Création 2023 de la chorégraphe Ambra Senatore
Création 2023 de la chorégraphe Ambra Senatore
La chorégraphe présente cette pièce, sans titre pour l’instant dans le cadre du festival Trajectoires, qu’elle a initié en prenant la tête du Centre Chorégraphique National de Nantes en 2016. Il se déroule à présent en partenariat avec dix-sept lieux de la ville et des alentours jusqu’à Rezé, Saint-Herblain et Saint-Nazaire, avec, cette année, vingt-six spectacles. Nous avions rencontré Ambra Senatore lors d’une déambulation malicieuse au Palais de la Venaria Reale de Turin en 2016, dans le cadre du festival Teatro a Corte. Une performance qu’elle repris cette année-là au château de Chambord. Puis avec Pièces au Théâtre des Abbesses à Paris (voir Le Théâtre du blog).
On retrouve la même liberté de ton dans la nouvelle création de l’artiste turinoise. Présente sur scène, avec Youness Aboulakoul, Pauline Bigot, Pieradolfo Ciulli, Matthieu Coulon Faudemer, Lee Davern, Olimpia Fortuni, Chandra Grangean, Romual Kabore, Alice Lada, Antoine Roux-Briffaud, Marie Rual. Sur le plateau nu, flanqué à l’arrière de deux hauts et étroits rideaux noirs, les interprètes représentent avant tout un groupe d’individus qui se distinguent les uns des autres par des vêtements banals colorés et des gestuelles personnelles répétées dans les moments de silence, entre les musiques qui les entraînent dans une danse collective. Jonathan Seilman a habilement adapté et rythmé des morceaux classiques : Moonlight Sonata #14 Op. 27 n°2 (III. Presto Agitato), de Ludwig van Beethoven, un court extrait du Requiem de Mozart (Mass in D Minor) et, pour finir, la Sérénade de Schubert (Ständchen, D. 957.).
«C’est toujours la même forme mais un peu différente qui se répète et en rhizome, ça se répond », annonce Ambra Senatore en préambule. La chorégraphie, fondée sur les interactions entre les artistes, à deux, trois ou plus, mêle, comme d’habitude chez elle, danse et théâtre, dans un univers quotidien. Les artistes échangent parfois quelques mots, à propos d’un objet égaré, un sandwich ou autres broutilles, mais aussi de la paternité et de sujets plus graves. Ces phrases reviennent régulièrement, comme leurs gestes, et les spectateurs s’amusent à repérer ces attitudes ainsi que les discrètes variations des costumes, notamment le gilet d’Ambra Senatore successivement vert, bleu, jaune… Chacun peut puiser dans ces micro-actions, relever des détails signifiants et construire son parcours à travers cette pièce faussement informe.
Mais la musique a tôt fait d’emporter toute la troupe dans un mouvement choral, puis à la fin, dans une ribambelle où les artistes cherchent à inclure le public, ravi d’être sollicité. «L’humain traverse toutes mes pièces, dit Ambra Senatore. Je cherche une danse qui rencontre les gens et leur propose une relation humaine, laissant place à la fragilité au sens critique, au partage et à l’humour. » Ainsi, elle entend partager son affliction pour les femmes iraniennes, en proposant, dans la feuille de salle, un texte de la poétesse Forough Farrokhzad* : «Nous avons rencontré ce poème qui résonne avec la pièce, dit-elle au public.» La chorégraphe a réuni douze personnes «avec l’envie de réfléchir avec nos corps et nos esprits sur la relation entre individus et collectif ». On ne peut mieux définir cette pièce ouverte, généreuse et drôle. Ambra Senatore revendique un ancrage dans le quotidien, observé à la loupe, puis le renverse, jusqu’à ce que la danse se théâtralise. Sous des apparences de fausse imperfection, ce chaos s’articule avec précision sous l’impulsion de la musique et des mouvements. Un bel appel d’air dans la danse contemporaine.
Mireille Davidovici
Spectacle vu le 21 janvier au Lieu Unique, Nantes (Loire-Atlantique).
Festival Trajectoires, du 11 au 22 janvier, Centre chorégraphique national de Nantes 23 rue Noiré, Nantes. T. : 02 40 93 30 97.
Le 8 février KLAP, Maison pour la danse, Marseille (Bouches-du-Rhône), en co-réalisation avec LE ZEF, scène nationale de Marseille.
Du 5 au 8 avril, Le Monfort Théâtre Paris (XV ème). Programmation hors les murs du Théâtre de la Ville à Paris
Le 13 avril, Scène Nationale de Dieppe (Seine-Maritime)
* Je saluerai encore le soleil de Forough Farrokhzad (1935-1967) tiré du recueil Une autre naissance éditions Héros-Limite…