuille ou non. Il tient à tout contrôler et lui laisse juste le soin de faire quelque chose ressemblant à un repas. Eve et Frank mangent tous les deux une purée avec un sachet de poudre qu’elle a vite préparée mais le ton monte vite : «Oh ! Et puis elle est froide, cette bouffe de merde ! Tu n’es même pas foutue de réussir une simple purée. Je te préviens… Ne commence pas. Tu le sais, que si tu commences, c’est moi qui termine ? Hein, tu le sais? Bon. Tu m’emmerdes, voilà. Tu as tout gâché. Ton repas est raté ; le premier mai est raté, et je t’avais préparé une surprise, qui est également ratée à présent.

 

© G. Cittadini

© G. Cittadini

Et il finit par jeter son assiette par terre et la force à en ramasser les morceaux puis à lécher son pouce avec lequel il a essuyé le sol où restait un grain de purée.Totalement soumise, elle ne dit jamais rien et demande toujours la permission pour lui parler. Au mur, des menottes qu’il lui met dès qu’il s’en va : il lui a offert pour le premier mai quelques brins de muguet et un interphone pour la chambre du bébé. Mais il va ensuite au bistrot en la laissant seule avec ce bébé, qui est en fait une fille. Et il la prévient qu’ils vont aller vivre dans le Grand Nord en dans la forêt, pour son plus grand bien à elle évidemment! Oui, mais voilà cet interphone capte aussi les ondes C.B dans un rayon de cinq cent mètres. Et Eve arrive ainsi à communiquer avec un voisin (Denis Podalydès) qui ne croit d’abord pas qu’elle est séquestrée puis qui la prend en charge. Il lui dit de faire chauffer dans de l’eau quelques brins de muguet, un poison toxique pour le cœur mais en grosse quantité ! Et d’inviter Frank à en boire un verre. Mais très méfiant, Adam, qui exige qu’on l’appelle ainsi et non plus Frank, trouve que cette eau sent le produit vaisselle et lui dit de changer de verre avec le sien mais il finit par le boire. Quelques minutes après, pris de violentes douleurs abdominales, il s’écroule au sol et Eve, dans un étonnant instinct de survie, très sûre d’elle, le menotte à la table. Mais il refuse de donner le code quand elle propose fielleusement! d’appeler un médecin…qui, bien sûr, découvrirait cette séquestration. On entendra bientôt des coups dans la porte blindée : grâce au voisin, la police a réussi à géolocaliser Eve. On voit aussi derrière la fenêtre la lumière d’un projecteur. Elle monte alors facilement sur le piano et met sa main sur la vitre pour qu’on la repère. Fin de cette atroce aventure.
Mais la pièce a du mal à prendre son envol et fait du sur-place :les dialogues sont souvent pauvrets et le scénario est tissé d’invraisemblances. Puis dans la deuxième partie, les choses se mettent en place et grâce aux acteurs, tous les deux excellents, les dialogues montent enfin en puissance. Sara Giraudeau a une présence de tout premier ordre et impose vite ce personnage de pauvre fille humiliée, atteinte d’une certaine folie et que Frank veut garder enfermée. Sous une douceur apparente, elle est très impressionnante dans ce personnage de victime qui parle calmement et qui a même une sorte d’empathie pour son bourreau… Malgré une vie misérable, elle semble malgré tout, s’être attachée à lui et ils ont au moins en commun un enfant, même si on ne le verra jamais.

«Je pense, dit la metteuse en scène et aussi interprète d’Ève, que c’est un oiseau emprisonné dans un environnement où Franck a été son seul repère durant dix-huit ans, son attitude envers lui va donc avoir toutes les contradictions qui en découlent. L’amour, la haine, un rapport et un attachement irraisonnés liés à son instinct de survie. L’oiseau, pour moi, reflète tout être humain qui, à la sortie de l’enfance, est amené à voler de ses propres ailes.» Patrik d’Assumçao, en gros bonhomme affable au moins au début mais qui va devenir odieux et violent, et est lui aussi très crédible dans ce rôle pas facile de pervers odieux qui terrorise Eve dès qu’elle fait un geste ou dit quelque chose. Et il gardera jusqu’au bout quelque chose d’inquiétant. Tombé au sol et incapable de se relever , il fait encore peur. Chapeau ! Avec Renaud Meyer, Sara Giraudeau a assuré une mise en scène sobre et précise. Un spectacle à voir surtout pour le jeu sans failles et d’une parfaite unité des ces trois excellents acteurs.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 12 février, Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VIII ème).

 

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